II. LA POLITIQUE FAMILIALE DOIT PRÉPARER L'AVENIR

Après plusieurs années consacrées à la mise en oeuvre d'un dispositif complet de mesures destinées à favoriser l'accueil et la garde des jeunes enfants, la branche famille doit désormais se consacrer à de nouveaux défis, ceux de la jeunesse, de la démographie et des familles fragiles, et moderniser ses instruments de gestion.

A. L'ENJEU DE LA JEUNESSE

Age charnière, période décisive, si les qualificatifs ne manquent pas pour définir l'adolescence comme une étape essentielle du développement de l'enfant, la politique familiale s'est encore peu penchée sur les besoins spécifiques à cet âge, de même qu'elle peine à s'investir en faveur des jeunes adultes.

1. Une meilleure prise en compte de l'adolescence

a) Une aide partielle et fragmentée

Au-delà de la petite enfance, les prestations versées par la branche famille ne varient pas en fonction de l'âge des enfants, exception faite de l'allocation de rentrée scolaire, dont le 1,3 milliard d'euros annuels peut être considéré comme une aide indirecte en faveur des familles qui ont des enfants à charge scolarisés au collège ou au lycée.

L'essentiel des actions menées en direction des 5,4 millions d'adolescents de onze à dix-huit ans (soit 9 % de la population française) entre en conséquence dans le cadre de son activité d'aide sociale. Ces mesures prennent la forme d'aides au financement du temps libre et des loisirs et d'un accompagnement à la scolarité.

- Le financement du temps libre et des loisirs

Les CAF développent et soutiennent, pendant les périodes scolaires et les vacances, un certain nombre d'actions en matière de loisirs et de vacances, ainsi que des activités sportives ou culturelles à condition qu'elles s'intègrent dans un projet d'animation excluant les pratiques de compétition ou les apprentissages particuliers.

Les CAF disposent de plusieurs outils pour soutenir les politiques de loisirs en direction des adolescents : les contrats temps libres, le financement des centres de loisirs sans hébergement (CLSH), le soutien aux vacances et loisirs de proximité, la participation au financement des opérations ville-vie-vacances et le financement du BAFA.

En 2003, la dépense totale des CAF dans ces domaines a atteint près de 530 millions d'euros.

- Les contrats temps libre

Lancés en 1998, ces contrats visent à inciter les communes à développer des services de loisirs collectifs pour les enfants et adolescents de six à dix-huit ans. Ils promeuvent des loisirs de qualité, adaptés aux attentes des jeunes, accessibles à tous et laissant une place à l'implication des parents.

Les CAF apportent leur soutien technique et financier pour 50 à 70 % des dépenses nouvelles consacrées à cette politique par les communes ou structures intercommunales. Elles y ont consacré 194,6 millions d'euros en 2003.

- Le soutien aux CLSH

Les CLSH sont des entités éducatives soumises à une déclaration obligatoire auprès des services du ministère de la jeunesse pour accueillir, de manière habituelle et collective, des mineurs à l'occasion des loisirs en dehors du temps scolaire. Ils offrent des activités de loisirs diversifiées, sportives, culturelles et artistiques, définies dans le cadre d'un projet éducatif. En 2003, l'engagement financier global des CAF a atteint 238,2 millions d'euros pour l'ensemble des enfants et des jeunes accueillis.

Les CAF - souvent en partenariat avec les directions départementales de la jeunesse et des sports - impulsent ou soutiennent également des actions plus particulièrement destinées aux adolescents : animations « au pied d'immeubles », animations socioculturelles ou sportives, camps de vacances, pour un total de 26,7 millions d'euros en 2003.

- Le soutien aux loisirs de proximité et aux vacances

En fonction de leurs politiques familiales, les CAF peuvent mettre en place des aides financières permettant aux adolescents et aux jeunes de pratiquer, de manière autonome, différentes activités sportives, culturelles et sociales. Ces aides prennent différentes appellations : « tickets loisirs », « tickets temps libres », « passeports loisirs » ou encore « bons vacances ».

La moitié des CAF verse ces aides, attribuées selon des critères de ressources des familles et d'âge des bénéficiaires et dont le montant moyen est de 60 euros par an et par enfant.

En 2003, la dépense totale des CAF pour le départ en vacances de l'ensemble des enfants et des jeunes, s'est élevée à 50,6 millions d'euros, dont 79 % représentent des aides financières aux familles.

- La participation au financement des opérations ville-vie-vacances

Le dispositif ville-vie-vacances, mis en place en 1992 par le ministère des affaires sociales, s'adresse principalement aux jeunes de treize à dix-huit ans issus des quartiers défavorisés. Plus de la moitié des CAF sont impliquées dans ce dispositif. En 2003, elles y ont consacré environ 1,8 million d'euros.

- L'aide au BAFA

En aidant les jeunes à acquérir le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur de centre de vacances et de loisirs (BAFA), l'objectif des CAF est double : favoriser la prise de responsabilité des jeunes et leur engagement citoyen d'une part, permettre aux structures de loisirs de disposer de suffisamment de jeunes ayant cette formation, d'autre part. L'engagement financier s'élève à environ 4,7 millions d'euros.

- L'accompagnement à la scolarité

L'objectif premier des contrats locaux d'accompagnement à la scolarité est de prévenir les échecs scolaires. Ils contribuent aussi à élargir les centres d'intérêt des enfants et des adolescents, à renforcer leur autonomie personnelle et leur capacité de vie collective et à accompagner les parents dans la scolarité de leurs enfants. L'accompagnement scolaire contribue ainsi à prévenir l'absentéisme scolaire des enfants et surtout des adolescents.

La quasi-totalité des CAF interviennent dans ce dispositif aux côtés de leurs partenaires (DDASS, FASILD jeunesse, politique de la ville, éducation nationale, collectivités territoriales). En 2003, elles y ont consacré environ 12,8 millions d'euros.

b) Une conférence de la famille pour définir une politique globale pour l'adolescence

Comme en 2002 puis en 2003, la Conférence de la famille du 29 juin 2004 est le fruit du travail préparatoire mené par trois groupes de réflexion réunissant l'ensemble des acteurs concernés (éducateurs, associations familiales, médecins, élus, etc.). Mis en place le 12 novembre 2003, ces groupes ont étudié un aspect de la prise en compte des spécificités de l'adolescence par la politique familiale : les liens entre l'adolescent et sa famille dans le cadre des loisirs, pour le groupe présidé par Louis de Broissia ; la santé, avec le professeur Marcel Rufo ; la question des projets personnels et des engagements collectifs, dans le cadre du groupe de travail de Gérard Longuet.

A cet égard, votre commission se félicite que deux sénateurs aient été désignés à la présidence des groupes de travail, ce qui marque la reconnaissance des travaux menés de longue date par le Sénat sur les questions touchant à l'adolescence, notamment dans le cadre du groupe d'étude sur les problématiques de l'enfance et de l'adolescence 2 ( * ) .

Douze mesures ont été proposées, à la suite des travaux de ces groupes, et approuvées lors de la Conférence de la Famille.

Douze mesures en faveur des adolescents

Après la petite enfance en 2003, et avant les « familles fragiles » en 2005, la Conférence de la famille a cette année ciblé ses travaux sur la population des onze-dix-sept ans . Et si le Gouvernement s'était engagé l'an dernier à débourser 1,2 milliard d'euros pour les parents des zéro-six ans, notamment à travers la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), il s'agit plutôt cette fois de donner des « impulsions » aux collectivités locales ou aux entreprises. De chiffres il n'est en effet question qu'à l'évocation du soutien de l'État, via des cofinancements, accordé, « dans la limite de 5 millions d'euros par an pendant cinq ans », pour la généralisation des « maisons de l'adolescent », ou encore l'idée d'une « consultation médicale approfondie en classe de cinquième » dont le coût annuel est estimé à 15 millions d'euros, ainsi que l'augmentation de 15 % de la part régionale du Fonds national de développement du sport. Sur la base des rapports émis par les trois groupes de travail préparatoire constitués en novembre dernier, le Gouvernement a retenu douze mesures destinées aux quelque 5,4 millions d'adolescents et organisées en trois chapitres : engagement, prévention des risques, autonomie .

Valoriser l'engagement personnel de l'adolescent

1/ Réaménagé et proposé à l'entrée en 6 ème , le « passeport de l'engagement » permettra à l'adolescent de décrire les expériences menées et de définir les compétences acquises dans divers domaines (sport, culture, monde du travail). Les partenaires des projets, employeurs ou associations, attesteront des actions réalisées. Parallèlement, les maires sont incités à organiser un événement particulier à l'occasion de la remise de la carte électorale , afin de solenniser davantage l'accès à la citoyenneté.

2/ Afin d' encourager les adolescents à accéder à des responsabilités associatives , la Conférence recommande de poser clairement le principe selon lequel, en vertu de l'article 1990 du code civil, les adolescents peuvent effectivement exercer les fonctions de mandataire et occuper toutes les fonctions de direction, dont celles de trésorier et de président.

3/ Constatant qu'en France, à peine 7 % de la population est formée aux premiers secours (contre 22 % en Suède, par exemple), la Journée d'appel de préparation à la défense (JAPD) intégrera « une information pratique à la gestuelle des premiers secours d'une durée de 75 minutes ».

4/ Pour encourager le travail saisonnier et temporaire des adolescents de seize à dix-sept ans, le Gouvernement entend promouvoir les « titres emplois entreprise » (TEE) auprès des employeurs, leur rappeler qu'ils peuvent bénéficier des exonérations de cotisations sociales prévues dans le cadre de l'emploi des jeunes. Il s'agirait aussi d' aligner le régime fiscal des salaires des adolescents pendant leurs vacances scolaires sur celui des apprentis (exonération de l'impôt sur le revenu sur les sommes perçues à concurrence d'un plafond).

Prévenir les comportements à risques

5/ Afin de faciliter la mise en réseau des professionnels et des familles confrontés à des problèmes de santé ou de comportements chez les adolescents, et de mettre à disposition de ces derniers un lieu d'écoute et d'information dédié, la Conférence recommande la généralisation des « maisons de l'adolescent ». D'accès facile, l'adolescent pourra y faire part de toutes les questions qu'il se pose à un instant donné et qu'il n'ose pas aborder nécessairement avec son médecin traitant ou sa famille. Ces maisons permettent en outre de mutualiser les compétences et de créer un partenariat avec les institutions et les professionnels intervenant dans les champs sanitaire, social, éducatif et judiciaire. Le maître d'ouvrage pourrait être notamment une collectivité locale (département, ville) ou une association. Les moyens dégagés par l'État lui permettront de participer financièrement dans la limite de 5 millions d'euros par an pendant 5 ans .

6/ Repérer les troubles sanitaires et sociaux susceptibles d'intervenir dans le développement de l'adolescent, détecter précocement les situations à risque (troubles psychologiques, conduites addictives), et accompagner la prise en charge si nécessaire, ce sont les objectifs de la mise en place d'une « consultation approfondie en classe de 5 ème ». Mené par des médecins libéraux « avec information aux médecins scolaires », cet entretien personnalisé concernerait une classe d'âge de 740.000 adolescents, pour un coût estimé à une quinzaine de millions d'euros, pris en charge intégralement par l'assurance maladie . La consultation, fortement conseillée en début d'année scolaire, donnera lieu à l'envoi d'un document spécifique par le ministère de l'éducation nationale.

7/ et 8/ Ces deux mesures visent à améliorer la formation en santé des professionnels qui sont en contact avec les adolescents, et à mettre les différents services d'écoute téléphonique (« fil santé jeunes », « sida info service », « drogue alcool tabac info service ») en mesure d'apporter des réponses spécifiques aux comportements des adolescents. En 2005, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé lancera par ailleurs une campagne d'information sur ces dispositifs d'écoute téléphonique.

Développer l'autonomie de l'adolescent

9/ Le ministère de la famille s'engage à proposer à la CNAF, dans le cadre de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG) entre la CNAF et l'État d' harmoniser davantage les pratiques des CAF et de veiller à ce que l' éducation à l'autonomie des adolescents soit mieux prise en compte dans les politiques d'action sociale, en particulier pour l'accès aux activités sportives, culturelles et de loisirs.

10/ La création du « week-end du sport en famille » favorisera toutes les initiatives émanant des fédérations, des collectivités locales mais aussi des clubs, des caisses d'allocations familiales et des associations familiales pour animer cette journée. Parallèlement, les associations sportives continueront d'être soutenues dans la mise en place de projets en faveur des adolescents via l' augmentation de 15 % de la part régionale du fonds national du développement du sport (FNDS).

11/ Faire connaître les usages sociaux de l'Internet à toutes les générations, c'est l'objectif de la création d'un réseau de « jeunes médiateurs Internet » (JMI), chargés de diffuser leur savoir-faire auprès d'autres générations. Les unions départementales des associations familiales (UDAF) leur offriront la possibilité de suivre une formation de cinq fois deux heures validant et approfondissant leur connaissance des usages sociaux mais aussi civiques de l'Internet (accès aux droits, télé-procédures...). Le particulier bénéficiaire peut rémunérer le JMI avec un « chèque emploi-service ». L'UNAF sera chargée de sélectionner les départements expérimentaux.

12/ Enfin, la dernière mesure s'adresse aux adolescents en formation professionnelle en alternance ou d'apprentissage, employés saisonniers ou en stage d'initiation au sport, contraints à des séjours temporaires hors du domicile familial . L'UNAF se propose de rédiger un cahier des charges pour établir au plan national un contrat d'accueil et de responsabilité entre l'accueillant et le jeune .

Ces choix, qui suivent une ligne directrice articulée autour des valeurs de liberté, d'autonomie et de responsabilité, prennent en compte l'ensemble des aspects de cet âge et apportent des réponses adaptées, ainsi que le souhaitait Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance, dans son discours introductif à la Conférence de la famille du 29 juin : « L'adolescence doit être une période exaltante : celle de tous les enthousiasmes, de toutes les utopies, de toutes les générosités. Elle est parfois celle de tous les dangers. Nous devons avoir à la fois le souci de répondre aux souffrances de certains adolescents mais aussi de permettre à tous ceux qui vont bien de s'intégrer dans un projet de société. »

Votre commission souhaite une mise en oeuvre rapide de ces dispositions, d'autant qu'elles ne devraient avoir que des conséquences financières limitées.

Elle souhaite également que cette orientation nouvelle de la politique familiale permette le développement d'actions qui, au-delà de la stricte période de l'adolescence, prenne en compte les spécificités du jeune adulte.

* 2 Adolescence, comment en sortir ? Les enjeux d'une politique publique. M. Jean-Louis Lorrain. Rapport d'information n°242 (2002-2003).

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