Article 8 (Art. L. 542-10-1 [nouveau] du code de l'environnement)
Régime juridique d'un centre de stockage en couche géologique profonde

Le droit en vigueur

Le droit actuel soumet toutes les installations nucléaires de base (INB) 66 ( * ) à un même régime d'autorisation.

Ce dernier résulte aujourd'hui du décret n° 63-1228 du 11 décembre 1963 relatif aux installations nucléaires et devrait être prochainement modifié par l'adoption et l'entrée en vigueur de la loi relative à la transparence et à la sûreté nucléaire (dite loi « TSN ») 67 ( * ) .

En application du I de l'article 13 du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité nucléaire, toute décision de création d'une nouvelle installation nucléaire de base est soumise à l'adoption d'un décret d'autorisation, pris après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cette autorisation ne peut être délivrée que si, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, l'exploitant démontre que les dispositions techniques ou d'organisation prises ou envisagées aux stades de la conception, de la construction et de l'exploitation ainsi que, pour les installations de stockage de déchets radioactifs, les principes généraux proposés pour leur entretien et leur surveillance après leur arrêt définitif, sont de nature à prévenir ou à limiter de manière suffisante les risques ou inconvénients que l'installation présente pour les intérêts environnementaux .

Cette autorisation doit prendre en compte les capacités techniques et financières de l'exploitant, qui doivent lui permettre de conduire son projet dans le respect de ces intérêts, notamment, pour les installations de stockage, pour couvrir les dépenses d'arrêt définitif, d'entretien et de surveillance.

Cette autorisation est délivrée après enquête publique.

Enfin, le décret d'autorisation détermine les caractéristiques et le périmètre de l'installation et fixe le délai dans lequel celle-ci doit être mise en service.

Par ailleurs, le paragraphe V bis de l'article 13 du projet de loi « TSN », introduit par les députés lors de la première lecture de ce texte, insère des dispositions spécifiques relatives à l'arrêt définitif et au passage en phase de surveillance des installations de stockage. En vertu de celles-ci, l'arrêt définitif et le passage en phase de surveillance d'une telle installation sont subordonnés à une autorisation qui ne peut être délivrée que si la demande comporte les dispositions relatives à l'arrêt définitif ainsi qu'à l'entretien et à la surveillance du site permettant, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, de prévenir ou de limiter de manière suffisante les risques ou inconvénients pour les intérêts environnementaux.

La délivrance de cette autorisation est subordonnée à la prise d'un décret, pris après avis de l'ASN, fixant les types d'opérations à la charge de l'exploitant après l'arrêt définitif. Enfin, l'ASN pourra fixer les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts environnementaux et, s'il y a lieu, celles relatives aux prélèvements d'eau, aux rejets dans l'environnement et aux substances radioactives issues de l'installation.

Avant la discussion du projet de loi « TSN », aucune procédure spécifique n'était donc prévue pour autoriser, en général, la création d'une installation de stockage de déchets radioactifs, ni, en particulier, celle d'un centre de stockage en couche géologique profonde.

Le texte du projet de loi initial

L'article 8 insère, dans le code de l'environnement, un nouvel article L. 542-10-1 définissant le régime juridique applicable à un centre de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde et la procédure prévue pour sa création.

Le premier alinéa de l'article L. 542-10-1 définit un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs comme une installation nucléaire de base (INB), tout en précisant que la création d'un tel centre ne peut être autorisée que selon une procédure dérogatoire du droit commun des INB, c'est à dire par dérogation aux dispositions du paragraphe I de l'article 13 du projet de loi « TSN ».

Au-delà de l'enquête publique obligatoire pour toute INB 68 ( * ) , cette procédure spécifique consiste en l'ajout de deux procédures de concertation locale et accorde une solennité particulière à la délivrance de l'autorisation.

Les deux procédures de consultation consistent, d'une part, en un débat public préalable, au sens de l'article L. 121-1 du code de l'environnement, et, d'autre part, en une consultation des collectivités territoriales dont une partie du territoire est distante de moins de dix kilomètres de l'accès principal aux installations souterraines envisagées

Les débats publics prévus par l'article L. 121-1 du code de l'environnement

Le débat public, tel que prévu par l'article L. 121-1 du code de l'environnement créé par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, constitue une étape dans le processus décisionnel en amont de l'élaboration d'un projet d'aménagement et d'équipement d'intérêt national. Il est obligatoire pour tous les grands projets d'infrastructure.

Conçu pour éviter les conflits susceptibles d'intervenir dans la réalisation de tels projets, le débat public constitue une des modalités de participation et de concertation préalable du public dont l'objet, selon les termes de l'article L. 121-1, porte sur « l'opportunité, les objectifs et les caractéristiques principales du projet ».

La Commission nationale du débat public (CNDP), créée en 1995 par la loi dite « Barnier » et transformée en autorité administrative indépendante par la loi du 27 février 2002, constitue l'organe majeur de cette procédure puisqu'elle détermine le principe ainsi que les modalités de ce débat. Elle a notamment le choix entre :

- organiser elle-même ce débat, en en confiant l'animation à une commission particulière du débat public (CPDP).

- confier l'organisation de ce débat au maître de l'ouvrage ou à la personne publique responsable du projet.

A l'issue du débat public, qui ne peut durer plus de six mois, un compte-rendu est publié dans un délai de deux mois à compter de la date de clôture du débat. Le maître d'ouvrage ou la personne publique responsable du projet décide alors du principe et des conditions de la poursuite du projet dans un délai de trois mois après la publication du bilan du débat public.

Quant à l'autorisation elle-même, elle sera délivrée par décret en Conseil d'Etat et non par décret simple, comme c'est le cas pour les autres INB.

Le deuxième alinéa de l'article L. 542-10-1 précise que l'évaluation de la sûreté du centre, réalisée au stade de l'examen de sa demande d'autorisation, doit être appréciée pour l'ensemble des phases de sa gestion, y compris sa fermeture définitive. Il ajoute que l'autorisation fixera une durée minimale de réversibilité du stockage, c'est-à-dire la période pendant laquelle il devra être possible de reprendre les colis de déchets dans des conditions économiques raisonnables. Cette durée ne pourra être inférieure à cent ans. Elle doit s'analyser au regard des études qui, réalisées par l'ANDRA sur le site de Bure, démontrent que la réversibilité pourrait être assurée pendant une période de 200 à 300 ans.

Enfin, le dernier alinéa de l'article inséré dans le code de l'environnement prévoit que les dispositions de deux articles du code de l'environnement issus de la loi de 1991 et relatifs à l'autorisation d'un laboratoire seront également applicables au centre de stockage.

Le premier de ces articles est l'article L. 542-8. D'une part, il dispose que, dans le périmètre qu'elle détermine, l'autorisation confère à son titulaire un certain nombre de prérogatives comme celle de procéder à des travaux en surface et en sous-sol ou de disposer des matériaux extraits à l'occasion de ces travaux. D'autre part, il permet l'expropriation des terrains situés dans ce périmètre ou l'indemnisation de leurs propriétaires.

Quant à l'article L. 542-9, il prévoit l'établissement, au-delà de ce premier périmètre, d'un second périmètre dit de protection dans lequel les opérations susceptibles de compromettre l'installation ou le fonctionnement du laboratoire peuvent être réglementées ou interdites.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications substantielles au texte proposé par le projet de loi pour le nouvel article L. 542-10-1.

Le premier alinéa de cet article a été scindé en cinq alinéas qui modifient la procédure initialement prévue. Sont ainsi ajoutées :

- la remise préalable d'un rapport spécifique de la commission nationale d'évaluation ;

- et la transmission de ce rapport, accompagné du compte rendu du débat public et d'un avis de l'Autorité de sûreté nucléaire, à l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, qui évalue ce rapport et rend compte de ses travaux aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Par ailleurs, la consultation des collectivités territoriales ne s'applique plus à celles dont une partie du territoire est distante de moins de dix kilomètres de l'accès principal aux installations souterraines mais à celles qui sont situées en tout ou partie dans les zones dites de proximité mentionnées à l'article L. 542-11 du code de l'environnement. Ces dernières sont définies par l'article 9 du projet de loi comme des zones permettant aux communes qui y sont situées :

- d'une part, d'être membres de droit des groupements d'intérêts publics (GIP) prévus à cet article ;

- d'autre part, de bénéficier de façon prioritaire des interventions de ces GIP.

Il ressort des débats à l'Assemblée nationale que l'objectif de ce changement est la volonté de prendre en compte des centres urbains au stade de la consultation. En effet, comme l'indique la carte figurant en annexe, les villes de Bar-le-Duc, Commercy, Joinville, Ligny-en-Barois et Saint-Dizier sont situées hors du périmètre des dix kilomètres. Or, ces villes semblent les mieux disposées à pouvoir réellement profiter des retombées d'un laboratoire ou d'un centre de stockage.

Les autres modifications apportées par l'Assemblée nationale à l'article 8 sont strictement rédactionnelles.

Propositions de votre commission

Votre commission approuve les apports de l'Assemblée nationale quant au renforcement de la procédure d'autorisation, en particulier en ce qui concerne la participation active du Parlement au travers du rapport de l'OPECST aux commissions parlementaires. L'Office apparaît en effet comme un complément très opportun au vote du Parlement sur la réversibilité prévu à l'article 7 bis . Son rapport permettra aux parlementaires de se prononcer en étant pleinement informés de la teneur du dossier d'autorisation ainsi que du rapport réalisé par l'Autorité de sûreté nucléaire 69 ( * ) .

En revanche, votre commission est plus réservée sur la superposition entre, d'une part, la zone de proximité constituant le coeur des groupements d'intérêts publics prévus à l'article 9, et, d'autre part, la zone définissant les collectivités qui seront consultées dans le cadre de la procédure d'autorisation.

En effet, si la première zone concerne le développement économique des environs du laboratoire et mérite effectivement d'être étendue aux villes situées autour du centre, la seconde renvoie, en revanche, à des problématiques d'acceptation de l'installation par son voisinage immédiat. Celles-ci ne se posent pas de la même façon à huit kilomètres ou à trente kilomètres du site .

Les préoccupations économiques des uns - aussi essentielles qu'elles soient - ne sauraient être mises sur le même plan que les inquiétudes et les questions légitimes des communes voisinant avec le centre 70 ( * ) .

Le but poursuivi par l'Assemblée nationale, à savoir contraindre les exploitants nucléaires à engager plus concrètement le développement des territoires concernés, est tout à fait légitime et doit être atteint. Pour autant, il apparaît aux yeux de votre commission que la méthode retenue, qui dilue l'expression des élus les plus proches du site au sein d'un ensemble qui leur échappe, n'est pas forcément la plus efficace.

Pour ces raisons, votre commission vous proposera, dans le cadre de l'article 9, de distinguer la zone pour la consultation prévue à l'article 8 de la zone de proximité liée au GIP.

S'agissant du présent article 8, votre commission ne vous soumet qu'un seul amendement présentant une simple portée rédactionnelle.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 66 C'est-à-dire les installations, dont nucléaires, fixes pour lesquelles la quantité et la nocivité totale des substances sont supérieurs à un seuil fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement, de l'industrie et de la santé.

* 67 Projet de loi n° 326 (2001-2002) relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

* 68 En application du droit commun des INB, cette enquête publique couvre un périmètre de dix kilomètres autour de l'accès principal au centre.

* 69 Autorité que la loi relative à la transparence et la sécurité en matière nucléaire, en cours d'adoption, érige en autorité administrative indépendante.

* 70 Notons d'ailleurs que même un périmètre très restreint inclut nécessairement la consultation des conseils généraux et régionaux puisqu'ils répondent bien à la définition de collectivités territoriales ayant une partie de leur territoire dans la zone, quelle qu'en soit l'étendue.

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