EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à se prononcer, en deuxième lecture, sur la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

En première lecture, notre assemblée avait profondément modifié ce texte puisque sur dix-huit articles, elle en avait supprimé onze et modifié trois.

Le Sénat avait souscrit à l'objectif des députés de renforcer les moyens de lutte contre la récidive. Il a d'ailleurs enrichi le texte de six nouveaux articles et permis en particulier au médecin traitant, dans le cadre de l'injonction de soins à laquelle peuvent être soumises certaines personnes considérées comme dangereuses, de prescrire des médicaments visant à limiter la libido.

Cependant, notre assemblée avait considéré que certains dispositifs proposés par les députés soulevaient de nombreuses interrogations. Tel était en particulier le cas de la mesure la plus novatrice de la proposition de loi, le recours au placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) comme mesure de sûreté destinée à s'appliquer après l'accomplissement de la peine. Sans nier l'intérêt de cette nouvelle technique qui peut constituer un prolongement intéressant du bracelet électronique fixe, dont l'initiative revînt d'ailleurs au Sénat, le régime juridique prévu par l'Assemblée nationale appelait de nombreuses réserves. Surtout, il était apparu prématuré de retenir les dispositions proposées par les députés alors que le Gouvernement avait confié à M. Georges Fenech, député, une mission d'information sur les conditions de mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile.

La discussion en deuxième lecture de la proposition de loi s'engage aujourd'hui sur des bases nouvelles. En premier lieu, l'Assemblée nationale a tenu compte, pour une large part, des observations et des critiques du Sénat . Cette évolution traduit une fois encore tout l'intérêt du dialogue qui se noue à l'occasion de la navette entre les deux assemblées.

En second lieu, les conclusions du rapport de M. Georges Fenech ont été présentées en avril dernier et constituent une contribution très précieuse à la réflexion du Parlement. Elles ont été complétées par les analyses de la mission Santé-Justice, présidée par M. Jean-François Burgelin, procureur général honoraire près la Cour de cassation, dont le champ de réflexion portait de manière plus générale sur la dangerosité des personnes souffrant de troubles psychiatriques.

Les recommandations de M. Georges Fenech, longuement entendu par votre commission des Lois 1 ( * ) , confortent et complètent les analyses du Sénat et orientent pour une large part les modifications que votre commission, dans un esprit constructif, vous propose d'apporter au texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

La surveillance électronique mobile pourrait se révéler efficace pour prévenir la récidive. Cependant, les conditions de recours à ce dispositif doivent être doublement encadrées, d'une part, par le recueil du consentement de l'intéressé et, d'autre part, par une limitation de la durée de l'obligation de porter le bracelet électronique mobile.

Dans le respect de cette double condition, l'extension du recours au PSEM apparaît envisageable au-delà de son application dans le cadre de la libération conditionnelle, prévue par le Sénat en première lecture.

Le PSEM, outil à ne pas négliger, ne saurait cependant constituer une assurance absolue contre le risque de récidive. La mise en oeuvre de ce dispositif impliquera, en outre, des délais et une mobilisation de moyens humains et financiers qui appellent une évaluation précise.

En outre, si le législateur a le devoir d'adapter notre droit afin de lutter plus efficacement contre la récidive, la prévention de ce phénomène passe aussi par un renforcement des moyens humains chargés notamment de mettre en oeuvre le suivi socio-judiciaire des personnes susceptibles de récidiver.

Votre rapporteur évoquera d'abord les principaux enseignements des missions conduites par M. Georges Fenech, d'une part, et Jean-François Burgelin, d'autre part, avant d'évoquer les travaux de l'Assemblée nationale en deuxième lecture et les propositions de votre commission des Lois.

I. UN APPROFONDISSEMENT DE LA RÉFLEXION SUR LES CONDITIONS D'UNE LUTTE PLUS EFFICACE CONTRE LE RISQUE DE RÉCIDIVE

Lors de l'examen de la présente proposition de loi en première lecture, votre commission des Lois avait estimé indispensable d'approfondir la réflexion sur le placement sous surveillance électronique mobile. En particulier, il paraissait essentiel que le Parlement puisse se prononcer à la lumière des conclusions des missions confiées, d'une part, à M. Georges Fenech et, d'autre part, à M. Jean-François Burgelin qui étaient alors en cours. Ces analyses, désormais rendues publiques, doivent être prises en compte par le législateur.

A. LE « RAPPORT FENECH » RELATIF AU PLACEMENT SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE MOBILE

Le rapport confié par le premier ministre à M. Georges Fenech, député du Rhône, a été rendu public en avril dernier. Il comporte une analyse détaillée des possibilités offertes par ces nouvelles techniques ainsi que des expériences étrangères conduites en la matière (Royaume-Uni, Floride) 2 ( * ) .

De ces dernières, il dresse un triple constat : le placement sous surveillance électronique mobile constitue une peine en tant que telle ou une modalité d'exécution de la sanction mais ne s'applique pas, pour l'heure, aux condamnés ayant déjà purgé leur peine ; au Royaume-Uni, il implique l'accord de l'intéressé ; enfin, la durée de la mesure ne dépasse deux ans ni en Floride ni au Royaume-Uni .

Ces expériences, bien qu'encore récentes (1998 pour la Floride, 2004 pour le Royaume-Uni) paraissent démontrer, selon le rapport, que le placement sous surveillance électronique mobile peut présenter un « effet dissuasif et participer à la lutte contre la récidive ».

Par ailleurs, le coût du dispositif pourrait être proche du coût journalier de la détention (60 euros par jour), voire inférieur en fonction du degré d'externalisation choisi - en effet, en sus du coût du matériel, doivent être prises en compte les ressources humaines nécessaires pour assurer la surveillance (au Royaume-Uni, à la différence de la Floride, le processus de surveillance est confié à des sociétés privées).

A cet égard, il convient de relever que la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile repose sur un mode de surveillance semi-actif ; en d'autres termes, le système enregistre -comme dans un mode passif- les éléments relatifs au déplacement du sujet en temps réel et les communique de manière rétrospective à un centre de contrôle à une heure prédéfinie. Néanmoins, toute violation des obligations, des horaires et des zones d'exclusion fait l'objet d'une alerte transmise en temps réel. En revanche, même s'il est techniquement possible, le mode actif, fondé sur une surveillance et une transmission en temps réel des informations au centre de contrôle apparaît aujourd'hui écarté compte tenu de son coût.

A la lumière de ces observations, le rapport formule dix recommandations pour la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile.

En premier lieu, le placement sous surveillance électronique mobile pourrait être décidé par le juge comme un moyen du contrôle judiciaire, une peine ou un aménagement de peine. Le placement pourrait ainsi être ordonné à titre de modalité de la peine de suivi socio-judiciaire. Selon le rapport, le placement sous surveillance électronique mobile ne présente pas le caractère d'une mesure de sûreté : « Force est de constater -précise le rapport- que le placement sous surveillance électronique mobile constitue une mesure fortement restrictive de la liberté et de venir. Il a en outre un impact sur la vie de famille et de ce fait présente le caractère d'une peine, non seulement au regard des principes du droit français mais également au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme » (proposition n° 3).

Par ailleurs, le rapport fixe deux autres conditions à la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile (proposition n° 1) :

- une limitation de durée de deux ans ;

- l' accord de l'intéressé .

Le rapport insiste en particulier « sur les limites d'une telle mesure au regard, d'une part, de sa compréhension et de son acceptation par l'irresponsable pénal et, d'autre part, de son aptitude à se soumettre aux règles strictes qu'elle implique ». C'est pourquoi il recommande également que le placement soit subordonné à une évaluation psychologique ou psychiatrique de la capacité de l'intéressé à comprendre le fonctionnement du dispositif et les astreintes qu'il implique. Il plaide également pour un soutien social renforcé de la personne concernée.

En contrepartie de cet encadrement rigoureux, le rapport suggère d'étendre le champ d'application du dispositif à toutes les infractions -et pas seulement, comme l'avait initialement proposé l'Assemblée nationale, aux infractions à caractère sexuel- pour lesquelles une peine de réclusion criminelle ou une peine d'emprisonnement d'au moins cinq années est encourue (proposition n° 2).

Le rapport préconise également, en particulier, la création d'un fichier nominatif des personnes placées sous surveillance électronique mobile (proposition n° 5) et la mise en place d'un corps spécialisé d'agents de surveillance au sein de l'administration pénitentiaire (proposition n° 9).

* 1 Voir en annexe le compte rendu de l'audition de M. Georges Fenech devant votre commission des Lois le 12 octobre dernier.

* 2 Le rapport cite également le cas de l'Espagne où, néanmoins, le recours au placement sous surveillance électronique mobile, réservé à la protection des personnes dans le cadre des conflits familiaux, n'est entré en vigueur que le 29 juin 2005.

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