Rapport n° 349 (2003-2004) de M. Philippe FRANÇOIS , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 16 juin 2004

Disponible au format Acrobat (247 Koctets)

N° 349

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 juin 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur :

- le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure ,

- le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière d' affaires intérieures ,

- le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure ,

- le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et la Russie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de lutte contre la criminalité .

Par M. Philippe FRANÇOIS

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Jean-Marie Poirier, Guy Penne, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Bernard Mantienne, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Voir les numéros :

Sénat : 165 , 166 , 167 et 307 (2003-2004)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Gouvernement a déposé le 21 janvier 2004 quatre projets de loi tendant à autoriser l'approbation d'accords de coopération en matière de sécurité intérieure, à savoir :

- l'accord relatif à la coopération en matière d'affaires intérieures signé à Bratislava le 7 mai 1998 avec la Slovaquie ;

- l'accord relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure signé à Sofia le 10 avril 2002 avec la Bulgarie ;

- l'accord relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure signé à Paris le 6 décembre 2002 avec le Tadjikistan ;

- et l'accord relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de lutte contre la criminalité signé à Paris le 10 février 2003 avec la Russie.

Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord avec la Russie a été déposé à l'Assemblée nationale, qui l'a adopté le 11 mai dernier. Les trois autres projets de loi ont été déposés au Sénat.

Ces quatre accords comportent des dispositions similaires qui reprennent pour une très large part celles figurant dans la vingtaine de textes de même nature déjà conclus entre la France et d'autres pays 1 ( * ) , qu'il s'agisse de pays proches, comme nos voisins européens, l'Algérie ou le Maroc, ou de pays plus lointains comme la Colombie, le Mexique ou la Chine.

L'ensemble de ces accords intergouvernementaux ont été rédigés sur la base d'un accord-type. Ils donnent une base juridique harmonisée à notre coopération policière. Certains d'entre eux consacrent une coopération ancienne et bien établie. D'autres visent plutôt à développer ces coopérations dans des zones jugées sensibles du point de vue de la criminalité organisée, de l'immigration illégale, du trafic de drogue ou du terrorisme.

Votre rapporteur présentera le dispositif commun à ces quatre accords ce coopération en matière de sécurité intérieure avant d'évoquer succinctement les principales caractéristiques des actions conduites en commun entre la France et chacun des quatre Etats concernés.

I. LE DISPOSITIF COMMUN AUX QUATRE ACCORDS DE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

Les accords de coopération en matière de sécurité intérieure se présentent comme des « accords-cadres » fixant les principes généraux de la coopération policière. Ils marquent également la volonté politique des pays partenaires de coopérer en matière de sécurité intérieure et de faciliter l'assistance mutuelle.

A. LES DOMAINES DE COOPÉRATION

Chacun des quatre accords pose le principe d'une coopération opérationnelle et technique , ainsi que d'une assistance mutuelle entre les deux parties, dans toute une série de domaines touchant à des activités criminelles à dimension transnationale.

Les quatre accords mentionnent, parmi ces domaines de coopération, la lutte contre la criminalité organisée, contre le trafic illicite des stupéfiants, des substances psychotropes et de leurs précurseurs, contre le terrorisme, contre les infractions à caractère économique et financier, notamment le blanchiment de fonds, contre l'immigration illégale et contre le trafic d'armes.

Les accords avec la Bulgarie, le Tadjikistan et la Russie couvrent également la lutte contre la traite des êtres humains, la lutte contre les faux et les contrefaçons de moyens de paiement ou de documents officiels, la lutte contre le vol et le trafic illicite de biens culturels et d'objets d'art et la lutte contre les atteintes à la sûreté des moyens de transport, notamment aériens.

Certains accords visent des domaines plus spécifiques : la lutte contre les trafics d'organes (Tadjikistan) ; la lutte contre la criminalité dans le domaine informatique (Tadjikistan, Russie) ; la lutte contre le trafic de voitures volées (Bulgarie, Russie).

B. LES FORMES DE LA COOPÉRATION

La coopération et l'assistance mutuelles peuvent prendre diverses formes.

1. La coopération opérationnelle

La coopération opérationnelle passe essentiellement par la communication d'informations sur les personnes soupçonnées, sur les activités et les méthodes des réseaux criminels ou des groupes terroristes, ainsi que par la conduite d'actions policières concertées.

Elle concerne trois principaux domaines faisant l'objet de développements particuliers.

En matière de lutte contre le terrorisme , les échanges d'information portent sur les actes de terrorisme projetés ou commis, aux modes d'exécution et aux moyens techniques utilisés, aux groupes terroristes et à leurs membres dès lors qu'ils ont commis ou projettent de commettre des actes terroristes sur le territoire de l'une des parties.

Dans le domaine de la lutte contre les activités liées à la production et au trafic de stupéfiants , de substances psychotropes et de leurs précurseurs, les quatre accords prévoient des mesures coordonnées et divers types d'échanges :

- échanges d'informations relatives aux personnes se livrant au trafic, à leurs méthodes, leurs caches, leurs moyens de transport, aux lieux de provenance, de transit et de destination ;

- échanges d'informations opérationnelles sur les méthodes courantes du commerce international illicite des stupéfiants ;

- échanges d'informations sur les résultats de recherches en criminalistique et en criminologie menées dans le domaine du trafic illicite des stupéfiants ;

- échanges d'échantillons de stupéfiants et de substances psychotropes ou d'informations techniques sur les prélèvements effectués ;

- échanges de résultats d'expériences relatives au contrôle et au commerce légal de stupéfiants.

Enfin, les quatre accords stipulent que les parties coopèrent à la prévention et à la recherche des faits punissables liés aux différentes formes de la criminalité internationale . Cette coopération prend la forme d'échanges d'informations sur les personnes soupçonnées et sur la structure et le fonctionnement des organisations criminelles, ainsi de mesures coordonnées et d'assistance réciproque en personnel et en matériel. Chaque partie peut demander à l'autre de prendre les mesures policières nécessaires à la mise en oeuvre de l'accord. Les parties se communiquent également les informations relatives aux méthodes et aux nouvelles formes de la criminalité internationale, elles échangent leurs résultats de recherches en criminalistique et criminologie et s'informent mutuellement de leurs méthodes d'enquête et moyens de lutte contre le criminalité internationale. Les trois accords les plus récents (Bulgarie, Tadjikistan et Russie) prévoient également des échanges de spécialistes en matière de lutte contre la criminalité internationale.

L'accord avec la Slovaquie prévoit des dispositions spécifiques sur la coopération dans le domaine de la sécurité civile et de la protection anti-incendie : échanges d'informations et d'expériences, formation de spécialistes, assistance en cas de catastrophe naturelle ou technologique, y compris pour l'envoi d'équipes spécialisés d'expert ou de secours, les frais étant pris en charge par la partie requérante.

L'accord avec la Bulgarie prévoit une coopération dans le domaine de l'escorte de personnes dans le cadre de mesures d'expulsion ou d'extradition ou de transfert de personnes condamnées, ainsi que dans le domaine de l'escorte de chargements spéciaux (matières radioactives, explosives ou toxiques, armes).

L'accord avec la Russie comporte une disposition relative aux mesures de lutte contre l'immigration illégale, en particulier s'agissant des filières d'immigration et des fraudes documentaires.

2. La coopération technique

La coopération technique englobe pour sa part des actions de formation générale et spécialisée de personnels, des échanges d'informations et d'expériences professionnelles ainsi que de documentation spécialisée, le conseil technique et l'accueil réciproque de fonctionnaires et d'experts. Elle fait l'objet d'une programmation annuelle établie par les deux pays partenaires.

L'accord avec la Slovaquie comporte également un titre consacré à la coopération dans le domaine de l'administration publique, en particulier s'agissant des dispositions relatives aux droits civiques et aux libertés publiques (traitement automatisé des données nominatives, régime des réunions et manifestations publiques), de l'administration publique et de la gestion des collectivité terrioriales.

3. Une coopération non contraignante

Les accords ne créent pas véritablement pour chaque partie une obligation absolue de coopérer ou de répondre aux demandes d'assistance.

Chacun des quatre accords stipule que la coopération et l'assistance mutuelle s'effectuent dans le respect des législations nationales .

D'autre part, l'engagement général souscrit par chaque partie ne lui interdit pas de refuser de donner suite à une demande si elle estime que son acceptation porterait atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à l'ordre public ou à ses intérêts essentiels. Selon les accords, d'autres motifs de refus sont mentionnés : risque d'atteinte aux droits fondamentaux de la personne (Bulgarie, Tadjikistan), risque d'atteinte aux règles d'organisation et de fonctionnement de l'autorité judiciaire (Bulgarie, Tadjikistan), contradiction avec les dispositions de droit interne en matière de secret de la procédure pénale (Russie).

C. LES AUTRES DISPOSITIONS

Chaque accord prévoit des dispositions précises concernant la protection des données nominatives transmises au pays partenaire. L'usage qui peut être fait de ces données, le type d'autorités pouvant y avoir accès, la durée durant laquelle elles peuvent être conservées sont strictement encadrées.

La partie destinataire des données nominatives ne peut les utiliser qu'aux fins et conditions définies par la partie émettrice. Elle doit informer cette dernière de l'usage qui en est fait et des résultats obtenus. La transmission des données à d'autres autorités que celles au nom desquelles la demande a été formulée nécessite l'accord de la partie émettrice. Les données doivent être détruites dès qu'elles n'ont plus d'usage pour la partie destinataire, et en tout état de cause en cas de dénonciation ou de non-reconduction de l'accord. Chaque partie doit également tenir un registre des données communiquées et de leur destruction.

II. LA MISE EN OEUVRE DE LA COOPÉRATION AVEC LA SLOVAQUIE, LA BULGARIE, LE TADJIKISTAN ET LA RUSSIE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

Sur un plan concret, la mise en oeuvre des accords est étroitement liée aux caractéristiques des activités criminelles dans chacun des pays concernés.

A. LA COOPÉRATION AVEC LA SLOVAQUIE

La Slovaquie abritait peu d'organisations criminelles à vocation internationale et représentait surtout un pays de transit et une base avancée pour certains trafics : trafic de drogue en provenance des Balkans, immigration illégale ou encore contrebande. Dans la période récente, le phénomène mafieux, à dominante ukrainienne, s'est accentué. La criminalité liée au trafic de stupéfiants, au pillage et au trafic de biens culturels et au proxénétisme s'est aggravée. De même, pour des associations mafieuses russes comme Solnstevo, la Slovaquie représente une tête de pont pour l'accès à l'espace communautaire .

Depuis septembre 1997, et en application de l'accord de réadmission et de l'accord général de sécurité signés avec la Slovaquie en mars 1997, un attaché de sécurité intérieure est en poste à l'ambassade de France à Bratislava.

Membre de l'Union européenne depuis le 1er mai, la Slovaquie a modifié sa législation sur l'entrée et le séjour des étrangers et a réformé sa police de l'air et des frontières afin d'unifier au sein d'un même service toutes les unités chargées de la surveillance des frontières et de la lutte contre l'immigration irrégulière , sur laquelle un accent particulier a été mis, compte tenu des risques d'immigration irrégulière transitant par l'Ukraine.

La France et l'Autriche ont été chargées de coordonner les programmes de soutien financés par des fonds européens. Les fonctionnaires français en poste à notre ambassade en Slovaquie ou détachés temporairement dans des services slovaques sont donc impliqués dans cette mission d'assistance.

B. LA COOPÉRATION AVEC LA BULGARIE

La Bulgarie est pour sa part un pays très fortement touché par le crime organisé et la corruption. Il s'agit d'ailleurs de l'un des points les plus critiques dans la préparation du pays à son adhésion à l'Union européenne, envisagée pour le 1 er janvier 2007.

A l'occasion de la conférence ministérielle sur « Les routes de la drogue », tenue le 22 mai 2003 à Paris, le vice-ministre des affaires étrangères bulgare avait produit un document de présentation de la situation de la drogue en Bulgarie selon lequel 356 groupes criminels organisés avaient été identifiés en 2002.

Le trafic d'héroïne est réalisé et contrôlé par des organisations de trafiquants internationaux dans lesquelles les fonctions dirigeantes sont occupées par des personnes d'origine turque et albanaise. Bien structurées et disposant d'énormes ressources financières, ces organisations font preuve de grande souplesse et changent souvent les méthodes pratiquées pour le transport, afin de minimiser le risque. Les organisations de trafiquants sur le territoire turc conservent leur rôle dominant, mais les groupes organisés originaires du Balkan occidental, y compris du Kosovo et d'Albanie, demeurent également très actifs.

En dépit du recours à d'autres itinéraires plus longs (la route dite de la Soie, par le Turkménistan, la mer Caspienne et le Caucase jusqu'à la mer Noire et la Turquie, puis par voie maritime vers l'Italie et d'autres pays européens), la filière balkanique du trafic d'héroïne est loin de s'amenuiser. En outre, la part du trafic destinée à la consommation intérieure s'accroît.

La Bulgarie est aussi devenu un pays de transit dans le trafic de cocaïne en provenance d'Amérique latine, les syndicats de la drogue sud-américains recherchant des itinéraires moins risqués et utilisant les filières d'acheminement d'héroïne déjà constituées sur la voie balkanique.

Le trafic de marijuana d'Albanie vers la Turquie, à travers la Bulgarie, est pour sa part organisé par des organisations criminelles albanaises, en vue de l'échange contre de l'héroïne.

Par ailleurs, de nombreuses affaires impliquant des Bulgares ont été mises au jour en France, que ce soit dans le proxénétisme et la prostitution, la contrefaçon de billets de banque ou le trafic de voitures volées.

La coopération policière avec la Bulgarie a donc fait l'objet d'une attention toute particulière. Un protocole de coopération a été signé le 27 janvier 2003 pour renforcer la lutte contre l'immigration clandestine et la traite des êtres humains. Cet accord s'accompagne d'un plan d'action pour la période 2003-2004 dans les domaines de la lutte contre l'immigration clandestine, l'exploitation économique de personnes en séjour irrégulier et la lutte contre la traite des êtres humains, en mettant l'accent sur le renforcement du travail opérationnel pour déceler et neutraliser des réseaux criminels.

Le 19 février 2003, M. Nicolas Sarkozy s'est rendu à Sofia aux fins d'une première évaluation de la coopération opérationnelle développée dans le cadre de ce plan d'action.

Plusieurs fonctionnaires français ont été détachés pour des missions de conseil afin d'aider les autorités bulgares à améliorer leur organisation de lutte contre la criminalité organisée. De même, les services français ont accueilli durant plusieurs mois leurs homologues bulgares pour qu'ils se forment aux méthodes françaises et mesurent nos types de préoccupations.

C. LA COOPÉRATION AVEC LE TADJIKISTAN

Le Tadjikistan figure également au rang des pays avec lequel la France a intérêt à développer une coopération policière. Il dispose d'une frontière très perméable de 1.340 kilomètres avec le nord de l'Afghanistan, lui aussi peuplé de Tadjiks. C'est donc la voie privilégiée d'évacuation de l'opium , dont l'Afghanistan demeure le premier producteur mondial. En 2001, 80% de l'héroïne saisie en Asie centrale l'avait été au Tadjikistan. Les autorités tadjikes ont créé, avec la soutien du programme des Nations-unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID), une Agence de contrôle des drogues placée sous l'autorité du chef de l'Etat et soucieuse de coopérer avec les services étrangers.

Dans une moindre mesure, le Tadjikistan possède également une position utile du point de vue de la lutte contre le terrorisme islamique.

Nos relations avec le Tadjikistan étaient pratiquement inexistantes avant l'automne 2001 et l'établissement à Douchanbé d'un détachement aérien français pour le soutien aux opérations d'Afghanistan. La conclusion d'un accord bilatéral de sécurité intérieure, en décembre 2002, jette donc les bases d'une coopération qu'il reste désormais à concrétiser.

D. LA COOPÉRATION AVEC LA RUSSIE

La Russie abrite également sur son territoire nombre d'activités criminelles à dimension transnationale.

La Russie reste une zone très sensible au regard du trafic international d'héroïne provenant d'Afghanistan et des pays d'Asie centrale. Elle constitue un pays de transit vers l'Europe, mais aussi de plus en plus un pays de consommation. Les gangs internationaux opérant sur cette route de la drogue se spécialisent, les uns dans la contrebande en provenance d'Afghanistan, les autres dans l'acheminement vers la Russie, les pays de la CEI et l'Europe et d'autres enfin dans l'écoulement des produits vers les consommateurs.

Au delà de ce problème majeur, on sait que les organisations criminelles ont prospéré en Russie et qu'elles étendent leur ramifications sur le reste du continent dans de très nombreux domaines : proxénétisme, blanchiment, trafics divers.

La coopération franco-russe en matière policière était étroite avant même la conclusion de l'accord bilatéral. Un attaché de sécurité intérieure est en poste à Moscou depuis juin 1999 et il est assisté d'un adjoint depuis septembre 2000. Des échanges de renseignements opérationnels entre services d'enquête français et russes, notamment sur le trafic de stupéfiants, s'effectuent régulièrement.

Il faut également signaler que depuis novembre 2003, un accord de coopération entre Europol et la Russie prévoit des échanges d'informations techniques et stratégiques.

Plus globalement, la coopération bilatérale franco-russe s'inscrit dans les priorités du « Plan d'action pour la lutte contre la criminalité organisée » adopté en avril 2000 par la Russie et l'Union européenne . Les officiers de liaison français à Moscou sont en charge, avec leurs homologues européens, de la mise en oeuvre et du suivi de ce plan qui inclut notamment des actions de formation des personnels et d'assistance à la réorganisation des services de police. Le programme indicatif 2004-2006 alloue près de 90 millions d'euros, dans le cadre des fonds Tacis, pour la coopération Union européenne - Russie dans les domaines des réformes judiciaires (32 millions d'euros), de lutte contre le crime organisé, notamment la corruption, le blanchiment, les trafics (20 millions d'euros), les questions de migration (20 millons d'euros) et les actions de soutien à la société civile (20 millions d'euros). En outre, une enveloppe spéciale de 25 millions d'euros est prévue pour le développement de l'enclave de Kaliningrad, un volet sécuritaire étant envisagé compte tenu des activités criminelles qui s'y sont développées.

CONCLUSION

Ces quatre accords conclus avec la Slovaquie, la Bulgarie, le Tadjikistan et la Russie sont de nature à renforcer notre coopération policière avec des pays sensibles du point de vue des activités criminelles transnationales, dont on sait qu'elles pèsent de plus en plus sur les différentes formes de délinquance constatées sur le territoire national.

La coopération internationale constitue en effet une dimension désormais indispensable de l'action policière. Elle relève, au ministère de l'Intérieur, du Service central de coopération internationale de police (SCTIP) qui fournit une cinquantaine d'attachés de police dans les ambassades françaises à l'étranger et un nombre équivalent d'officiers de liaison directement détachés au sein de services opérationnels de pays étrangers.

Les accords bilatéraux en matière de sécurité intérieure donnent une base juridique à notre coopération opérationnelle et technique. Ils contribuent à accélérer le développement de cette coopération, particulièrement dans les pays considérés comme essentiels du point de vue des retombées pour la sécurité intérieure française.

La Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande d'adopter les quatre projets de loi autorisant l'approbation des accords de coopération policière avec la Slovaquie, la Bulgarie, le Tadjikistan et la Russie.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 16 juin 2004, sous la présidence de M. André Dulait, président.

À la suite de l'exposé du rapporteur, M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur les bénéfices concrets à attendre de tels accords dans des pays touchés par des activités criminelles organisées de grande ampleur. Il a évoqué le cas de la Bulgarie, où le nombre de véhicules volés en circulation est tel que le Parlement a voté une loi régularisant la situation de leurs propriétaires.

M. Xavier de Villepin a lui aussi exprimé son inquiétude face aux difficultés de la lutte contre des activités transnationales et extrêmement mobiles. S'agissant du Tadjikistan, il s'est étonné que la Russie souhaite retirer les gardes-frontières qu'elle affectait, dans ce pays, à la surveillance de la frontière avec l'Afghanistan, en craignant que la lutte contre le trafic de drogue ne s'en trouve affaiblie.

M. André Rouvière a souligné que l'efficacité de la coopération policière supposait une ferme volonté de nos partenaires de lutter contre la criminalité organisée. Par ailleurs, il a souhaité savoir si ces derniers contribuaient au financement des actions de coopération mises en place par la France.

En réponse à ces interventions, M. Philippe François, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- face à la criminalité transnationale organisée, la coopération opérationnelle et technique en matière policière comporte des limites mais demeure néanmoins indispensable ;

- la sécurité de la frontière tadjiko-afghane est actuellement assurée par le service des gardes-frontières russe, avec une majorité de conscrits tadjiks et un encadrement russe ;

- les actions d'assistance technique conduites par la France sont financées par le budget français, au titre de notre coopération internationale.

La commission a ensuite adopté les quatre projets de loi.

PROJETS DE LOI

1) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique 2 ( * )

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Paris le 6 décembre 2002.

2) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière d'affaires intérieures

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique 3 ( * )

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière d'affaires intérieures, signé à Bratislava le 7 mai 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi.

3) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique 4 ( * )

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Sofia le 10 avril 2002.

4) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de lutte contre la criminalité

(Texte adopté par l'Assemblée nationale)

Article unique 5 ( * )

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de lutte contre la criminalité, signé à Paris le 10 février 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.

ANNEXE -
ETUDES D'IMPACT6 ( * )

1) Projet de loi autorisant la ratification de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

----

I - Etat du droit et situation de fait existants et leurs insuffisances :

Pays enclavé de l'Asie centrale, indépendant depuis une décennie, le Tadjikistan a subi les conséquences d'une guerre civile meurtrière et du long conflit en Afghanistan.

Bien qu'encore imparfaites, les conditions de sécurité se sont néanmoins considérablement améliorées par rapport aux années précédentes et cela a permis de ramener une relative stabilité.

Le Tadjikistan, dont les frontières sud sont contrôlées avec le concours de onze mille gardes frontières russes, est situé sur l'une des routes qui permettent d'acheminer l'héroïne afghane en Russie et, au delà, en Europe occidentale. Les saisies de drogue, tout particulièrement d'héroïne, ont considérablement augmenté au milieu des années 1990. Ainsi, malgré la défaite du régime taliban, le trafic de drogue en provenance d'Afghanistan continue, même s'il a connu un certain ralentissement dans les premiers mois de l'intervention de la coalition.

Eu égard au rôle du pays dans le trafic des stupéfiants, l'Agence de contrôle des drogues tadjike est un partenaire à privilégier. Ce service, créé avec le soutien du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID), dépend directement du Président de la République du Tadjikistan. Il est l'un des services les plus ouverts, sinon le plus ouvert, à la coopération internationale en Asie centrale.

II - Bénéfices escomptés en matière :

* d'emploi

Sans objet

* d'intérêt général

Cet accord, dont l'objectif est d'améliorer la coopération en matière de sécurité intérieure, est une des réponses, sur le plan bilatéral, pour lutter plus efficacement contre la criminalité organisée et ses répercussions, en permettant notamment aux services de police de procéder à des échanges d'information pouvant porter sur des données à caractère personnel.

En outre, compte tenu de l'importance jouée par le Tadjikistan comme pays de transit de produits stupéfiants et notamment de l'héroïne, la coopération policière avec les services de police tadjikes constitue un enjeu important.

* d'incidences financières

A ce stade, il n'est pas prévu d'affecter un attaché de sécurité intérieure à Douchambé, la coopération directe continuant de s'exercer par l'intermédiaire de l'attaché régional de Tachkent (Ouzbékistan) et de son adjoint en poste à Almaty (Kazakhstan).

Le coût d'éventuelles missions ponctuelles d'experts en formation ne peut être, pour l'heure, évalué avec précision, mais demeurera en tout état de cause modeste.

* de simplification des formalités administratives

Cet accord organise, dans un cadre juridique précis, des échanges d'informations et la communication de données entre les deux parties. Ces dispositions pourraient rendre plus aisées les demandes françaises en la matière et permettre de les voir traitées dans un délai écourté.

* de complexité de l'ordonnancement juridique

Cet accord bilatéral ne fait que compléter le dispositif contractuel établi par la France avec un certain nombre d'Etats pour mieux lutter contre la criminalité internationale.

2) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

----

I - Etat du droit et situation de fait existants et leurs insuffisances :

La coopération avec la Bulgarie a débuté en février 1992. Ce pays bénéficie du concours de l'Allemagne, de l'Italie, et des Pays scandinaves qui ont affecté à Sofia des attachés de sécurité intérieure ou des officiers de liaison. La Grande-Bretagne, pour sa part, y dispose d'un douanier spécialisé dans le domaine de la lutte contre les trafics de stupéfiants.

L'objectif principal de la Bulgarie est son intégration à l'Union européenne. Néanmoins, et malgré les projets de réforme, la faiblesse des salaires, génératrice de corruption rampante, le centralisme bureaucratique, le sous-équipement, la vétusté des installations et la défiance de la population vis à vis des institutions policières et judiciaires entravent l'efficacité du gouvernement bulgare.

Ainsi, mue par la volonté d'asseoir sa coopération avec la France, dans un cadre juridique précis, la Bulgarie a signé, le 10 avril 2002, à Sofia, un accord en matière de sécurité intérieure.

II - Bénéfices escomptés en matière

* d'emploi :

Sans objet.

* d'intérêt général

Cet accord, dont l'objectif est d'améliorer la coopération en matière de sécurité intérieure est une réponse sur le plan bilatéral pour lutter plus efficacement contre la criminalité organisée en favorisant tant l'échange d'expériences et de pratiques professionnelles que d'informations pouvant porter sur des données à caractère personnel. L'intérêt spécifique de l'accord avec la Bulgarie tient à la position géographique de ce pays, au débouché des filières de drogue afghanes et de traite des êtres humains en provenance d'Ukraine et de Russie.

La collaboration avec les autorités bulgares peut aider à freiner en amont l'activité des organisations criminelles originaires de l'ex-URSS, auxquelles il convient d'ajouter l'action des groupes turcs et albanais qui se servent du territoire bulgare comme zone de transit.

* d'incidences financières :

Le coût de cette coopération bilatérale n'est pas aisé à évaluer à ce stade, mais, en tout état de cause, il demeurera modeste eu égard aux coûts engendrés pour le système de santé et le budget français par ces délits.

* de simplification des formalités administratives

Cet accord organise, dans un cadre juridique précis, des échanges d'informations et la communication de données entre les deux Parties. Ces dispositions pourraient rendre plus aisées les demandes françaises en la matière et permettre de les voir traitées dans un délai écourté.

* de complexité de l'ordonnancement juridique

Cet accord bilatéral ne fait que compléter le dispositif contractuel établi par la France avec un certain nombre d'États pour mieux lutter contre la criminalité internationale.

Il convient enfin de préciser que, se fondant sur le présent accord, un protocole de coopération entre le Ministère de l'Intérieur de Bulgarie et le Ministère de l'Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales français a été signé le 27 janvier 2003, à Paris.

3) Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière d'affaires intérieures

----

I - État du droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

A la suite de la partition de la Tchécoslovaquie, les autorités slovaques ont été reconnues en 1993 par la majeure partie de la communauté internationale, mais la France avait établie des liens de coopération avec la Slovaquie dès novembre 1992.

En mars 1997, un accord de réadmission et un accord général de sécurité ont été signés entre la France et la Slovaquie, ce qui a conduit à l'affectation à l'Ambassade de France à Bratislava d'un attaché de sécurité intérieure en septembre 1997.

Dans le contexte des négociations d'adhésion à l'Union européenne, qui ont conduit à la signature du Traité d'Athènes du 16 avril 2003, la Slovaquie a réalisé le retard de ses structures sécuritaires. En effet, la Slovaquie doit faire face à une montée régulière de la délinquance et, en particulier, le phénomène mafieux, à dominante ukrainienne, semble s'aggraver depuis peu. La criminalité, et surtout celle liée au trafic des stupéfiants, au pillage et au trafic des biens culturels, au proxénétisme, notamment des mineurs, est en augmentation rapide. Il convient de souligner que la République slovaque est située sur le grand axe dit «route des Balkans», servant ainsi de pays de transit ou de rebond pour les différents flux illicites.

En conséquence, la position de la Slovaquie en matière de coopération s'est infléchie, puisque celle-ci, limitée jusqu'en 1995 aux pays strictement limitrophes, évolue désormais vers des relations bilatérales plus larges. A ce titre, mue par la volonté d'asseoir sa coopération avec la France dans un cadre juridique précis, la République slovaque a signé, le 7 mai 1998, à Bratislava, un accord relatif à la coopération en matière d'affaires intérieures.

II - Bénéfices escomptés en matière :

* d'emploi :

Sans objet.

* d'intérêt général :

Cet accord, dont l'objectif est d'améliorer la coopération en matière d'affaires intérieures (coopération en matière policière, en matière de sécurité civile et incendie et dans le domaine de l'administration publique), est une réponse sur le plan bilatéral pour lutter plus efficacement contre la criminalité organisée en favorisant tant l'échange d'expériences et de pratiques professionnelles que l'échange d'informations pouvant porter sur des données à caractère personnel.

En outre, l'intérêt spécifique de cet accord provient du fait que la République slovaque joue un rôle de plaque tournante dans la mesure où elle est située sur le grand axe nommé «route des Balkans».

* d'incidences financières :

Le coût financier de cet accord devrait être particulièrement minime, puisque l'échange de spécialistes se fera sous forme réciproque et que, dans le cas de secours après une catastrophe, les dépenses sont prises en charge par la Partie demanderesse.

* de simplification des formalités administratives :

Cet accord organise, dans un cadre juridique précis, des échanges d'informations et la communication de données entre les deux Parties. Ces dispositions pourraient rendre plus aisées les demandes françaises en la matière et permettre de les voir traitées dans un délai écourté.

* de complexité de l'ordonnancement juridique :

Cet accord bilatéral ne fait que compléter le dispositif contractuel établi par la France avec un certain nombre d'États pour mieux lutter contre la criminalité internationale.

* 1 Outre la Slovaquie, la Bulgarie, le Tadjikistan et la Russie : l'Afrique du sud, l'Algérie, l'Allemagne, la Belgique, la Chine, la Colombie, l'Espagne, le Royaume-Uni, la Grèce, la Hongrie, l'Italie, le Luxembourg, la Macédoine, Malte, le Maroc, le Mexique, les Pays-Bas, la Pologne et la Roumanie.

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 165 (2003-2004)

* 3 Voir le texte annexé au document Sénat n° 166 (2003-2004)

* 4 Voir le texte annexé au document Sénat n° 167 (2003-2004)

* 5 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 1 365 (12 ème législature)

* 6 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page