Rapport n° 76 (2006-2007) de Mme Marie-Thérèse HERMANGE , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 22 novembre 2006

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N° 76

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de résolution, présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Roland RIES, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création du fonds européen d' ajustement à la mondialisation (E 3102),

Par Mme Marie-Thérèse HERMANGE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.

Voir le numéro :

Sénat : 441 (2005-2006)

Union européenne.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

On sait qu'au titre de la politique de cohésion économique et sociale l'Union européenne accorde des financements aux pays et régions en retard de développement ainsi qu'aux territoires industriels, urbains et ruraux en crise. On sait aussi que le fonds social européen soutient financièrement des politiques et des mesures nationales visant à créer des emplois, à améliorer la qualité générale de l'emploi et la productivité, ainsi qu'à favoriser l'insertion et la cohésion sociale, conformément aux lignes directrices et aux recommandations de la stratégie européenne pour l'emploi.

L'Union européenne accompagne ainsi la modernisation des économies de ses Etats membres et facilite les transitions nécessaires.

Mais l'Europe c'est d'abord, bien entendu, la politique d'ouverture et de libre circulation qui crée les conditions de la modernisation. Or, tout en préparant la croissance, le plein emploi et la prospérité de demain, l'interpénétration croissante des économies, le développement des échanges, l'évolution de la division internationale du travail, qui résultent de cette politique ont des conséquences ponctuelles dramatiques sur l'emploi, sur le tissu social, sur les finances locales, dans les zones où se concentrent souvent les structures de production en repli. Cependant l'instrument nécessaire pour marquer la solidarité active et efficace de l'union avec les salariés touchés par ces effets pervers de la mondialisation fait encore défaut. La politique de l'emploi est certes une compétence nationale et il ne convient pas que l'Europe s'immisce de manière directe dans un domaine où les besoins et les attentes sont hétérogènes. Pour autant, l'union ne peut rester à l'écart de cet aspect la vie d'un certain nombre de ses citoyens.

L'objet de la proposition de règlement portant création du fonds européen d'ajustement à la mondialisation est de mettre à sa disposition l'outil nécessaire pour agir, dans le respect de la répartition des compétences avec les Etats membres.

I. LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT

La création d'un fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM) a été proposée par le président de la commission européenne dans une lettre adressée le 20 octobre 2005 aux présidents du conseil de l'Union européenne et du Parlement européen. Elle a fait l'objet d'un accord de principe lors du conseil européen des 15 et 16 décembre 2005, puis a été confirmée le 1 er mars 2006 sous la forme d'une proposition de règlement. Ce texte fait actuellement l'objet de négociations en vue d'un accord entre le conseil et le Parlement européen à l'occasion de sa première lecture par le Parlement lors de la séance plénière du 30 novembre 2006. Une adoption définitive est donc envisageable lors de la réunion du Conseil prévue le 1 er décembre 2006.

Le Sénat a été saisi, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, de ce projet qui a d'ores et déjà fait l'objet d'une proposition de résolution présentée par M. Roland Ries au nom de la délégation pour l'Union européenne.

A. LES OBJECTIFS

La proposition de la commission s'inscrit dans le contexte du débat sur les conséquences de la mondialisation dans les secteurs économiques touchés par le chômage et les délocalisations. Son exposé des motifs rappelle d'emblée que si l'ouverture croissante des marchés et l'intensification de la concurrence internationale sont facteurs de progrès en matière de croissance, de compétitivité et d'emploi qualifié, il existe des coûts d'ajustement importants dans les secteurs les moins compétitifs. Ce hiatus entre le général et le particulier, déjà grave en soi, est en outre porteur de malentendus qui font peser sur le phénomène de la mondialisation une suspicion disproportionnée : alors que les avantages de l'ouverture des marchés sont vastes, diffus et progressifs, ses effets néfastes sur l'emploi sont « visibles, immédiats et concentrés sur des personnes et régions particulières » .

La commission a estimé dans ces conditions que l'union, responsable de la politique commerciale favorisant l'accroissement et la libéralisation des échanges, doit participer à la compensation du coût social de cette politique.

Ce « devoir » satisfait des impératifs de justice, de solidarité et d'efficacité, est-il indiqué dans l'exposé des motifs de la proposition de règlement.

Celui-ci indique que « les actions visant à une réinsertion professionnelle rapide peuvent faciliter et accélérer les transitions, par exemple en limitant la durée des périodes de chômage et la sous-utilisation du capital humain » . L'objectif du FEM est ainsi d'aider les travailleurs licenciés dans les régions les plus durement touchées par les bouleversements économiques résultant de l'évolution de la structure du commerce mondial. Les conclusions du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 précisent à cet égard que le fonds sera « chargé de fournir une assistance complémentaire aux travailleurs qui perdent leur emploi en raison des modifications majeures de la structure du commerce mondial, afin de les aider dans leur reconversion professionnelle et dans les efforts qu'ils déploient pour chercher un emploi ». L'exposé des motifs de la proposition de règlement évoque la nature de ces bouleversements : « le FEM interviendra dans les cas où des mutations structurelles majeures du commerce mondial entraînent une perturbation économique grave, comme une délocalisation économique vers des pays tiers, une hausse massive des importations, ou encore un recul progressif de la part de marché de l'union dans un secteur donné ». Telle est la cible de l'instrument proposé. La notion de délocalisation - généralement entendue au sens strict comme recouvrant les pertes d'emploi résultant du déplacement vers l'étranger d'une activité économique dont la production est ensuite importée par le même groupe - n'est pas définie. Sans doute faut-il la comprendre, à l'aune de la notion de mutation structurelle majeure du commerce mondial, comme désignant spécifiquement les effets de la perte durable de compétitivité de certains secteurs sur l'implantation des entreprises et donc sur l'emploi.

Le projet de FEM est donc lié à l'affirmation d'un « devoir » de « réparation » et d'accompagnement au bénéfice des salariés licenciés du fait des conséquences de la mondialisation sur le tissu économique régional. D'un point de vue plus dynamique, l'exposé des motifs précise aussi que « le FEM vise à contribuer à la mise en place, dans l'union, des conditions de la flexicurité, un équilibre entre flexibilité et sécurité de l'emploi qui tend à améliorer les chances des personnes de trouver un emploi et d'utiliser de nouvelles qualifications, tout en favorisant la flexibilité indispensable pour relever les nouveaux défis de la mondialisation ».

Notons enfin que l'action du FEM ne revêt pas une dimension transnationale mais vise à corriger sur le plan national et régional les effets pervers de la mondialisation. Les conclusions du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 prévoient en effet que « l'intervention du fonds sera soumise à des critères rigoureux en fonction de l'ampleur de la perturbation économique et de son incidence sur les économies locales, régionales et nationale », et l'exposé des motifs de la proposition de règlement précise que « ses interventions auront une dimension territoriale. L'assistance du fonds sera concentrée sur les travailleurs licenciés dans les régions les plus durement touchées par les bouleversements économiques qui résultent de l'évolution de la structure du commerce mondial ». Les régions visées sont selon les cas celles de niveau NUTS II (régions françaises et Dom) et NUTS III (départements), aucune condition relative à une dimension transnationale des licenciements n'est posée pour la mise en oeuvre du fonds.

B. LE DISPOSITIF

En ce qui concerne les critères d'intervention du fonds , l'article 2 de la proposition de règlement prévoit la fourniture d'une contribution financière dans les cas où les modifications majeures de la structure du commerce internationales évoquées ci-dessus ont pour conséquence :

- soit le licenciement d'au moins 1.000 salariés d'une entreprise, y compris ceux des fournisseurs ou producteurs en aval de cette entreprise, dans une région où le chômage, mesuré au niveau NUTS III, est plus élevé que la moyenne communautaire ou nationale ;

- soit le licenciement, au cours d'une période de six mois, d'au moins 1.000 salariés d'une ou plusieurs entreprises d'un secteur qui représente au moins 1 % de l'emploi régional mesuré au niveau NUTS II.

En ce qui concerne le mode d'intervention du fonds , la contribution prévue finance des actions s'inscrivant dans un ensemble coordonné de services personnalisés visant à la réinsertion professionnelle des travailleurs ayant perdu leur emploi. Il peut s'agir :

- d'aide à la recherche d'un emploi, d'orientation professionnelle, de formation et de recyclage sur mesure y compris pour l'acquisition de compétences dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, d'aide au reclassement externe, de valorisation de l'entrepreneuriat, d'aide à l'emploi indépendant ;

- de compléments de revenus d'activité, pour une durée limitée, tels que : allocations de recherche d'emploi, allocations de mobilité, aides au revenu pour les personnes participant à des activités de formation ; ainsi que de compléments salariaux temporaires pour les travailleurs âgés de cinquante ans au moins acceptant de revenir sur le marché du travail avec un salaire moins élevé.

En ce qui concerne la procédure , la proposition de règlement prévoit que les Etats membres doivent présenter leurs demandes dans les dix semaines suivant la date où les conditions d'intervention du FEM sont remplies. L'article 5 détaille les informations qui doivent accompagner la demande. On notera la présence de deux exigences un peu inattendues : d'une part, la demande doit comporter une explication de la nature imprévisible des licenciements, ce qui peut théoriquement poser un problème dans la plupart des cas, les licenciements de masse étant généralement plus ou moins prévisibles ; d'autre part, il est précisé que la commission veille au traitement équitable des demandes présentées, mention allant de soi sauf si elle était destinée à amorcer une politique de quotas nationaux d'interventions.

En ce qui concerne l'articulation entre les actions d'accompagnement des licenciements, la proposition de règlement prévoit en son article 6 que l'aide du FEM complète les actions menées par les États membres sur les plans national, régional et local, et que l'État membre bénéficiaire veille à ce que les actions spécifiques bénéficiant d'une contribution du FEM ne reçoivent pas également une aide d'autres instruments financiers communautaires, le fonds social européen par exemple.

Notons enfin que le fonds serait doté d'une enveloppe maximale de 500 millions d'euros par an.

II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

A. L'ANALYSE DE LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT

Tout en approuvant sans réserve le principe de la création du fonds, jugée conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité dans la mesure où cet instrument interviendra sur les restructurations de dimension européenne et en complément des mesures mises en oeuvre dans le cadre national, la proposition de résolution présentée par M. Roland Ries au nom de la délégation relève trois difficultés 1 ( * ) :

- les critères d'éligibilité aux aides du fonds ne doivent pas être trop sévères, afin que l'intervention de l'union revête une portée autre que symbolique. En l'occurrence, depuis 2000, deux restructurations seulement auraient été éligibles en France, en application du critère relatif au nombre de salariés licenciés dans une entreprise installée dans un département où le chômage est plus élevé que la moyenne communautaire ou nationale. Par ailleurs, seuls 3.800 salariés auraient été éligibles en 2005 en application du critère relatif au nombre de salariés licenciés dans un secteur représentant au moins 1 % de l'emploi régional, à condition toutefois de porter de six à douze mois la période de référence ;

- afin d'assurer la coordination entre les mesures financées par le fonds et les mesures mises en place au niveau national, les conditions d'intervention du fonds devraient être définies dans le cadre de contrats de site ou de plans sectoriels ;

- la procédure de délégation des crédits prévue est excessivement lente au regard de la nécessité évidente de mettre en oeuvre les mesures d'accompagnement aussitôt que l'entreprise procède aux licenciements éligibles. Les Etats membres seront alors tentés de procéder à des avances préjugeant de la décision de la commission sur le dossier présenté.

B. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES

Afin d'assurer aux critères d'éligibilité la souplesse nécessaire à l'efficacité de l'action communautaire, la proposition de résolution propose d'instituer une « clause de sécurité » permettant de lisser les effets de seuil prévisibles . L'exposé des motifs précise à cet égard : « on peut penser par exemple à des licenciements un peu inférieurs à 1.000 salariés, à une restructuration de dimension transrégionale, à une restructuration dans des départements ayant un taux de chômage inférieur à la moyenne nationale ou communautaire ».

L'exposé des motifs évoque par ailleurs, sans les mentionner dans la proposition de résolution : l'intérêt de porter à douze mois au lieu de six la période de décompte des licenciements effectués dans une ou plusieurs entreprises d'un secteur représentant au moins 1 % de l'emploi régional ; la possibilité de supprimer ou d'aménager la condition relative au taux de chômage départemental plus élevé que la moyenne nationale ou communautaire en ce qui concerne l'aide aux salariés licenciés par une entreprise ; l'abaissement, dans le même cas, du seuil fixé à 1.000 salariés et la meilleure prise en compte des sinistres transrégionaux.

Inversement, l'exposé des motifs désigne l'éventuel abaissement important des seuils comme le risque principal à écarter, dans la mesure où cet infléchissement procéderait de l'intention de faciliter l'attribution des aides aux petits Etats.

Dans le même ordre d'idées, la proposition de résolution demande au Gouvernement de s'opposer à toute évolution des critères qui conduirait à fixer des plafonds ou des quotes-parts par État.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. ÉCLAIRER LA DOUBLE VOCATION DU DISPOSITIF PROPOSÉ

En invoquant, d'une part, les effets positifs sur la croissance et sur l'emploi d'une économie ouverte aux échanges et aux investissements étrangers, d'autre part, la visibilité des pertes ponctuelles d'emplois qui en résultent dans les secteurs en déclin (notons que cela peut aussi concerner d'autres secteurs, pour lesquels les économies des pays émergents disposent d'un avantage concurrentiel), la proposition de règlement pose de façon pertinente un problème lancinant dont l'union ne peut se désintéresser. Peu importe de ce point de vue que le nombre des emplois supprimés par les délocalisations, significatif en termes de souffrance sociale, reste faible du point de vue macroéconomique, puisqu'il a été évalué en France à 13.500, en moyenne annuelle, de 1995 à 2001. La contradiction entre les conséquences macroéconomiques et microéconomiques de la mondialisation n'est pas insoluble : il existe toute une gamme d'instruments de correction des situations individuelles, souvent dramatiques compte tenu d'un contexte économique local déprimé, qui sont l'envers du progrès économique.

La politique de flexicurité mise au point dans les pays scandinaves généralise et rationalise l'utilisation de ces instruments en vue d'installer l'économie sur deux piliers complémentaires : d'une part, un système productif dynamique ouvert aux échanges ainsi qu'un marché du travail suffisamment efficace et flexible pour accompagner la croissance, d'autre part, la sécurisation maximale des parcours humains soumis aux flux et reflux de l'emploi.

La création du FEM permettra, dans cette perspective, à l'union de contribuer aux efforts des Etats membres pour organiser dans des conditions optimales la réinsertion professionnelle des salariés les plus touchés par l'évolution des la division internationale du travail, du fait non seulement de l'ampleur des licenciements dont ils sont victimes, mais aussi des obstacles supplémentaires à la reconversion que suscite la situation de l'emploi dans leur zone de résidence.

Notons que la proposition de règlement revêt une dimension nécessairement exemplaire et « pédagogique ». En effet la politique de l'emploi est nationale, et l'union ne peut et doit intervenir dans ce domaine qu'à l'appui de l'action des Etats membres.

A cet égard, l'intention est double. Il s'agit de manifester concrètement la solidarité de l'union aux salariés « oubliés de la croissance » en ajoutant un instrument spécifique aux nombreux dispositifs - au premier rang desquels les fonds structurels - dont celle-ci dispose pour favoriser la modernisation des économies des Etats membres. Il s'agit aussi, comme l'indique clairement l'exposé des motifs, de « contribuer à la mise en place, dans l'union, des conditions de la flexicurité », c'est-à-dire d'inciter les Etats membres à expérimenter, développer, généraliser les politiques liées à celle-ci. Ce dernier aspect, essentiel dans la perspective « pédagogique » de la proposition, mériterait sans doute d'être mis en évidence dans les considérants du futur règlement.

B. PRÉCISER EN CONSÉQUENCE LES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ

Pour que les interventions du FEM revêtent effectivement la valeur exemplaire justifiant la mise en place du nouvel instrument financier, il convient qu'elles visent des restructurations « d'ampleur européenne », cette expression désignant non pas leurs effets territoriaux, mesurés à l'intérieur de chaque Etat membre au niveau NUTS II et NUTS III, mais leur écho dans l'opinion publique européenne. L'introduction d'une « clause de sécurité » permettant l'intervention du fonds dans certains cas limites serait parfaitement justifiée de ce point de vue. Il serait en outre opportun et réaliste de faire passer de six à douze mois la période de référence fixée pour le décompte des mille licenciements permettant de déclencher l'intervention du fonds en faveur des salariés d'un secteur représentant au moins 1 % de l'emploi dans une zone de niveau NUTS II. Cette adaptation modeste des seuils d'éligibilité permettrait de satisfaire plus complètement l'objectif du fonds sans inciter au saupoudrage des aides.

*

* *

Compte tenu de ces observations, votre commission a adopté, lors de sa réunion du 22 novembre 2006, la proposition de résolution dans la rédaction reproduite ci-après.

Conformément à l'article 73 bis du règlement du Sénat, cette proposition de résolution de la commission deviendra résolution du Sénat au terme d'un délai de dix jours suivant la publication du présent rapport, sauf s'il est demandé, dans ce délai, que son examen soit inscrit à l'ordre du jour de la séance publique.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Texte adopté par la commission des affaires sociales en application de l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement du Sénat

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du conseil portant création du fonds européen d'ajustement à la mondialisation (E 3102) ;

Se félicite que l'Union européenne prenne en compte, par cette proposition de règlement, l'impact social de la mondialisation et contribue ainsi, d'une part, à favoriser le retour à l'emploi des travailleurs licenciés dans le cadre de restructurations de dimension européenne, d'autre part, à encourager le recours aux méthodes et politiques de flexicurité dans l'ensemble des Etats membres ;

Souhaite que les considérants de la proposition de règlement mentionnent ce double objectif ;

Souligne que le fonds européen d'ajustement à la mondialisation intervient en complément des mesures mises en oeuvre dans le cadre national, ne peut s'y substituer et n'exonère donc aucun acteur de ses obligations actuelles ; observe que le fonds ne concerne que les restructurations de dimension européenne ; considère en conséquence que la proposition de règlement est en conformité avec les principes de subsidiarité et de proportionnalité ;

Estime que les critères d'intervention du fonds doivent être suffisamment stricts et objectifs pour que les interventions soient concentrées sur les restructurations d'ampleur européenne ;

Considère néanmoins que ces critères doivent être légèrement assouplis, notamment par l'introduction d'une clause de sécurité permettant de lisser les effets de seuil prévisibles, ainsi que par l'allongement à douze mois de la période de référence fixée pour le décompte de mille licenciements intervenus dans un secteur représentant au moins 1 % de l'emploi dans une zone de niveau NUTS II ;

Demande au Gouvernement de s'opposer à toute évolution des critères qui conduirait à fixer des plafonds ou des quotes-parts par État et irait de la sorte à l'encontre de la logique de solidarité présidant à la mise en place du fonds.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2006 sous la présidence de M. Gérard Dériot, vice-président , la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Marie-Thérèse Hermange sur la proposition de résolution n° 441 (2005-2006), présentée par M. Roland Ries au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création du fonds européen d'ajustement à la mondialisation , ainsi que les éventuels amendements.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur , a d'abord indiqué que la création d'un fonds européen d'ajustement à la mondialisation, après avoir reçu l'accord de principe du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005, fait actuellement l'objet d'une discussion entre le Conseil et le Parlement européen dans le but de parvenir à un accord avant l'examen de la proposition par le Parlement le 30 novembre prochain. Une adoption définitive du règlement est dès lors envisageable lors de la réunion du Conseil prévue le 1 er décembre 2006. Le Sénat a été saisi, en application de l'article 88-4 de la Constitution, de ce texte sur lequel la délégation pour l'Union européenne a adopté un projet de résolution présenté par M. Roland Ries. Ce projet a été transmis à la commission conformément à la procédure prévue à l'article 73 bis du règlement du Sénat.

Après ce rappel, Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur , a estimé que la proposition de créer un fonds européen d'ajustement à la mondialisation s'inscrit dans le débat récurrent sur les conséquences sociales de l'ouverture du commerce international. En effet, alors que les avantages de l'ouverture des marchés sont vastes mais diffus et progressifs en termes de croissance, de compétitivité et d'emploi qualifié, la mondialisation exerce à rebours sur l'emploi des effets pervers limités mais visibles et immédiats.

L'objectif du fonds est de participer à la correction de cette contradiction en aidant la reconversion des travailleurs licenciés dans les régions les plus durement touchées par les bouleversements économiques résultant de l'évolution de la structure du commerce mondial.

Le projet de règlement répond à ce « devoir de réparation » et d'accompagnement des salariés et tend en outre à encourager la généralisation dans l'Union des politiques recherchant un équilibre entre la flexibilité et la sécurité de l'emploi.

Les critères d'intervention inscrits dans la proposition de règlement traduisent ces orientations. C'est ainsi que l'article 2 prévoit la fourniture d'une contribution financière dans les cas où les modifications majeures de la structure du commerce international ont pour conséquence : soit le licenciement d'au moins mille salariés d'une entreprise ou de ses fournisseurs, dans un département où le chômage est plus élevé que la moyenne communautaire ou nationale ; soit le licenciement, au cours d'une période de six mois, d'au moins mille salariés d'une ou plusieurs entreprises d'un secteur représentant au moins 1 % de l'emploi régional.

Cette contribution financera des aides à la recherche d'un emploi, des aides à l'orientation professionnelle, des formations, des aides au reclassement externe, des aides à l'emploi indépendant. Elle financera aussi, pour une durée limitée, des compléments de revenus d'activité servis aux travailleurs licenciés, tels que des allocations de recherche d'emploi, des allocations de mobilité, des aides au revenu pour les personnes participant à des activités de formation, ainsi que des compléments salariaux temporaires pour les travailleurs âgés de cinquante ans au moins acceptant de revenir sur le marché du travail avec un salaire moins élevé.

Les aides du fonds complèteront les actions menées par les Etats membres aux niveaux national, régional et local, sans s'y substituer. Elles seront dotées d'une enveloppe budgétaire maximale de 500 millions d'euros par an.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur , a ensuite analysé la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne. Tout en approuvant sans réserve le principe de la création du fonds, elle propose d'infléchir le texte du règlement sur plusieurs points.

La délégation constate, d'abord, que le critère d'éligibilité relatif au nombre de salariés licenciés dans une entreprise installée dans un département où le chômage est plus élevé que la moyenne communautaire ou nationale n'aurait été satisfait en France que par deux restructurations depuis 2000. En conséquence, elle estime opportun d'assouplir légèrement les critères, tout en évitant le risque de saupoudrage des aides et celui d'instaurer un système de quotas d'interventions par Etat membre. Elle propose, à cette fin, d'instituer une « clause de sécurité » permettant de lisser les prévisibles effets de seuil.

Dans le même souci, l'exposé des motifs de la proposition de résolution évoque par ailleurs l'opportunité de fixer à douze mois, au lieu de six, la période de décompte des licenciements effectués dans une ou plusieurs entreprises d'un secteur représentant au moins 1 % de l'emploi régional. Cette mesure aurait pour intérêt de rendre un certain nombre de restructurations françaises éligibles à l'aide communautaire. Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur , a donc proposé à la commission de mentionner cette piste dans le texte de la proposition de résolution.

Rappelant ensuite que le nombre des emplois supprimés par les délocalisations reste faible du point de vue macro-économique, puisqu'il a été évalué en France à 13.500 en moyenne annuelle, entre 1995 et 2001, elle a noté que ces licenciements n'en sont pas moins porteurs d'une grave souffrance sociale. Or la politique de flexicurité mise au point dans les pays scandinaves permet de répondre à ce problème en proposant l'utilisation d'une gamme d'instruments tendant à créer un équilibre entre un système productif dynamique, ouvert aux échanges et conforté par un marché du travail efficace, et la sécurisation maximale des parcours humains soumis aux flux et reflux de l'emploi.

Estimant que la création du fonds d'ajustement à la mondialisation permettra d'inciter les Etats membres à expérimenter, développer et généraliser les politiques liées à la flexicurité, Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur , a jugé que cet aspect mérite d'être mis en évidence dans les considérants du futur règlement.

Elle a aussi relevé que, si la politique sociale relève pour l'essentiel de la compétence nationale, l'Union européenne dispose des moyens juridiques, la présente proposition en est une illustration, de lancer une action quand il apparaît opportun de traiter dans le cadre européen certains dysfonctionnements importants.

En conclusion, elle a proposé à la commission de compléter le texte de la délégation pour l'Union européenne, en demandant d'une part l'élargissement à douze mois de la période retenue pour le décompte des mille licenciements éligibles dans un secteur à l'intérieur d'une région, et en demandant d'autre part que la vocation pédagogique du fonds créé soit affirmée de façon plus complète. Puis elle a proposé d'adopter la proposition de résolution ainsi modifiée.

Mme Isabelle Debré a demandé quelle serait la durée des compléments salariaux temporaires accordés aux travailleurs âgés de cinquante ans au moins acceptant de revenir sur le marché du travail avec un salaire moindre et a mis en doute le caractère plausible d'un tel retour.

M. Michel Esneu a approuvé la démarche inspirant la création du fonds d'ajustement et a demandé si le financement de celui-ci nécessiterait l'augmentation des prélèvements fiscaux.

M. Gilbert Barbier a demandé confirmation du fait que les aides du fonds d'ajustement interviendront seulement en complément des aides mises en place sur le plan national.

Mme Catherine Procaccia a rappelé que certains Etats membres imposent aux travailleurs de plus de cinquante ans le retour à l'emploi avec un salaire parfois diminué dans des proportions sensibles.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur , a précisé que le fonds d'ajustement sera uniquement financé par des crédits non utilisés du budget européen, dans la limite d'un montant de 500 millions d'euros par an. Elle a confirmé que les interventions du fonds auront lieu à l'appui des politiques nationales d'aide aux salariés privés d'emploi dans le cadre de restructurations et qu'elles seront ainsi alignées, y compris en ce qui concerne la durée de versement de compléments salariaux aux travailleurs âgés de cinquante ans, sur les dispositifs nationaux. Elle a aussi rappelé que certains Etats, à la différence de la France, utilisent efficacement les fonds structurels européens, qui ont largement contribué à la croissance de pays comme l'Irlande, et noté que la dernière vague des adhérents à l'Union souhaite les mobiliser au maximum dans le même but de rattrapage économique.

La commission a ensuite approuvé la proposition de résolution dans sa rédaction proposée par le rapporteur.

* 1 La délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale a aussi, de son côté, adopté une proposition de résolution n° 3446 sur le fonds européen d'ajustement à la mondialisation. Cette proposition a été renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Elle approuve la création du fonds, tout en proposant quelques inflexions, dont la création d'une clause de sauvegarde et l'allongement à douze mois du délai prévu en cas de licenciement dans plusieurs entreprises d'un même secteur.

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