ANNEXE 3 : LA PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES 2008-2010 PEUT-ELLE S'EXPLIQUER SANS UN EXCÉDENT DE L'ASSURANCE CHÔMAGE DE L'ORDRE DE 0,5 POINT DE PIB EN 2010 ?

Votre commission des finances a souhaité, dans la présente annexe, expliciter ses interrogations sur les prévisions de solde public pour 2010 de la programmation pluriannuelle des finances publiques 2008-2010 annexée au présent projet de loi de finances.

Selon le « rapport Pébereau », publié en décembre 2005, l'Etat et les administrations de sécurité sociale devaient « revenir à l'équilibre en cinq ans au maximum », c'est-à-dire en 2010. Si l'on suppose que les collectivités territoriales sont également à l'équilibre, cela correspond à un équilibre global des administrations publiques en 2010.

Or, la projection de la tendance de la programmation des finances publiques 2007-2009 annexée au projet de loi de finances pour 2006 n'aurait permis d'atteindre cet objectif d'équilibre global qu'en 2011.

C'est pourquoi, contrairement aux programmes de stabilité précédents, le programme de stabilité 2007-2009 n'est pas une simple version détaillée de la programmation annexée au projet de loi de finances, mais en diffère sensiblement. Il prévoit en effet, comme le préconise le « rapport Pébereau » précité, de ramener le solde des administrations publiques à l'équilibre en 2010 53 ( * ) .

Le problème est que pour atteindre cet objectif d'équilibre en 2010 par la seule maîtrise de la dépense, on a le choix entre plusieurs « solutions », tout aussi irréalistes, même si l'on suppose que les objectifs de solde des régimes obligatoires de base sont atteints.

Les objectifs de solde public pour 2009 et 2010 des dernières programmations

(en points de PIB)

2005

2009

2010

PLF 2006

Programme de stabilité
2007-2009

PLF 2007

PLF 2007

Etat

-3

-1,9

-1,5 (1)

-1,5

-0,9

ODAC

0,4

0,3

0,3

0,3

Collectivités territoriales

-0,1

-0,1

0,4

-0,1

-0,1

Administrations de sécurité sociale

-0,2

-0,1

0,1

0,4

0,6

APU

-2,9

-1,4

-1

-0,9

0

(1) Programme de stabilité 2007-2009 : Etat + ODAC

Sources : projets de lois de finances pour 2006 et 2007, programme de stabilité 2007-2009

I. L'ABANDON, PAR LE GOUVERNEMENT, DE LA PROPOSITION DU « RAPPORT PÉBEREAU » DE RAMENER LES FINANCES DE L'ETAT À L'ÉQUILIBRE EN 2010

Selon le « rapport Pébereau », chaque catégorie d'administrations publiques parviendrait à l'équilibre en 2010.

Tel serait en particulier le cas de l'Etat. Comme le souligne le rapport précité, « ceci supposerait que ses dépenses soient stabilisées en euros courants ». Cependant, le rapport va au-delà d'une simple stabilisation en euros courants , puisque ce qu'il préconise, c'est « une économie annuelle de 2 % des dépenses » en valeur alors que l'inflation hors tabac a été en moyenne de l'ordre de 1,6 % par an au cours des dix dernières années. L'ordre de grandeur de la réduction du déficit qui découlerait d'une telle norme de croissance des dépenses est vraisemblable. Cette norme s'entend au sens de la comptabilité budgétaire 54 ( * ) .

Cet objectif de réduction des dépenses de l'Etat étant très ambitieux, le gouvernement en retient un plus modeste.

La règle de progression des dépenses de l'Etat, présentée dans le programme de stabilité 2007-2009, et maintenue par la programmation annexée au présent projet de loi de finances, se limiterait en effet à un « zéro valeur » défini, au sens de la comptabilité budgétaire, comme une diminution de 1,5 % - et non 2 % - en volume. Par ailleurs, cet objectif de progression des dépenses ne serait atteint qu'en 2009 , la norme retenue pour 2007 étant celle d'une diminution de seulement 1 % en volume, de sorte que, selon le chiffrage du programme de stabilité 2007-2009 55 ( * ) , la diminution moyenne des dépenses de l'Etat sur les trois années de la programmation serait de seulement 1,25 %, au sens de la comptabilité budgétaire 56 ( * ) , ce qui correspondrait à une diminution annuelle de l'ordre de 3 milliards d'euros en volume. Enfin, cette politique ne commencerait qu'en 2007 , et non en 2006, comme le proposait le « rapport Pébereau ».

Dans ces conditions, la programmation annexée au présent projet de loi de finances prévoit qu'en 2010 le déficit de l'Etat n'aura pas été résorbé, contrairement à l'objectif fixé par le « rapport Pébereau », mais qu'il sera encore de 0,9 point de PIB.

Le gouvernement a donc besoin, pour atteindre son objectif d'équilibre global des finances publiques en 2010 , que les administrations publiques autres que l'Etat soient excédentaires d'environ 1 point de PIB en 2010.

Les organismes divers d'administration centrale (ODAC) 57 ( * ) , excédentaires de 0,4 point de PIB en moyenne depuis dix ans, permettraient de faire près de la moitié du chemin.

Les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociales doivent donc être, en 2010, globalement excédentaires d'environ 0,5 point de PIB , pour que l'objectif d'équilibre des finances publiques en 2010 soit atteint.

II. LA « SOLUTION » DU PROGRAMME DE STABILITÉ 2007-2009 : FAIRE DÉGAGER PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES UN EXCÉDENT DE 0,4 POINT DE PIB EN 2009

Le programme de stabilité 2007-2009 prévoyait que cet excédent supplémentaire, de l'ordre de 0,5 point de PIB en 2010, proviendrait des collectivités territoriales.

Ainsi, celles-ci devaient dégager un excédent de 0,4 point de PIB en 2009 et, implicitement, davantage en 2010 . Il s'agissait de la principale différence avec la programmation pluriannuelle des finances publiques annexée au projet de loi de finances pour 2006, qui, élaborée avant la publication du « rapport Pébereau », n'avait pas « besoin » de ramener les finances publiques à l'équilibre en 2010.

Non seulement l'hypothèse retenue par le programme de stabilité 2007-2009 en matière de dépenses des collectivités territoriales était irréaliste - leurs dépenses étaient censées passer d'une croissance en volume de 3,6 % en moyenne ces dernières années, à 0,5 % en moyenne en 2007-2009, et même à 0 % en 2009 -, mais en plus, on voyait mal pourquoi les collectivités territoriales se seraient alors employées à dégager un excédent de 0,4 point de PIB en 2009. Il semblait plus vraisemblable de considérer que, dans un tel cas de figure, elles feraient bénéficier le contribuable local de cette maîtrise de la dépense. Votre rapporteur général avait souligné ce point dans un rapport d'information 58 ( * ) sur le programme de stabilité 2007-2009.

Le gouvernement a admis, lors du débat d'orientation budgétaire pour 2007, que cette hypothèse de solde des collectivités territoriales n'était pas vraisemblable. Ainsi, dans le rapport déposé en vue du débat d'orientation budgétaire précité, il écrit : « afin de tenir compte tant des remarques formulées par la Commission des Finances du Sénat dans le rapport d'information sur le Programme de stabilité que par les associations d'élus, le scénario actuel table sur un quasi équilibre des comptes des collectivités locales, et non plus un excédent significatif à l'horizon 2010 ».

III. LA « SOLUTION » DE LA PROGRAMMATION ANNEXÉE AU PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES : FAIRE DÉGAGER PAR LES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE UN EXCÉDENT DE 0,6 POINT DE PIB EN 2010

Toutes choses égales par ailleurs, la révision de l'hypothèse de solde des collectivités territoriales réalisée par le gouvernement à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2007 aurait dû accroître le déficit public de 0,5 point de PIB à la fin de la période de programmation. Pourtant, dans le rapport déposé en vue du débat d'orientation budgétaire précité, le gouvernement a maintenu son objectif d'équilibre public en 2010. Par ailleurs, il n'a pas explicitement modifié ses hypothèses d'évolution des dépenses de l'Etat et des administrations de sécurité sociale, et écartait toujours l'éventualité d'une hausse des prélèvements obligatoires.

Comme votre rapporteur général le soulignait alors, ce paradoxe suscitait certaines interrogations.

A. LA PROGRAMMATION DU GOUVERNEMENT SEMBLE SOUS-ENTENDRE UN EXCÉDENT DE L'ASSURANCE CHÔMAGE DE 10 MILLIARDS D'EUROS EN 2010

La programmation annexée au présent projet de loi de finances prévoit désormais explicitement que ce sont les administrations de sécurité sociale qui seront excédentaires d'environ 0,5 point de PIB en 2010 - de 0,6 point de PIB pour être précis.

Cela peut a priori sembler paradoxal , dans la mesure où les prévisions de solde des régimes obligatoires de base , qui sont couverts par la loi de financement de la sécurité sociale, et pour lesquels on dispose par conséquent de projections détaillées, n'ont pas été significativement modifiées par rapport à l'année dernière, comme l'indique le tableau ci-après.

Les soldes des administrations de sécurité sociale prévus par différentes programmations

(en points de PIB)

Champ

Ensemble des administrations de sécurité sociale 59 ( * )

(comprenant l'assurance chômage)

Régimes obligatoires de base 60 ( * )

(ne comprenant pas l'assurance chômage)

Programmation

Programme de stabilité 2007-2009

PLF 2007

LFSS 2006

PLFSS 2007

Année concernée

2009

2009

2010

2009

2009

2010

Maladie

n. d.

n. d.

n. d.

0,0

0,0

0,1

Famille

n. d.

n. d.

n. d.

0,0

0,1

0,1

Vieillesse

n. d.

n. d.

n. d.

-0,1

-0,2

-0,2

Chômage

n. d.

n. d.

n. d.

-

-

-

Total régimes obligatoires de base

n. d.

n. d.

n. d.

-0,2

-0,2

0,0

Total administrations de sécurité sociale

0,1

0,4

0,6

-

-

-

Source : programmes de stabilité, projets de loi de financement de la sécurité sociale

Ainsi, alors que les administrations de sécurité sociale seraient excédentaires de 0,6 point de PIB en 2010, les régimes obligatoires de base seraient seulement à l'équilibre.

Ce paradoxe s'explique par le fait que les régimes obligatoires de base ne représentent qu'une partie des administrations de sécurité sociale, une différence essentielle 61 ( * ) étant que les régimes obligatoires de base ne comprennent pas l'assurance chômage.

L'Unédic 62 ( * ) considère que, du fait de la diminution du nombre de chômeurs, ses comptes seront excédentaires d'environ 5 milliards d'euros , soit 0,25 point de PIB, en 2008 , comme l'indique le graphique ci-après.

Les recettes et les dépenses de l'Unédic jusqu'en 2008, selon l'Unédic

(en milliards d'euros)

Source : Unédic, « L'équilibre financier de l'assurance chômage, années 2006 à 2008 », 5 juillet 2006.

Les projections de l'Unédic pour l'année 2008

Schématiquement, les recettes et les dépenses de l'assurance chômage sont de l'ordre de 30 milliards d'euros, dont 20 milliards d'euros servent à indemniser en 2006 1,9 million de chômeurs, soit un coût d'environ 10.000 euros par chômeur. L'Unédic considère que ses comptes seront très légèrement excédentaires en 2006.

Fin 2008 (horizon de sa projection), grâce à la diminution de la population active, le nombre de chômeurs indemnisés diminuerait jusqu'à 1,6 million, pour un taux de chômage de 7,9 %. La diminution, de 300.000 personnes, du nombre de chômeurs indemnisés, réduirait logiquement les dépenses de 3 milliards d'euros, ce qui correspond effectivement à la prévision de l'Unédic.

Parallèlement, les recettes augmenteraient de 2 milliards d'euros entre 2006 et 2008, ce qui correspond à une croissance de l'ordre de 3,5 % par an, analogue à la croissance du PIB en valeur.

L'Unédic aurait donc en 2008 un excédent de l'ordre de 5 milliards d'euros.

Si l'on prolonge cette tendance jusqu'en 2010, il en découle en 2010 un excédent de l'Unédic de 10 milliards d'euros, soit environ 0,5 point de PIB, ce qui correspond quasiment à l'excédent des administrations de sécurité sociale, de 0,6 point de PIB, prévu pour 2010 par la programmation annexée au présent projet de loi de finances.

B. IL SEMBLE PEU PROBABLE QUE L'ASSURANCE CHÔMAGE ENREGISTRE UN EXCÉDENT SIGNIFICATIF EN 2010

Un excédent de l'assurance chômage de 10 milliards d'euros en 2010 semble impliquer un taux de chômage de l'ordre de 7 % la même année, ce qui, compte tenu des évolutions démographiques, est économiquement vraisemblable.

Cependant, cela suppose également que l'Unédic ne réduise pas ses cotisations et n'augmente pas ses prestations en conséquence de cette diminution du nombre de chômeurs, ce qui semble beaucoup plus aléatoire.

En effet, si l'Unédic accroît ses recettes lorsque le nombre de chômeurs, et donc ses dépenses, augmente - comme cela s'est produit de 1991 à 1994, et de 2001 à 2003 -, elle n'a pas profité de la diminution du nombre de chômeurs de 1997 à 2001 pour réduire ses dépenses, comme l'indique le graphique ci-après.

Les recettes et les dépenses de l'Unédic : relation avec le nombre de chômeurs

(en points de PIB et en millions)

Sources : Unédic, Insee

On rappelle que, contrairement au régime général de sécurité sociale, l'assurance chômage se gère de façon autonome. Elle vise l'équilibre, et non l'excédent, de ses comptes. Dans ces conditions, à défaut d'une mesure législative qu'il faudrait expliciter en temps utile, on voit mal comment elle pourrait dégager un excédent de l'ordre de 0,5 point de PIB en 2010, comme la programmation annexée au présent projet de loi de finances semble implicitement le supposer. Si cet excédent devait s'interpréter comme un redéploiement, il supposerait une réforme générale des administrations de sécurité sociale, comprenant une consolidation de leurs recettes, que rien ne laisse supposer à brève échéance.

* 53 Bien que le programme de stabilité 2007-2009 ne concerne en principe pas l'année 2010, l'objectif d'équilibre en 2010 est indiqué dans le texte.

* 54 Le « rapport Pébereau » considère qu'une réduction des dépenses de l'Etat de 2 % correspond à une réduction de 5 milliards d'euros. Il prend donc implicitement en compte les dépenses de l'Etat au sens de la comptabilité budgétaire, qui les évalue à environ 250 milliards d'euros, contre environ 400 milliards d'euros pour la comptabilité nationale.

* 55 La programmation annexée au présent projet de loi de finances ne fournit pas d'indication précise à cet égard.

* 56 Les dépenses de l'Etat seraient en revanche stabilisées au sens de la comptabilité nationale.

* 57 Les ODAC regroupent des organismes de statut juridique varié. Il s'agit souvent d'établissements publics à caractère administratif, auxquels l'Etat a confié une compétence fonctionnelle, spécialisée, au niveau national. Parmi les ODAC figurent notamment les universités, les instituts d'études et de recherche (Institut national des études démographiques, Institut de recherche pour le développement, ...), les théâtres et musées nationaux, l'Agence Nationale Pour l'Emploi (ANPE), la Commission des opérations de Bourse (COB), les offices d'intervention sur les marchés agricoles et, dans le domaine des finances publiques, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

* 58 « Le programme de stabilité 2007-2009 est-il réaliste ? », rapport d'information n° 314 (2005-2006).

* 59 Le scénario de croissance du PIB retenu ici est le moins favorable des deux scénarios présentés dans le rapport économique, social et financier.

* 60 Jusqu'à 2007, le PLFSS retenait un scénario économique intermédiaire entre les deux scénarios du programme économique, social et financier.

* 61 Une autre différence est que les administrations de sécurité sociale comprennent les régimes de protection sociale à caractère obligatoire, tels que les régimes de retraite complémentaire (AGIRC-ARRCO).

* 62 Source : Unédic, « L'équilibre financier de l'assurance chômage, années 2006 à 2008 », 5 juillet 2006.

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