2. b. Quelques évaluations empiriques

On estime ici une équation expliquant les dépenses de santé par habitant par les différents facteurs cités plus haut. Dans l'équation de référence , l'évolution des dépenses de santé par habitant est expliquée par le PIB par habitant, le prix relatif des soins par rapport au prix du PIB, et une tendance temporelle, qui représente le progrès technique commun à tous les pays.

Le modèle est estimé en panel avec des effet fixes par pays et en supposant que les coefficients sur les différentes variables explicatives sont identiques dans tous les pays (encadré 2). Les résultats doivent être interprétés avec précaution en raison de la dimension relativement limitée du panel. Ils montrent qu'une hausse du PIB par tête de 1% entraîne, toutes choses égales par ailleurs, une hausse des dépenses par habitant proche de 1%. Il ne faut pourtant pas en conclure que les dépenses de santé augmentent au même rythme que le PIB par tête, car parallèlement la tendance autonome indique que les dépenses par habitant augmentent de 1% par an indépendamment de l'évolution du PIB par habitant. Enfin, les dépenses de santé par habitant diminuent de 0,7% lorsque le prix des soins augmente de 1% par rapport au prix du PIB.

A partir de cette relation de référence, on examine tour à tour l'impact de trois facteurs cités plus haut 34 ( * ) : la part de financement des dépenses par les ménages (facteur de demande), la densité médicale (facteur d'offre) et le cadre institutionnel (mode de rémunération des médecins ou type de système - contrat, remboursement ou intégré). Les résultats sont détaillés dans l'encadré 2.

Une hausse de 1 point de la part des dépenses à la charge des ménages conduit, toutes choses égales par ailleurs, à une baisse de 1,4% des dépenses de santé 35 ( * ) . Il faut toutefois souligner que cette estimation porte sur de petites variations de la part des dépenses à la charge des ménages, et qu'on peut difficilement extrapoler sur une réforme radicale conduisant les ménages à contribuer directement à une part importante des dépenses.

La densité médicale a un effet positif et significatif sur les dépenses de santé, mais son introduction détériore la significativité de la tendance temporelle. On peut donc penser qu'une part de la tendance temporelle n'est pas attribuable au progrès technique, mais à la hausse tendancielle de la densité médicale au cours de la période 36 ( * ) .

On analyse ensuite l'impact du mode de rémunération des médecins en autorisant la tendance à être différente pour les pays où la rémunération à l'acte domine (France, Allemagne, Etats-Unis) et pour les pays où le système à la capitation est prépondérant (Royaume-Uni, Espagne, Italie, Pays-Bas). On obtient une tendance autonome deux fois moins rapide des dépenses dans le système à la capitation (0,55% par an, contre 1,1% par an dans le système de paiement à l'acte). La responsabilisation financière de l'offre de soins semble efficace pour ralentir les dépenses de santé. On obtient un résultat similaire en prenant en compte les pays où le médecin généraliste sert de porte d'entrée (« gatekeepers ») obligatoire au système (avant toute consultation de spécialistes ou à l'hôpital) 37 ( * ) .

Enfin, on étudie l'impact du type de système de santé en autorisant la tendance autonome à être différente dans les trois systèmes existants (remboursement, intégré ou par contrat). Les systèmes de type remboursement (Etats-Unis et France) ont la croissance autonome la plus forte avec 1,15%. Viennent ensuite les systèmes publics intégrés, avec 0,9% d'accroissement annuel autonome, et enfin les systèmes par contrats (Pays-Bas et Allemagne), qui n'ont pas de croissance autonome significative. Ainsi, le système par contrat semble le plus efficace pour ralentir les dépenses de santé, suivi par le système intégré. Cependant, la classification des pays selon cette typologie est discutable. En effet, elle n'est pas toujours valable au niveau des composantes de la dépense (en France, par exemple, le budget global pour l'hôpital est caractéristique d'un système public intégré, alors qu'on a retenu comme mode dominant le système de remboursement).

On peut cependant conclure que l'organisation du système de soins exerce une plus ou moins forte contrainte sur l'offre et la demande et, par conséquent, peut avoir une influence sur le taux de croissance des dépenses de santé. Certaines contraintes peuvent cependant être en partie levées. En effet, dans un système de rémunération à l'acte, si le prix de la consultation est fixé par les pouvoirs publics, les médecins peuvent augmenter leur volume de consultation afin d'assurer un revenu constant. Cette marge de manoeuvre peut expliquer pourquoi dans certains pays, comme la France, la croissance du volume est nettement plus forte que celle des prix (cf graphique 1).

Encadré 2 : un modèle explicatif des dépenses de santé par habitant

On estime l'équation de référence suivante :

d it désigne les dépenses de santé par habitant en volume du pays i l'année t , y it le PIB par habitant en volume, p it le prix relatif des soins, T le temps et i l'effet fixe pour le pays i.

Les variables utilisées sont issues de la base Eco-santé 2003 pour la période 1070-2001. Il s'agit :

- des dépenses totales de santé par tête, déflatées par l'indice de prix du secteur de la santé et exprimées en dollars sur la base de la parité de pouvoir d'achat globale,

- du PIB par tête en volume (prix du PIB 95) et exprimé en dollars sur la base de la parité de pouvoir d'achat globale,

- du rapport entre l'indice de prix du secteur de la santé et l'indice du prix du PIB

Les séries sont non stationnaires. Le test de racine unitaire sur données de panel proposé par Im, Pesaran et Shin (2002) est utilisé afin de déterminer la forme fonctionnelle de modèle à retenir. L'hypothèse de racine unitaire est retenue pour les séries individuelles, et l'hypothèse de cointégration entre les séries de dépenses de santé par habitant, de Pib par habitant et de prix relatifs est aussi accepté pour la relation en niveau. Les résultats sont reportés dans la colonne (1) du tableau 4 ci-dessous.

Tableau 4 : l'équation de référence

Variable dépendante : log des dépenses de santé par habitant

Période d'estimation : 1972-2001

Nombre observations : 30

Nombre de pays : 7

Nombre total d'observations :167

Variable

Coefficient

Std. Error

t-Statistic

Prob.

Tendance linéaire

0,011559

0,002058

5,616491

0,0000

Log(PIB par tête)

0,948723

0,115046

8,246493

0,0000

Log(Prix relatifs)

-0,728861

0,027682

-26,32998

0,0000

Effets Fixes

Allemagne

1,320327

Espagne

0,863424

France

1,139275

Italie

1,005226

Etats-Unis

1,486657

Royaume-Uni

0,914259

Pays-Bas

1,173899

R-squared

0,983135

Mean dependent var

7,284246

Adjusted R-squared

0,982168

S.D. dependent var

0,489561

S.E. of regression

0,065375

Sum squared resid

0,670998

Durbin-Watson stat

0,205061

A cette équation de référence, on ajoute ensuite successivement différentes variables explicative :

- la part du financement par les ménages : TM it

- la densité médicale : MED it (nombre de généralistes ou spécialistes pour 1000 habitants)

- le mode de rémunération dominant des médecins : ACT i =1 si la rémunération à l'acte domine dans le pays i (France, Etats-Unis, Allemagne), 0 sinon ; CAP i =1 si la rémunération à la capitation domine dans le pays i (Royaume-Uni, Espagne, Italie, Pays-Bas), 0 sinon. Ces variables muettes sont multipliées à T pour former deux tendances différentes.

- le système dominant : CONT i =1 si le système du contrat domine (Pays-Bas, Allemagne), 0 sinon ; INT i =1 si le système intégré domine (Royaume-Uni, Espagne, Italie), 0 sinon ; REMB i =1 si le système du remboursement domine, 0 sinon. Ces variables muettes sont multipliées à T pour former deux tendances différentes.

Les résultats sont synthétisés dans le tableau 5. Les résultats détaillés sont reportés en annexe 1.

(a) Harmoniser les points et les virgules et peut-être que 2 chiffres après la virgule suffisent

Tableau 5 : impact de différents facteurs sur l'évolution des dépenses de santé

Variable

Financement ménages

Densité médicale

Rémunération des médecins

Système d'assurance

Log(PIB par tête)

0,758884

(3,758648)

0,716188

(3,707852)

1,153682

(6,69865)

1,091599

(7,180676)

Log(Prix relatifs)

-0,573861

(-5,184441)

-0,935526

(-10,82112)

-0,804836

(-13,9755)

-0,786290

(-15,41779)

Part du financement par les ménages

-0,014258

(-6,331119)

-

-

-

Densité médicale

-

0,105803

(6,556214)

-

-

Tendance linéaire

0,007969

(1,928830)

0,006568

(1,995021)

-

-

Tendance capitation

-

-

0,005587

(1,7286)

-

Tendance acte

-

-

0,011306

(3,39374)

-

Tendance contrat

-

-

-

0,000964

(0,331132)

Tendance intégré

-

-

-

0,009370

(3,084598)

Tendance remboursement

-

-

-

0,013679

(4,709081)

Nombre d'observations

84

81

167

167

R² ajusté

0,988101

0,967856

0,984362

0,988010

Les t de Student figurent entre parenthèses.

* 34 Les trois facteurs ne peuvent être introduits simultanément car l'incomplétude des données conduirait à réduire fortement la taille de l'échantillon.

* 35 Cette estimation ne prend pas en compte le Royaume-Uni et les Pays-Bas, faute de données.

* 36 L'Allemagne, l'Espagne et les Etats-Unis sont exclus de cette estimation en raison du manque de données sur la densité médicale dans ces trois pays.

* 37 L'Allemagne quitte alors le groupe formé par la France et les Etats-Unis pour rejoindre celui des « gatekeepers » formé par le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas

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