II- UN PHÉNOMÈNE EN EXPANSION MONDIALE, Y COMPRIS SUR LE CONTINENT EUROPÉEN

Les chiffres avancés, s'agissant des victimes en Europe, varient de 100.000 à 500.000 personnes, hommes, femmes et enfants. Plusieurs facteurs contribuent à ce développement : les restructurations économiques et politiques consécutives à la chute de l'Union soviétique et aux crises balkaniques, la mondialisation des échanges, qui touche aussi le crime organisé, et les nouvelles méthodes utilisées par les réseaux criminels. Ceux-ci ont compris le parti à tirer de l'ouverture des frontières, comme des nouvelles technologies de la communication. Aux trafics d'armes et de drogues, s'est ainsi ajouté le trafic d'êtres humains, qui est au moins aussi rémunérateur et, jusqu'à présent, moins risqué pour ses auteurs.

Les femmes et les enfants en sont les premières victimes, mais sont loin d'en être les seules. Les hommes sont également touchés, notamment par le travail forcé.

La carte, insérée en Annexe 2, décrit les principaux circuits empruntés par les personnes qui sont conduites, souvent sous la contrainte, vers l'Europe par des réseaux de passeurs.

Nombre d'entre elles viennent d'Asie, notamment de Chine, du Pakistan et d'Irak.

CONCLUSION

L'ampleur croissante du phénomène de la traite des êtres humains a conduit la France à se doter, dès 1958, d'un organisme spécialisé au sein du ministère de l'Intérieur, l'Office Central pour la répression de la traite des êtres humains.

Sur le plan international, il serait opportun que notre pays permette, par une ratification rapide du texte du Conseil de l'Europe, qu'il entre en vigueur, puisque sept Etats l'ont déjà ratifié, et que huit ratifications sont requises pour son application.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 20 juin 2007.

Après avoir décrit l'historique et le contenu du texte, M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a conclu a l'adoption de la convention, la commission a adopté le projet de loi.

Suivant ces conclusions, la commission a adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

Article unique

Est autorisée la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, adoptée à Varsovie le 16 mai 2005, signée par la France le 22 mai 2006 à Strasbourg et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )

ANNEXE N° 1 - ÉTUDE D'IMPACT2 ( * )

Dans le cadre du Conseil de l'Europe, une convention sur la lutte contre la traite des êtres humains a été adoptée le 16 mai 2005 à Varsovie et signée par la France le 22 mai 2006 à Strasbourg par la France.

Ce texte a été ratifié, à ce jour, par trois Etats (la Roumanie, la Moldavie et l'Autriche). Il n'entrera en vigueur que lorsque 10 signataires, dont au moins 8 membres du Conseil de l'Europe, l'auront ratifié.

Les développements suivants présentent l'impact de la Convention sur le droit interne.

L'article 12 (e) prévoit que chaque Etat partie offre aux victimes une assistance « pour faire en sorte que leurs droits et intérêts soient présentés et pris en compte aux étapes appropriées de la procédure pénale engagée contre les auteurs d'infraction », tandis que l'article 15 paragraphe 2 précise que « chaque Partie prévoit, dans son droit interne, le droit à l'assistance d'un défenseur et à une assistance juridique gratuite, pour les victimes, selon les conditions prévues par son droit interne. » A cet égard, les règles relatives à l'aide juridictionnelle, qui peut être octroyée « sans condition de résidence aux étrangers lorsqu'ils sont (...) parties civiles » répond à cette préoccupation dès lors que la victime aura fait le choix de se constituer partie civile.

L'article 13 de la Convention dispose que le droit national de chaque partie prévoit un « délai de rétablissement et de réflexion d'au moins 30 jours lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire que la personne concernée est une victime », délai durant lequel la victime ne peut donc être éloignée du territoire français si elle est étrangère. Le droit français sera prochainement conforme à cet engagement, puisqu'un tel délai de rétablissement sera inscrit dans le décret en Conseil d'Etat devant être prochainement pris en application de l'article L.316-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour préciser les conditions d'application de l'article L.316-1 de ce code.

L'article 14 de la Convention prévoit qu'un titre de séjour doit être délivré aux victimes lorsque « l'autorité compétente estime que leur séjour s'avère nécessaire en raison de leur coopération avec les autorités compétentes aux fins d'une enquête ou d'une procédure pénale », il ne nécessitera pas d'adaptation législative ou réglementaire. L'article 76 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure prévoyait déjà la possibilité de délivrer à un étranger ( sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public) une autorisation provisoire de séjour lorsqu'il dépose plainte pour des infractions de traite des êtres humains commises à son encontre, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour des infractions de traite des êtres humains. Depuis la promulgation de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ( article 39 de la loi), c'est désormais une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » qui peut être délivrée à un étranger dans ces mêmes conditions.

L'article 15 paragraphes 3 et 4 institue un droit à indemnisation de la part de l'auteur des faits, et à défaut par un mécanisme de garantie. L'indemnisation des victimes est réalisée en droit interne grâce à l'intervention de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions, compétente pour l'indemnisation des préjudice résultant de faits de traite des êtres humains : ainsi, en cas de défaillance de l'auteur des faits, la victime est susceptible d'obtenir devant cette commission réparation intégrale des préjudices subis.

Les dispositions contraignantes relatives au droit pénal matériel (articles 18 à 26 de la convention) ne nécessiteront pas d'adaptation du droit interne.

En effet, l'incrimination de la traite des êtres humains est prévue par l'article 225-4-1 du code pénal, qui définit la traite des êtres humains comme le fait, en échange d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage, de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l'héberger ou de l'accueillir, pour la mettre à la disposition d'un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d'agression ou d'atteintes sexuelles, d'exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit, répond donc aux exigences de la convention.

S'agissant de l'incrimination des actes relatifs aux documents de voyage ou d'identité (article 20) ont pour objet, qui reprennent, pour les appliquer à la traite des êtres humains, les dispositions de l'article 6 du protocole à la convention de Palerme relatif au trafic de migrants, elles sont appréhendées en droit interne par diverses dispositions du code pénal, notamment celles relatives au vol.

En ce qui concerne l'obligation de prévoir la complicité et la tentative des infractions érigées dans la convention, il convient de souligner que la complicité est toujours susceptible d'être poursuivie par application des dispositions de l'article 121-7 du code pénal, et que la tentative, elle est réprimée par l'article 225-4-7 pour les faits de traite des êtres humains, et par les dispositions de l'article 441-9 pour les faits de faux.

Pour ce qui est de la responsabilité des personnes morales, elle est prévue en droit interne par l'article 121-2 du codé pénal, qui répond aux exigences de la convention.

Les niveaux de sanction prévus dans le droit interne répondent aux minima posés dans la convention, et les peines complémentaires qui doivent être prévus le sont également.

Enfin, les circonstances aggravantes de l'article 225-4-2 du code pénal recouvrent celles prévues dans la convention.

La possibilité, pour la juridiction de jugement, de prendre en compte les condamnations définitives antérieures pour des faits de traite des êtres humains prononcées dans un autre Etat partie relève de la faculté d'appréciation de la juridiction de jugement sur la personnalité du mis en cause.

Enfin, les dispositions de l'article 122-2 du code pénal 3 ( * ) permettent à la France de répondre à l'exigence de ne pas prononcer de sanction à l'encontre d'une personne qui aurait commis une infraction sous la contrainte.

Les dispositions relatives aux enquêtes, poursuites et droit procédural (articles 27 à 31 de la convention) reprennent des standards habituels qui ne posent donc pas difficulté en droit interne.

Les dispositions des articles 1er et 15-3 du code de procédure pénale permettent de ne pas subordonner les enquêtes et poursuites à la déclaration de la victime, et de permettre à toute victime de porter plainte sur le territoire français.

Diverses mesures procédurales permettent, s'il y a lieu d'accorder une protection dans le cadre de la procédure pénale, comme l'impose la convention :

- déclaration de la brigade de gendarmerie ou du commissariat de police comme adresse (article 706-57 du code de procédure pénale),

- possibilité de témoignage anonyme (article 706-58 du code de procédure pénale),

- possibilité de confrontation à distance avec le mis en cause (article 706-61 du code de procédure pénale),

- s'agissant des collaborateurs de justice, bénéfice éventuel des dispositions de l'article 706-63-1 du code de procédure pénale.

En ce qui concerne les règles de compétence, et s'agissant d'une infraction aussi grave que la traite des êtres humains, il conviendra de procéder à une modification législative pour permettre aux juridictions françaises d'exercer leur compétence s'agissant de faits commis à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, sans que ne soit exigée la double incrimination des faits, ni la plainte préalable de la victime ou la dénonciation officielle des faits par les autorités de l'Etat sur le territoire duquel les faits ont eu lieu.

L'article L.225-4-1 du code pénal pourrait ainsi être complété par un troisième alinéa rédigé comme suit :

« Lorsque la traite des êtres humains est commise à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable, par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables ».

Cette modification législative permettra de reconnaître sans condition particulière la compétence des juridictions françaises pour les faits de traite des êtres humains commis à l'étranger.

Tel ne sera pas le cas en revanche s'agissant des faits de faux prévus à l'article 20 de la convention pour lesquels les conditions de mise en oeuvre de la compétence des juridictions françaises demeureront inchangées.

Compte tenu de ce qui précède, et dans l'attente de la réalisation de la modification législative précitée, les déclarations suivantes devront donc être faites lors du dépôt de l'instrument d'approbation :

« Le Gouvernement de la République français déclare, conformément à l'article 31 paragraphe 2 de la convention européenne de lutte contre la traite des être humains, que s'agissant des infractions établies aux articles 18 et 20 de la convention, il se réserve le droit de n'appliquer la règle de compétence définie au paragraphe 1 (d) de l'article 31 que si les faits sont punissables par la législation du pays où ils ont été commis, et uniquement à la requête du ministère public, après une plainte de la victime ou de ses ayants-droits, ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le faut a été commis.

Le Gouvernement de la République français déclare, conformément à l'article 31 paragraphe 2 de la convention européenne de lutte contre la traite des être humains, que s'agissant des infractions établies aux articles 18 et 20 de la convention, il se réserve e droit de n'appliquer la règle de compétence définie au paragraphe 1 (e) de l'article 31 que lorsque le fait est commis à l'encontre d'un ressortissant français hors du territoire de la République uniquement à la requête du ministère public, après une plainte de la victime ou de ses ayants droits, ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis »./.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 303 (2006-2007)

* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

* 3 N'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'empire d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister

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