ARTICLE 7

Aménagements de la provision pour investissements des entreprises de presse

Commentaire : le présent article a pour objet de proroger jusqu'en 2010 et d'aménager le régime de provision pour investissements des entreprises de presse, conformément à une annonce du Premier ministre en date du 11 mai 2006.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN RÉGIME DE PROVISIONS RÉGLEMENTÉES PROPRE AUX ENTREPRISES DE PRESSE

Outre les provisions ordinaires qui ont pour objet soit de constater la dépréciation d'un élément d'actif, soit de couvrir des risques et charges ou des pertes dont la survenance est probable, les entreprises peuvent constituer des provisions dites réglementées obéissant à des régimes législatifs spécifiques . Les entreprises constituent en franchise d'impôt, par prélèvement sur leurs résultats, les provisions destinées à financer certaines dépenses.

Le régime de provisions réglementées en faveur des entreprises de presse, institué en 1953, a été prorogé à plusieurs reprises depuis cette date, pour la dernière fois par l'article 118 de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 de finances pour 1997 au titre des exercices 1997 à 2006.

B. LE RÉGIME DE PROVISION POUR INVESTISSEMENTS DES ENTREPRISES DE PRESSE APPLICABLE AUX EXERCICES 1997 À 2006

Le régime de provision pour investissements (PPI) applicable aux entreprises de presse au titre des exercices 1997 à 2006 est défini à l'article 39 bis A du code général des impôts (CGI).

1. Les entreprises de presse et les dépenses éligibles

a) Les entreprises bénéficiaires

Ce régime s'applique aux « entreprises exploitant soit un journal, soit une publication mensuelle ou bimensuelle consacrée pour une large part à l'information politique » 63 ( * ) .

Si une entreprise de presse édite d'autres publications ou se livre à d'autres activités, une comptabilité doit distinguer les seules publications et activités pour lesquelles ces entreprises peuvent bénéficier de la provision.

Une condition de résidence dans l'Union européenne s'applique pour être éligible à la PPI : les entreprises de presse ne bénéficient pas du régime de provision « pour la partie des journaux ou des publications qu'elles impriment hors d'un Etat membre de la Communauté européenne ». En d'autres termes, la provision s'applique à due proportion de la part du chiffre d'affaires correspondant aux publications réalisées dans l'Union européenne.

Certaines publications sont exclues du bénéfice de la PPI , à savoir « les publications pornographiques, perverses ou incitant à la violence figurant sur une liste établie, après avis de la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l'enfance et à la jeunesse, par un arrêté du ministre de l'intérieur ».

b) Les dépenses éligibles

Ces entreprises sont autorisées à constituer une provision déductible du résultat imposable des exercices 1997 à 2006, en vue de faire face aux dépenses suivantes , y compris lorsqu'elles constituent des dépenses d'équipement pour autant que celles-ci soient strictement nécessaires à l'exploitation du journal ou de la publication :

- l'« acquisition de matériels, mobiliers, terrains, constructions et prises de participation majoritaire dans des entreprises d'imprimerie ou exploitant des réseaux de portage, dans la mesure où ces éléments d'actif sont strictement nécessaires à l'exploitation du journal ou de la publication » ;

- la « constitution de bases de données , extraites du journal ou de la publication, et acquisition du matériel nécessaire à leur exploitation ou à la transmission de ces données ».

2. Le montant de la provision pour investissements

a) Les règles générales de déductibilité

Les sommes déduites au titre de la PPI des entreprises de presse sont limitées à « 30 % du bénéfice de l'exercice concerné pour la généralité des publications et à 60 % pour les quotidiens. Ce pourcentage est porté à 80 % pour les quotidiens dont le chiffre d'affaires est inférieur à 7.600.000 euros ». Les sommes doivent être utilisées dans un délai de cinq ans et pour un objet permettant l'éligibilité à la PPI 64 ( * ) .

Les sommes ainsi prélevées ou déduites des résultats imposables « ne peuvent être utilisées qu'au financement d'une fraction du prix de revient des immobilisations qui y sont définies » : 40 % « pour la généralité des publications » et 90 % pour les publications à diffusion départementale ou régionale assimilées à des quotidiens nationaux d'information politique et générale.

b) Des règles de déduction distinctes pour les actifs amortissables et non-amortissables

Les règles de déduction sont différentes selon qu'elles sont affectées à des éléments d'actifs amortissables ou non amortissables :

- s'agissant des actifs amortissables, « les immobilisations acquises au moyen des bénéfices ou des provisions mentionnés [à l'article 39 bis A du CGI] sont réputées amorties pour un montant égal à la fraction du prix d'achat ou de revient qui a été prélevée sur lesdits bénéfices ou provisions ».

- s'agissant des actifs non amortissables, les sommes déduites au titre de la PPI « et affectées à l'acquisition d'éléments d'actifs non amortissables sont rapportées, par parts égales, au bénéfice imposable de l'exercice au cours duquel ces éléments sont acquis et des quatre exercices suivants ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA PROROGATION DU DISPOSITIF JUSQU'EN 2010

Le du A du I du présent article propose de proroger de quatre années le régime de PPI des entreprises de presse , en remplaçant l'année « 2006 » par l'année « 2010 ».

B. UN RECENTRAGE SUR LES QUOTIDIENS D'INFORMATION POLITIQUE ET GÉNÉRALE

Le du A du I du présent article recentre le dispositif sur les journaux et publications d'information politique et générale, en l'étendant aux publications d'une périodicité au moins mensuelle (et non plus : au moins hebdomadaire).

En revanche, alors que le droit actuel fait bénéficier de la PPI les publications à diffusion départementale ou régionale consacrées « principalement » à l'information politique et générale, paraissant au moins une fois par semaine et dont le prix de vente n'excède pas de 75 % à celui de la majorité des quotidiens, il est proposé de ne réserver le bénéfice de la PPI qu'aux publications précitées « consacrées à l'information politique et générale ». La suppression de l'adverbe « principalement », proposée par le C du I du présent article, tend à renforcer l'exigence de contenu d'information politique et générale que doivent satisfaire les quotidiens et publications pour bénéficier de la PPI. Une interprétation stricte de cette disposition signifie que se trouvent ainsi placé hors du champ de la PPI des quotidiens sportifs, des magazines de télévision ou des revues professionnelles hebdomadaires.

Le D du I du présent article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat détermine les critères de contenu et de surface rédactionnelle des journaux et publications, au regard desquels ils pourront être considérés comme étant d'information politique et générale.

C. L'AMÉNAGEMENT DES DÉPENSES ÉLIGIBLES

Le B du I du présent article propose des aménagements des dépenses éligibles à la PPI s'agissant des prises de participation :

- alors que seules les prises de participation majoritaires dans des entreprises de presse sont actuellement éligibles, les prises de participation minoritaires pourraient également faire l'objet d'une provision ;

- alors que seules les prises de participation dans des entreprises d'imprimerie ou exploitant des réseaux de portage de la presse sont actuellement éligibles, les prises de participation des entreprises de presse pourraient porter tant sur d'autres entreprises de presse dont les journaux et publications sont consacrés à l'information politique et générale, que sur des entreprises de prestation de services aux entreprises de presse dans les domaines de l'information (les agences de presse), de l'approvisionnement en papier, de l'impression ou de la distribution ;

- alors que la PPI porte actuellement sur les seules dépenses d'acquisition de matériel, de mobiliers, terrains, constructions et prises de participation « strictement nécessaires à l'exploitation » du journal ou de la publication, cette condition de stricte nécessité ne porterait plus que sur les dépenses de matériels, mobiliers, terrains et constructions, à l'exclusion des prises de participation.

D. L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU DISPOSITIF

Le II du présent article propose que le nouveau dispositif s'applique au titre des exercices clos à compter du 1 er janvier 2007.

III. LA POSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Avec l'avis favorable de la commission, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements du gouvernement au présent article :

- d'une part, il a été institué une réduction d'impôt au titre des sommes versées pour la souscription en numéraire au capital de sociétés ayant pour activité principale l'édition de journaux quotidiens ou de certaines publications consacrées à l'information politique et générale ; le crédit d'impôt s'élève à 25 % du montant des sommes versées au titre des souscriptions en numéraire réalisées entre le 1 er janvier 2007 et le 31 décembre 2009 au capital de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés et qui exploitent un journal ou un quotidien d'information politique et générale dont la publicité est au plus mensuelle ;

- enfin, deux amendements tendent à harmoniser le champ de la nouvelle réduction d'impôt et celui de la provision pour entreprises de presse : selon les précisions apportées en séance par M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat : « c'est le périmètre le plus large qui vous est proposé et qui correspond au périmètre actuel de la provision pour entreprise de presse. Tout journal quotidien, quel que soit son contenu, pourra ainsi continuer à bénéficier du régime de la provision et bénéficiera du nouveau dispositif d'incitation à la souscription au capital ».

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN DISPOSITIF PEU COÛTEUX

Le régime de provisions réglementées en faveur des entreprises de presse a été mis en place dans un contexte économique difficile, pour ces entreprises, après la Libération, afin d'inciter à l'acquisition et au renouvellement d'investissements de production lourds. La « crise de langueur » de la presse française a justifié la reconduction , depuis cette date, d'un dispositif au coût aujourd'hui relativement limité, puisque évalué à 3 millions d'euros pour l'année 2006.

Les aménagements proposés aux prises de participation encouragent la constitution de groupes de presse puissants, alors que les groupes français souffrent actuellement d'une fragilité capitalistique.

Le crédit d'impôt proposé vise les souscriptions au capital d'entreprises de presse qui, souvent, n'ont qu'une faible rentabilité et peuvent dans une certaine mesure s'assimiler à des dons à des oeuvres d'intérêt général. Le coût, non chiffré, peut être estimé à quelques millions d'euros par an au maximum.

Votre rapporteur général rappelle enfin que, pour les provisions constituées avant l'entrée en vigueur du présent article, le régime antérieur de provision reste applicable.

B. LES AMENDEMENTS PROPOSÉS PAR VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur général observe que les amendements adoptés par l'Assemblée nationale, sur l'initiative du gouvernement, ont eu pour effet de faire à nouveau bénéficier les quotidiens du régime de la PPI pour les années 2007 à 2010, même s'ils ne sont pas exclusivement consacrés à l'information politique et générale.

En revanche, votre rapporteur général observe que les hebdomadaires ne relevant pas stricto sensu de la catégorie des titres d'information politique et générale restent exclus du champ d'application de la PPI proposée, alors qu'ils sont inclus dans le dispositif applicable jusqu'en 2006 à condition d'être « principalement » consacrés à l'information politique et générale.

Cette exclusion de cette seule catégorie de titres n'apparaît pas justifiée à votre rapporteur général, qui propose donc deux amendements pour n'exclure aucun des titres qui bénéficient de la PPI jusqu'en 2006 du régime proposé pour les années 2007 à 2010.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 62 « Enfin, il est essentiel que la mise en place de ce statut puisse s'accompagner pour ces PME d'un traitement privilégié par l'administration, afin d'éviter que des gazelles potentielles ne soient pas même informées de l'existence de ce statut ou de leur possibilité d'en bénéficier. C'est un changement de mentalité qui devra se mettre en place avec le statut d'entreprise de croissance, l'administration allant au-devant des entreprises et non pas l'inverse ». Journée du capital développement, 2 octobre 2006, Sénat.

* 63 L'article 39 bis A du CGI dispose que « sont assimilées à des quotidiens les publications à diffusion départementale ou régionale consacrées principalement à l'information politique et générale , paraissant au moins une fois par semaine et dont le prix de vente n'excède pas de 75 % à celui de la majorité des quotidiens. Un arrêté du ministre de l'économie et des finances fixe les conditions de cette assimilation ».

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