N° 437

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 juillet 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à l' adoption d'un signe distinctif additionnel (protocole III),

Par M. Robert del PICCHIA,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue , vice-présidents ; MM. Jacques Peyrat, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, André Trillard , secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. Christian Cambon, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat :

177 (2007-2008)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les quatre conventions de Genève conclues le 12 août 1949 , auxquelles se sont ajoutés deux protocoles additionnels, en 1977, et un troisième en 2005, constituent les piliers du droit international humanitaire . Elles assurent, en cas de conflits armés, la protection des personnes non combattantes, essentiellement les civils et les prisonniers de guerre. Le troisième protocole additionnel de 2005, qui est soumis à la ratification du Sénat, vise à l'adoption d'un signe distinctif additionnel, le Cristal rouge, qui s'ajoutera aux deux signes déjà en vigueur, la Croix Rouge, et le Croissant rouge .

Ce troisième signe présente l'avantage d'offrir aux organisations humanitaires un emblème neutre de toute signification religieuse dans les zones de conflit où les deux symboles existants pourraient présenter des ambiguïtés quant à une éventuelle connotation de ce type.

I. LES SIGNES DISTINCTIFS HUMANITAIRES ONT LONGTEMPS ÉTÉ MARQUÉS PAR UNE VIVE CONCURRENCE

C'est en visitant le champ de bataille de Solferino 1 ( * ) qu'un banquier genevois, Henry Dunant s'indigne du sort fait aux blessés et tente d'organiser les premiers secours.

De retour à Genève, il lance un appel à l'opinion européenne dans un livre intitulé : « Un souvenir de Solferino ».

Puis avec quatre amis genevois, il crée le 17 juillet 1863 une organisation internationale et neutre destinée à secourir les victimes de guerre, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) .

Celui-ci réunit une conférence internationale le 26 octobre 1863. Elle aboutit à la signature le 22 août 1864 de la première Convention de Genève « pour l'amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne ».

Henri Dunant obtient le Prix Nobel de la Paix en 1901.

Cette première Convention de Genève entérine la croix rouge comme seul emblème destiné à identifier les services de santé des forces armées, ainsi que les volontaires des Sociétés de secours aux militaires blessés. L'idée était de substituer aux divers drapeaux et signes distinctifs parfois utilisés à cet effet sur les champs de batailles, un emblème unique, identifiable à grande distance, et facile à reconnaître et à reproduire .

Assez rapidement, cet emblème suscita des objections en raison de la connotation religieuse qu'un certain nombre d'États lui attribuèrent. Dès 1876, l'Empire Ottoman - alors en conflit avec la Russie - déclara unilatéralement qu'il utiliserait désormais le signe du croissant rouge sur fond blanc pour marquer les services sanitaires de ses forces armées au motif qu'il avait été gêné "par la nature même du signe distinctif de la Convention, qui blessait les susceptibilités du soldat musulman".

Les protestations de la Suisse - État dépositaire de la Convention de Genève - ainsi que d'autres États, conduisirent à une solution de compromis consistant à n'accepter le croissant rouge qu'à titre provisoire, pour une durée limitée au conflit armé en cours. Une première brèche était toutefois ouverte dans le principe d'unicité du signe distinctif. D'autres emblèmes allaient apparaître par la suite, la plupart de manière éphémère, un petit nombre seulement faisant l'objet de requêtes officielles de reconnaissance. En particulier, lors de la Conférence de révision de la Convention de Genève (1906), allait s'ajouter à la demande de reconnaissance du croissant rouge, réitérée par l'Empire Ottoman, une revendication de la Perse et du Siam au droit d'usage respectivement du lion-et-soleil rouge et de la flamme rouge.

La Conférence refusa de reconnaître formellement ces trois signes et réaffirma solennellement le caractère areligieux du signe héraldique de la croix rouge sur fond blanc, qui aurait été adopté en hommage à la Suisse, par interversion des couleurs fédérales.

Elle autorisa néanmoins les États à formuler une réserve aux dispositions de la Convention de Genève relatives à l'emblème. L'Empire Ottoman, comme la Perse, fit usage de cette opportunité, le Siam y renonçant en définitive pour adopter la croix rouge.

Finalement, le croissant rouge et le lion-et-soleil rouge sur fond blanc furent reconnus comme signes distinctifs par la Convention de Genève du 27 juillet 1929 pour l'amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en campagne ; mais la Convention ne les autorisa que pour les États qui utilisaient déjà l'un de ces deux emblèmes.

Cette solution répondait à une double nécessité : prendre acte du fait accompli en entérinant les dérogations à la règle de l'unité de l'emblème qui avaient acquis, en 1929, une effectivité juridique ; prévenir toute future prolifération de nouveaux signes distinctifs, la multiplication des emblèmes risquant d'affaiblir leur finalité protectrice en altérant la capacité d'identifier rapidement le personnel, les biens et les moyens de transport protégés.

La solution retenue par la Convention de 1929 fut ultérieurement confirmée par la Convention de Genève du 12 août 1949. Les propositions alternatives consistant, soit à adopter un signe distinctif totalement nouveau en remplacement de la croix, du croissant et du lion-et-soleil rouge, soit à revenir au signe unique de la croix rouge, soit à admettre un nouvel emblème en plus de ceux déjà existants, le bouclier-de-David rouge, furent toutes rejetées.

La formule de compromis consacrée en 1929 suscitait cependant des difficultés. La première touchait au fait que la coexistence de deux signes, facilement identifiables à deux des principales religions monothéistes, contribuait à renforcer, dans certains contextes, les perceptions pourtant erronées quant à la connotation religieuse ou politique de ces emblèmes. Ces perceptions se révélèrent particulièrement problématiques au cours de conflits opposant deux ou plusieurs adversaires usant d'un signe différent. Elles pouvaient aboutir à mettre en doute, dans une zone d'opération précise, les principes fondamentaux de neutralité et d'impartialité sur lesquels repose l'action de toutes les composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, impliquant du même coup que ces emblèmes ne jouissent pas du respect auquel ils ont droit.

La seconde difficulté découla du refus d'un certain nombre d'États et de Sociétés nationales d'adopter l'un des emblèmes consacrés par les Conventions de Genève de 1949, au motif qu'ils ne se reconnaissaient dans aucun d'entre eux. Ce refus constitua une entrave à l'universalité d'un Mouvement dont les statuts exigeaient, jusqu'en 2006, l'utilisation de la croix rouge ou du croissant rouge comme une condition nécessaire pour qu'une Société nationale puisse être reconnue.

C'est dans le but de remédier à ces difficultés et de résoudre de manière globale la question de l'emblème que les États parties aux Conventions de Genève ont adopté, lors d'une conférence diplomatique tenue à Genève du 5 au 8 décembre 2005, un Protocole additionnel III à ces Conventions.

* 1 Solferino inaugure une période de conflits très meurtriers, avec des affrontements où meurent des dizaines de milliers de soldats sans emporter la décision. Cette bataille opposa les troupes françaises et sardes aux forces autrichiennes, et fit plus de 40 000 morts.

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