ARTICLE 10 - Encadrement des « niches » fiscales et sociales
Commentaire : le présent article prévoit une obligation de compensation des créations ou extensions de « niches » fiscales ou sociales par la suppression ou la réduction d'autres « niches ».
I. LA MODIFICATION PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Le présent article prévoit que :
- les créations ou extensions de niches fiscales sont compensées à due concurrence par des suppressions ou diminutions de telles niches ;
- les mesures tendant à instaurer des niches sociales 45 ( * ) , sont compensées à due concurrence par des suppressions ou diminutions de telles mesures.
Il s'agit donc d'une règle stricte de non augmentation globale des niches fiscales ou sociales.
Cette règle ne concerne pas l'ensemble des allégements fiscaux (par exemple, la suppression d'un impôt, ou la révision à la baisse d'un barème), mais uniquement les niches.
Il ne serait pas possible :
- de « gager » la création ou l'extension d'une niche fiscale par la suppression d'une niche sociale, ou inversement ;
- de « gager » la création ou l'extension d'une niche fiscale ou sociale par la création d'une autre recette fiscale ou sociale.
Cette règle s'appliquerait « au titre de la période mentionnée à l'article 1 er », c'est-à-dire sur la période 2009-2012, considérée dans sa globalité.
Le présent article renvoie, pour son application, aux « modalités précisées dans le rapport annexé à la présente loi ». Ces modalités sont indiquées par l'encadré ci-après.
La présentation du présent article par le rapport annexé au présent projet de loi de programmation des finances publiques « - L'encadrement des « flux » ; un encadrement du coût des mesures nouvelles « L'article 10 fixe quant à lui une règle applicable à l'ensemble des modifications législatives conduisant à la création, à la suppression ou à la modification d'une dépense fiscale, afin d'aboutir à une neutralité de ces changements sur l'équilibre global des finances de l'Etat. « Ainsi, toute augmentation des dépenses fiscales devra-t-elle être désormais compensée par une économie du même montant, cette compensation étant appréciée globalement pour l'ensemble des changements législatifs intervenus dans l'année. « Le même article prévoit que cette règle s'applique de la même façon, au champ social et que l'ensemble des dispositifs nouveaux d'exonérations et de réduction ou abattement d'assiette recensés à l'annexe V au PLFSS donnent lieu à des augmentations de même montant. « Pour permettre la mise en oeuvre effective de ce gage, la procédure mise en place pour l'élaboration du budget triennal et la préparation du PLF 2009 est renforcée : toute demande de création ou d'augmentation de dépense fiscale émanant d'un ministère devra être présentée dans le cadre de la procédure de préparation des PLF à venir. Cette procédure s'appliquera également aux demandes de création ou d'augmentation de niches sociales . » Source : rapport annexé au présent projet de loi de programmation des finances publiques |
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. DES DISPOSITIONS QUI VONT DANS LE BON SENS
1. Un encadrement souhaité par votre commission des finances
a) Votre commission des finances a proposé une règle analogue dès l'année 2005
Le présent article prévoit une règle analogue à celle proposée par votre rapporteur général dans son rapport d'information intitulé « Les sept piliers de la sagesse budgétaire » , relatif au débat d'orientation budgétaire pour 2006 46 ( * ) . Dans le rapport précité, votre rapporteur général proposait de « s'interdire tout allégement fiscal non compensé et toute augmentation structurelle de dépenses non gagée, tant que le déficit structurel n'aura pas atteint le niveau souhaité et que le rythme de croissance des dépenses publiques restera de l'ordre de celui observé par le passé (2 % par an en volume) ».
La règle proposée par le présent article va plus loin, puisqu'elle consiste, on l'a vu, à s'interdire des « mesures nouvelles » tendant globalement à réduire les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale, si les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale sont inférieures à celles prévues par la programmation.
b) Votre commission des finances a réitéré, il y a un an, son souhait de mieux encadrer les niches fiscales
Dans son rapport d'information relatif au débat sur les prélèvements obligatoires pour 2008, votre rapporteur général faisait quatre propositions tendant à réduire les « niches » fiscales.
Les propositions de votre rapporteur
général
1- Progresser dans l'évaluation des dépenses fiscales 2- Inclure les dépenses fiscales dans la norme de dépense 3- Renforcer la fongibilité entre dispositifs de dépense budgétaire et de dépense fiscale 4- Rendre temporaires et donc incitatifs tous les dispositifs de dépense fiscale |
L'article 11 du présent projet de loi de programmation des finances publiques tend à mettre en oeuvre la première de ces propositions.
2. Un meilleur encadrement des niches fiscales est également souhaité la commission des finances de l'Assemblée nationale
Dans un récent rapport d'information 47 ( * ) , pour lequel elle avait constitué, le 13 novembre 2007, une mission d'information, la commission des finances de l'Assemblée nationale fait 14 propositions, dont 3 concernent l'encadrement quantitatif des « niches » fiscales :
- créer une norme de dépense fiscale ;
- consolider la dépense fiscale en loi de finances ;
- limiter l'application des nouvelles dépenses fiscales à une durée de trois ans.
Les propositions de l'Assemblée nationale relatives à l'encadrement quantitatif des « niches » fiscales « Proposition n° 4 : Créer une norme de dépense fiscale « 4.1/ Faire figurer dans le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2009 une présentation de l'exécution des dépenses fiscales du dernier exercice clos et de l'exercice en cours, mettant en évidence les éventuelles dérives constatées « 4.2/ Présenter, dans l'exposé des motifs de l'article 1er de la loi de finances initiale pour 2009 (autorisation de percevoir les impôts), un objectif de dépenses fiscales (ODF) pour l'année « 4.3/ Inscrire dans les dispositions fiscales de la loi de finances initiale pour 2009 les mesures d'ajustement destinées à corriger les écarts entre l'objectif de dépenses fiscales et les dépenses constatées « 4.4/ Modifier ensuite la LOLF pour permettre au Parlement de voter chaque année l'objectif de dépenses fiscales « Proposition n° 5 : Consolider la dépense fiscale en loi de finances « 5.1/ Limiter l'application des nouvelles dépenses fiscales à une durée de trois ans « 5.2/ Faire figurer dans l'exposé des motifs de l'article 1er de la loi de finances initiale (autorisation de percevoir les impôts) un tableau récapitulant l'ensemble des dépenses fiscales adoptées depuis la dernière loi de finances initiale » Source : Didier Migaud, président, Gilles Carrez, rapporteur général, Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Charles de Courson, Gaël Yanno, rapport d'information n° 946 (XIIIème législature) fait au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale |
B. IL EST POSSIBLE D'ALLER PLUS LOIN
1. Inclure la dépense fiscale au sein de la norme de dépense
Comme votre rapporteur général le soulignait il y a un an, la seule initiative qui puisse vraiment arrêter la prolifération des niches fiscale serait d'inclure la dépense fiscale au sein de la norme de dépense. Même si la dépense fiscale est parfois indispensable dans une perspective d'impôt choisi, une telle initiative conduirait à se poser des questions d'opportunité en termes d'impact budgétaire, mais aussi d'arbitrages par rapport à d'autres dépenses, budgétaires ou fiscales.
Il est en effet surprenant de constater que l'absence de fongibilité entre dépenses fiscales d'une part, et entre dépenses fiscales et dépenses budgétaires d'autre part.
Ainsi, lors de l'examen de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 relative au travail, à l'emploi et au pouvoir d'achat, votre rapporteur général s'était interrogé sur la présentation isolée de mesures fiscales visant le même objectif, s'interrogeant, par exemple, sur l'articulation entre l'élargissement des exonération fiscales à l'ensemble des activités exercées durant l'année scolaire ou universitaire par les étudiants, avec le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt de prêts contractés par des étudiants en vue de financer leurs études supérieures ou la prime pour l'emploi s'agissant des étudiants non rattachés au foyer fiscal de leurs parents. Certaines de ces mesures sont manifestement devenues redondantes.
De même, votre rapporteur général a clairement posé la question du choix entre le maintien de la déduction des intérêts d'emprunt et celui du prêt à taux zéro .
Caractéristiques comparées du PTZ et de la déduction des intérêts d'emprunt
Prêt à taux zéro |
Déduction des intérêts d'emprunt |
|
Bénéficiaires |
Primo accédants |
Accédants depuis moins de 6 ans |
Conditions de ressources |
Oui |
Non |
Nombre annuel de nouveaux bénéficiaires |
236.000 |
714.000 |
Source : commission des finances
La confirmation par le gouvernement de la possibilité de cumuler les deux avantages ne pourra être que temporaire, au moins pour des raisons budgétaires.
La révision générale des prélèvements obligatoires (RGPO) a donc vocation à définir les modalités de fongibilité entre dispositifs fiscaux et non fiscaux, afin, de créer des dispositifs plus horizontaux, plus lisibles et plus cohérents .
S'il ne paraît pas possible, en l'état, d'intégrer la dépense fiscale au sein de la norme de dépense, faute de chiffrage encore satisfaisant, il paraît nécessaire d'avancer sur la seconde voie proposée par votre rapporteur général, celle des « niches à durée déterminée ».
2. Prévoir que les nouvelles « niches » ne sont valables que pour une période de 3 ans
Un tel exercice de révision périodique de révision des dispositions fiscales dérogatoires serait d'ailleurs facilité par la création de dispositifs qui ne seraient plus de durée permanente, mais valables seulement pour une période qui pourrait être de l'ordre de 3 ans. Ceci serait le plus sûr moyen d'obliger le gouvernement à une réévaluation régulière de ses dispositifs. Une telle disposition avait ainsi été prévue s'agissant du crédit d'impôt de 20 euros applicable aux redevables télédéclarant leur revenus. L'évaluation du dispositif au terme de sa période d'application a conduit à restreindre son champ d'application aux seuls primo-déclarants, afin de concentrer le mécanisme d'incitation sur la cible visée par l'administration fiscale.
Votre rapporteur général propose donc un amendement prévoyant l'application du principe de durée déterminée aux flux de niches qui pourraient être créées sur la période de la programmation.
3. Prévoir une compensation des niches exercice par exercice
Comme pour l'article 9 du présent projet de loi de programmation, le principe de compensation des niches fiscales ou sociale a vocation à s'appliquer exercice par exercice. En absence de cette précision, l'effort de correction des « mesures nouvelles » pourrait conduire le gouvernement à différer tout effort d'ajustement en fin de période, et donc à reporter « à plus tard », l'application de la règle de discipline qu'il souhaite voir votée.
Un amendement pourrait donc prévoir que la nécessaire compensation des niches s'applique exercice par exercice.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 45 Plus précisément, les « réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement ».
* 46 Rapport d'information précité n° 444 (2004-2005.
* 47 Didier Migaud, président, Gilles Carrez, rapporteur général, Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Charles de Courson, Gaël Yanno, rapport d'information n° 946 (XIII ème législature).