C. AUDITION DE M. DENIS PIVETEAU, DIRECTEUR DE LA CAISSE NATIONALE DE SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE (CNSA)

Réunie le mercredi 26 octobre 2005 , sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 , a procédé à l'audition de M. Denis Piveteau, directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

M. Denis Piveteau, directeur , a indiqué que le conseil de la Caisse a approuvé les comptes lors de sa réunion du 11 octobre 2005. La nouveauté des comptes prévisionnels de la caisse pour 2006 réside dans le fait qu'ils font apparaître, en ressources, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour les personnes âgées et handicapées, pour un montant de 11 milliards d'euros. Cet Ondam médico-social, complété par une contribution de la CNSA alimentée par le produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie, permet de financer les établissements pour personnes âgées et handicapées, dépenses retracées en charges dans les comptes de la caisse.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie , a souhaité connaître avec précision les différentes charges de la CNSA, ainsi que la répartition du financement des créations de places en établissement entre la caisse et l'assurance maladie. Il s'est enfin interrogé sur l'effort consenti par la CNSA en 2006 pour le financement de la nouvelle prestation de compensation du handicap.

M. Denis Piveteau, directeur , a détaillé ainsi les dépenses de la CNSA : les charges de financement des établissements médico-sociaux s'élèvent à 11,3 milliards d'euros ; la contribution de la caisse au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) se monte à 1,4 milliard d'euros, ce qui couvre 37 % des dépenses des départements à ce titre ; le financement de la nouvelle prestation de compensation du handicap est prévu à hauteur de 500 millions d'euros, les départements recevant en outre une contribution de la caisse de 50 millions d'euros pour le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées ; la CNSA rembourse enfin à la branche famille la nouvelle majoration d'allocation d'éducation spéciale (AES), pour un montant de 15 millions d'euros.

Les recettes de la caisse proviennent, pour 2 milliards d'euros, du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie et, pour 1 milliard d'euros, de la contribution sociale généralisée (CSG). Ces recettes sont, pour les deux tiers, reversées aux départements et, pour le reste, elles abondent l'Ondam, majorant d'un dixième les ressources mises à disposition par l'assurance maladie. La CNSA financera également des actions innovantes en matière de modernisation des établissements et de formation des professionnels de l'aide à domicile, pour un montant de 50 millions d'euros et elle réserve une enveloppe de 20 millions d'euros aux dépenses d'animation, d'études et de statistiques.

Pour ce qui concerne les créations de places en établissement, M. Denis Piveteau a d'abord souligné que, dès lors que l'ensemble des dépenses est désormais retracé dans les comptes de la CNSA, il est difficile de distinguer l'origine des financements. Toutefois les créations de places pour personnes handicapées entraînent une augmentation des dépenses de 400 millions d'euros, l'effort supplémentaire de la CNSA s'élevant à 77 millions d'euros. Dans le domaine des personnes âgées, les mesures nouvelles s'élèveront à 560 millions d'euros, la Caisse en finançant environ la moitié. Il a reconnu qu'en 2005, les crédits apportés par la CNSA avaient permis à l'assurance maladie de faire une pause dans la progression de l'Ondam médico-social, mais il a insisté sur le fait que cet effet de substitution n'aura plus cours en 2006 : l'effort de la CNSA permettra de porter de + 11 % à + 13,7 % le taux de croissance des dépenses médico-sociales en faveur des personnes âgées.

M. Paul Blanc a voulu savoir si le retrait des unités de soins de longue durée (USLD) du champ de la CNSA, envisagé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, constitue un simple ajustement technique de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées ou un vrai recul par rapport à celle-ci. Il s'est interrogé sur la faisabilité d'un référentiel permettant de distinguer, parmi les personnes accueillies en USLD, celles qui relèvent d'une prise en charge sanitaire et celles qui relèvent d'un accompagnement médico-social, rappelant que les travaux sur ce sujet durent depuis plus de huit ans.

Il a également souhaité connaître l'état d'avancement des négociations de la CNSA avec l'Etat sur sa future convention d'objectifs et de gestion. Il a enfin voulu faire le point sur la conclusion entre la CNSA et les départements de leurs conventions pluriannuelles de financement.

M. Denis Piveteau a indiqué que la convention d'objectifs et de gestion de la CNSA devrait être signée avant la fin de l'année 2005. L'élaboration de ce document a été à la fois complexe et passionnante, du fait du rôle original d'animation, de pilotage stratégique et d'évaluation de la caisse ; elle s'est trouvée en outre facilitée par le fait que la Caisse est une structure nouvellement créée et que l'on ne se heurte pas à des traditions administratives anciennes pour mettre en place ces missions.

S'agissant des relations avec les départements, il a rappelé que les contributions de la caisse au titre de l'APA et de la prestation de compensation du handicap ne supposent en aucune manière un conventionnement préalable des départements avec la Caisse. Ce conventionnement n'est prévu que dans le cadre de la participation de la CNSA à l'installation et au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et il a pour objectif de définir contractuellement des objectifs en termes de qualité de service. Il a insisté sur la volonté de la caisse de ne pas céder à la précipitation pour la conclusion de ces conventions, indiquant qu'un délai de six mois après le démarrage des différents dispositifs paraît raisonnable. Dans l'attente de ces conventions définitives et pour ne pas retarder d'autant la mise à disposition de ces concours aux départements, la CNSA leur proposera des conventions provisoires, sur un modèle simplifié.

Abordant le sujet des USLD, M. Denis Piveteau a d'abord rappelé la spécificité de ces établissements qui, tout en ayant un statut sanitaire, relèvent d'une tarification médico-sociale : en conséquence, les patients acquittent non pas un forfait journalier, sur le modèle hospitalier, mais un prix de journée, plus onéreux. Dans ces conditions, il est logique que les crédits relatifs à leur financement soient intégrés à l'Ondam médico-social et donc gérés par la CNSA. Il a toutefois reconnu que la réforme proposée par la loi du 11 février 2005 reste au milieu du gué, dès lors que l'autorité de tarification demeure inchangée. Il a également admis que certaines des personnes accueillies en USLD relèvent d'une prise en charge sanitaire, sans qu'il soit possible de déterminer avec précision la proportion qu'elles représentent. Il en a conclu que le retrait des USLD de la compétence de la CNSA constitue une mesure conservatoire, dans l'attente d'une réforme plus profonde de ces établissements les intégrant dans le champ des établissements médico-sociaux. Une telle transformation constituerait un progrès pour les patients, le nombre de places étant susceptible d'être multiplié par deux, voire deux et demi, compte tenu du rapport entre le prix d'une place d'USLD et celui d'un lit en maison de retraite médicalisée.

M. Denis Piveteau a enfin mis en garde contre la quête de l'outil parfait pour assurer le partage entre patients relevant d'une prise en charge sanitaire et personnes nécessitant un accompagnement médico-social. Il a estimé que la définition de grandes masses, au niveau régional, est suffisante pour définir l'ordre de grandeur des dépenses à affecter à l'Ondam médico-social.

M. Bernard Cazeau a d'abord précisé que les départements sont réticents sur la question des USLD, de peur de se voir transférer subrepticement le financement de lits sanitaires. Il a ensuite expliqué que si les représentants des conseils généraux au conseil de la CNSA en ont approuvé le budget, c'est uniquement dans le souci d'avoir les moyens d'assurer un démarrage des maisons départementales des personnes handicapées au 1 er janvier 2006.

Il a également estimé que la question du handicap ne fait pas l'objet d'une réelle décentralisation, l'obligation de passer par la structure du groupement d'intérêt public (Gip) mettant finalement les départements sur le même plan que l'Etat, la sécurité sociale et les associations de personnes handicapées. Le fait que les présidents de conseils généraux soient présidents de droit des Gip n'est pas une garantie d'autonomie suffisante, dans la mesure où, hors le cas de la prestation de compensation du handicap, le département n'est pas assuré d'avoir la majorité des voix dans le processus de décision.

M. Bernard Cazeau s'est par ailleurs inquiété du poids de ces nouvelles responsabilités pour les finances départementales, notant que l'effort de l'Etat était revenu en quelques années de 50 % à 37 % du coût total de l'APA. Pour la prestation de compensation, il a indiqué que l'Etat et la CNSA prévoient une dépense de 1,5 milliard d'euros en 2006, sur la base des dépenses actuelles d'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), soit 1 milliard d'euros complété par une contribution de la CNSA à hauteur de 0,5 milliard d'euros. Or, cette prévision de dépenses est irréaliste, à son sens, car le nombre des bénéficiaires potentiels serait de 450.000, selon une étude commandée au Cabinet Ernst & Young, contre 150.000 pour l'actuelle ACTP. Il en a conclu que les dépenses nettes des départements au titre de la prestation de compensation du handicap seraient, dès 2006, supérieures aux dépenses actuelles d'ACTP, malgré le concours de la caisse.

M. Guy Fischer a rappelé que le groupe communiste républicain et citoyen du Sénat avait voté contre la création de la CNSA. Il a fait part des inquiétudes des associations de personnes handicapées sur le contenu réel de la prestation de compensation du handicap. Dans un contexte où les départements tentent par tous les moyens de limiter la progression de leurs dépenses d'aide sociale, il a souligné leurs craintes d'un rationnement des aides.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, s'est interrogé sur la pertinence de l'architecture institutionnelle mise en place avec la CNSA, estimant que celle-ci n'est lisible ni pour les bénéficiaires, ni pour les financeurs. Il a souhaité savoir si les 500 millions d'euros prévus au budget de la CNSA pour le financement de la prestation de compensation du handicap seront suffisants pour financer le surcoût de cette prestation par rapport à l'ACTP et si le nombre de bénéficiaires et le montant moyen versé à chacun d'entre eux avaient été évalués.

M. Denis Piveteau a souligné la difficulté à chiffrer les besoins de compensation du handicap, dans la mesure où ils étaient jusqu'à présent largement inexprimés. En outre, le nombre des bénéficiaires actuels de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou de l'ACTP ne constitue pas non plus un indicateur suffisant du nombre de bénéficiaires potentiels de la prestation de compensation. Il a toutefois fait état d'une étude réalisée par la CNSA estimant à 250.000 le nombre de ces bénéficiaires potentiels, tout en invitant les sénateurs à prendre ce chiffre avec prudence. S'agissant des montants moyens par individu, il a expliqué une nouvelle fois que ceux-ci sont difficiles à évaluer, en l'absence des décrets fixant les plafonds, les taux et les tarifs de prise en charge. L'enjeu de ces décrets est de concilier responsabilité et amélioration réelle des situations individuelles, ce qui suppose de déterminer des tarifs permettant à la fois d'améliorer concrètement la prise en charge des besoins de compensation tout en demeurant dans l'enveloppe financière prévue.

Il a cependant insisté sur le fait que le premier enjeu immédiat de la réforme, pour les personnes handicapées, réside moins dans les montants attribués que dans la qualité de l'accueil, la simplification, la sincérité des évaluations et la rapidité des démarches.

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