2. Une croissance absente en 2003

a) D'importantes erreurs de prévision tant en matière de croissance que d'inflation

La quasi-stagnation du produit intérieur brut n'a pas été anticipée par les conjoncturistes. La croissance du PIB en 2003 a été de 0,5 % , soit nettement moins que le prévoyaient le gouvernement et le consensus des conjoncturistes.

Comme pour les années 2001 et 2002, l'écart entre la prévision du gouvernement et celle du consensus des conjoncturistes est mineur par rapport à celui de ces deux prévisions par rapport à la croissance observée , comme l'indique le graphique ci-après.

La croissance du PIB de l'économie française : prévision et croissance effective

(par rapport à l'année antérieure, en % )

(1) Commission des comptes économiques de la Nation.

Sources : projets de lois de finances ; commission économique de la Nation ; Insee

Toutes les composantes de la demande se sont situées à un niveau nettement inférieur aux prévisions, comme l'indique le tableau ci-après.

L'économie française en 2003 : écarts entre prévision et réalisation

PLF 2003

Réalisé

Ecart

PIB

2,5

0,5

-2

Demande intérieure hors stocks

2,1

1,4

-0,7

Consommation des ménages

2,4

1,4

-1

Formation brute de capital fixe

2,1

-0,2

-2,3

Sociétés et entreprises individuelles

3

-1,9

-4,9

Variations de stocks (1)

0,8

-0,2

-1

Exportations nettes (1)

-0,4

-0,7

-0,3

Exportations

6

-2,5

-8,5

Importations

8,1

-0,1

-8,2

Emploi salarié, secteur marchand

1,1

0

-1,1

Indice des prix à la consommation

1,6

2,1

0,5

Indice des prix à la consommation, hors tabac

1,5

1,9

0,4

Inflation sous-jacente

1,6

1,6

0

Pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages

2,3

0,3

-2

Variation du taux d'épargne des ménages (en points)

-0,1

-0,9

-0,8

PIB dans le monde

3,3

3,5

0,2

Etats-Unis

2,7

3,1

0,4

Zone euro

2,1

0,4

-1,7

Demande mondiale de biens adressée à la France

6,8

4,1

-2,7

Prix du baril de pétrole Brent (en US dollars) (2)

25

28,8

15%

(1) Contributions à la croissance du PIB.

(2) Exportations nettes.

Source : direction de la prévision, Analyses économiques n° 41, juin 2004

Le tableau permet de remarquer que :

- la contribution des stocks à la croissance a été de - 0,2 point, contre + 0,8 point dans les prévisions associées au projet de loi de finances pour 2003 ;

- l'investissement des entreprises a reculé de près de 2 %, alors que le gouvernement anticipait une hausse de 3 % ;

- la consommation des ménages a crû à un rythme de 1,4 % au lieu des 2,4 % prévus.

En outre, malgré la faible croissance, l'inflation a été plus élevée que prévu, à 2,1 % en moyenne annuelle, contre une prévision de 1,6 %. L'inflation sous-jacente a cependant été égale à la prévision, à 1,6 % en moyenne annuelle.

b) Une erreur de prévision largement due à la baisse du dollar et au conflit irakien

La mauvaise appréciation concerne aussi bien l'environnement international que la demande interne.

Selon la direction de la prévision, l'écart, de 2 points , entre la prévision de croissance (2,5 %) et la croissance effective (0,5 %), provient :

- pour environ 1 point, des « effets combinés [du] choc de demande mondiale, du choc de taux de change et du choc de prix du pétrole » ;

- pour environ 1 point, des « comportements de demande des ménages et des entreprises », « moins dynamiques qu'escompté ».

Contributions à la révision de croissance 2003

(en points de croissance)

Source : direction de la prévision, Analyses économiques n° 41, juin 2004

Plus fondamentalement, cette erreur de prévision provient d'un brusque infléchissement de la conjoncture, en période de reprise 3 ( * ) , provenant essentiellement de la dépréciation du dollar et, surtout, du conflit irakien.

A l'occasion de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2003, votre rapporteur général avait souligné les limites de l'hypothèse conventionnelle de taux de change retenue par le gouvernement, de 0,98 dollar pour 1 euro 4 ( * ) , et l'aléa que représentait une possible dépréciation du dollar.

Ce risque s'est concrétisé. En effet, le taux de change euro/dollar a été de 1,13 dollar, soit un taux de change de l'euro supérieur de 15 % aux prévisions, susceptible, selon les estimations usuelles, de réduire le PIB de la zone euro et de la France de 0,3 point.

Par ailleurs, votre rapporteur général s'était inquiété de l'impact du conflit irakien sur la croissance. Il avait cité des travaux selon lesquels un conflit bref en Irak pouvait réduire la croissance de l'économie française de 0,5 point en suscitant une augmentation du cours du pétrole et un effondrement boursier. Il considérait aussi que le conflit pouvait déborder et se prolonger. Il avait, en outre, rappelé l'estimation usuelle selon laquelle un cours du pétrole plus élevé de 10 dollars environ pendant un an pouvait réduire la croissance de la France et des autres pays de l'OCDE de 0,5 point environ. Ces phénomènes semblent cependant avoir eu un faible impact sur la croissance. En particulier, le cours moyen du baril de Brent a été supérieur aux prévisions de seulement 4 dollars 5 ( * ) .

Le conflit irakien a en fait surtout pesé sur l'économie en suscitant un certain attentisme de la part des agents économiques. Votre rapporteur général se référait il y a deux ans à des estimations de la direction de la prévision, suggérant qu'une baisse de la confiance des ménages en Europe et aux Etats-Unis pouvait réduire cette croissance de 0,5 point supplémentaire. Ces craintes se sont révélées fondées. Comme le souligne la direction de la prévision, « l'hypothèse d'un conflit militaire en Irak n'avait pas été retenue dans le scénario central. Les prévisions avaient retenu, par convention, un scénario de résolution pacifique de la crise irakienne ; or la phase de forte incertitude précédant le début du conflit au printemps de 2003 a fortement pesé sur les comportements des agents économiques et a sans doute retardé le rebond de l'activité qui n'est finalement intervenu qu'à l'automne 2003 ».

Cet aveuglement administratif, souvent répété, rend peu crédibles les travaux de la direction de la prévision. Pour ne pas déplaire au gouvernement, cet organisme semble prêt à avaliser des scénarii très improbables. L'expertise économique indépendante n'existe pas encore véritablement en France...

* 3 Les indicateurs conjoncturels n'ont en effet commencé à se dégrader qu'à partir de septembre-octobre 2002.

* 4 Le gouvernement retenait l'hypothèse conventionnelle d'un gel des parités à leur valeur moyenne de la semaine du 26 au 30 août 2002.

* 5 Près de 29 dollars en moyenne en 2003 contre 25 dollars prévus.

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