II. UNE RÉELLE PRISE EN COMPTE, PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, DES RÉSERVES EXPRIMÉES PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

A. EN PREMIÈRE LECTURE, DES POSITIONS TRÈS DIVERGENTES ENTRE LES DEUX ASSEMBLÉES

La proposition de loi avait fait l'objet d'appréciations très divergentes en première lecture entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Sur les dix-huit articles de ce texte, en effet, notre assemblée n'en avait adopté que quatre sans modification ; elle en avait modifié trois autres et supprimé onze articles. Enfin elle avait inséré six articles additionnels.

• Les articles votés sans modification

Le Sénat a adopté sans modification :

- l'extension des catégories de délits assimilés au sens de la récidive légale (assimilation, en premier lieu, de la traite des êtres humains et du proxénétisme et, en second lieu, des infractions de violences volontaires aux personnes ou commises avec la circonstance aggravante de violences d'autre part) (article premier) ;

- la limitation à deux du nombre de sursis avec mise à l'épreuve susceptibles d'être prononcés à l'égard d'une personne en situation de récidive légale et la limitation à un seul sursis avec mise à l'épreuve lorsque la récidive concerne les infractions les plus graves (crimes, délits commis avec la circonstance aggravante de violences) (article 3) ;

- la possibilité pour le tribunal correctionnel de relever d'initiative l'état de récidive légale sans l'accord du prévenu (article 6) ;

Par ailleurs, le Sénat a également adopté sans modification l'article tendant à appliquer la proposition de loi aux collectivités d'outre-mer (article 17).

• Les dispositions modifiées par le Sénat

Les modifications introduites par le Sénat ont permis de :

- donner une définition plus claire de la notion de réitération (article 2) ;

- laisser au tribunal correctionnel la possibilité de décerner un mandat de dépôt à l'audience dans toutes les hypothèses de récidive alors que l'Assemblée nationale lui avait fixé l' obligation de décider l'incarcération, dès le prononcé de la peine, pour les condamnés en situation de récidive légale pour des infractions sexuelles ou des faits de violence volontaire ou commis avec la circonstance aggravante de violences, le tribunal conservant la faculté de ne pas décerner le mandat de dépôt par une décision spécialement motivée (article 4) ;

- permettre de faire appel, dans le cadre du suivi socio-judiciaire , aux psychologues pour assurer le suivi de l'injonction de soins, non seulement en substitution du médecin traitant, mais aussi en complément de celui-ci (article 13).

• Les articles supprimés par le Sénat

Le Sénat a supprimé les dispositions suivantes :

- le placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté . En effet, la proposition de loi prévoyait de donner à la juridiction de jugement la possibilité de prononcer le placement sous surveillance électronique, après l'accomplissement de la peine, des personnes condamnées à une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans pour un crime ou un délit sexuel. Ce placement comportait l'obligation pour l'intéressé de porter un émetteur destiné à déterminer sa localisation à distance afin de prévenir la récidive (article 7). Il appartenait au juge de l'application des peines d'évaluer la dangerosité du condamné deux ans au moins avant la levée d'écrou et de saisir, le cas échéant, le tribunal de l'application des peines aux fins de placement sous surveillance électronique mobile. Celui-ci, après avoir recueilli l'avis d'une commission de mesures de sûreté, pouvait ordonner le placement sous surveillance électronique mobile pour une durée de trois ans renouvelable en matière correctionnelle et de cinq ans renouvelable en matière criminelle. La durée totale du placement sous surveillance électronique mobile pouvant atteindre vingt ans pour un délit et trente ans pour un crime (article 8).

Outre les dispositions de coordination (articles 10 et 11), l'Assemblée nationale avait également prévu que le placement sous surveillance électronique mobile pourrait être utilisé pour contrôler l'exécution de certaines obligations imposées dans le cadre du suivi socio-judiciaire (article 12).

Le Sénat s'était interrogé sur les conditions techniques (fiabilité et coût des techniques utilisées) et juridiques (respect des droits de la personne, cohérence du dispositif) de mise en place de cette surveillance électronique mobile ainsi que sur son efficacité pour prévenir la récidive. Sans rejeter le principe même de ce système de surveillance, il avait estimé prématuré de retenir le régime juridique prévu par l'Assemblée nationale alors même que M. Georges Fenech, député, avait été chargé par le Gouvernement d'une mission sur le sujet ;

- l'application rétroactive du placement sous surveillance électronique mobile aux personnes définitivement condamnées à la date où la loi entrerait en vigueur (article 16) ;

- la limitation du crédit de réduction de peines pour les récidivistes détenus (article 5) ;

- l'extension du fichier des auteurs d'infractions sexuelles aux irresponsables pénaux, quelles que soient les infractions commises (article 15) et l'entrée en vigueur de ce fichier dans les six mois suivant la publication de la loi (article 16).

Par ailleurs le Sénat avait déplacé deux articles :

- l'article 8 bis -devenu l'article 15 bis - permettant de renforcer l'information du préfet par le procureur de la République sur la situation judiciaire des personnes reconnues irresponsables au titre de l'abolition du discernement ;

- l'article 9 -devenu l'article 15 ter - tendant à prendre en compte parmi les critères justifiant la détention provisoire, les pressions exercées sur la famille des témoins et victimes.

• Les dispositions introduites par le Sénat

Outre les deux dispositions précédentes insérées sous la forme d'articles additionnels dans un nouveau titre III bis regroupant des « dispositions diverses », le Sénat a inséré quatre autres articles additionnels comportant les dispositions suivantes :

- le placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre de la libération conditionnelle afin d'expérimenter cette nouvelle technique dans un cadre juridique existant présentant les garanties nécessaires . Il impliquerait en effet l'accord de l'intéressé . Le placement sous surveillance électronique mobile ne pourrait être prononcé que si la personne bénéficiant de la libération conditionnelle est soumise aux obligations du suivi socio-judiciaire et a été condamnée pour l'une des infractions pour lesquelles est encouru le suivi socio-judiciaire. En outre, compte tenu de la contrainte particulière liée à l'obligation du port d'un émetteur, le placement sous surveillance électronique mobile serait soumis à trois autres conditions d'application. Il ne pourrait être prononcé que pour les infractions passibles d'une peine de dix ans d'emprisonnement et à condition que la personne ait été condamnée à une peine de sept ans d'emprisonnement. En outre, il ne serait pas applicable aux mineurs.

En contrepartie, la période de la liberté conditionnelle pourrait être prolongée au-delà de la durée de la peine non subie pour une période de trois ans en matière correctionnelle et de cinq ans en matière criminelle renouvelable une fois (article 8 bis A).

- l'extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire à tous les crimes de torture et d'actes de barbarie (article 13 A) ;

- la possibilité pour les psychiatres de prescrire des médicaments limitant la libido même si l'autorisation de mise sur le marché ne prévoit pas cette indication (article 13 bis ) ;

- diverses mesures (article 15 quater ) précisant les dispositions de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité .

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