N° 396

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 14 juin 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Norvège et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord relatif à la propriété commune d'un système de sauvetage sous-marin ,

Par M. André BOYER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Sénat : 325 (2005-2006)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de l'accord conclu à Bruxelles le 9 décembre 2003 entre la France, la Norvège et le Royaume-Uni, relatif à la propriété commune d'un système de sauvetage sous-marin.

Ce projet a été initié au sein d'un groupe de travail de l'OTAN en 1996, puis il est entré en phase de réalisation à partir de 2003, dans le cadre d'une coopération entre la France, la Norvège et le Royaume-Uni formalisée par un mémorandum d'entente en date du 6 juin 2003. Destiné au secours des sous-marins en difficulté et au sauvetage de leurs équipages, il porte sur la réalisation d'un système complet comprenant un robot de reconnaissance téléopéré, un sous-marin de secours capable d'intervenir jusqu'à 610 mètres de profondeur, ainsi que les éléments permettant de le mettre à l'eau et de le récupérer. Tous ces sous-ensembles seront aérotransportables pour garantir une capacité d'intervention en moins de 72 heures.

Le « NATO Submarine Rescue System » (NSRS) doit entrer en service à la fin de l'année 2006. Il constituera un équipement multinational unique en Europe et permettra notamment à la France, jusqu'à présent dépendante de moyens détenus par d'autres nations, d'acquérir son propre système de sauvetage, même s'il est partagé avec deux autres pays. L'une des particularités du projet tient à ce que sa mise en oeuvre et sa maintenance seront assurées, au profit des trois pays propriétaires, par un opérateur privé - la société britannique Rolls Royce - en charge de sa fabrication.

Votre rapporteur effectuera une présentation de ce programme d'équipement avant d'évoquer les modalités retenues pour son utilisation, et notamment les questions de propriété juridique qui font l'objet de l'accord du 9 décembre 2003.

I. UN PROGRAMME QUI DOTERA LA FRANCE D'UN SYSTÈME DE SAUVETAGE SOUS-MARIN PERFORMANT

Le naufrage du sous-marin nucléaire d'attaque russe « Koursk », survenu le 12 août 2000 par plus de 100 mètres de fond dans la mer de Barents, a illustré dans des conditions particulièrement dramatiques les enjeux liés à la possession de systèmes de sauvetage sous-marins rapidement déployables. En l'occurrence, les diverses tentatives de sauvetage effectuées par des submersibles de secours, russe tout d'abord puis britannique, avaient échoué, ce qui réduisit à néant toute possibilité de venir en aide aux éventuels survivants parmi les 118 hommes d'équipage.

En France, les accidents de même nature remontent à plus de trente ans, avec le naufrage en Méditerranée des sous-marins « Minerve », le 27 janvier 1968, et « Eurydice », le 4 mars 1970. La profondeur des eaux dans les zones où sont survenus ces deux accidents rendaient impossible toute intervention d'un système de sauvetage. Notre pays a cependant développé certains moyens de secours et a conclu avec d'autres partenaires, principalement les Etats-Unis, des accords permettant de bénéficier de l'intervention de leurs propres systèmes.

Le programme tri-national « NATO Submarine Rescue System » (NSRS) dotera pour la première fois la France d'un système de sauvetage capable d'opérer partout dans le monde sous faible préavis et d'évacuer les équipages à une profondeur de l'ordre de 600 mètres.

A. LES SYSTÈMES DE SAUVETAGE SOUS-MARIN EN FRANCE ET DANS LE MONDE

Les sous-marins sont généralement dotés de sas de sauvetage permettant l'évacuation individuelle des hommes d'équipage munis à cet effet de combinaison de survie, mais une telle opération demeure délicate et risquée. Elle est envisageable jusqu'à une profondeur maximale de 180 mètres, les risques augmentant bien entendu avec la profondeur. Au-delà, il faut faire appel à de petits sous-marins de plongée profonde spécialement conçus pour le sauvetage , désignés sous l'appellation générique anglaise de « Deep Submergence Rescue Vehicle » (DSRV).

Acheminé jusqu'au lieu du naufrage à bord d'un navire spécialisé ou fixé au pont d'un autre sous-marin, le sous-marin de secours s'arrime au sas de sauvetage du bâtiment naufragé et permet, en plusieurs voyages, le recueil de l'équipage. La réussite d'une telle opération de secours est tributaire de nombreux facteurs : les délais d'acheminement sur zone , avec généralement la nécessité d'un transport aérien par appareil gros porteur avant l'embarquement du sous-marin de secours par voie maritime ; le positionnement du sous-marin en perdition , ce dernier devant être posé sur le fond sans gîte et assiette excessives, ce qui n'était pas par exemple le cas du « Koursk » ; enfin, le dispositif d'arrimage du bâtiment à secourir doit être compatible avec celui du sous-marin de secours, ce qui est le cas pour les marines de l'OTAN et des pays partenaires.

Si l'on compte dans le monde environ quarante pays employant des sous-marins, seuls quelques pays disposent de systèmes de sauvetage à grande profondeur .

Au sein de l'OTAN, trois pays sont équipés de tels systèmes : les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Italie.

Les Etats-Unis possédaient jusqu'à une date récente deux sous-marins de sauvetage sur la base de San Diego en Californie, mais l'un d'entre eux a été désarmé. Le sous-marin de secours est conçu pour être transporté sur le lieu de l'accident par un sous-marin « mère ». Il peut accueillir jusqu'à 24 hommes d'équipage. Ce système conçu au début des années 1970 n'a jamais été utilisé pour des missions réelles 1 ( * ) . Il est en voie d'être remplacé par un nouvel équipement dont la mise en service est prévue fin 2007. Celui-ci ne serait plus dépendant du transport par un sous-marin « mère » mais pourra être mis en oeuvre à partir de bâtiments d'opportunité affrétés à l'occasion de l'opération.

Le Royaume-Uni possède, basé à Glasgow, un système constitué d'un sous-marin de sauvetage, le LR5, et de tous les moyens associés à sa mise en oeuvre. Celle-ci s'effectue à partir de bâtiments d'opportunité affrétés pour l'occasion. Le LR5 peut intervenir jusqu'à 450 mètres de profondeur. Il a été déployé en août 2000 pour tenter de sauver les survivants du « Koursk ». Le système britannique est également doté d'un moyen d'intervention qui a été déployé le 5 août 2005 au Kamchatka pour désengager avec succès un bathyscaphe de la marine russe pris dans des filets de pêche à 230 mètres de profondeur, en sauvant la vie des 7 membres d'équipage.

L' Italie possède pour sa part un sous-marin de sauvetage mis en oeuvre à partir d'un bâtiment dédié, l'Anteo. Le système, basé à La Spezia, ne peut pas être déployé sans son bâtiment support, ce qui en limite l'emploi aux côtes italiennes.

Parmi les autres pays, la Russie, la Suède, l'Australie, le Japon et la Corée du Sud, possèdent des moyens de sauvetage de sous-marins. Mais ces systèmes sont en majorité dédiés, limités aux eaux territoriales et limités en capacité de déploiement. La Chine et l'Inde sont également en pourparlers pour acquérir des moyens de sauvetage pour leurs sous-marins.

Les moyens d'intervention étant donc relativement peu nombreux, des accords entre marines permettent aux pays non dotés de bénéficier d'une assistance pour les opérations de sauvetage. L'OTAN a bien entendu constitué un cadre privilégié pour cette coopération matérialisée par de nombreux exercices communs. Le dernier en date, l'exercice « Sorbet royal » effectué en juin 2005, a mis en oeuvre les moyens de secours, de soutien et d'assistance médicale d'une douzaine de pays pour tester en conditions réelles les procédures, les personnels et les équipements d'évacuation et de sauvetage.

La France , pour sa part, ne possède pas jusqu'à présent de moyen national pour le sauvetage de ses équipages de sous-marins . Un accord conclu avec l'US Navy lui permet de faire appel, si nécessaire, aux moyens de sauvetage américains . A cet effet, les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) de type « Redoutable » ont été équipés pour jouer le rôle de sous-marin « mère », c'est-à-dire qu'ils peuvent fixer sur leur pont et transporter le sous-marin de secours américain. Le dernier SNLE de ce type, l'Inflexible, doit être retiré du service en 2008 et, en tout état de cause, le système américain actuel sera remplacé fin 2007 par un nouveau type d'équipement.

Il faut toutefois signaler que les sous-marins d'attaque français, par conception, peuvent être ventilés par l'extérieur pour que leur atmosphère puisse être renouvelée en cas d'accident. La France a donc développé un moyen d'intervention sous la mer autour de cette capacité. Elle dispose aujourd'hui d'un système de ventilation par l'extérieur pouvant travailler jusqu'à 250 mètres de profondeur avec un scaphandre atmosphérique pour le raccordement des flexibles de ventilation jusqu'à cette immersion. La sécurité de ce scaphandre est assurée par un véhicule téléopéré qui a été récemment utilisé pour intervenir sur l'épave du « Klein Family » au large de Cherbourg.

L'arrivée en fin de vie du système américain, tout comme celle des deux systèmes européens existants, a fourni l'opportunité de réexaminer la situation française. Une solution européenne s'est dégagée, permettant à la France d'accéder à des moyens extrêmement performants tout en partageant les coûts d'acquisition et de soutien avec deux autres pays.

* 1 L'US Navy dispose également de deux cloches de sauvetage dont les capacités (immersion, nombre de rescapés, environnement) sont limitées. Ces cloches sont le seul système que les Etats-Unis aient mis en oeuvre avec succès pour le sauvetage d'un sous-marin. Ce sauvetage a eu lieu en 1939, le long des côtes de la Nouvelle Angleterre. L'USS Squalus avait sombré par 40 mètres de fond à cause d'une vanne bloquée ouverte. L'accident a fait 26 victimes et 33 rescapés ont pu être secourus.

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