MISSION « DÉFENSE » MM. Yves Fréville et François Trucy, rapporteurs spéciaux

I. L'ÉXÉCUTION 2005 EST GLOBALEMENT SATISFAISANTE ET PROCHE DES OBJECTIFS DE LA LOI DE PROGRAMATION MILITAIRE (LPM)

A. UN TAUX DE CONSOMMATION RESPECTANT L'AUTORISATION BUDGÉTAIRE DU PARLEMENT

La loi de finances pour 2005 ouvrait 42,42 milliards d'euros en crédits de paiement au titre de la défense.

Comme le montre le tableau suivant, la consommation des crédits disponibles s'est élevée à 94,03 % du total des crédits de la défense . Ce taux global recouvre cependant deux réalités différentes : les crédits disponibles du titre III ont été consommés à hauteur de 99,42 %, alors que les crédits disponibles des titres V et VI n'ont été utilisés qu'à hauteur de 87,74 %.

Ces disparités n'empêchent pas que la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 28 ( * ) a été globalement respectée, pour la troisième année consécutive.

B. L'EXÉCUTION 2005 SE RAPPROCHE DE L'OBJECTIF FIXÉ PAR LA LPM POUR LES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT

1. Des objectifs respectés en loi de finances initiale...

La loi de finances pour 2005 avait respecté les dispositions de la LPM, en inscrivant aux titres V et VI du budget de la défense 15,197 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 1,9 % par rapport à 2004. Les autorisations de programme s'élevaient pour ces titres à 15,315 milliards d'euros .

Le tableau suivant met en regard les objectifs fixés par la LPM et les dotations prévues en loi de finances initiale :

Application de la LPM 2003-2008 jusqu'en 2005

(en milliards d'euros)

Titres V et VI du budget de la défense

2003

2004

2005

Objectifs en crédits de paiement des titres V et VI, fixés par l'article 2 de la LPM, après indexation

13,65

14,85

15,16

Crédits de paiement des titres V et VI ouverts en loi de finances initiale

13,64

14,9

15,19

Il apparaît que la loi de finances pour 2005 a respecté, et même surpassé, les valeurs fixées par la LPM pour les crédits d'investissement.

2. ...dont l'exécution est en voie d'amélioration

Les dépenses nettes sur les titres V et VI, soit 14,29 milliards d'euros, ont représenté 87,74 % des crédits disponibles et 94 % des crédits initiaux votés. Toutefois ces résultats comptables doivent être affinés pour mieux appréhender le taux réel de consommation des crédits d'équipement.

Il convient, d'abord, d'ajouter aux dépenses nettes les transferts représentant pour l'essentiel les subventions d'équipement militaire versées au CEA 29 ( * ) et au CNES 30 ( * ) , à hauteur de 1,36 milliard d'euros . Les dépenses militaires en capital s'élèvent ainsi à 15,65 milliards d'euros, en progression de 13,4 % sur celles de 2004, soit 13,80 milliards d'euros.

Si l'on rapporte ces dépenses au montant des crédits votés en loi de finances initiale et majorés du montant des fonds de concours rattachés, le taux de consommation des crédits initiaux passe de 91,4 % en 2004 à 101 % en 2005 . Les dépenses militaires en capital dépassent ainsi de 154 millions d'euros la norme moyenne de dépenses fixée à chaque ministère

Si l'on compare ces mêmes dépenses au montant des crédits disponibles avant transferts, c'est à dire aux crédits initiaux majorés des fonds de concours, des variations de prévisions de dépenses en cours d'année et des reports de crédits, le taux de consommation des crédits disponibles avant transferts atteint 88,7 % (contre 83,25 % en 2004).

Le ministère a donc réalisé de nets progrès de consommation des crédits d'investissement comme en témoigne le tableau suivant.

Consommation des crédits d'équipement militaires de 1995 à 2005
(titres V et VI)

Dépenses d'équipement avec transferts (en milliards d'euros)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

12,90

13,39

12,70

11,66

11,77

11,99

12,03

12,66

13,26

13,80

15,65

Taux de consommation (en pourcentage des crédits disponibles avant transferts)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

88,2%

94,3%

92,5%

93,3%

92,1%

92,7%

92,2%

94,1%

89,8%

83,3%

88,7%

Taux de consommation (en pourcentage des crédits initiaux majorés des fonds de concours)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

87,7%

97,0%

92,8%

92,7%

87,9%

93,0%

92,4%

101,7%

95,5%

91,4%

101,0%

L'année 2005 se caractérise donc à la fois par une forte hausse des dépenses d'équipement, transferts inclus , soit 13,4 % par rapport à 2004 et 18,0 % par rapport à 2003, ainsi qu'une nette augmentation de la capacité du ministère de la défense à dépenser les crédits alloués à l'investissement , après une diminution lente mais continue depuis 2002.

Cette forte progression des dépenses d'investissement s'explique par une meilleure consommation des crédits ouverts en loi de finances et d'une partie des crédits reportés, sur laquelle vos rapporteurs spéciaux reviendront.

Le graphique suivant illustre l'évolution en euros constants (valeur 2005) des dépenses militaires en capital depuis 1991. Les dépenses de 2005 sont supérieures de 20 % à celles des années 1998-2000, qui constituent le point bas de la courbe. Elles restent cependant inférieures de 17 % à celles des années 1991-1992 de sortie de la « guerre froide ».

A. C. LA STABILISATION DU SOUS-EFFECTIF ET L'EXÉCUTION DU
TITRE III

1. Des crédits initiaux proches des objectifs de la LPM

Les crédits du titre III ont été exécutés de façon satisfaisante, soit 99,42 %. Les mouvements de crédits en cours d'année, tels que les reports de crédits de l'année 2004 (171,37 millions d'euros), l'ouverture de 621,45 millions d'euros, par décret d'avance 31 ( * ) et loi de finances rectificative 32 ( * ) , l'apport de fonds de concours (462,42 millions d'euros), et les transferts et répartitions (9.501,32 millions d'euros au titre des charges de pensions) ont amené le niveau des ressources disponibles à 18,980 milliards d'euros .

Les dépenses nettes ont atteint 18,871 milliards d'euros ainsi décomposées : 14,744 milliards d'euros en rémunérations et charges sociales et 4,127 milliards d'euros en fonctionnement.

Les crédits ainsi ouverts et dépenses ont permis de ne pas creuser l'écart avec les objectifs de la LPM présentés dans le tableau suivant :

Application de la LPM 2003-2008 jusqu'en 2005 (titre III)

2003

2004

2005

Effectifs civils et militaires prévus par l'article 3 de la LPM

437.069

437.896

440.719

Effectifs civils et militaires prévus en PLF

437.069

437.789

436.910

Taux de réalisation des objectifs de la LPMP en PLF

100 %

99,9 %

99,13 %

Effectifs civils et militaires réalisés

422.068

426.377

424.105

Taux de réalisation des objectifs de la LPM en exécution

96,5 %

97,3 %

96,2 %

Le sous-effectif reste donc stable aux alentours de 4 %, et vos rapporteurs spéciaux se demandent si les armées n'ont pas ainsi trouvé un certain point d'équilibre , un peu inférieur aux objectifs fixés par la LPM, mais conforme aux besoins militaires actuels.

Cette analyse semble d'ailleurs être confirmée par l'annonce de la suppression de 4.387 postes militaires en 2006 , dans le cadre de la réduction des effectifs de la fonction publique récemment annoncée par le gouvernement. Il semble que la suppression concerne les postes vacants du ministère de la défense et entérine, de fait, le décalage entre les effectifs réalisés en exécution et les effectifs prévus par l'article 3 de la LPM 2003-2008.

2. L'exécution du titre III du ministère de la défense appelle toutefois quelques remarques sur les mesures en personnel

Le titre III du budget du ministère de la défense a bénéficié de l'ouverture de 621,45 millions d'euros en 2005 , dont 491 millions d'euros ont concerné des mesures de personnels et 120 millions d'euros des mesures de fonctionnement.

• Les surcoûts des opérations extérieures (OPEX) ont atteint 550 millions d'euros en 2005, dont 521 millions d'euros en titre III . La dotation budgétaire à ce titre s'élevait en loi de finances initiales à 100 millions d'euros, ce qui constituait un effort notable de sincérité budgétaire (jusqu'alors seuls 24,39 millions d'euros étaient budgétés, chaque année, depuis 1999, au titre des OPEX). Vos rapporteurs spéciaux avaient salué ce début de budgétisation des OPEX, tout en soulignant la marge de progression restante. En 2005, 421 millions d'euros supplémentaires ont été prévus par le décret d'avance du 26 septembre 2005 précité pour le financement des surcoûts des OPEX. Notons qu'en loi de finances initiale pour 2006 la dotation budgétaire allouée aux OPEX a augmenté pour atteindre 175 millions d'euros et que la ministre de la défense a pris l'engagement, le 25 octobre 2005, devant votre commission des finances, de budgéter l'intégralité des surcoûts des OPEX avant la fin de l'actuelle loi de programmation militaire.

• De plus, des abondements supplémentaires ont également été nécessaires au titre des rémunérations et des charges sociales . Avant l'application de la LOLF, les crédits budgétaires nécessaires au financement des charges et prestations sociales étaient évaluatifs, il n'était donc pas anormal d'ajuster le montant des crédits en cours d'année.

En revanche, deux points doivent être relevés :

- les revalorisations du point fonction publique ne sont pas prévues en loi de finances initiale et donnent lieu, en cours d'exécution budgétaire, à un besoin de financement conséquent depuis plusieurs années ;

- la procédure utilisée pour satisfaire le besoin de financement supplémentaire au titre des rémunérations et des charges sociales n'était pas exempte de reproche. Si les 70 millions d'euros supplémentaires ouverts par le décret d'avance précité n'appellent pas d'autres remarques que celle relative à la nécessaire amélioration de la sincérité de la loi de finances initiale, 104,27 millions d'euros complémentaires ont été versés selon un mécanisme que la Cour des comptes ne juge pas conforme aux procédures budgétaires . La loi de finances rectificative pour 2004 avait ouvert 172 millions de crédits supplémentaires, notamment pour couvrir l'augmentation des prix du pétrole. A ce titre, le compte de commerce n° 904-20 « Approvisionnement des armées en produits pétroliers » avait été abondé. Il était, à la fin de l'exécution 2004, en excédent de 142 millions d'euros. Un décret de virement de crédits 33 ( * ) a transféré 104,27 millions d'euros au titre III du budget des armées.

3. L'exécution des moyens de fonctionnement

• Les dépenses d'alimentation ont augmenté de 4,9 % entre 2004 et 2005, pour s'établir à 337 millions d'euros .

• La dotation en carburant s'est élevée à 363 millions d'euros en 2004 et 351 millions d'euros en 2005. La loi de finances rectificative pour 2004 a ouvert 172 millions d'euros alloués aux dépenses de carburant, dont 32 millions d'euros sont à rattacher à l'exercice 2004 et 140 millions d'euros à l'exercice 2005. De ce fait, la consommation réelle de carburant a atteint 395 millions d'euros en 2004 et 492 millions d'euros en 2005.

Le volume de carburant consommé par le ministère de la défense a diminué de 12 % depuis 2001. La rationalisation de ces dépenses et l'effort budgétaire consenti ont permis de faire face aux besoins en 2005 et même de reconstituer les stocks. Rappelons qu'en septembre 2005, un mécanisme de couverture du risque de fluctuations des prix du pétrole a été mis en place, dont la gestion a été confiée à l'agence France Trésor.

• L'exécution des moyens de fonctionnement a donné lieu à l'ouverture de 120 millions d'euros par le décret d'avance du 26 septembre 2005, afin :

- de compenser l'augmentation des prix du pétrole ;

- d'assurer le paiement des loyers de la gendarmerie ;

- et, dans une moindre mesure, de permettre le financement de la participation de la France aux opérations militaires menées sous l'égide de l'Union européenne ou de l'OTAN.

D. LE DIFFICILE RESPECT DES OBJECTIFS D'ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE

Vos rapporteurs spéciaux avaient remarqué que la gestion en flux tendus des crédits budgétaires (tant en dépenses ordinaires qu'en dépenses en capital) ne permettrait pas de respecter les objectifs d'activité opérationnelle prévus par la LPM et avaient attiré l'attention sur la nécessité de respecter au plus près ces objectifs afin de rattraper le retard accumulé, notamment en termes d'équipement, pendant la loi de programmation précédente.

Le vieillissement du matériel, le coût du maintien en condition opérationnel, sous-estimé par la LPM 2003-2008, l'augmentation des carburants ont entraîné une exécution en retrait des objectifs d'activité opérationnelle , et parfois même en retrait des objectifs d'exécution fixés en loi de finances pour 2005.

Si des progrès ont été réalisés par rapport à 2004, notamment en termes d'heures de vol des pilotes de combat de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air, en termes de jours de sorties des unités sur le terrain de l'armée de terre et de jours en mer par bâtiment , de nombreux résultats restent en deçà des objectifs de la LPM et même des objectifs de réalisation prévus en 2005.

Le nombre d'heures de vol des pilotes de transport est ainsi particulièrement bas , notamment pour l'armée de l'air : 279 heures de vol contre 400 prévues par la LPM, et 320 prévues initialement en 2005. Le tableau suivant présente les résultats d'activité opérationnelle en 2005.

Objectifs d'activité opérationnelle

Indicateurs de résultats

Objectif LPM

2004

2005

Prévisions

Réalisation

Armée de l'air

- Heures de vol par pilote de combat

- Heures de vol par pilote de transport

180

400

168

325

180

320

170

279

Armée de terre

- Nombre annuel de jours de sortie des unités sur le terrain

- Nombre annuel d'heures de vol par pilote d'hélicoptère

100

180

90

147

100

160

96

160

Marine

- Nombre de jours en mer par bâtiment

- Nombre annuel d'heures de vol

- pilotes de chasse

- pilotes d'hélicoptère

- équipage de patrouille marine

100

180

220

350

91

175

203

363

95

180

220

350

92

183

204

326

E. L'ÉVOLUTION À LONG TERME DES DÉPENSES DE PERSONNEL AU SEIN DU TITRE III ET DU BUDGET DE LA DÉFENSE

En conclusion, vos rapporteurs spéciaux tiennent à attirer l'attention sur l'évolution en exécution de la structure du budget de la défense (hors pensions) depuis quinze ans. Le graphique suivant illustre cette évolution en euros constants (valeur 2005) :

Sous l'impact de la professionnalisation des armées, les dépenses de personnel au titre de la rémunération et des charges sociales (RCS) sont passées de 70 % du titre III en 1991-1992 à 77 % en moyenne en 1998-1999 pour se stabiliser ensuite à ce niveau (77,5 % en 2005). Les dépenses de fonctionnement, de matériel et de maintien en condition opérationnelle ont évidemment suivi l'évolution inverse en tombant de 30 % en 1991-1992 à seulement 22,5 % en 1998-1999 pour se stabiliser ensuite.

Mais on remarque que malgré l'effort actuellement consenti en faveur des dépenses de maintien en condition opérationnelle (MCO), les dépenses de fonctionnement et de MCO des armées n'ont pas encore retrouvé le niveau (en euros constants) qui était le leur au cours des années 1991-1996, avant le passage à une armée professionnelle.

II. LA PROBLÉMATIQUE DE RÉSORPTION DES REPORTS DE CRÉDITS ET L'EXÉCUTION DE LA LPM

A. LA NÉCESSAIRE RÉSORPTION DES REPORTS DE CRÉDITS CONTRAINTE PAR LES EXIGENCES DE LA RÉGULATION BUDGÉTAIRE

1. La consommation des reports de crédits est gagée par la politique d'engagement du ministère de la défense

Les reports de crédits d'équipement du budget de la défense s'étaient fortement accrus, de près de 2 milliards d'euros au cours des années 2003 et 2004 puisqu'ils étaient passés de 795 millions d'euros fin 2002 à 2.775 millions d'euros fin 2004 pour les deux raisons suivantes.

D'abord, l'absence de budgétisation initiale des opérations extérieures (OPEX) obligeait le ministère de la défense à prévoir leur financement en avance de trésorerie. Les crédits nécessaires au financement des OPEX et le rétablissement des crédits gelés n'intervenaient qu'en fin d'année. Un décret d'avances sur les crédits du titre III était gagé par un décret d'annulation sur le titre V. Les crédits annulés au titre V étaient, en général, réouverts en loi de finances rectificative. Le ministère n'avait alors pas le temps de consommer ces crédits rendus disponibles trop tardivement, ce qui a entraîné la constitution de reports de crédits 34 ( * ) .

A cela s'ajoutent les contraintes pesant sur la politique d'engagement des dépenses du ministère de la défense en raison de l'importance des reports de charges 35 ( * ) de l'exécution budgétaire précédente. Ces reports de charges correspondent aux factures restant à payer en fin d'année. Ils peuvent entraîner le paiement d'intérêts moratoires. Ils apparaissent nécessairement si la politique d'engagement des crédits du ministère menée au cours des années antérieures pour des opérations d'équipement s'étalant dans la longue durée a pour résultat de conduire à un niveau de dépense supérieur à la norme de dépenses imposée dans le cadre de la régulation budgétaire de l'année (le montant des crédits initiaux).

Même si les reports de crédits et les reports de charges sont deux notions distinctes, leur gestion est liée. En effet, lorsque les reports de charges atteignent des niveaux trop importants , c'est-à-dire supérieurs aux reports de crédits, le solde de gestion du ministère devient négatif . Le ministère de la défense doit tenir compte de la masse de ses reports de charges et du solde de gestion pour décider de sa politique de consommation des crédits. Le graphique suivant présente l'évolution des reports de charges, des reports de crédits et du solde de gestion du ministère de la défense, de 2000 à 2005.

Evolution des reports de charges, des reports de crédits et du solde de gestion du ministère de 2000 à 2005

(en millions d'euros)

Source : ministère de la défense

On constate que de 2002 à 2003 les reports de charges ont considérablement augmenté, passant de 950 millions d'euros à 2.120 millions d'euros , soit une augmentation de 44,8 %.

Les reports de crédits ont également augmenté au début de la période de programmation de 52,5 % pour atteindre 1.513 millions d'euros. En 2003, le solde de gestion s'est ainsi établi à - 608 millions d'euros .

En 2004, la politique d'engagement du ministère était fortement contrainte à la fois par le solde de gestion négatif de 2003 et par le montant record atteint par les reports de charges. Ils se sont élevés à 3.046 millions d'euros, soit une augmentation de 69,6 %. C'est à partir de ce moment qu'a été évoquée la formation d'une « bosse » des reports de crédits, l'évolution des reports de charges restant peu connue.

2. La réduction des reports de crédits est freinée par la norme de dépense annuelle

Les différents éléments précédemment présentés ont conduit à l'émergence d'une « bosse » des reports de crédits de paiement, caractérisée dans le tableau suivant.

Evolution des reports de crédits

(en millions d'euros)

2000

2001

2202

2003

2004

2005

Reports de crédits

950

1.010

795

1.513

2.775

1.996

Les reports de crédits ont augmenté en 2003 pour atteindre 1,51 milliard d'euros . Ils ont crû de 83 %, en 2004, pour s'établir à 2,77 milliards d'euros , soit une augmentation de 1,2 milliard d'euros en un an.

Dès l'examen de la loi de finances initiale pour 2005, vos rapporteurs spéciaux ont mesuré l'ampleur des enjeux budgétaires et financiers découlant de l'augmentation des reports de crédits. Ils ont souligné la nécessité de résoudre cette situation afin de permettre la bonne exécution de la loi de programmation militaire.

En 2005, le décret d'avance du 26 septembre 2005 a prévu l'ouverture de 611 millions d'euros au titre III, gagés par une annulation de crédits au titre V et le ministère de la défense a pu consommer 220 millions d'euros supplémentaires au titre V. Il s'agit d'une autorisation de consommer des reports de crédits sur ce titre, issue d'un arbitrage politique et n'ayant pas donné lieu à un acte juridique particulier.

Le montant des reports de crédits a été réduit à 1,996 milliard d'euros à la fin 2005 grâce à deux mesures : le « transfert » de crédits du titre V vers le titre III et l'autorisation donnée au ministère de la défense de ne pas respecter la norme annuelle de dépense, afin d'engager la résorption des reports de crédits.

D'abord, en 2005, le décret d'avance du 26 septembre 2005 a prévu l'ouverture de 611 millions d'euros au titre III, gagés par une annulation de crédits au titre V. Il s'agit, pour l'essentiel, de crédits de paiement non utilisés en provenance de la précédente LPM.

En second lieu et afin de permettre la réalisation de la LPM, le ministre de la défense a été autorisé à dépenser 220 millions d'euros de plus que la dotation inscrite en loi de finances initiale en 2005 majorée des fonds de concours. Il s'agit d'une autorisation de consommer des reports de crédits sur ce titre, issue d'un arbitrage politique et n'ayant pas donné lieu à un acte juridique particulier.

Au total ces mesures ont permis en 2005 une résorption des reports de crédits à hauteur de 861 millions d'euros. Cet effort sera poursuivi en 2006 36 ( * ) puisque l'arbitrage politique rendu en 2005 prévoit que les reports de crédits devront être consommés avant la fin de la période de programmation en 2007. Le ministre de la défense a d'ailleurs rappelé l'engagement devant votre commission des finances, le 25 octobre dernier, de consommer l'intégralité des crédits reportés afin de permettre la bonne exécution de la LPM.

Lorsque le ministère de la défense bénéficie d'une augmentation de 1,3 milliard d'euros de son budget en 2005, à laquelle s'ajoute l'autorisation de dépenser 861 millions d'euros supplémentaires , dans le contexte de réelle contrainte budgétaire que connaît la France, ce ne peut être qu'au prix d'un réel effort d'économie des autres ministères . En effet, la norme de dépense annuelle fixée par l'autorisation budgétaire du Parlement doit être respectée pour le budget général de l'Etat. La résorption des reports de crédits inscrits au budget du ministère de la défense doit donc correspondre à la réduction équivalente des dépenses des autres ministères .

B. EXISTE-T-IL UN RETARD D'EXÉCUTION DE LA LPM ?

1. L'analyse de la Cour des comptes

La Cour des comptes a communiqué à vos rapporteurs spéciaux les éléments d'analyse suivants.

Si les lois de finances initiales respectent, à la marge près, les objectifs fixés par la LPM, l'exécution budgétaire, on l'a vu, ne permet pas d'atteindre stricto sensu l'objectif de consommation des crédits fixé par la LPM qui se traduit, notamment, par des programmes d'armement induisant un échéancier de paiement et un rythme soutenu de dépenses effectives.

Un petit différentiel est constaté chaque année en loi de finances initiale, auquel s'ajoutent :

- l e financement d'équipement non prévu par le référentiel de la LPM (ainsi la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure -LOPSI- consomme-t-elle chaque année environ 3 % des crédits du titre V prévus pour réaliser la LPM) ;

- l es « bourrages », c'est-à-dire des opérations qui étaient inscrites au titre V avant la mise en oeuvre de la LOLF mais qui ne portaient pas sur des opérations d'investissement. Il s'agit du financement de la reconversion de GIAT Industries et de DCN-SA, ainsi que des 200 millions d'euros prélevés annuellement sur les crédits de la LPM, au titre du budget civil de recherche et de développement (BCRD) ;

- de plus, en exécution, les régulations budgétaires qui génèrent des reports de crédits.

La Cour des comptes estime dans son rapport « résultats et gestion budgétaire de l'Etat exercice 2005 » 37 ( * ) qu'il manquerait, pour réaliser la LPM, en exécution budgétaire, 3,6 milliards d'euros qui se décomposent ainsi, au début de l'année 2006 :

- 1,6 milliard d'euros de manque de ressources (correspondant à des reports de crédits) ;

- 1,2 milliard d'euros de « bourrages » étrangers à la LPM ;

- 0,8 milliard d'euros d'absorption du report de charge de la loi de programmation militaire précédente .

Cela représente 8 % des crédits de la LPM pour les années 2003 à 2008. Si cette analyse de la Cour des Comptes est pertinente, la LPM ne sera pas pleinement réalisée.

2. La position de vos rapporteurs spéciaux

Vos rapporteurs spéciaux ne partagent pas l'analyse de la Cour des comptes ; en effet, sur les crédits qu'elle annonce « manquants » pour l'exécution de la LPM, les remarques suivantes doivent être faites :

- les reports de charge de la LPM précédente, pour les années 1997 à 2002, ont été réduits de 611 millions d'euros , ouverts par décret d'avance du 26 septembre 2005 au titre III du budget du ministère de la défense. Il ne reste donc sur cette somme que 189 millions d'euros non exécutés ;

- les « bourrages » semblent également acceptables. Les services du ministère de l'économie estiment que le financement du BCRD par le ministère de la défense au titre de la recherche duale, notamment spatiale, est compatible avec la LPM, ce qui réduit de 600 millions d'euros le montant des bourrages à raison de 200 millions d'euros par an pendant trois ans. De plus, il apparaît que le financement de GIAT-industrie et de DCN-SA a été prévu en conseil de défense, et que des crédits supplémentaires ont été inscrits au budget de l'Etat à ce titre, à hauteur de 600 millions d'euros .

Pour ces trois raisons, l'écart de 3,6 milliards d'euros constaté par la Cour des comptes serait réduit de moitié et ramené à 1,6 milliard d'euros.

Vos rapporteurs spéciaux estiment que la LPM devrait pouvoir être exécutée, à la condition que les reports de crédits actuels soient effectivement consommés avant 2008, ce qui supposera une reconduction pour 2007 et 2008 des dispositions de l'article 72 de la loi de finances pour 2006 autorisant des reports de crédits au delà du seuil de 3 % des crédits initiaux.

C. DES INCERTIDUDES PÈSENT SUR LE REPORT DES AUTORISATIONS DE PROGRAMME

1. La situation des autorisations de programme en 2005

Rappelons que le concept d'« autorisations de programme » a été créé avant guerre pour permettre le financement pluriannuel des équipements de la marine nationale. Les autorisations de programme (AP), assorties d'un échéancier de crédits de paiement, présentaient l'inconvénient, si elles n'étaient pas engagées, d'être « éternelles », faute d'annulation des AP libres d'emploi, dites dormantes, qui constituaient par ailleurs un volant de flexibilité pour la gestion courante des crédits d'équipement.

Les autorisations de programme disponibles à l'engagement atteignaient plus de 15 milliards d'euros à la fin de 1996 . Ce montant a été ramené à 11,35 milliards d'euros en 2004 , dont 6,59 milliards d'euros concernent des autorisations de programme affectées, c'est-à-dire attribuées à une opération budgétaire d'investissement après visa du contrôleur financier.

En fin d'exécution budgétaire 2005, le montant des autorisations de programme affectées, mais non engagées, est de 6,09 milliards d'euros . Celui des autorisations de programme non affectées s'élève à 3,43 milliards d'euros , soit un montant total d'autorisations de programme non engagées de 9,52 milliards d'euros .

Le tableau suivant présente l'évolution des autorisations de programme de 2000 à 2005.

Il apparaît que, depuis 2003, le ministère de la défense a engagé un réel effort pour réduire le montant des autorisations de programmes non affectées et le montant des autorisations de programmes non engagées.

Le tableau suivant présente les grands programmes d'armement pour lesquels les autorisations de programmes non affectées sont les plus importantes, le principal d'entre eux étant celui des sous-marins nucléaires d'attaque (programme Barracuda).

Source : ministère de la défense

2. L'annulation des autorisations de programme

La notion d'autorisation d'engagement est beaucoup plus stricte. En application des articles 8 38 ( * ) et 11 39 ( * ) de la LOLF, les autorisations d'engagement qui se substituent aux autorisations de programme doivent être engagées et consommées dans l'année, leur report n'est possible que par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre de la défense.

S'agissant des autorisations de programme dormantes, l'entrée en vigueur de la LOLF devrait entraîner la « disparition » des autorisations de programme libres d'emploi.

Les autorisations de programme affectées, mais non engagées, pourront être reportées sur la gestion de 2006 , au moyen d'ouvertures d'autorisations d'engagement pour un montant de 6,09 milliards d'euros.

Le montant des autorisations de programme non affectées , qui devrait « disparaître » au 31 décembre 2005 , car leur report n'est pas prévu aux termes de l'application de la LOLF s'élève à 3,3 milliards d'euros . Le programme Barracuda aurait dû bénéficier de 1,1 milliard d'euros au titre de ces autorisations de programme. Vos rapporteurs spéciaux souhaitent que le ministre leur confirme les termes de l'arbitrage rendu dans ce domaine. La décision prise donnera lieu à une disposition spécifique dans la loi de finances rectificative pour 2006, selon les informations communiquées à vos rapporteurs spéciaux.

Une remarque supplémentaire mérite d'être formulée : la suppression des autorisations de programme dormantes n'est pas satisfaisante en tant que telle, c'est leur résorption qui l'eût été. Notons que le ministère de la défense a fourni un effort considérable en ce sens, avant la mise en oeuvre de la LOLF. Il n'est cependant pas seul décisionnaire de la consommation des autorisations de programme, les limites de dépenses annuelles définies par le ministère de l'économie, ainsi que l'état d'avancement des programmes d'armement, relevant des industriels, ont largement contribué à la formation de ce qui a été appelé « le matelas des autorisations de programme dormantes ». Il ne faudrait pas que sa disparition cause des problèmes de financement, notamment pour les programmes d'équipement des armées qui ne sont pas inscrits en LPM.

D. CONCLUSION : POUR UNE AMELIORATION DE L'ARTICULATION ENTRE LPM ET LOLF

Les observations qui précèdent traduisent certaines difficultés d'ajustement entre la procédure de programmation à moyen terme des équipements militaires dans le cadre de la LPM et l'autorisation budgétaire annuelle régie par la LOLF. Pour vos rapporteurs spéciaux, la difficulté essentielle provient de la conjugaison de deux facteurs.

Le premier est d'ordre technique : les programmes d'équipement militaire s'étendent sur des périodes de plus en plus longues, ce qui d'ailleurs est nécessaire si l'on veut bénéficier d'un effet de série réducteur de coût. Ce fait entraîne un décalage dans le temps des « paiements inéluctables » induits par un engagement. Suivant des renseignements fournis par le ministère de la défense à vos rapporteurs spéciaux, l'échelonnement des paiements inéluctables en pourcentage du « reste à payer » sur les programmes engagés a évolué comme suit entre 2000 et 2005 : le pourcentage des paiements inéluctables au delà des trois premières années est passé de 25 % à 40 % !

La charge d'exécution d'une LPM reportée sur la LPM suivante croît donc mécaniquement, comme le montre le tableau suivant :

Echelonnement des paiements inéluctables
en pourcentage du « reste à payer » à la fin de l'année N

2000

2005

Année n+1

34,0 %

30,8 %

Année n+2

24,1 %

18,0 %

Année n+3

17,6 %

11,1 %

Années ultérieures

24,2 %

40,0 %

Le second est de type financier : la LPM étant définie pour une période sexennale figée (2003-2008), la part annuelle des autorisations de programme (d'engagement) tend à diminuer au fur et à mesure que l'on s'approche de son terme, alors que celle des crédits de paiement suit l'évolution inverse.

En raison de cette double évolution, il apparaît que le reste à payer « inéluctable » au 31 décembre 2005 pour les titres V et VI qui s'élève à environ 45 milliards d'euros (soit trois annuités de la présente LPM) devra être couvert au cours des années 2009 et suivantes. Pareille évolution montre la nécessité d'assurer de façon continue la cohérence dans le temps de la programmation d'une part, et de la budgétisation d'autre part, de l'effort d'équipement militaire. Les Britanniques ont à cet égard mis en place un effort de programmation glissant (sur deux périodes triennales) qui les oblige à faire des choix drastiques en temps utile. Un effort de réflexion sur ce type de procédure serait sans doute opportun en France dans la perspective de préparation de la future LPM.

III. DE LA LOI DE RÈGLEMENT AUX DONNÉES DE LA COMPTABILITÉ NATIONALE : LA RÉDUCTION DE 1,9 MILLIARD D'EUROS DU DÉFICIT PUBLIC

A. LE SYSTÈME ACTUEL DE PRISE EN COMPTE DES DÉPENSES MILITAIRES DANS LE DÉFICIT PUBLIC

En comptabilité nationale, les dépenses sont en principe prises en compte en « droits constatés », c'est-à-dire à la date du service fait, en l'occurrence la date de livraison des équipements . Mais du fait de la complexité des modes de financement des marchés militaires, on acceptait une dérogation à cette règle générale.

Jusqu'en 2005, les dépenses notifiées correspondaient aux paiements, eux-mêmes équivalents soit à des services faits , soit à des acomptes versés avant livraison.

La date d'enregistrement des dépenses militaires aux comptes de l'Etat était donc celle du paiement, correspondant souvent à la réalisation de jalons techniques, qui sont en fait les différentes étapes de la construction d'un équipement militaire et non celle de la livraison .

B. LA DÉCISION PRISE PAR EUROSTAT SUR L'ENREGISTREMENT DES DÉPENSES MILITAIRES

Eurostat a pris, le 9 mars 2006, une décision relative à l'enregistrement dans les comptes nationaux des dépenses d'équipement militaire . Le principe en est simple : la dépense correspondant à un équipement militaire est intégrée dans le « compte capital » de la comptabilité nationale et par voie de conséquence dans le « besoin de financement », solde du compte capital, à la date de la livraison de cet équipement ; si la construction de cet équipement a donné lieu à des versements d'acomptes, ceux-ci impactent le « compte des opérations financières » et n'entrent pas dans le calcul du « besoin de financement » 40 ( * ) .

Eurostat a pris cette décision après avoir relevé des cas de contrats complexes d'équipement militaire conduisant à des incertitudes quant à leur enregistrement approprié dans les comptes nationaux, à des pratiques comptables hétérogènes parmi les Etats membres et à de grandes difficultés en termes de disponibilité des données de base.

La décision définit le moment d'enregistrement des dépenses publiques, et par conséquent leur impact sur le déficit public, pour les cas particuliers des équipements militaires qui font l'objet de contrats à long terme, notamment les équipements loués , les systèmes complexes ou les équipements lourds fabriqués sur plusieurs années . De plus, étant donné que les contrats à long terme et la nature des biens militaires donnent lieu à des difficultés spécifiques en ce qui concerne les données de base, la décision précise également les cas dans lesquels des données basées sur une comptabilité de caisse peuvent être acceptées comme approximation des livraisons lors de dépenses d'équipement militaire, en attendant l'amélioration des données sur base des droits constatés.

1. La location d'équipement militaire

Eurostat considère que, par leur nature, les risques liés aux équipements militaires doivent être assumés par les autorités militaires , qui sont seules compétentes pour décider si, et quand, utiliser ces équipements durant les conflits et partant, de les exposer en connaissance de cause à des dommages potentiels.

Eurostat a décidé de considérer les locations d'équipement militaire mises en place par le secteur privé comme des locations financières et non des locations simples. Cela implique l'enregistrement d'une acquisition d'équipement par l'Etat et d'une dette de l'Etat à l'égard du bailleur . Il y a donc un impact sur le déficit public et la dette publique au moment où l'équipement est mis à la disposition des autorités militaires , et non pas au moment des paiements effectués au titre de la location. Ces paiements sont alors assimilés au service de la dette, une partie étant enregistrée comme des intérêts et l'autre comme une opération financière.

2. Les contrats à long terme

Dans le cas des contrats à long terme qui prévoient la mise à disposition de systèmes complexes, c'est-à-dire des livraisons d'éléments identiques étalées sur une longue période ou des paiements couvrant à la fois la fourniture de biens et de services, les dépenses publiques doivent être comptabilisées au moment de la livraison effective de chaque élément de l'équipement ou au moment de la fourniture d'un service et non pas au moment de l'achèvement du contrat .

3. Les équipements lourds construits sur de nombreuses années

En ce qui concerne les équipements militaires construits sur de nombreuses années , Eurostat a décidé que le moment correspondant à la dépense publique et, partant, à l'impact sur le déficit public, est le moment de livraison physique effective du produit final et non pas le moment du transfert de propriété , qui est souvent échelonné sur la durée de la construction.

4. Le maintien d'une comptabilité de caisse dans des cas réduits

La situation actuelle, dans laquelle la plupart des pays utilisent, pour les dépenses d'équipement militaire, une comptabilité de caisse pure ou une comptabilité de caisse accompagnée de quelques ajustements limités, est acceptable pour Eurostat aux conditions suivantes :

- si les données de caisse sont corrigées par des données observées et précises sur les sommes à recevoir et les sommes à payer dans le cadre des contrats en question ;

- ou si les données de caisse sont utilisées lorsqu'il s'agit de petites livraisons uniquement, ou sont corrigées pour les livraisons importantes ;

- ou si la date de paiement est proche du moment de la livraison (jusqu'à un an de la date de livraison).

C. LES CONSÉQUENCES DE CETTE DÉCISION EN 2006 POUR LA FRANCE

Les dispositions précédentes n'ont pas d'effet sur le montant de la dette (les acomptes versés constituent des dépenses de l'Etat impactant le solde budgétaire de la loi de finances).

Les nouvelles règles définies par Eurostat, applicables dès avril 2006, ont réduit de 1,9 milliard d'euros (dépenses 2005) le déficit au sens du traité de Maastricht de la France, mais non la dette.

Il s'agit en fait d'un effet transitoire, cette réduction de déficit correspondant en effet à une « réserve » de surplus de déficit public pour les années ultérieures. L'impact sur le déficit se produira à la livraison des équipements militaires (à partir de 2011 lors de la livraison de la première FREMM 41 ( * ) par exemple).

IV. DES REMARQUES STRUCTURANTES SUR LA MISE EN OEUVRE DE LA LOLF AU SEIN DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

Vos rapporteurs spéciaux ont pris connaissance du rapport du Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) et ont estimé que ces remarques et recommandations étaient particulièrement pertinentes. Ils suivront donc avec attention leur impact lors de l'examen de la loi de finances pour 2007.

Synthèse des recommandations du CIAP
sur le programme 146 « Equipement des forces »

Le programme 146 représente 10 milliards d'euros inscrits au titre 5 du projet de loi de finances pour 2006, soit près de 75 % de l'effort d'investissement global de l'Etat.

Le rapport d'audit a émis les cinq observations suivantes :

1. Sur la finalité et le pilotage du programme

Rappel : le programme 146 permet essentiellement de réaliser les investissements fixés par la loi de programmation militaire (LPM) et est codirigé par le Délégué général de l'armement (DGA) et le chef d'état-major des armées (CEMA). Cette codirection d'un programme est un cas unique.

Le CIAP estime qu'en réalité le rôle du DGA est prédominant sur celui du CEMA. Il constate que le secrétaire général pour l'administration (SGA), en raison de ses compétences budgétaires générales, souhaiterait être associé plus étroitement à ce programme, ainsi que les états-majors des armées, et que l'organisation conjointe de coopération en matériels d'armement (OCCAR) devrait être considérée comme un opérateur du programme 146.

Le CIAP recommande de séparer un programme d'exécution , sous la responsabilité du DGA, d' un programme de définition , sous la responsabilité du CEMA, le programme 146 étant, dans cette perspective, clairement assimilé à un programme de soutien au programme 178 « Préparation et emploi des forces » de la mission « Défense ».

Si le programme n'est que l'exécution de la LPM, la responsabilité peut en être laissée au DGA. Si le programme comprend la définition des moyens nécessaires à l'exécution du programme 178, la responsabilité de la direction du programme doit revenir plus nettement au CEMA qui, en l'état, n'a pas, selon le CIAP, consacré assez de personnel et de moyens au pilotage du programme 146.

Le CIAP remarque que la quasi-totalité des moyens affectés au pilotage et à la conduite (en particulier en personnel) du programme 146 relève de la DGA et recommande en conséquence de rattacher lesdits moyens à ce programme. Le ministère estime que la faiblesse relative des effectifs concernés et leur polyvalence ne justifient pas leur rattachement au programme 146.

a) Le CIAP recommande :

- qu'une structure légère reste chargée de l' évaluation et de l'évolution du programme 146 ;

- que les finalités du programme soient plus clairement tranchées , estimant qu'il n'y a pas concordance entre l'accomplissement des objectifs prévus par la LPM et la mise à disposition des forces des équipements nécessaires à l'accomplissement de leurs missions ;

- que l' OCCAR soit traité en opérateur, afin que les dépenses rattachées à ce programme (fonctionnaires internationaux, rémunérés par l'OCCAR) soient clairement identifiées.

Sur le rôle du CEMA et des états-majors , le CIAP reste prudent estimant qu'il revient aux armées de définir le niveau de pilotage et l'association des uns et des autres aux différentes étapes de réalisation des investissements. Le CIAP recommande toutefois de faire en sorte que les armées restent, dans la durée, capables d'apporter leur contribution effective au fonctionnement du programme 146. Le ministère estime que leur participation au conseil des syst èmes de force (CSF) permet d 'atteindre cet objectif.

En revanche, l'intervention du SGA au sein du programme 146 paraît infondée au CIAP.

b) Le ministère a indiqué :

- que le comité financier animé, par la direction des affaires financières du ministère et les comités directeurs et de pilotage de chaque programme permettaient pour l'un d'instruire les dossiers interarmées, et pour les autres les modes de conduite de chaque programme ;

- que les objectifs du programme 146 étaient définis par le Chef de l'Etat et la LPM ;

- que la décision de ne pas considérer l'OCCAR comme un opérateur tenait au caractère non majoritaire du financement français de l'OCCAR.

2. Sur le périmètre du programme et sa structuration en actions et BOP

Le CIAP estime que les crédits de maintien en condition opérationnelle (MCO) pourraient être rattachés au programme 146, mais il admet leur affectation au programme 178 pour deux raisons : ceci permet d'éviter l'habituel arbitrage entre MCO et réalisation d'équipements neufs, et c'est l'utilisation faite par les forces qui induit la nécessité du MCO.

La structuration du programme en actions (interarmées, terre, air, mer et soutien) est validée avec deux bémols.

a) Le CIAP recommande :

- que la sous-action portant sur le nucléaire au sein de l'action 5 « Préparation et conduite des opérations d'armement » (action de soutien) soit affectée à l'action 1 « Equipement de la composante interarmées ». Le ministère s'y oppose en raison de la forte dimension technologique, en amont des programmes d'armes nucléaires, et estime que l'intervention d'un comité mixte dans ce secteur préserve la capacité d'action et de choix du CEMA ;

- que les fonctions opérationnelles du programme 146 (75 sous-actions permettant d'identifier 40 programmes d'armement, réparties en 27 fonctions opérationnelles, de nature équivalente aux « capacités » de la LPM) devraient correspondre plus strictement aux « capacités » définies par la LPM (36 sous-systèmes de forces dits « capacités  » et 59 programmes d'armement).

b) La position du ministère

Le ministère indique sur ce point que le choix de répartition des crédits en sous-actions obéit à un objectif de lisibilité mais qu'une autre grille de lecture pourrait être adoptée retraçant mieux l'approche capacitaire. La lisibilité ne serait toutefois pas forcément améliorée compte tenu du caractère polyvalent de nombreux systèmes d'armes et de l'impossibilité de faire correspondre totalement l'organisation du ministère et des armées avec les systèmes de forces.

3. Sur les objectifs et les indicateurs

a) Les conclusions du CIAP

Le CIAP recommande que les objectifs du programme 146 soient complétés sur les aspects suivants :

- produire les programmes d'armement au meilleur coût au regard des fonctionnalités définies, en se situant, si possible, en référence aux matériels comparables proposés sur le marché mondial ;

- satisfaire les armées utilisatrices , tant en qualité des matériels, qu'en minimisation de leur coût de maintenance ;

- respecter les objectifs de la LPM ;

- indiquer, pour chacune des étapes des programmes d'armement , les évolutions, en coûts et en délais, par rapport à des valeurs cibles fixées au départ et rappelées chaque année.

Les principales critiques formulées sur les indicateurs du programme 146 sont les suivantes :

- ils sont basés sur des moyennes , ce qui ne permet pas de savoir s'ils recouvrent des situations correctes homogènes ou des situations contrastées dont la moyenne est correcte ;

- ils prennent en compte des opérations de nature et d'ampleur très différentes, non pondérées , ce qui ôte tout sens aux résultats obtenus et même aux évolutions en tendance ;

- ils reposent, en matière de dérive des devis, sur la seule comparaison des dépenses de l'exercice au budget annuel réajusté , ce qui gomme toutes les dérives passées sur un même programme et ne permet pas de juger du respect des devis dans la durée de fabrication des équipements.

b) Les réponses du ministère

Le ministère indique qu'une réflexion est en cours, en son sein, sur la définition d'objectifs d'amélioration de l'efficience et de la qualité du service rendu , dès 2007, un indicateur « taux moyen de réalisation des performances techniques des équipements » sera en place.

Sur la dérive des coûts , le ministère indique qu'elle est suivie avec précision par les différents services concernés et que les difficultés rencontrées dans la réalisation des programmes d'armement seront détaillées dans les rapports annuels de performance. Il ne semble donc pas souhaiter présenter de nouveaux indicateurs dans ce domaine.

Sur la mise en place d'outils informatiques permettant l'acquisition et le traitement automatisé des données utiles aux indicateurs, le ministère partage l'analyse du CIAP et annonce dans ce domaine un rapide travail de réflexion et de développement des outils nécessaires.

4. Sur la déclinaison du programme et les systèmes d'information

La déclinaison du programme dans les structures opérationnelles ne semble pas satisfaisante, le lien entre responsable de BOP (DGA) et officier de cohérence du programme (OCP dépendant de l'EMA) est trop complexe et leurs objectifs ne convergent pas toujours.

a) Le rapport recommande :

- de mettre en place une structure de coordination du contrôle de gestion du programme ;

- de doter les responsables du BOP de pouvoirs réels sur les crédits dont la gestion leur incombe, en fonction des règles qui leur sont fixées par les seuls responsables de programme afin de permettre l'exercice de la fongibilité des crédits ;

- de simplifier les procédures liées à la conduite des opérations d'armement (CSF, commission exécutive permanente -CEP- présidée par le DGA, officiers de cohérence opérationnelle -OCO- par systèmes de forces, comité CEMA, DGA et SGA pour la VAR, version actualisée du référentiel de la LPM, OCP et responsable du BOP). Ainsi, il ne semble pas clair à ce jour de savoir si la CEP est toujours responsable de l'affectation des autorisations d'engagement à un programme.

Enfin, les systèmes d'information paraissent encore trop lacunaires et le CIAP estime qu'une structure de coordination des systèmes d'information du programme doit être mise en place avec des objectifs précis et pressants.

b) Le ministère a indiqué en réponse :

- que la coordination du contrôle de gestion était assurée par le comité de pilotage ;

- que le respect de la LPM impliquait un suivi particulier de certains crédits mais que ceci ne mettait pas en cause la fongibilité asymétrique prévue par la LOLF ;

- que le toilettage de l'instruction 31475 était en cours et permettait de faire évoluer la CEP, de généraliser à l'ensemble du ministère tout ou partie des règles régissant les crédits de la LPM, de définir les responsabilités propres de chaque acteur, de renforcer les procédures de contrôle associées au suivi des opérations, et de déterminer des opérations dont les spécificités rendent pertinent un accompagnement et un suivi spécifique.

5. Sur la justification au premier euro (JPE)

Le CIAP estime que le ministère de la défense doit fournir un réel effort dans ce domaine.

a) Le CIAP formule trois remarques :

- il estime que la JPE n'est pas suffisamment claire pour suivre la réalisation de la LPM et propose de donner pour les 40 principaux programmes les impacts financier et capacitaire prévisionnels. Les opérations d'armement les plus importantes pourraient également être justifiées, dans une vision pluriannuelle, en situant les dotations de l'année dans la suite des dépenses déjà effectuées, comparées aux prévisions d'origine de la programmation cumulées jusqu'à l'année en cause, et mis en regard du point d'avancement technique que ces crédits devaient et auraient dû permettre d'atteindre ;

- il estime que la DGA doit justifier la répartition des équivalents temps plein travaillé ( ETPT) au sein du programme, les flux d'entrée-sortie, le repyramidage et le détail des mesures transversales ;

- enfin, il note que les dépenses de fonctionnement et d'intervention pourraient être justifiées de façon beaucoup plus précise (les sommes allouées en intervention et au CEA ne sont pas justifiées).

b) Sur les recommandations plus précises du rapport d'audit, le ministère a apporté les précisions suivantes :

- le souci de constater les écarts entre les prévisions et la LPM est constant ;

- le tableau présentant les AE des principaux programmes est présenté à la commission de la défense dans le cadre du contrôle parlementaire de l'exécution du budget. Le ministère ne semble pas souhaiter faire figurer ce tableau dans le « bleu » ;

- la DGA est déjà engagée sur la voie d'une meilleure justification des effectifs , des améliorations ont été apportées sur la fiabilisation des informations contenues dans les outils de gestion et de rémunération, ainsi que sur une meilleure simulation des flux prévisionnels des effectifs ;

- certaines JPE ne peuvent être détaillées compte tenu de la classification « Secret défense » (notamment les crédits d'intervention gérés par le CEA) ;

- les indicateurs décrivant globalement le respect des jalons, la maîtrise des coûts et l'efficacité des dépenses pourront être inspirés des documents que la direction des applications militaires fournis dans le cadre du contrôle de gestion prévu par le contrat d'objectifs 2006 du CEA/DAM ;

- la réalisation d'un tableau de synthèse permettant de mesurer l'impact financier global en termes d'hypothèses retenues serait redondante avec les instruments structurants (LPM, VAR) qui encadrent déjà la réalisation du programme 146 ;

- enfin, le ministère ne souscrit pas à la recommandation visant à mettre en place un programme d'amélioration de la JPE centré sur la mobilisation des systèmes d'information, les approches pluriannuelles et la comparaison pour les grands programmes d'armement avec la LPM.

Il estime que les fiches JPE relatives au projet de loi de finances 2006 ont été satisfaisantes pour les parlementaires (les rapports de MM. Cornut Gentille et Dulait sont cités, celui de vos rapporteur spéciaux plus réservés sur ce point, ne l'est pas). Toutefois, le ministère a annoncé un programme d'amélioration des JPE avec l'aide d'un cabinet extérieur.

GLOSSAIRE

AE

Autorisations d'engagement

BOP

Budget opérationnel de programme

CEA

Commissariat à l'Energie atomique

CEMA

Chef d'Etat-major des armées

CEP

Commission exécutive permanente

CIAP

Comité interministériel d'audit des programmes

CSF

Conseil des systèmes de force (CSF)

DAM

Direction des applications militaires

DGA

Délégué général de l'armement

ETPT

Equivalent temps plein travaillé

FREMM

Frégates multi-missions

JPE

Justification au premier euro

LPM

Loi de programmation militaire

MCO

Maintien en condition opérationnelle

OCCAR

Organisation Conjointe de Coopération en matière d'armement

OCO

Officiers de cohérence opérationnelle

OCP

Officier de cohérence du programme

OPEX

Opérations extérieures

SGA

Secrétariat général pour l'Administration

* 28 Loi n° 2003-73 du 27 janvier 2003.

* 29 Commissariat à l'énergie atomique.

* 30 Centre national d'études spatiales.

* 31 Décret n° 2005-1206 du 26 septembre 2005 portant ouverture de 611 millions d'euros.

* 32 La loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 a ouvert 35,45 millions d'euros supplémentaires et annulé 25 millions d'euros, soit une ouverture nette de crédits complémentaires de 10,45 millions d'euros.

* 33 Décret n° 2005-365 du 19 avril 2005.

* 34 Précisons que la notion de report de crédit est une notion à la fois comptable (les reports de crédits sont au plus égaux à la différence entre les crédits de l'année, report compris, et la dépense de l'année) et financière (la décision de reports de crédits d'une année sur l'autre est prise par arrêté du ministre des Finances).

* 35 Les reports de charges sont égaux à la différence entre les factures à payer, y compris les reports de charges des années précédentes, et la dépense effective, ils correspondent aux restes à payer. La différence entre les crédits de l'année (crédits initiaux et reports de crédits) et les crédits reportables (factures à payer, reports de charges des années précédentes compris) correspond au solde de gestion du ministère de la défense.

* 36 La loi de finances pour 2006 a, de plus, prévu une dérogation à la limitation du montant des crédits reportables prévus par la LOLF, afin de permettre au ministère de la défense de consommer les crédits reportés en 2005. L'article 15 de la LOLF prévoit que les crédits de paiement disponibles en fin d'année ne peuvent être reportés, par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, que dans la limite globale de 3 % des crédits initiaux inscrits sur le même titre du programme à partir duquel les crédits sont reportés. Ce plafond peut toutefois être majoré par une disposition ad hoc en loi de finances.

* 37 Page 134.

* 38 « Les autorisations d'engagement constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées. Pour une opération d'investissement, l'autorisation d'engagement couvre un ensemble cohérent et de nature à être mis en service ou exécuté sans adjonction. »

* 39 « II. - Les autorisations d'engagement disponibles sur un programme à la fin de l'année peuvent être reportées sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs, par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, majorant à due concurrence les crédits de l'année suivante. Ces reports ne peuvent majorer les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel. »

* 40 Rappelons que le « besoin de financement » du compte des administrations publiques constitue le déficit au sens du traité de Maastricht et de ses protocoles annexes. Ce « besoin de financement », pour sa composante Etat, diffère du solde de la loi de finances, qui prend en compte certaines opérations financières.

* 41 Frégate multi-mission.

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