Rapport n° 83 (2008-2009) de M. Dominique LECLERC , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 5 novembre 2008

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N° 83

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 novembre 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Dominique LECLERC,

Sénateur.

Tome V :

Assurance vieillesse

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Mme Muguette Dini, M. Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, M. Jean Boyer, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mmes Sylvie Desmarescaux, Bernadette Dupont, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, René Vestri.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1157 , 1211 , 1212 et T.A. 202

Sénat : 80 et 84 (2008-2009)


Les observations et propositions de la commission des affaires sociales
pour la branche vieillesse en 2009

Dans le domaine de l'assurance vieillesse, le projet de loi de financement de la sécurité sociale engage des réformes utiles (amplification de la mobilisation pour l'emploi des seniors et « coup de pouce » aux petites retraites), auxquelles la commission apporte son soutien.

Dans le cadre d'une réflexion à plus long terme sur l'avenir du système de retraite français, elle demande que soit poursuivie la politique de redressement des comptes de la branche vieillesse , notamment par la maîtrise du dispositif de départ anticipé pour carrière longue et par l'accélération du calendrier de mise en oeuvre des mesures d'économies, comme la décote dans la fonction publique.

Elle souligne les risques potentiels des résultats des négociations entre les partenaires sociaux sur le thème de la pénibilité s'ils devaient conduire à créer un nouveau mécanisme de préretraite déguisé. Elle considère plus légitime de prévenir et compenser les situations de pénibilité au travail durant la vie active, plutôt qu'au moment de la cessation d'activité.

Enfin, elle plaide pour un rééquilibrage de l'effort contributif demandé aux assurés sociaux afin de rétablir le principe d'équité intergénérationnelle, aujourd'hui menacé, et de répartir plus équitablement l'effort contributif entre les différentes catégories d'assurés sociaux, au bénéfice des jeunes générations et des actifs du secteur privé.

Les propositions de la commission, à l'initiative de son rapporteur Dominique Leclerc, poursuivent les objectifs suivants :

Aligner les règles d'ouverture du droit à la retraite anticipée pour carrière longue dans la fonction publique sur celles des régimes du secteur privé.

Mettre rapidement fin à l'indemnité temporaire majorant la retraite des fonctionnaires de l'Etat en outre-mer :

- en fermant l'accès au bénéfice des surpensions dès le 1 er janvier 2015 ;

- en plafonnant le montant de l'indemnité des nouveaux bénéficiaires à 8 000 euros et à 35% de leur pension dans tous les départements et collectivités concernés ;

- en plafonnant la surpension accordée aux actuels bénéficiaires au montant atteint par celle-ci le 31 décembre 2008 ;

- en renforçant les modalités de contrôle, par les services de la direction générale des finances publiques, des conditions d'effectivité de la résidence.

Préparer le rendez-vous de 2012 :

- en menant une réflexion sur la faisabilité d'une réforme systémique du système de retraite français ;

- en étudiant les avantages à attendre d'un dispositif fondé sur l'exemple suédois des comptes notionnels et de leur système d'ajustement financier.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La loi du 21 août 2003 1 ( * ) a été conçue comme la première étape d'un processus d'adaptation du système de retraite, pour qu'il puisse répondre au défi du vieillissement de la population à l'horizon 2020. Inscrite dans la durée, cette réforme poursuivait deux grands objectifs :

- permettre le retour à l'équilibre des comptes des régimes de retraite ;

- préparer les adaptations rendues nécessaires par le « choc démographique », résultant de l'arrivée à l'âge de la retraite des classes nombreuses nées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Depuis l'adoption de ce texte majeur, votre commission s'est efforcée d'agir pour en préserver l'esprit. Elle s'est notamment employée à veiller à la préservation des équilibres financiers, à plaider pour la limitation des dispositifs de cessation précoce d'activité, et à souligner la grande fragilité financière de la branche vieillesse. Preuve de sa force de proposition, plusieurs de ses préconisations passées sont reprises dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

La loi du 21 août 2003 a prévu des rendez-vous quadriennaux destinés à examiner les différents paramètres des régimes de retraite, en fonction des nouvelles données économiques, sociales et démographiques disponibles, afin de procéder ensuite aux ajustements nécessaires. Le rendez-vous de 2008 est le premier de ces bilans d'étape, qui s'échelonneront jusqu'en 2016.

Il s'inscrit dans un contexte économique et financier moins favorable qu'on ne l'envisageait en 2003 : le déficit de la branche vieillesse ne cesse de se creuser en raison d'une progression continue des pensions, elle-même due à l'évolution démographique (« papy boom », augmentation de l'espérance de vie) et à la montée en charge du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue. Ce constat est d'autant plus alarmant, que les projections de plus long terme anticipent une dégradation encore accrue de la situation financière des régimes de retraite.

Dans cet environnement particulièrement défavorable, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 engage quelques réformes utiles auxquelles on ne peut que souscrire et qui consistent à :

- confirmer et amplifier la mobilisation pour l'emploi des seniors par l'incitation des assurés à prolonger leur activité au-delà de l'âge légal et la pénalisation des entreprises qui n'intègrent pas les seniors dans leur politique de gestion des ressources humaines ;

- concrétiser les engagements du Président de la République en faveur des retraités percevant des revenus modestes par le relèvement des petites pensions de retraite, la revalorisation des pensions de réversion et la refonte du mécanisme d'indexation des pensions sur les prix.

Toutefois, le texte soulève aussi plusieurs interrogations portant notamment sur l'impact financier non négligeable de certaines mesures ou l'ampleur des transferts financiers prévus au sein de la protection sociale. Il n'aborde pas le dossier de la pénibilité et n'envisage la réforme de l'indemnité temporaire de retraite d'outre-mer que de manière excessivement progressive.

Le rendez-vous de 2008  n'a donc pas constitué l'occasion d'une réforme profonde que la situation financière très dégradée de la branche vieillesse et les perspectives d'aggravation du déficit à l'horizon 2020-2050 avaient justifié. Il est à craindre que l'on se trouve au point d'épuisement du cycle des réformes paramétriques, lancé en 1993. La crise de confiance des Français, en particulier des jeunes actifs, dans leur système de retraite laisse redouter le délitement du pacte social sur lequel il est fondé, sous le double effet de la montée des inégalités entre générations et la répartition inéquitable de l'effort contributif demandé aux assurés sociaux.

Cette situation plaide pour l'engagement d'une réforme de type structurel ou systémique pour rétablir la confiance des assurés sociaux dans leur système de retraite, envisager un équilibre financier durable de la branche, simplifier et améliorer les règles de fonctionnement du système de retraite, et redonner toute sa force au caractère contributif des régimes de retraite.

Votre commission souhaite que les débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale soient l'occasion de préparer cette nouvelle étape d'ici à 2012. A ce titre, les propositions qu'elle a précédemment formulées et les travaux réalisés par la Mecss constituent une base de travail particulièrement utile 2 ( * ) .

I. LE CONTEXTE DU RENDEZ-VOUS DE 2008 : L'AGGRAVATION DE LA LONGUE MALADIE DU SYSTÈME DE RETRAITE FRANÇAIS

A. LE CREUSEMENT DU DÉFICIT DE LA BRANCHE VIEILLESSE

1. Des comptes fortement dégradés

Dans son rapport de septembre 2008, la commission des comptes de la sécurité sociale dresse le constat d'une aggravation du déficit de la Cnav en 2007, qui devrait encore s'accroître en 2008 et 2009.


• En 2007, il s'est considérablement creusé, pour atteindre 4,6 milliards d'euros. Cette dégradation des comptes s'explique par une croissance des charges (6,3 %) supérieure à celle des produits (3,2 %) et qui résulte à la fois du dynamisme des prestations légales et de la progression des charges financières. L'augmentation des ressources résulte, pour sa part, essentiellement de la croissance de la masse salariale (+ 4,8 %).


• Les prévisions pour 2008 tablent sur un nouveau déficit de 5,7 milliards d'euros dû à des dépenses sans cesse croissantes, même si elles devraient progresser à un rythme légèrement moins élevé qu'en 2007, compte tenu notamment d'une moindre revalorisation des pensions 3 ( * ) . Les recettes, bien qu'en hausse en raison du dynamisme prévu de la masse salariale (4,5 %), ne suffiront pas à compenser les charges.


• Le déficit se dégraderait à nouveau fortement en 2009 pour atteindre les 8 milliards d'euros. Le ralentissement de la croissance des dépenses serait principalement permis par la stabilisation des dépenses au titre du dispositif de la retraite anticipée pour carrière longue 4 ( * ) . Les ressources progresseraient cependant à un rythme moindre qu'en 2008 du fait d'une augmentation moins rapide de la masse salariale (3,5 %).

Comptes de la Cnav

(en millions d'euros)

2006

2007

%

2008

%

2009

%

Charges nettes

83 092,3

85 823,6

3,3

89 937,8

4,8

93 236,9

3,7

Produits nets

84 947,1

90 395,6

6,4

95 654,8

5,8

101 237,1

5,8

Résultat net

- 1 854,8

- 4 572,0

- 5 717,0

25,0

- 8 000,2

39,9

Source : direction de la sécurité sociale (SDEPF/6A)

Cette situation financière fait de l'assurance vieillesse la branche la plus fortement déficitaire de la sécurité sociale.

2. Un volume de pensions sans cesse croissant


• Les prestations retraite du régime général

Les prestations légales servies par la Cnav se sont élevées à 82,3 milliards d'euros en 2007, en progression de 6,1 % par rapport à 2006. Elles devraient continuer à progresser à un rythme soutenu en 2008 (5,8 %) pour atteindre 87,1 milliards d'euros, puis 92,4 milliards d'euros en 2009.

Cette tendance n'est pas propre au régime général. Les autres régimes de retraite de base sont également concernés par la progression des dépenses de prestations.


• Les prestations retraite des autres régimes de base

Globalement, les prestations vieillesse versées par l'ensemble des régimes de base ont augmenté de 5,3 % en 2007. En 2008 et 2009, leur croissance serait respectivement de 5,2 % et de 5,4 %. Toutefois, ces évolutions recouvrent des disparités entre les régimes.

- Régime des exploitants agricoles : malgré la diminution des effectifs de pensionnés sur la période, les prestations servies par le régime des exploitants augmentent sensiblement en 2007 compte tenu de la revalorisation exceptionnelle des petites pensions agricoles (mesure votée en loi de financement pour 2007).

- Régimes des fonctionnaires : les prestations versées par ces régimes sont assez dynamiques, en raison des effets du baby-boom sur la progression des pensions. En outre, la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), qui n'a pas atteint sa maturité, connaît également une rapide croissance de ses charges de prestations.

- Les non-salariés non agricoles : les prestations versées sont relativement dynamiques, notamment celles de l'organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce (Organic) et de la caisse autonome nationale de compensation des assurances vieillesse artisanale (Cancava).

Deux facteurs expliquent la croissance de la masse des pensions : l'évolution démographique et le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue.

3. L'incidence des facteurs démographiques sur la progression des dépenses de prestation vieillesse

Le volume financier actuel des pensions de droits propres résulte principalement de deux effets démographiques.


Le premier est lié à l'arrivée à l'âge de la retraite, à partir de 2006, des générations nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale.

Au 1 er juillet 2008, en France métropolitaine, le nombre de retraités du régime général s'élève à près de 11,9 millions pour environ 17,3 millions de cotisants , soit un rapport démographique de 1,45 actif pour un retraité. Ce ratio était supérieur à 4 au début des années 1960. L'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom entraîne donc un choc démographique de grande ampleur : le flux annuel des personnes atteignant l'âge de soixante ans dans l'ensemble de la population française est passé de 500 000 environ pour les générations nées pendant la Seconde Guerre mondiale à 800 000 pour celles nées à partir de 1946.

Sur la période 2007-2009, le rythme des départs à la retraite des premières générations du baby-boom est très élevé : il s'établit à environ 650 000 par an (hors départs anticipés).


Le second effet démographique est lié à l' allongement de l'espérance de vie qui, conjugué à un âge de départ en retraite relativement constant (hors retraite anticipée), augmente mécaniquement la durée de versement des prestations. Selon les estimations de la Cnav, les gains d'espérance de vie à soixante ans, entre 2002 et 2012, s'élèveront à un an et demi pour les hommes et à un peu plus d'un an pour les femmes. Ils permettront de réduire de plus de 50 000 le nombre de décès enregistrés à l'horizon 2012.

4. Le coût du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue

L'effet financièrement défavorable des facteurs démographiques s'est trouvé démultiplié par le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue . Mesure « phare » de la loi du 21 août 2003, il a été présenté comme un instrument de justice sociale destiné aux assurés ayant réalisé une carrière longue, matérialisée par une durée d'assurance importante.

Depuis son entrée en vigueur en 2004, le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue a connu une montée en charge, qui n'était pas prévue par les projections initiales établies en 2003. En 2007, 116 600 retraites anticipées pour longue carrière ont été accordées par le régime général - en augmentation de près de 8 % par rapport à 2006 -, soit 454 400 attributions depuis l'origine de la mesure. Les prévisions pour 2008 tablent sur une nouvelle progression du nombre de départs estimée à 9,8 %. A partir de 2009, le nombre de bénéficiaires devrait cependant commencer à diminuer, d'environ 8,9 %, en raison de l'impact sur le dispositif de l'allongement de la durée d'assurance prévu par la loi du 21 août 2003 5 ( * ) et de l'allongement de la durée des études.

Parallèlement à l'augmentation continue des effectifs concernés, la mesure a coûté sans cesse davantage à la Cnav sur la période 2004-2008. Elle devrait atteindre 2,44 milliards d'euros en 2008 , soit 300 millions d'euros de plus qu'en 2007, avant de revenir à 2,32 milliards en 2009.

Coût de la mesure de retraite anticipée pour carrière longue
pour la Cnav

(en milliards d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

Coût de la mesure

0,6

1,3

1,8

2,1

2,4

Dont au titre des 56-57 ans

0,2

0,5

0,6

0,7

0,8

Source : Cnav

B. DES PROJECTIONS PESSIMISTES À MOYEN ET LONG TERME

1. Une dégradation accrue de la situation financière des régimes de retraite à l'horizon 2020-2050

Dans son cinquième rapport du 21 novembre 2007, le conseil d'orientation des retraites (Cor) a révisé ses projections 6 ( * ) sur la situation financière des régimes de retraite à moyen et long terme, à partir d'hypothèses corrigées. Selon ces nouvelles estimations, le ratio de dépendance démographique (rapport entre les soixante ans et plus et les vingt/cinquante-neuf ans) se dégraderait plus fortement que prévu : il passerait d'environ 40 % en 2000 à environ 70 % en 2050. L'espérance de vie à la naissance a, quant à elle, été révisée à 83,8 ans pour les hommes et 89 ans pour les femmes en 2050.

Les projections, qui n'ont pu porter que sur six régimes, témoignent d'une dégradation accrue de leur situation financière. En effet, le Cor note que « la masse des pensions progresserait plus vite que la masse des cotisations jusque vers 2040, du fait de la très forte croissance du nombre de retraités. Ce ne serait plus le cas en fin de période de projection car le rapport démographique serait quasiment stable et la pension moyenne progresserait toujours moins vite que le revenu d'activité » .

Le poids des dépenses de retraite dans le Pib devrait s'accroître fortement à l'horizon 2020-2050, passant de 13,1 % en 2006 à 14,1 % en 2020 puis à 14,7 % en 2050. S'ensuivra un besoin de financement continûment croissant du système de retraite sur la période, principalement dû au régime général.

Sans prendre en compte les nouvelles ressources qui avaient été envisagées en 2003 (notamment le redéploiement des cotisations d'assurance chômage vers l'assurance vieillesse), le besoin de financement du système de retraite français est évalué à 24,8 milliards pour 2020 et 68,8 milliards d'euros pour 2050.

Besoin de financement du système de retraite (projection 2007)

(en % du PIB)

2006

2015

2020

2030

2040

2050

Masse des cotisations

12,9

13,0

13,0

13,0

13,0

13,0

Dépenses de retraite

13,1

13,7

14,1

14,7

14,9

14,7

Besoin de financement

- 0,2

- 0,7

- 1,0

- 1,6

- 1,8

- 1,7

Besoin de financement
(en milliards d'euros)

- 4,2

- 15,1

- 24,8

- 47,1

- 63,4

- 68,8

Besoin de financement résultant de la projection faite en 2005 et retraitée en 2006 (en % du PIB)

-

-

- 0,8

- 3,1

2. L'impact de la réforme de 2003 sur la situation financière des régimes

Toutefois, il serait hâtif de conclure que la réforme de 2003 n'aurait eu aucun effet favorable sur la situation financière des régimes de retraite.

La comparaison des projections de 2001 et 2007 réalisées par le Cor montre l'apport bénéfique des mesures votées en 2003 sur les comptes des régimes de retraite. Le déficit technique de l'ensemble des régimes attendu pour 2040 serait réduit d'environ de moitié (déficit de 136,9 ou 146,8 milliards selon les projections de 2001, déficit de 63,4 milliards selon les projections de 2007), celui de la Cnav se stabiliserait (déficit de 39,7 ou 49,6 milliards selon les projections de 2001, déficit de 38,6 milliards selon les projections de 2007).

Comparaison des prévisions concernant les soldes techniques
en 2040 (scénario de base)

Projection 2001

Projection 2007

(en euros 2000)

(en % du PIB)

(en euros 2006)

(en % du PIB)

Cnav

- 39,7 Mds
ou - 49,6 Mds

- 1,42 %
ou - 1,77 %

- 38,6 Mds

- 1,12 %

Total des régimes

- 136,9 Mds
ou - 146,8 Mds

- 4,88 %
ou - 5,23 %

- 63,4 Mds

- 1,8 %

Source : Cor 2001, 2006, 2007.

Il est en revanche patent que ces résultats ne sont pas à la hauteur des effets financiers escomptés de la réforme pour des raisons désormais bien connues :

- le succès de la retraite anticipée pour carrière longue, dépassant toutes les prévisions et contribuant pour moitié au creusement du déficit du régime général ;

- l'inefficacité de la surcote, insuffisamment incitative pour retarder les départs en retraite des assurés ;

- le manque d'attrait du cumul emploi-retraite qui n'a pas permis à ce dispositif d'enrayer la progression des charges comme prévu en 2003 ;

- les lacunes du droit à l'information des assurés sur les possibilités de valoriser davantage le montant de leurs pensions ;

- la souplesse excessive des possibilités de rachat des cotisations ;

- la faible réactivité des mesures incitant à l'emploi des seniors, tant du côté des employeurs, qui ne le favorisent guère, que du côté des assurés qui reportent rarement l'âge de leur départ en retraite lorsqu'ils l'ont déjà décidé.

En définitive, les comptes prévisionnels des systèmes de retraite, en particulier ceux du régime général, se sont dégradés essentiellement du fait de la croissance plus élevée qu'initialement prévue de la masse des pensions. Cette évolution s'explique par le fait que les assurés liquident leur pension le plus tôt possible, soit par la mise en oeuvre d'une retraite anticipée, soit par le refus d'une prolongation de carrière. Le montant des pensions liquidées n'est pas en cause, sauf lorsqu'il s'agit du mécanisme de rachat de cotisations.

C. LA SITUATION FINANCIÈRE DU FONDS DE SOLIDARITÉ VIEILLESSE ET DU FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES

1. L'amélioration récente de la situation financière du fonds de solidarité vieillesse est remise en cause par les mesures du projet de loi de financement

Le fonds de solidarité vieillesse (FSV) finance les avantages vieillesse non contributifs relevant de la solidarité nationale. Depuis 1994, le périmètre des dépenses est globalement stable : il se décompose en trois blocs de dépenses, de poids inégal :

- 19 % au titre des prestations du minimum vieillesse ;

- 27 % pour le remboursement des majorations de pension pour conjoint et pour enfant à charge ;

- 53 % au titre du remboursement aux régimes du manque à gagner résultant de la validation de périodes non travaillées pour les chômeurs, les préretraités, les volontaires du service national et les anciens combattants.

Contrairement aux dépenses, la structure des recettes du FSV a considérablement évolué. Ces recettes principales sont au nombre de quatre :

- une fraction de la CSG, qui a été continûment réduite depuis 2000 (1,30% en 2000, 1,15% en 2001, 1,05% en 2002 et 1,03 % depuis 2006) ;

- le financement partiel par la Cnaf, depuis 2001, du coût des majorations de pensions pour enfants, à raison de 60 % depuis 2003 ;

- 20 % du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus de capitaux depuis 2001 ;

- le solde du produit annuel de la C3S (contribution de solidarité sociale des sociétés) après répartition du principal de ce produit entre les régimes des non-salariés bénéficiaires (Organic, Cancava...), depuis 2000.


• L'amélioration de la situation financière du fonds en 2007, confortée en 2008

L'analyse rétrospective de la situation financière du fonds depuis sa création, en 1993, fait apparaître une première période caractérisée par d'importants excédents jusqu'en 2000. Les six années suivantes ont, au contraire, cumulé les déficits, portant le solde financier cumulé déficitaire de fin 2006 à - 4 959 milliards d'euros.

Les résultats du FSV de l'année 2007 et ceux attendus pour l'année 2008 témoignent d'une nette amélioration. En effet, l'exercice 2007 a confirmé le rétablissement de l'équilibre du compte annuel, avec un excédent de 151 millions. L'exercice 2008 devrait consolider cette évolution favorable. Le rapport de la commission des comptes de septembre 2008 mentionne un excédent prévisionnel de 911 millions, grâce au dynamisme maintenu des recettes (notamment de la recette CSG) et à la stabilisation des dépenses (réduction du nombre de cotisations de retraite des chômeurs prises en charge). Le solde cumulé déficitaire serait ainsi ramené à 3,894 milliards. Pour 2009, le rapport prévoit que les comptes tendanciels - donc avant toute mesure nouvelle - auraient dû dégager un résultat excédentaire de 1,293 milliards.


• L'impact du PLFSS 2009 sur les comptes du FSV

Cette tendance vertueuse risque d'être interrompue car le projet de loi de financement pour 2009 propose plusieurs mesures aux conséquences importantes pour le FSV, puisqu'elles devraient conduire à un déficit estimé à 752 millions d'euros.

Cet écart de plus de 2 milliards d'euros pour 2009 entre la prévision tendancielle et le chiffrage du projet de loi de financement résulte essentiellement d'une mesure de transfert de recettes du FSV à la Cades, correspondant à une fraction de 0,2 point de CSG (article 10). D'autres mesures nouvelles affecteront tant les recettes dans des directions inverses (perte de 0,15 point du prélèvement social de 2 % sur les revenus des capitaux, majoration de la contribution de la Cnaf à la prise en charge des majorations de pensions pour enfants, nouvel accroissement de l'abondement de C3S), que les dépenses (revalorisation du minimum vieillesse dans le cadre de l'objectif de sa progression de 25 % d'ici à 2012, incidence de la revalorisation de 0,3 % des cotisations de retraite prises en charge par le FSV). Au total, les recettes du FSV diminueraient de 1,239 milliard d'euros par rapport à 2008, et les dépenses augmenteraient de 425 millions.

Au-delà de 2009, à cadre juridique et à structure financière inchangés, le Gouvernement prévoit un retour progressif à l'équilibre des comptes annuels du FSV. Le solde annuel, qui serait de - 800 millions d'euros en 2010, pourrait être ramené à - 400 millions en 2011, et revenir à l'équilibre en 2012. A cette date, le solde cumulé du fonds serait alors négatif de près de 2 milliards.

Mais ce scénario positif n'est envisageable qu'en cas de conjoncture économique favorable. En effet, les comptes du FSV sont particulièrement sensibles à l'état du marché du travail, puisque le fonds finance les cotisations de retraite au titre des périodes de chômage.

Fonds de solidarité vieillesse

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Recettes

14,5

15,3

14,1

14,3

14,8

15,3

Dépenses

14,4

14,4

14,9

15,1

15,2

15,3

Solde

0,2

0,9

- 0,8

- 0,8

- 0,4

0,0

Source : Cnav


L'apurement de la dette du FSV par la Cades

Le projet de loi de financement (article 10) prévoit l'apurement des déficits cumulés du FSV. Cet apurement sera réalisé par un transfert de la dette à la Cades, sur la base du montant comptable du déficit au 31 décembre 2008, soit 3,9 milliards d'euros.

La reprise des déficits cumulés du FSV par la Cades, pour le montant ainsi défini, devrait lui permettre d'effacer presque entièrement sa dette à l'égard de la Cnav.

Comptes du FSV :
Réalisations 2005 à 2007
Prévisions actualisées 2008 - Prévisions PLFSS 2009

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008 (p)

2009 PLFSS (2)

Contribution sociale généralisée

9 922

10 572

11 086

11 547

9 527

Prélèvement social sur revenus capitaux

388

477

538

567

130

CSSS

200

240

450

800

1 500

Versements Cnaf

2 087

2 185

2 291

2 389

2 907

Autres recettes techniques

45

52

110

26

26

Produits financiers

5

8

10

5

5

Produits exceptionnels, reprises sur provisions

17

17

19

20

19

TOTAL PRODUITS

12 664

13 552

14 504

15 353

14 114

Allocations du minimum vieillesse

2 649

2 726

2 718

2 776

2 682

Majorations de pensions

3 552

3 715

3 890

4 051

4 222

Sous-total prestations

6 201

6 441

6 608

6 827

6 904

Chômage - régimes de base

7 934

7 839

7 162

7 033

7 389

Chômage - régimes complémentaires

416

399

418

431

431

Autres cotisations (volontariat civil)

3

4

39

22

26

ACAFN

3

1

0

0

0

Sous-total cotisations

8 355

8 243

7 619

7 486

7 846

Frais recouvrement recettes

51

55

58

61

48

Remboursement Etat

0

0

0

0

0

Fiscalité placements

0

1

1

1

1

Divers (gestion administrative, provisions, régul.)

60

70

67

68

67

Sous-total autres charges

112

126

126

129

116

TOTAL CHARGES

14 668

14 811

14 353

14 442

14 866

Solde

- 2 005

- 1259

151

911

- 752

Solde cumulé

- 3 700

- 4 959

- 4 805 (1)

- 3 894

- 752

Reprise déficit cumulé par Cades

0

0

0

3 894

0

(1) Le solde cumulé négatif pour 2007 est minoré de 3,5 millions d'euros au titre d'opérations de réconciliation comptable concernant la CSG Acoss.

(2) Chiffres non définitifs.

2. L'abondement insuffisant du fonds de réserve des retraites

Le fonds de réserve des retraites (FRR) a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, afin de constituer et gérer des réserves financières destinées à soutenir les régimes de retraite à partir de 2020.


• Le rythme d'abondement du FRR en 2007 et 2008

L'abondement du FRR (résultant de ses recettes non financières) provient, dans sa quasi-intégralité, de la part du prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital. Doivent également lui être attribués, en principe, les excédents de la Cnav mais celle-ci étant déficitaire depuis 2005, aucun versement n'a été effectué au FRR à ce titre.

Par conséquent, les recettes non financières du fonds se sont élevées à 1,8 milliard d'euros en 2007 et devraient représenter 1,9 milliard d'euros en 2008.


• Les réserves financières du fonds

Après une période transitoire de mise en place de l'établissement public, le FRR est entré depuis 2004 en phase active de placement de ses fonds. Au 30 juin 2008, le montant de ses actifs s'élevait à 31,1 milliards d'euros, placés pour 17,7 milliards en actions, 12,1 milliards en obligations et 0,5 milliard en actifs de diversification. D'après les estimations de la commission des comptes de la sécurité sociale, les réserves du FRR devraient atteindre un montant cumulé de 34,2 milliards fin 2009 7 ( * ) .

Etant un fonds de placement de long terme, le FRR s'expose à des variations plus ou moins importantes de la valeur de ses actifs, liées à celles des marchés financiers. L'objectif du fonds est d'obtenir un taux de rendement nominal de 6,5 % à l'échéance de 2020, sur l'ensemble de la période de placement, débutée en 2004. La crise boursière et financière, qui a éclaté à l'été 2007, n'est évidemment pas sans conséquences sur le FRR. Elle explique la baisse spectaculaire de performance de ses placements en 2007 : 4,8 % au lieu de 11,2 % en 2006. Compte tenu de l'ampleur actuelle de la crise, l'hypothèse d'un recul de 12 % du rendement sur l'année 2008 semble sous-évaluée. En effet, au 4 octobre 2008, le rendement de l'année était déjà tombé à - 15 %. Toutefois, la performance annualisée nette du FRR en 2008, depuis sa création, devrait s'établir à 4,1 %.

Performance financière des placements du FRR

2004*

2005

2006

2007

2008**

2009

Performance annuelle

15,70 %

12,40 %

11,20 %

4,80 %

- 12,00 %

6,30 %

Performance annualisée depuis la création du FRR

15,70 %

15,60 %

10,50 %

8,80 %

4,10 %

4,50 %

(*) A compter du 28 juin 2004.
(**) Performance sur le premier semestre 2008.

Source : Annexe 8 du PLFSS pour 2009.


• Quel rythme d'abondement pour quels décaissements ?

Dans son cinquième rapport, le Cor observe que le rythme d'abondement du FRR a été jusqu'à présent inférieur à celui qui avait été initialement envisagé. Or, la crédibilité du FRR sera d'autant mieux assurée que la part des ressources pérennes, actuellement limitée à la fraction de la contribution de 2 % sur les revenus de placement et du patrimoine, sera plus importante.

La réflexion sur le rythme d'abondement du FRR ne peut être menée indépendamment de toute analyse des missions à moyen et long terme du fonds. Selon le Cor, le manque de visibilité dans les décaissements futurs pourrait conduire à une stratégie de placement des actifs non optimale, entraînant des rendements financiers plus faibles et, en conséquence, de moindres réserves en 2020.

Cependant, il est aujourd'hui difficile de définir précisément quels seront les décaissements du FRR. En effet, ceux-ci vont dépendre des besoins de financement supplémentaires des régimes de retraite éligibles après 2020 et donc, des mesures qui seront finalement prises pour équilibrer ces régimes d'ici à cette date.

D. LE RENDEZ-VOUS SUR LES RETRAITES DE 2008 : UN BILAN D'ÉTAPE DE LA RÉFORME DE 2003

La loi du 21 août 2003 a défini un pilotage de la réforme des régimes de retraite sur le moyen terme. L'augmentation de la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une liquidation au taux plein est ainsi programmée par tranches quadriennales (2005-5008 ; 2009-2012 ; 2013-2016 ; 2017-2020), ponctuées - avant l'engagement de la phase suivante - par la présentation d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'état des principaux facteurs d'évolution des paramètres d'équilibre des régimes de retraite.

Des rendez-vous d'étape sont ainsi prévus tous les quatre ans, pour actualiser le diagnostic partagé et les orientations prises, avant de procéder aux ajustements nécessaires. L'année 2008 marque le premier de ces rendez-vous, qui s'échelonneront jusqu'en 2016.

1. Les axes de réflexion privilégiés pour le rendez-vous de 2008

A l'occasion du soixantième anniversaire de l'Agirc en septembre 2007, le Premier ministre François Fillon a fixé deux préalables au rendez-vous de 2008 sur les retraites :

- la réforme des régimes spéciaux, réalisée fin 2007 et mise en oeuvre dès le début 2008 ;

- la suppression de certains freins à l'augmentation du taux d'emploi des seniors proposée par la loi de financement pour 2008 (article 10 sur la pénalisation financière des préretraites d'entreprise et des mises à la retraite d'office).

Une fois ces conditions remplies, le Gouvernement a annoncé que le rendez-vous de 2008 devait « s'inscrire dans la continuité » et privilégier cinq thèmes de réflexion :

- l'articulation entre l'âge et le travail (prise en compte de la pénibilité, disparition des préretraites) ;

- l'équilibre financier des régimes (l'objectif doit être d'équilibrer le régime en 2012, de conserver la cible du financement des régimes à l'horizon 2020 sur laquelle repose la loi de 2003 et de définir une nouvelle cible d'équilibre pour 2030) ;

- le réexamen du dispositif de départ anticipé pour carrière longue ;

- la réalisation de l'objectif d'une pension au moins égale à 85 % du Smic net pour les retraités ayant accompli une carrière complète au Smic ;

- l'évaluation des avantages familiaux et conjugaux, très hétérogènes selon les régimes.

Ces axes de réflexion ont également été définis comme prioritaires par le Cor dans son cinquième rapport. Afin d'enrichir le débat sur les retraites, celui-ci a en outre proposé sept autres thèmes de négociation supplémentaires :

- le droit à l'information ;

- l'égalité entre hommes et femmes et les avantages familiaux et conjugaux ;

- l'égalité des droits en fonction des parcours professionnels ;

- la pénibilité au travail ;

- les régimes spéciaux ;

- le FRR ;

- l'épargne retraite.

2. La concertation avec les partenaires sociaux et les arbitrages du Gouvernement

Le 6 février 2008, le Président de la République a réuni les ministres concernés et les partenaires sociaux pour déterminer l'agenda des réformes de 2008 en matière de protection sociale. Cette réunion a permis de fixer un calendrier, une méthode de travail et des orientations pour la réforme des retraites. A titre provisoire, il a été décidé de verser un acompte sur la future revalorisation du minimum vieillesse. Le décret n° 2008-241 du 7 mars 2008 a ainsi ordonné le versement exceptionnel de 200 euros aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, de l'allocation supplémentaire vieillesse ou de l'allocation viagère aux rapatriés âgés. Cette dépense de 120 millions d'euros a été financée par un prélèvement sur les recettes du FSV.

A l'issue d'une phase de concertation avec les partenaires sociaux, le Gouvernement a présenté, le 28 avril 2008, un document de synthèse sur les propositions de réforme retenues.


Synthèse des mesures retenues par le Gouvernement au titre du rendez-vous
de 2008 et soumises à la concertation le 28 avril 2008

I.- Appliquer la loi du 21 août 2003

1. La durée d'assurance prévue par la loi du 21 août 2003 pour bénéficier d'une retraite au taux plein sera majorée d'un trimestre par an pour atteindre 41 annuités au 1 er janvier 2012, comme prévu par l'article 5 de la loi du 21 août 2003

2. Le Gouvernement souhaite reconduire le dispositif de départ anticipé pour carrière longue . La gestion du dispositif sera sécurisée pour éviter les abus et fraudes (notamment les conditions de régularisation des périodes anciennes).

3. Le Gouvernement est disposé à reconduire jusqu'en 2012 un objectif de minimum de pension pour une carrière complète au Smic . Mais les règles actuelles du minimum contributif ne sont pas forcément les plus appropriées pour atteindre cet objectif, comme l'a souligné le Cor. Les responsabilités des régimes de base et des régimes complémentaires devraient être redéfinies.

4 . Le mécanisme de redéploiement des cotisations chômage au bénéfice des cotisations vieillesse, prévu en 2003, sera mis en oeuvre sans augmentation des prélèvements obligatoires.

Le processus de prise en charge par la Caisse nationale des allocations familiales des majorations de pension pour enfants et d'autres avantages familiaux de retraite sera poursuivi.

II.- Confirmer et amplifier la mobilisation pour l'emploi des seniors

1. Le cumul emploi-retraite sera libéralisé et ses règles simplifiées et harmonisées. La reprise d'activité pourrait être autorisée sans restriction dès lors que l'assuré a 65 ans ou une durée d'assurance suffisante pour bénéficier du taux plein de liquidation.

Le taux de la surcote pourrait être harmonisé à 5 % par année accomplie au-delà de l'âge légal de retraite et de la durée nécessaire pour obtenir le taux plein. Son champ pourrait, en outre, être élargi aux salariés ayant eu une carrière longue ou entrant dans le champ du minimum contributif.

Les régimes complémentaires seront saisis de ces deux orientations.

Le versement de l'indemnité de départ en retraite pourrait être lié à l'obtention d'une retraite à taux plein. Son montant pourrait être majoré si la durée d'assurance requise est dépassée.

2. Pour une meilleure gestion active des âges dans le secteur privé

Les branches ou entreprises qui ne l'auraient pas déjà fait devront ouvrir des négociations sur l'emploi des seniors et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de façon à parvenir à un accord avant la fin de l'année 2009. Ces accords devront impérativement comporter un engagement chiffré de progression sensible de la part des 55/64 ans dans les effectifs de la branche ou de l'entreprise.

Si ce dispositif n'aboutissait pas à des résultats suffisants quant au taux d'emploi des seniors, un mécanisme de sanction serait mis en oeuvre à compter de 2010 sous forme de cotisation retraite additionnelle. Les branches ou entreprises n'ayant pas conclu d'accord seraient pénalisées.

Les mises à la retraite d'office ou les limites d'âge qui existent encore pour différents motifs dans le secteur privé seront supprimées .

Il faudra éviter le développement ou la reconstitution de mécanismes de préretraite de fait sous forme de licenciements ou de départs négociés avec prise en charge par l'assurance chômage jusqu'à la liquidation de la pension.

La convention d'objectifs et de gestion 2009-2012 de la Cnav définira les modalités de collaboration entre les Cram, les services de l'Etat et le service public de l'emploi pour accompagner le maintien dans l'emploi des seniors en diffusant les bonnes pratiques.

3. Pour une meilleure gestion active des âges dans le secteur public

Dans le cadre de la généralisation des démarches de gestion prévisionnelle des effectifs et des emplois dans la fonction publique, il conviendra de mettre en oeuvre des mesures de responsabilisation et d'incitation tant pour les employeurs que les agents. En application de ce principe, le Gouvernement ouvrira une concertation sur les mises à la retraite d'office aux âges couperets actuels afin de donner aux agents publics qui le souhaitent le libre choix de prolonger leur carrière. Les spécificités des métiers issus des corps classés en catégorie active seront prises en compte.

Les expériences de secondes carrières conduites jusqu'à présent se sont révélées décevantes et inadaptées pour satisfaire les attentes des agents. Un état des lieux débouchant sur des mesures concrètes sera fait.

La gouvernance de l' Ircantec et les paramètres du régime devront évoluer pour garantir durablement le service des prestations.

Conformément à la décision du Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008, le dispositif de surpensions versées aux anciens fonctionnaires résidant dans certains territoires d'outre-mer sera réformé en veillant à prendre en compte la situation de ceux qui ont fait des choix de vie en fonction de ce système.

4. Pour une meilleure prise en compte des demandeurs d'emploi seniors

Les mécanismes d'intéressement à la reprise d'activité pour les demandeurs d'emploi de plus de cinquante ans pourraient être optimisés à la faveur de la négociation à venir sur l'assurance chômage afin de compenser les écarts de salaires lors d'une reprise d'emploi.

Un relèvement progressif des conditions d'âge pour bénéficier d'une dispense de recherche d'emploi interviendra au fur et à mesure que l'accompagnement renforcé des seniors par le service public de l'emploi se déploiera.

III.- Concrétiser les engagements du Président de la République et du Gouvernement en faveur des retraités

1. La solidarité envers les retraités les plus modestes

Versement exceptionnel immédiat de 200 euros aux retraités les plus modestes.

L'objectif est que le montant de l'allocation de soutien aux personnes âgées (Aspa) pour les personnes seules soit , en 2012, supérieur de 25 % à son montant de 2007. Cela suppose une revalorisation de l'ordre de 5 % par an.

Des mesures seront prises pour réduire à l'horizon du quinquennat les poches de pauvreté où se trouvent certains retraités agricoles . Seront notamment votées en 2008 des mesures en faveur des conjoints et des veuves.

2. La revalorisation des pensions de réversion

Le taux de réversion sera porté à 56 % au 1 er janvier 2009, 58 % au 1 er janvier 2010 et 60 % au 1 er janvier 2011, dans le régime général et les régimes alignés. Pour les autres régimes une augmentation du taux pourra être envisagée en prenant en compte les ressources et l'âge des conjoints survivants à l'instar du régime général.

Un âge minimum d'ouverture du droit à la réversion sera rétabli, en lien avec les dispositions applicables dans les régimes complémentaires. La prise en compte du veuvage avant cet âge sera assurée par des accords de prévoyance et l'action sociale de la branche famille.

3. Revaloriser l'ensemble des pensions de façon à tenir compte de l'inflation réelle pour 2008 et revoir le mécanisme d'indexation

Une revalorisation supplémentaire par rapport à celle de 1,1 % appliquée au 1 er janvier interviendra au 1 er septembre 2008.

La revalorisation interviendra désormais au 1 er avril de chaque année , comme pour les régimes complémentaires Agirc-Arrco et prendra en compte l'inflation constatée pour l'année N-1 et une prévision plus fiable pour l'année n.

La conférence de revalorisation sera élargie à des représentants de la fonction publique et des régimes spéciaux.

IV.- Poursuivre la réflexion sur les propositions formulées par les partenaires sociaux afin de renforcer la confiance dans notre système de retraite par répartition

1. L'évolution du niveau des retraites

Le Gouvernement prend acte de l'impact de la règle de revalorisation des salaires des 25 meilleures années sur le niveau des retraites.

2. L'âge de la retraite

Le Gouvernement prend acte des positions exprimées par les partenaires sociaux.

3. Les avantages familiaux et conjugaux de retraite

L'amélioration des retraites des femmes passe avant tout par l'amélioration de leurs carrières professionnelles. Le Cor devrait remettre un rapport approfondi sur cette question à la fin 2008.

V.- Méthode et calendrier

1. Mettre en oeuvre immédiatement les mesures qui sont attendues et nécessaires

La concertation sur l'emploi des seniors doit se poursuivre activement d'ici juin afin que cela se traduise le plus rapidement possible dans les faits.

Les mesures législatives concernant les retraites figureront dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances pour 2009.

2. Poursuivre le débat au sein du Cor sur l'après 2020

Un point d'étape pourrait être fait d'ici 2010 pour identifier les solutions et les scénarios susceptibles de garantir durablement la viabilité financière de notre système de retraite en se fixant de nouveaux horizons à 2030 et 2050.

Ces orientations ont été confirmées, le 7 mai 2008, par Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Celui-ci a, en outre, estimé que « la priorité était d'amplifier la mobilisation en faveur de l'emploi des seniors ». Un groupe de travail a donc été mis en place, avec les partenaires sociaux, pour compléter les propositions gouvernementales en la matière. A la suite de cette concertation, le Gouvernement a présenté, le 26 juin 2008, des mesures spécifiques pour l'emploi des seniors. Il a été décidé de mettre en oeuvre la plupart de ces mesures, ainsi que celles figurant dans le document du 28 avril, dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale et de finances pour 2009.

II. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2009 : DES DÉCISIONS UTILES, DES INTERROGATIONS QUI DEMEURENT

A. LA CONFIRMATION ET L'AMPLIFICATION DE LA MOBILISATION POUR L'EMPLOI DES SENIORS

1. Le retard français en matière de taux d'emploi des seniors

La France est l'un des pays européens dans lequel le taux d'emploi des cinquante-cinq/soixante-quatre ans est le plus faible : il s'établissait en 2007 à 38,3 %, contre 44,7 % en moyenne dans l'Union européenne à 27. L'objectif d'un taux d'emploi des seniors de 50 % à l'horizon 2010, fixé en mars 2001 par le Conseil européen de Stockholm, est donc encore loin d'être atteint, surtout dans notre pays.

Taux d'emploi des seniors, brut et corrigé des variations démographiques

(en pourcentage)

2003

2004

2005

2006

2007

Objectif 2010

France

55-64 ans

Taux d'emploi

37,0

37,6

38,7

38,1

38,3

Augmentation compatible avec l'objectif européen

Taux d'emploi « sous-jacent »

32,9

33,2

34,0

34,3

35,3

UE à 27

55-64 ans

Taux d'emploi

40,0

40,7

42,4

43,5

44,7

50

Lecture : le taux d'emploi « sous-jacent » est un taux d'emploi corrigé des effets de composition démographique.

Note : âge à la date de l'enquête.

Source : Insee, enquêtes Emploi, calculs Dares ; Eurostat pour l'UE à 27.

Le faible taux d'emploi de cette tranche d'âge s'explique d'abord par les départs massifs à la retraite à l'âge de soixante ans, auxquels il faut ajouter le nombre important de personnes qui, âgées de moins de soixante ans, sont à la recherche d'un emploi, bénéficient de prestations d'invalidité, de mesures de préretraite ou encore de retraite anticipée. Améliorer l'employabilité de cette catégorie de salariés supposerait d'agir sur la structure de qualification qui reste relativement défavorable pour les salariés âgés et qu'une allocation imparfaite des efforts de formation professionnelle et de gestion des âges par les entreprises ne permet pas de compenser. Ainsi, d'après la Dares, alors qu'en 2007, le taux d'emploi des cinquante-cinq/cinquante-neuf ans était de 55,4 % en 2007, celui des soixante/soixante-quatre ans atteignait seulement 15,7 %. Enfin, on ne peut ignorer que les représentations socioculturelles en France contribuent également à la faiblesse du taux d'emploi des seniors, dont le potentiel demeure insuffisamment valorisé.

Dans son rapport de novembre 2007, le Cor observait que l'insuffisante intégration des seniors dans le marché du travail handicape le système de retraite pour au moins trois raisons :

- un niveau insuffisant d'emploi, notamment des seniors, prive les régimes de retraite de cotisation supplémentaires ;

- un chômage élevé rend plus difficile d'envisager, comme l'avait prévu la réforme de 2003, la possibilité d'augmenter les cotisations à l'assurance vieillesse en contrepartie de baisses de cotisations à l'assurance chômage ;

- l'existence de fréquentes situations d'inactivité avant la retraite (préretraites, chômage avec dispenses de recherche d'emploi, etc.) ne facilite pas l'allongement de la durée d'activité sur lequel repose ladite réforme, pèse sur la crédibilité de celle-ci et pourrait, à terme, avoir un effet minorant sur le montant des pensions.

Par ailleurs, l'idée selon laquelle l'augmentation du nombre de départs en retraite se traduirait mécaniquement par une baisse du taux de chômage, en particulier celui des jeunes, a été battue en brèche par de nombreuses études universitaires.

Il est donc désormais unanimement admis que la France a fait fausse route en menant, pendant des années, une politique de l'emploi fondée sur l'exclusion du marché du travail des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans . Aussi, les pouvoirs publics ont engagé, depuis quelques années, une véritable réorientation de la politique d'emploi des seniors.

2. La mobilisation en faveur de l'emploi des seniors depuis 2003


• La loi du 21 août 2003 a marqué une première étape dans la mobilisation en faveur de l'emploi des plus de cinquante-cinq ans. Plusieurs mesures de soutien au maintien en activité des seniors ont été mises en oeuvre dans le cadre de la réforme des retraites :

- suppression des préretraites progressives à compter du 1 er janvier 2005 ;

- élargissement de la négociation professionnelle triennale au maintien dans l'emploi et à l'accès à la formation professionnelle des salariés âgés ;

- réforme des règles relatives au cumul d'un emploi et d'une pension de retraite ;

- limitation du bénéfice de la cessation anticipée d'activité des travailleurs salariés (CATS) aux salariés âgés ayant effectué des travaux pénibles ;

- assujettissement d'une partie des préretraites d'entreprise à une contribution spécifique afin de dissuader les employeurs d'avoir recours à cette mesure d'âge.


• Prévue par la loi de 2003 et engagée en 2004, une négociation entre les partenaires sociaux a lancé la deuxième étape de la mobilisation en faveur des seniors. Les principales conclusions de cette négociation ont été reprises dans le plan national d'action concertée pour l'emploi des seniors 2006-2010, élaboré dans le cadre d'un groupe de travail regroupant les partenaires sociaux et les représentants de l'Etat. L'objectif prioritaire fixé par ce plan est de parvenir, en 2010, à un taux d'emploi des cinquante-cinq/soixante-quatre ans de 50 %, conformément aux engagements du Conseil européen de Stockholm.

Dans le cadre de cette action concertée, plusieurs mesures ont été prises afin de favoriser l'emploi des seniors :

- un CDD senior a été créé au profit des chômeurs de plus de cinquante-sept ans en recherche d'emploi depuis plus de trois mois ou bénéficiaires d'une convention de reclassement personnalisé (décret n° 2006-1070 du 28 août 2006) ;

- la mise en oeuvre d'un barème de la surcote progressif à compter du 1 er janvier 2007 (décret n° 2006-16111 du 15 décembre 2006), avec une majoration de 3 % pour la première année travaillée, puis de 4 % pour les années suivantes et de 5 % pour les années travaillées à partir de 65 ans ;

- la contribution Delalande a été définitivement supprimée à compter du 1 er janvier 2008 en raison de son effet paradoxalement contre-productif sur l'emploi des seniors (loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social) ;

- les conditions du cumul emploi-retraite ont été assouplies, notamment au profit des travailleurs ayant de faibles revenus (loi de financement pour 2007) ;

- les pénalités à la charge de l'employeur en matière de préretraites d'entreprise ont été durcies (loi de financement pour 2008) ;

- une contribution patronale sur les indemnités versées en cas de mise à la retraite d'office d'un salarié a été instituée (loi de financement pour 2008) ;

- la dispense de recherche d'emploi (DRE), dont bénéficient depuis 1984 les demandeurs d'emploi âgés de cinquante-cinq ans et plus, sera supprimée à compter du 1 er janvier 2012 (loi du 1 er août 2008 relative aux droits et devoirs des demandeurs d'emploi).

Par ailleurs, le plan national d'action concertée pour l'emploi des seniors a aussi pour objectif de faire évoluer les mentalités et les représentations socioculturelles grâce à des campagnes de communication destinées au grand public, aux employeurs et aux salariés.

Le virage opéré par les pouvoirs publics commence à porter ses fruits, même si le recul manque encore pour juger pleinement de l'efficacité des mesures mises en oeuvre. L'évolution observée au cours des dernières années montre clairement des signes d'amélioration : corrigées des structures par âge, la proportion de personnes âgées de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans occupant un emploi a progressé de trois points environ depuis 2003 , tandis que cette même proportion parmi les soixante/soixante-quatre ans a crû de 1,6 point. L'amélioration est particulièrement sensible chez les femmes : + 3,4 points sur l'ensemble de la classe d'âge cinquante-cinq/ soixante-quatre ans, les progrès ayant été moindres pour les hommes en raison du développement de la retraite anticipée pour carrière longue.

Pour accélérer les changements de comportements d'offre et de demande de travail des seniors, le Gouvernement a proposé d'engager de nouvelles mesures dans le cadre du projet de loi de financement pour 2009.

3. De nouvelles mesures visant à inciter les salariés et les fonctionnaires à prolonger leur activité au-delà de l'âge légal

Dans son cinquième rapport, le Cor souligne que les comportements d'offre de travail des seniors se caractérisent par une grande inertie : les enquêtes montrent que les assurés modifient très difficilement leur âge de départ en retraite lorsqu'ils ont déjà décidé celui-ci, le plus souvent plusieurs années auparavant. C'est pourquoi, le texte propose plusieurs mesures destinées à encourager les salariés à prolonger leur activité au-delà de l'âge de soixante ans.


• La libéralisation du cumul emploi-retraite

Le cumul emploi-retraite est actuellement soumis à une double condition de rupture du lien avec le dernier employeur avant la liquidation de la pension et de plafond de ressources totales, incluant revenus d'activité et pensions (articles L. 161-22 et L. 364-6 du code de la sécurité sociale). Malgré un premier assouplissement du dispositif par la loi de financement pour 2007, le maintien des principales limitations au cumul constitue un frein à la poursuite d'une activité professionnelle par les seniors. Ainsi, la Cnav estime que seulement 110 000 pensionnés du régime général cumulent actuellement revenus d'activité professionnelle et pension de retraite de droit direct. Ils représentent environ 1 % du nombre total des retraités du régime général.

Dès lors que l'objectif prioritaire est de maintenir dans l'emploi les seniors ou, tout du moins, de permettre aux travailleurs âgés d'arbitrer librement entre un départ en retraite et la poursuite d'une activité professionnelle, les interdictions ou restrictions au cumul nécessitent d'être levées.

C'est pourquoi, l'article 59 du projet de loi de financement prévoit la libéralisation du cumul emploi-retraite , sans autre restriction que celle d'avoir liquidé toutes ses pensions des régimes obligatoires de retraite, et ce pour tous les retraités à partir de soixante ans, s'ils ont cotisé la durée nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein ou, à défaut, à partir de soixante-cinq ans. Ce dispositif sera applicable au régime général, aux régimes alignés et à ceux des professions libérales et des fonctionnaires pour les pensions prenant effet à compter du 1 er janvier 2009.


• La surcote rendue plus attractive

Créé par la loi du 21 août 2003, le dispositif de surcote permet de majorer la pension des assurés qui poursuivent leur activité professionnelle après l'âge de soixante ans et au-delà de la durée nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein (article L. 351-1-2 du code de la sécurité sociale). Quel que soit le régime de retraite pris en considération, toutes les études montrent que le coefficient de majoration n'a pas pleinement atteint ses objectifs : il se révèle insuffisamment incitatif pour retarder les départs en retraite des assurés. En 2007, seulement 7,6 % des attributions de droits directs à pension de retraite par la Cnav ont donné lieu à une surcote.

Avec la mise en oeuvre d'un barème progressif de la surcote en 2007, la proportion des nouveaux retraités bénéficiaires de la mesure augmente régulièrement, ce qui laisse penser qu'une meilleure connaissance du dispositif et une valorisation accrue des trimestres cotisés supplémentaires devraient permettre d'accroître l'efficacité de la surcote.

L'article 60 du projet de loi de financement comprend deux mesures en ce sens :

- le champ de la surcote est étendu aux bénéficiaires du minimum contributif, actuellement exclus du dispositif ;

- le taux de la surcote passera, le 1 er janvier 2009, à 5 % par année cotisée, au-delà de l'âge auquel l'assuré totalise la durée de cotisation permettant d'obtenir une pension à taux plein, dans tous les régimes où opère ce mécanisme incitatif. Actuellement, le taux est de 0,75 % du premier au quatrième trimestre de surcote (soit 3 % la première année), de 1 % par trimestre à partir du cinquième trimestre (soit 4 % les années suivantes) et de 1,25 % pour chaque trimestre accompli au-delà de l'âge de soixante-cinq ans (soit 5 % par année).

Par ailleurs, l'article 60 aligne les règles applicables en matière de surcote dans la fonction publique sur celles du secteur privé.


• La suppression des clauses « couperets » dans la fonction publique

Dans le cadre de l'action menée en faveur de l'emploi des seniors, laisser à chacun la liberté de poursuivre son activité et de choisir le moment de son départ en retraite constitue une priorité. Pour parvenir à cet objectif, l'article 62 du projet de loi de financement supprime les clauses « couperets » dans la fonction publique, qui empêchent actuellement certains fonctionnaires âgés de moins de soixante-cinq ans de prolonger leur activité professionnelle, alors même qu'ils le souhaiteraient.

Désormais, les fonctionnaires qui en font la demande pourront être maintenus en activité jusqu'à soixante-cinq ans, sous réserve de leur aptitude physique.

4. Le durcissement du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue

Depuis son entrée en vigueur en 2004, le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue a connu une montée en charge d'une ampleur qui n'était pas prévue par les projections initiales établies en 2003. Le scénario de base sous-estimait l'effet des nombreuses possibilités de validation de trimestres (mécanisme du rachat de cotisations arriérées) aujourd'hui en vigueur, dont le volume devrait finalement s'avérer trois fois supérieur aux prévisions. Pour le seul régime général, la régularisation des cotisations arriérées aurait produit un supplément de prestations de l'ordre de 350 millions d'euros en 2006 et d'environ 450 millions en 2007. Dans les régimes des salariés et exploitants agricoles, le recours à ce mécanisme est également fréquent : en 2006, un tiers des assurés partis en retraite anticipée dans ces régimes avaient effectué une régularisation de cotisations arriérées ou racheté une période accomplie en qualité d'aide familial. Dans son rapport de 2007, le Cor en conclut que « s'il est justifié que des salariés [...] puissent régulariser leur situation, il est nécessaire de vérifier le bien-fondé de ces régularisations et de limiter les recours abusifs au dispositif ».

Conçu à l'origine comme une mesure de justice sociale en direction des assurés ayant débuté précocement leur vie professionnelle, le mécanisme du rachat a été détourné de son objectif. En effet, certains assurés utilisent le dispositif pour augmenter leur durée d'assurance et remplir ainsi les conditions pour un départ à taux complet avant soixante ans. Afin d'éviter de tels abus, le décret du 25 août 2008 a durci les conditions financières de régularisation d'arriérés de cotisations.

L'article 56 du texte vise à encadrer davantage la retraite anticipée pour carrière longue. Il prévoit que les trimestres rachetés au titre des périodes d'études supérieures ou d'années d'activité incomplètes, qui ne correspondent pas à des trimestres validés au titre d'une activité professionnelle effective, ne pourront plus être pris en compte pour l'ouverture du droit à la retraite anticipée. En revanche, ces trimestres continueront à être pris en compte pour les autres paramètres de calcul de la pension.

5. Les mesures visant à inciter les entreprises à mieux intégrer les seniors dans leur politique de gestion des ressources humaines

Deux types de dispositifs sont prévus par le projet de loi de financement pour inciter les entreprises à adopter une gestion active des âges et à maintenir les seniors dans l'emploi.


• La mise en oeuvre d'accords ou de plans d'action en faveur de l'emploi des salariés âgés, sous peine de pénalités

L'article 58 vise à mobiliser les partenaires sociaux au niveau de l'entreprise, des groupes et des branches, afin de définir et mettre en oeuvre rapidement des actions en faveur du maintien dans l'emploi des seniors. Ils sont ainsi incités à conclure avant 2010 des accords ou, à défaut, des plans d'action, comprenant :

- un objectif chiffré de maintien dans l'emploi ou de recrutement des salariés âgés ;

- au moins trois actions en faveur de l'emploi des salariés âgés, choisies sur une liste fixée par décret et adaptées aux spécificités de l'entreprise (tutorat, formation, temps partiel de fin de carrière, etc.) ;

- des modalités de suivi de cet objectif et de ces actions.

A compter du 1 er janvier 2010, les entreprises non dotées par un tel accord ou plan d'action seront soumises à une lourde pénalité financière, versée à la Cnav, correspondant à 1 % des rémunérations versées au cours des périodes durant lesquelles elles n'étaient pas couvertes.

Il faut espérer que cette mesure, plus directive qu'incitative, lève les réticences persistantes de certains employeurs à embaucher ou à maintenir en emploi des salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans.


• La suppression de la mise à la retraite d'office

La faculté donnée aux salariés de plus de soixante-cinq ans de poursuivre leur activité constitue un élément important pour favoriser l'emploi des seniors. Bien que très encadrée par le code du travail, la procédure de mise à la retraite d'office des salariés âgés de soixante-cinq ans constitue un frein à la poursuite de cet objectif. Afin que la décision du passage de l'activité à la retraite relève désormais du seul choix du salarié, quel que soit son âge, le projet de loi de financement propose de supprimer, à compter du 1 er janvier 2010, la possibilité pour un employeur de mettre d'office à la retraite un salarié âgé de soixante-cinq ans. Il prévoit néanmoins des mesures transitoires pouvant prolonger cette faculté en raison de l'existence de certains types d'accords collectifs du travail ou d'accords professionnels.

B. L'EFFORT EN FAVEUR DES RETRAITES, EN PARTICULIER DES PLUS MODESTES

1. Le relèvement des petites pensions de retraite

Au-delà de sa fonction d'assurance contre le risque de ne plus percevoir de revenus d'activité en fin de vie, le système de retraite repose sur un principe de solidarité entre retraités, en assurant des ressources décentes aux plus modestes d'entre eux.

La situation parfois critique dans laquelle se trouvent certains titulaires du minimum vieillesse, d'une pension d'invalidité ou de réversion reflète le niveau insuffisant des pensions qui leur sont versées. Lors de la campagne présidentielle de 2007, la question du relèvement des petites pensions de retraite a justement été soulevée. Des engagements forts ont ensuite été pris par le Président de la République pour améliorer le niveau de vie des retraités les plus modestes, parmi lesquels le relèvement de 25 %, d'ici à 2012, du montant du minimum vieillesse , et la confirmation de l'objectif d'accorder une pension égale à 85 % du Smic net aux salariés ayant effectué l'intégralité de leur carrière au Smic 8 ( * ) .

Après la mesure d'urgence prise en mars 2008, qui s'est traduite par un versement exceptionnel de 200 euros aux retraités les plus modestes 9 ( * ) , le projet de loi de financement pour 2009 entend mettre en oeuvre ces promesses.


• La revalorisation du minimum vieillesse et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa)

L'objectif gouvernemental de réduire d'un tiers la proportion de Français dont les ressources sont inférieures au seuil de pauvreté doit trouver une application en faveur des personnes âgées. En effet, la pauvreté, si elle est moins fréquente dans les tranches d'âge élevé que dans l'ensemble de la population, touchait encore en 2006 près de 10 % de l'effectif des soixante ans et plus. L'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) est le principal instrument au service de cet objectif. Prestation unique et différentielle, entrée en vigueur en 2007, l'Aspa a remplacé les allocations constituant le minimum vieillesse 10 ( * ) . Toutefois, celui-ci continue d'être servi à ses « anciens » bénéficiaires (c'est-à-dire les personnes qui recevaient le minimum vieillesse avant la création de l'Aspa). Fin 2007, la France comptait 32 362 allocataires de l'Aspa, dont 47 % de femmes et 61 % de personnes seules.

Le projet de loi de financement autorise le Gouvernement à augmenter progressivement entre 2009 et 2012, par décret, le montant du minimum vieillesse et l'Aspa en les fixant à un niveau supérieur à celui qui résulterait de la simple revalorisation sur les prix prévue par la loi de 2003 (article L. 816-2 du code de la sécurité sociale). Cette mesure a cependant un champ d'application limité, puisqu'elle ne concernera que les personnes seules. Ainsi, le montant du vieillesse et de l'Aspa pour les personnes seules devrait en 2012 être supérieur de 25 % à ce qu'il était en 2007. Selon les informations fournies par le Gouvernement, le coût de ce relèvement devrait s'élever à 400 millions d'euros.


• Le recentrage du minimum contributif sur les assurés ayant eu de longues carrières faiblement rémunérées

La solidarité intra-générationnelle peut ainsi s'exprimer dans le fait de relever le montant de la retraite des assurés qui, bien qu'ils réunissent les conditions nécessaires pour bénéficier d'un taux plein, percevraient une pension modeste en raison de la faiblesse de la base salariale servant à son calcul. Le mécanisme du minimum contributif, instauré par la loi du 31 mars 1983, est l'outil privilégié de ce relèvement.

La réforme de 2003 a instauré une majoration du minimum contributif (ou « minimum contributif majoré ») au titre des seules périodes ayant donné lieu au versement de cotisations à la charge de l'assuré (article 26 de la loi du 21 août 2003). Elle a également fixé pour objectif de verser à tout salarié ayant travaillé à temps complet, réunissant les conditions de durée d'assurance pour obtenir une pension à taux plein et ayant cotisé pendant toute cette durée sur la base du Smic, une pension de retraite totale au moins égale à 85 % du Smic net (article 4 de la loi précitée). Pour y parvenir, le Gouvernement a procédé à trois revalorisations du minimum contributif majoré en 2004, 2006 et 2008.

Dans son rapport de septembre 2008, la Cour des comptes critique le défaut de ciblage du minimum contributif. En effet, il ne vise plus principalement les personnes ayant effectué des carrières longues mal rémunérées, mais bénéficie de plus en plus à un public nombreux et hétérogène :

- au total, le nombre de bénéficiaires du minimum contributif, pour les trois régimes concernés (régime général, régime des salariés agricoles et le régime social des indépendants), peut être estimé à 4,4 millions de personnes. Au 31 décembre 2007, 4,1 millions de retraités du régime général, dont 70 % de femmes, percevaient le minimum contributif. Rapporté au nombre total de retraités du régime général, le pourcentage de retraités bénéficiaires du minimum contributif était de 37,5 % à cette même date ;

- cet avantage a été attribué à des personnes bénéficiant d'un montant global de pension élevé : plus de 30 % des retraites des bénéficiaires du minimum contributif, ayant eu une carrière complète, sont d'un montant mensuel supérieur à 1 400 euros.

La Cour des comptes propose donc de recentrer le minimum contributif sur les objectifs initiaux de la législation de 1983 : servir un supplément de pension aux travailleurs ayant eu de longues carrières professionnelles faiblement valorisées.

C'est pourquoi, l'article 55 du projet de loi de financement procède à un recentrage du dispositif au profit de ce public. Il prévoit d'une part, que la majoration du minimum contributif sera désormais ciblée sur les assurés ayant une durée de cotisation minimale fixée par décret, d'autre part, que le minimum contributif sera dorénavant attribué sous condition de ressources.

2. La revalorisation des pensions de réversion et le rétablissement d'une condition d'âge pour bénéficier du droit à réversion

Sur la durée de son quinquennat, le Président de la République s'est engagé à porter de 54% à 60% le taux de liquidation des pensions de réversion servie aux veuves et aux veufs disposant de faibles pensions de retraite. Dans son document d'orientation du 28 avril 2008 adressé aux partenaires sociaux, le Gouvernement a précisé que le taux de réversion pour le régime général et les régimes alignés serait augmenté en trois temps : 56 % au 1 er janvier 2009, 58 % au 1 er janvier 2010 et 60% au 1 er janvier 2011.

Toutefois, le dispositif introduit par le projet de loi consiste en une majoration des pensions de réversion et non en un relèvement du taux de la réversion. Le taux de liquidation de 54 % des pensions de réversion, qui relève du pouvoir réglementaire, n'est donc pas modifié. Financièrement, pour la veuve ou le veuf éligible au nouveau dispositif, le résultat sera le même qu'un relèvement de 54 à 60 % du taux de liquidation de la pension de réversion. En effet, une majoration de 11,1 % (taux retenu par le Gouvernement) permet de porter une pension de réversion à un montant correspondant à celui qui aurait résulté d'une réversion au taux de 60 % au lieu de 54 %.

En outre, le texte rétablit une condition d'âge pour bénéficier de la pension de réversion, qui sera fixée par décret à cinquante-cinq ans, comme dans les régimes complémentaires. Le décret maintiendra cependant l'âge actuel de cinquante et un ans pour les personnes ayant perdu leur conjoint avant le 1 er janvier 2009, afin de ne pas remettre en cause la situation des titulaires d'une pension de réversion à cette date.

Prévue à l'article 31 de la loi du 21 août 2003, la suppression progressive de toute condition d'âge pour l'accès à une pension de réversion n'a pas été jugée opportune par plusieurs instances 11 ( * ) . Si son aspect humain n'est pas contestable, elle a pour inconvénient majeur d'augmenter considérablement le nombre de personnes éligibles à une pension de réversion, entraînant une dépense supplémentaire estimée à 150 millions d'euros pour la Cnav en 2008. Il convenait donc, selon ces études, de recibler le dispositif de la réversion sur les veufs et veuves qui en ont le plus besoin. La réintroduction d'une condition d'âge et la majoration de la pension de réversion des plus modestes devraient y contribuer.

3. Le « coup de pouce » accordé aux retraités de l'agriculture, de l'artisanat et du commerce


• La majoration des pensions des retraités agricoles

Depuis les années 1990, les pensions des retraités de l'agriculture ont fait l'objet de plusieurs mesures de revalorisation. Ainsi, le plan pluriannuel de revalorisation initié en 1994 avait pour ambition de porter au minimum vieillesse les pensions des retraités à carrière complète. La démarche pluriannuelle répondait à la nécessité de répartir dans le temps le coût des mesures de revalorisation. Renouvelé pour la période 1998-2002, le plan de revalorisation s'est traduit par des mesures dont le coût s'est élevé à 150 millions d'euros par an. De nouvelles améliorations ont par ailleurs été introduites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 (abaissement de la durée minimale d'assurance et diminution du coefficient de minoration par année manquante dans le régime des non salariés agricoles).

Malgré ces « coups de pouce » successifs, un certain nombre de personnes sont restées en dehors des mesures adoptées, en particulier les conjoints, les veuves et veufs et les retraités ayant eu une carrière incomplète. Selon les estimations de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), citées par l'exposé des motifs, 91 % des veuves d'agriculteurs sans droits propres ont une pension de moins de 400 euros par mois.

Conformément à l'engagement présidentiel de réduire les « poches de pauvreté » dans l'agriculture, le projet de loi de financement modifie et simplifie le dispositif actuel des retraites agricoles, à travers deux mesures :

- Il instaure une majoration de la pension de retraite afin de garantir un montant minimum de retraite, proportionnel à la durée de cotisation, pour les agriculteurs à carrière incomplète. Cette mesure 12 ( * ) s'adresse à tous ceux dont les pensions, tous régimes confondus, ne dépassent pas 750 euros par mois et qui ont fait valoir leurs droits à retraite dans tous les régimes dont ils ressortissaient ;

- Il supprime la qualité de « conjoint participant » aux travaux de l'exploitation, et propose d'opter pour celle, plus avantageuse, de « conjoint collaborateur ». Le statut de conjoint participant permet de bénéficier d'une retraite forfaitaire. Lorsque la qualité de collaborateur a été créée en 1999, les assurés ayant opté pour celle-ci recevaient, en plus de la retraite forfaitaire, une retraite proportionnelle. Un dispositif spécifique de revalorisation a, en outre, permis de porter la retraite des collaborateurs au niveau du minimum vieillesse. Les personnes ayant gardé le statut de conjoint participant se retrouvent exclues de ces bénéfices et reçoivent le plus souvent une pension inférieure au minimum vieillesse. Pour améliorer leurs droits à la retraite, le projet de la loi leur offre donc la possibilité de choisir la qualité de collaborateur.


• La mise en place d'une validation de trimestres supplémentaires au bénéfice des commerçants et artisans

Les cotisations versées par les artisans et commerçants ne suffisent pas toujours à valider une année complète, alors que l'assuré a effectivement exercé son activité tout au long de l'année. En effet, les cotisations sont calculées sur son revenu de chef d'entreprise, qui peut parfois s'avérer très faible. Il existe une cotisation minimale (281 euros pour 2008), mais qui n'autorise à valider qu'un trimestre.

Le projet de loi de financement instaure un dispositif qui permettra au chef d'entreprise, s'il le souhaite, d'améliorer sa durée d'assurance en complétant les années d'activité où il n'a pas validé quatre trimestres. Cette possibilité sera ouverte aux assurés en fonction de leur durée d'affiliation à leur régime, moyennant un versement égal à la cotisation minimale précitée. La différence entre ce versement et le coût effectif du rachat de trimestres sera financée par une fraction des cotisations d'assurance vieillesse supplémentaires, dont ils s'acquitteront à partir de 2009.

4. Un nouveau mécanisme d'indexation des pensions pour garantir le pouvoir d'achat des retraités

La loi du 21 août 2003 pose le principe d'une indexation des pensions sur les prix - hors tabac - dans les principaux régimes de base, au 1 er janvier de chaque année. Le coefficient de revalorisation est ajusté par arrêté l'année suivante en cas d'écart entre la prévision et l'évolution de l'indice des prix constatée au titre de l'année précédente. Cette règle a jusqu'ici assuré une revalorisation des pensions globalement conforme à l'évolution des prix. Elle est cependant imparfaite. En effet, l'inflation réalisée pour une année donnée n'étant définitivement constatée qu'au début de l'année suivante, l'ajustement actuel demeure fondé sur une prévision d'inflation et ne permet donc pas de garantir une revalorisation stricte sur les prix. Cette imperfection a notamment été observée au début de l'année 2008, dans un contexte d'accélération de l'inflation.

En fonction des hypothèses d'inflation faites à l'époque, une revalorisation de 1,1 % est intervenue au 1 er janvier 2008. Afin de tenir compte de l'accélération de l'inflation observée à la fin 2007 et au cours des trois premiers trimestres 2008, une revalorisation exceptionnelle de 0,8 % a été accordée au 1 er septembre 2008 pour l'ensemble des retraites du régime général, des régimes alignés et de la fonction publique. Sur les 0,8 % de revalorisation supplémentaire, 0,6 % ont été accordés au titre de l'anticipation de la revalorisation devant intervenir en 2009 et 0,2 % au titre de l'écart d'inflation entre l'inflation réalisée en 2007 (1,7 %) et la prévision figurant en loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 (1,3 %).

Le projet de loi de financement vise à remédier à la faiblesse originelle du mécanisme en fondant l'indexation des pensions sur des prévisions d'inflation plus fiables et plus récentes. Il prévoit que la revalorisation des pensions interviendra désormais au 1 er avril de chaque année et non plus au 1 er janvier . Elle s'effectuera conformément à l'évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation - hors tabac - prévue, pour l'année considérée, par une commission dont la composition et les modalités d'organisation seront fixées par décret. Ce nouveau mécanisme permettra à l'avenir de garantir de façon plus satisfaisante le pouvoir d'achat des retraités, d'une part, en prenant en considération l'inflation réellement constatée pour l'année précédente, d'autre part, en tenant compte, pour l'année en cours, d'une prévision d'inflation plus fiable, établie par la commission économique de la nation.

C. LES INTERROGATIONS SUSCITÉES PAR LE TEXTE

En accentuant la mobilisation en faveur de l'emploi des seniors et en concentrant l'effort de solidarité sur les retraités les plus modestes, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 s'oriente sur la bonne voie. Cependant, il suscite aussi de nombreuses interrogations.

1. Le coût de certaines mesures n'est pas suffisamment connu

La première insuffisance notable du texte est le manque de données chiffrées sur le coût de certaines mesures nouvelles. Étant donné la situation financière très dégradée de la branche vieillesse, ce défaut d'informations est particulièrement regrettable.


• La revalorisation du minimum vieillesse de 25 %

Le coût d'un relèvement du barème du minimum vieillesse est difficile à évaluer compte tenu des bases de données disponibles, car il s'agit d'apprécier l'impact de la mesure non seulement pour les bénéficiaires actuels, mais aussi pour les nouveaux bénéficiaires dont les revenus sont compris entre l'ancien et le nouveau plafond des conditions de ressources liées au minimum vieillesse.

Dans son cinquième rapport, le Cor indique néanmoins que la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé (Drees) estime qu'une hausse immédiate de 25 % du minimum vieillesse et de son plafond de ressources entraînerait une dépense de 2,45 milliards d'euros, dont un milliard supplémentaire pour les seuls bénéficiaires actuels de l'allocation.

Selon les estimations du Gouvernement, qui ne sont pas mentionnées par le projet de loi lui-même, la revalorisation du minimum vieillesse pour les personnes seules devrait s'élever à 400 millions d'euros.


• La majoration des petites pensions de réversion

La majoration attribuée aux titulaires de pensions de réversion devrait, selon les estimations réalisées par la Cnav, bénéficier à environ 630 000 personnes pour un coût de l'ordre de 200 millions d'euros en début de période (à partir de 2010). Dans le projet de loi de financement, il est implicite que le coût de cette majoration des pensions de réversion sera à la charge des régimes servant une pension de réversion aux futurs bénéficiaires de la mesure : aucune affectation de recettes particulière n'est prévue pour la financer.

A l'inverse, le rétablissement d'une condition d'âge pour bénéficier du droit à réversion devrait permettre la réalisation d'économies. Selon les estimations de la Cnav, le flux de nouveaux bénéficiaires serait réduit respectivement de 26 700, 21 200, 103 700, 38 900 entre 2009 et 2012 (41 600 en 2020), abaissant la dépense de 74, 103, 289 et 312 millions d'euros (324 millions d'euros en 2020).


• La revalorisation des petites retraites agricoles

La majoration des pensions des retraités de l'agriculture devrait entraîner une dépense de l'ordre de 119 millions d'euros en 2009 (date à laquelle la mesure s'appliquera aux retraités ayant plus de 22,5 ans de carrière dans l'agriculture) et de 156 millions en 2011 (date à laquelle elle sera étendue aux retraités qui justifient au moins de 17,5 années de carrière agricole).


• La libéralisation du cumul emploi-retraite

La Cnav a tenté d'évaluer le coût de cette mesure. Sur la base d'une hypothèse arbitraire selon laquelle 50 % des assurés, qui auraient prolongé leur activité pour bénéficier de la surcote, préfèreraient liquider leur pension pour avoir recours au cumul emploi-retraite, le nombre de personnes supplémentaires bénéficiant de ce cumul serait respectivement de 19 600, 25 100, 22 100, 20 700 entre 2009 et 2012 (15 500 en 2020) pour un coût respectif de 299, 271, 226 et 204 millions d'euros (220 millions en 2020).


• La fixation du taux de la surcote à 5 %

A comportement inchangé, c'est-à-dire sans prendre en compte l'effet incitatif lié à l'augmentation du taux de surcote, le nombre de personnes bénéficiaires seraient, selon la Cnav, respectivement de 56 200, 45 000, 43 500, 39 600 entre 2009 et 2012 (29 000 en 2020) pour un coût respectif de 6, 13, 18 et 22 millions d'euros (45 millions d'euros en 2020).

2. Des transferts financiers au sein de la protection sociale à la concrétisation incertaine

Le projet de loi de financement pour 2009 prévoit que l'assurance vieillesse bénéficiera de transferts de ressources en provenance d'autres secteurs de la protection sociale, en particulier de l'assurance chômage et de la branche famille.


• Le redéploiement incertain des cotisations chômage vers les cotisations vieillesse

Pour garantir le financement des retraites d'ici à 2020, l'exposé des motifs de la loi du 21 août 2003 envisagerait que des hausses de cotisations vieillesse soient compensées par des baisses de cotisations à l'assurance chômage. Ce scénario reposerait sur deux préalables : la baisse du chômage et l'accord des partenaires sociaux gestionnaires de l'Unedic sur le principe du redéploiement et la réduction des cotisations chômage. Bien évidemment, si ces deux hypothèses ne se concrétisent pas, la question du financement des retraites reste entièrement posée.

Or, la situation actuelle incite à aborder avec la plus grande prudence la réalisation de ce schéma de financement initial. En effet, la crise financière et économique devrait se traduire par une dégradation du marché de l'emploi et une augmentation à terme du taux de chômage. En outre, l'issue des négociations Unedic actuellement en cours est incertaine.

Le 1 er octobre 2008, le Gouvernement a annoncé une augmentation de la part patronale déplafonnée des cotisations retraite de 0,3 % en 2009, de 0,4 % en 2010 et de 0,3 % en 2011. Cette hausse, affectée à la Cnav, devrait rapporter 1,8 milliard d'euros en 2009. Toutefois, rien n'assure que cette augmentation sera compensée par une diminution des cotisations chômage, à laquelle les syndicats se montrent pour le moment réticents.


• La mise à contribution de la branche famille

Le projet de loi de financement prévoit également l'achèvement du transfert de la branche vieillesse à la branche famille du financement des majorations de pensions dont bénéficient les assurés ayant élevé au moins trois enfants 13 ( * ) . La branche famille prendrait ces dépenses en charge à hauteur de 70 % en 2009, 85 % en 2010 et 100 % à compter de 2011, contre 60 % actuellement.

La décision de transférer à la branche famille une partie du financement de la bonification pour enfants a été prise dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. La branche famille a d'abord financé ces dépenses à hauteur de 15% (en 2001), puis de 30% (en 2002), et enfin de 60% (en 2003). La question de savoir si le financement de ces majorations doit relever de la branche vieillesse ou de la branche famille suscite depuis plusieurs années de nombreux débats. Ceux-ci pourraient être ravivés à l'occasion du transfert définitif prévu par le projet de loi de financement pour 2009.

Le choix du schéma de financement de l'assurance vieillesse par des transferts de ressources au sein de la protection sociale pose aussi la question de l'arbitrage entre les priorités sociales. L'option ici retenue est qu'une part des marges de manoeuvre dégagées par l'amélioration de la situation financière d'une branche - en l'occurrence la branche famille - seront redéployées au profit du financement des retraites, plutôt qu'à celui d'autres besoins collectifs (santé, dépendance...).

En outre, cet apport de ressources par transfert ne peut être qu'un complément de financement pour le système de retraites. Il ne remplacera pas une réflexion plus approfondie sur la création de recettes nouvelles ou la meilleure maîtrise des dépenses, afin de restaurer durablement l'équilibre global de l'assurance vieillesse.

3. La réforme attendue des surpensions en outre-mer

La question des surpensions de retraite, versées selon un barème différencié aux fonctionnaires résidant en outre-mer, fait l'objet, depuis plusieurs années, d'un débat souvent passionné 14 ( * ) . Le droit actuel prévoit que les personnels civils et militaires de l'Etat qui prennent leur retraite à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna ou en Polynésie française bénéficient, en application du décret n° 52-1050 du 10 septembre 1952, d'une majoration spécifique de leur retraite, sous forme d'une « indemnité temporaire de retraite (ITR) », dont le montant varie selon la collectivité de résidence. Environ 33 000 personnes perçoivent cette indemnité temporaire, pour un montant estimé en 2008 à 315 millions d'euros. Selon le territoire concerné, la majoration est de 35 % à 75 % du principal de la pension (35 % à la Réunion et à Mayotte, 40 % à Saint-Pierre-et-Miquelon et de 75 % dans les collectivités du Pacifique).

Il faut préciser que le versement de cette indemnité n'est pas lié au fait d'avoir exercé outre-mer pendant tout ou partie de sa carrière. Les critiques sur ce dispositif portent sur son caractère coûteux, inéquitable et l'absence de contrôle dont il fait l'objet.

Pour ces motifs, votre rapporteur et un grand nombre de ses collègues ont déposé une proposition de loi en juillet 2007 15 ( * ) , visant à mettre fin à l'ITR, en annonçant les arguments suivants :

- cet avantage de retraite, fondé sur une réglementation ancienne n'a plus aucune justification économique aujourd'hui ;

- le maintien de l'ITR est en contradiction avec les efforts demandés aux assurés sociaux pour préserver les régimes de retraite ;

- la mesure a entraîné de nombreux abus, voire des fraudes, l'obligation de résidence effective n'étant pas véritablement contrôlée ;

- le coût du dispositif est considérable pour les finances publiques (315 millions d'euros en 2008) ;

- les économies dégagées de sa suppression permettraient de satisfaire plus directement les besoins sociaux bien réels de l'outre-mer.

Cette année, le projet de loi de financement prend en compte ces éléments et prévoit une réforme progressive de l'ITR.

Les nouveaux bénéficiaires de la majoration (à compter du 1 er janvier 2009) devront, en plus de la condition de résidence effective dans l'un des territoires précités, justifier :

- de quinze ans de services effectifs dans les collectivités ouvrant droit au dispositif ;

- du nombre de trimestres nécessaire pour obtenir une pension au taux maximum de 75 % du traitement, soit 161 trimestres en 2009 (article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite).

De plus, le montant de leur indemnité ne pourra excéder un montant annuel fixé à 8 000 euros par an, plafond qui sera progressivement diminué pour les entrées s'effectuant à partir du 1 er janvier 2019.

Les anciens bénéficiaires percevront désormais une indemnité, dont le montant ne pourra excéder un montant annuel défini par décret, qui variera selon la collectivité et qui sera diminué jusqu'au 1 er janvier 2018.

Bien que cette réforme constitue incontestablement une avancée majeure, on peut regretter son manque d'ambition. En effet, l'extinction du dispositif n'est prévue que pour 2028.

D. UNE INCONNUE MAJEURE : L'ISSUE DU DOSSIER DE LA PENIBILITE

1. Une négociation lancée en 2003, aujourd'hui dans l'impasse

L'article 12 de la loi de 2003 invitait les partenaires sociaux à engager, dans un délai de trois ans, « une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité ». Un cycle de discussion a été lancé en février 2005, mais faute d'accord, les négociations ont été interrompues le 30 mars 2006. Pour sortir de cette situation, un groupe de travail - piloté par l'Inspection générale des affaires sociales - a été chargé début 2007 de traiter le sujet de la pénibilité sous divers angles : définition, prévention, compensation et réparation. Ayant repris en avril 2007, les négociations ont quelque peu progressé sur la définition des critères de la pénibilité (contraintes physiques et psychiques marquées, environnement difficile, rythme de travail intensif), la prévention et l'amélioration des conditions de travail, mais n'ont pas réussi à aboutir sur la question de la réparation.

A l'heure actuelle, le dossier est à nouveau dans l'impasse (échec des négociations interprofessionnelles menées en juillet 2008). Chaque partie semble, en effet, s'arc-bouter sur sa position. D'un côté, les syndicats souhaitent tirer profit du dossier de la pénibilité pour faire valoir un certain nombre de revendications (contreparties salariales, amélioration des conditions de travail, effort de prévention, etc.). De l'autre, nombre d'employeurs craignent que les négociations sur le sujet n'aboutissent à donner de trop nombreux gages aux salariés, en termes de compensations.

Ces blocages illustrent surtout la difficulté qu'ont les partenaires sociaux à traiter d'une notion qui ne fait l'objet d'aucune définition précise et objective.

2. La pénibilité au travail : une notion au coeur de la réflexion sur l'allongement de la durée d'activité, mais aux contours incertains

La problématique de la pénibilité au travail est une composante majeure de la réflexion sur l'allongement de la durée d'activité. Les inégalités d'exposition aux risques professionnels sont fortes. Une étude de l'Insee 16 ( * ) indique, en effet, que les différences de mortalité entre catégories socioprofessionnelles résultent du cumul de plusieurs types de facteurs, dont les conditions de travail. Les inégalités d'espérance de vie après soixante ans reflètent ainsi en partie les inégalités d'exposition aux risques professionnels. Ces dernières soulèvent donc la question de l'équité d'une démarche de prolongation de l'activité qui ne tiendrait plus compte de la spécificité de certains métiers et de leur degré respectif de pénibilité.

S'il est aujourd'hui largement admis que la question de la pénibilité fait partie des réflexions sur le système de retraite, force est de constater que définir cette notion est toujours un exercice délicat. Son champ est incertain, voire sans limite. Il correspond à première vue à une détérioration de l'état de santé d'un individu. Mais, au-delà de ce constat, isoler des critères précis est difficile. Faut-il apprécier la pénibilité au regard de l'environnement et de l'intensité du travail fourni ? Faut-il prendre en compte toutes les contraintes susceptibles de nuire à la santé d'une personne, à savoir les tâches répétitives, la pression liée aux résultats, les charges lourdes, le travail de nuit ou à la chaîne ?

D'autres questions se posent également, quant au « diagnostic » et à la « traçabilité » de la pénibilité. Qui sera chargé de définir que tel assuré est soumis à un travail pénible ? Est-ce le médecin du travail, qui devra assurer un suivi individuel et régulier des travailleurs au fil de leur carrière ? Si oui, comment et avec quels moyens ?

3. Le risque d'une nouvelle forme déguisée de préretraite

La question de la pénibilité étant intimement liée à celle du maintien dans l'emploi des seniors, le principal risque qu'elle fait peser est celui de la création d'une nouvelle forme de préretraite.

A l'heure actuelle, la santé et les conditions de travail sont déjà prises en compte dans les dispositifs de sortie précoce de l'activité :

- dans le secteur privé, deux dispositifs existent pour compenser les expositions à des travaux pénibles et/ou dangereux par des cessations anticipées d'activité : la cessation anticipée de certains travailleurs salariés (CATS pénibilité) et la cessation anticipée des travailleurs de l'amiante. Des dispositifs comme l'invalidité, les pensions de vieillesse pour inaptitude au travail, les arrêts de maladie de longue durée, les pensions pour accidents du travail ou maladies professionnelles, les départs anticipés pour carrière longue ou la dispense de recherche d'emploi constituent également des modes alternatifs de sortie anticipée particulièrement utilisés en France par les seniors ayant des problèmes de santé ;

- dans les régimes de retraite des fonctionnaires, la pénibilité est également prise en compte, notamment par le classement de certains corps en services dits actifs - classement qui repose historiquement sur l'appréciation de la pénibilité, la dangerosité ou l'insalubrité du métier de l'agent.

Alors que les pouvoirs publics tentent depuis plusieurs années de maintenir les seniors dans l'emploi, prendre en compte la pénibilité de façon systématique reviendrait à cautionner une nouvelle forme de préretraite et à donner un coup d'arrêt aux efforts réalisés jusqu'à présent.

En outre, la création d'un nouveau dispositif de sortie anticipée de l'activité -via la pénibilité- contribuerait à alourdir les comptes de la branche vieillesse, déjà fortement déficitaires. A ce titre, la montée en charge, plus forte que prévu, du mécanisme de départ anticipé pour carrière longue depuis 2004 et le coût qu'il fait peser sur le système de retraite français devraient inciter à la plus grande prudence.

Enfin, le débat sur la pénibilité constitue manifestement une spécificité française : aucun pays européen n'a songé à mettre en oeuvre pareil dispositif sur un plan national. Les rapports consacrés aux systèmes sociaux allemand et suédois par la Mecss l'ont montré 17 ( * ) . En Suède notamment, les responsables de l'assurance vieillesse ont unanimement fait part de leur refus de principe de prendre en compte la pénibilité en invoquant trois principaux arguments :

- des métiers autrefois pénibles ne le sont plus aujourd'hui ;

- le refus de distinguer les assurés sociaux entre eux, au nom du principe même de solidarité ;

- le risque de pénaliser les femmes, si l'on en venait à utiliser comme critère d'évaluation l'espérance de vie à soixante ans ou soixante cinq ans en fonction des sexes.

III. L'EPUISEMENT DU CYCLE DES REFORMES PARAMETRIQUES : VERS UNE REFORME SYSTEMIQUE DU SYSTEME DE RETRAITE FRANÇAIS

A. LE PACTE SOCIAL MENACE PAR LA PERTE DE SUBSTANCE DU PRINCIPE D'EQUITE ENTRE ASSURES SOCIAUX

1. L'équité intergénérationnelle : un principe menacé

La notion d'équité entre les générations est au coeur du fonctionnement du système de retraite par répartition. Celui-ci repose, en effet, sur un contrat social : chaque génération a droit au fait que ses enfants lui assurent une retraite correspondant à celle qu'elle a assurée elle-même à ses parents. Ce contrat est passé entre les générations 1 (les parents) et 2 (les enfants), tout en engageant la génération 3, celle des petits enfants.

Le vieillissement continu de la population (en 2050, un habitant sur trois sera âgé de soixante ans ou plus, contre un sur cinq en 2005) entraîne une dégradation du rapport entre cotisants et retraités : une fraction de plus en plus petite de la population (les actifs) prend en charge financièrement les besoins d'une fraction de plus en plus grande (les retraités). Ainsi, un transfert de revenu inéquitable entre les différentes générations est en train s'établir. A terme, c'est le pacte social qui semble menacé du fait de cette évolution.

Dans son premier rapport, le conseil d'orientation des finances publiques dresse lui aussi un constat inquiétant 18 ( * ) . Il souligne que les jeunes générations héritent non seulement d'une dette supérieure à celle de leurs aînés, mais qu'elles devront en outre financer les dépenses supplémentaires liées au vieillissement de la population. En effet, la génération née dans les années 1970 a hérité d'une dette de trente-cinq points de Pib lors de son entrée dans la vie active ; la génération née en 1990 héritera d'une dette de plus de 60 % du Pib, la suivante d'une dette de cent points de Pib, et celle encore d'après d'une dette de deux cents points de Pib, soit six fois supérieure à celle de ses arrière-grands-parents.

Dans ces conditions, redonner confiance aux jeunes actifs dans le système de retraite suppose de garantir la pérennité financière de l'assurance vieillesse et de leur assurer un juste niveau de pension.

Pour ce faire, le caractère contributif du système de retraite français, fortement remis en cause aujourd'hui, nécessite d'être reconstruit.

2. La nécessité de rééquilibrer les efforts entre les différentes catégories d'assurés sociaux

Aux inégalités entre les générations s'ajoutent les inégalités entre les assurés sociaux. Malgré la difficulté de l'exercice consistant à comparer les différents régimes de retraite, il est incontestable que l'effort contributif n'est pas équitablement au sein de la population. En effet, les assurés relevant des régimes de la fonction publique et des régimes spéciaux ont pendant des années :

- fourni un effort de cotisation moindre que dans le secteur privé ;

- bénéficié du versement de cotisations fictives et de subventions à ces régimes ;

- bénéficié de prestations et de conditions de départ en retraite plus avantageuses que dans les régimes de droit commun obligatoire (Cnav) ou complémentaires (Agirc, Arrco).

La réforme de 2003, pour les régimes de la fonction publique, et celle de 2007, pour les régimes spéciaux, ont permis de rééquilibrer l'effort demandé aux assurés de ces régimes, en harmonisant leurs règles avec celles du régime général. Cependant, l'effort contributif est encore loin d'être équitablement réparti car un certain nombre de dispositions introduites par les ces réformes sont partielles et graduelles. C'est le constat que dresse la Mecss 19 ( * ) » :

« Depuis les années 1980, le poids effectif de la sauvegarde de l'assurance vieillesse a essentiellement porté sur les jeunes générations, ainsi que sur les actifs du secteur privé. [...] Inversement, les ressortissants des trois fonctions publiques n'ont été inclus dans le champ de ce processus de réformes successives que depuis 2003 et bon nombre des nouvelles dispositions du code des pensions civiles et miliaires n'entrent en application que très progressivement. Fort logiquement, les fonctionnaires civils et militaires pourraient représenter à l'horizon 2020 entre 60 % et 70 % des besoins de financement de l'ensemble de la branche vieillesse. C'est donc bien là qu'il faut faire porter l'effort, ainsi que sur la réforme des régimes spéciaux ».

Rétablir le principe selon lequel le niveau de retraite dépend étroitement de l'effort contributif de chacun semble donc indispensable pour redonner confiance aux assurés dans leur système de retraite et garantir sa viabilité financière.

3. L'indispensable effort de vérité et de pédagogie vis-à-vis des Français pour rétablir leur confiance dans le système de retraite

Un sondage réalisé par l'Ifop en 2006 montre que 61 % des Français se déclarent inquiets pour l'avenir de leurs retraites. La perception diffuse des problèmes de financement des retraites, par l'opinion publique, contribue largement à entretenir cette vision pessimiste.

Il semble que le moyen le plus sûr de rétablir la confiance des Français dans le système de retraite est de faire oeuvre de pédagogie et de vérité. Afficher une très grande transparence sur la situation financière actuelle de la branche vieillesse permettrait de faire prendre pleinement conscience aux assurés de l'ampleur des efforts à fournir pour préserver le système. Or, c'est une évidence mathématique, sa sauvegarde suppose soit l'allongement de la cotisation, soit l'augmentation du montant des cotisations. Cet effort supplémentaire demandé aux assurés ne peut être entendu que si, parallèlement, une vraie garantie sur le montant futur de leurs retraites leur est apportée. Il est légitime que chaque assuré puisse connaître le taux de remplacement de son revenu d'activité lorsqu'il percevra sa pension.

C'est pourquoi il est impératif qu'une plus grande lisibilité sur les besoins de financement de l'assurance vieillesse soit apportée, afin de susciter un débat public approfondi sur les choix à faire et les efforts de financement à engager. Or, cette réflexion reste encore insuffisante aujourd'hui.

B. QUELS LEVIERS ACTIVER POUR PARVENIR A L'EQUILIBRE FINANCIER DE L'ASSURANCE VIEILLESSE ?

1. Face au choc du vieillissement, la soutenabilité financière des régimes de retraite à l'horizon 2050 est fortement compromise

La dégradation structurelle des comptes de l'assurance vieillesse et le besoin de financement du système de retraite à moyen et long terme posent avec acuité la question de la soutenabilité financière des régimes de retraite.

En effet, le choc démographique lié au vieillissement devrait, de façon mécanique, faire augmenter les dépenses de retraite à l'horizon 2050. La Commission européenne, dans une étude comparative mentionnée par le conseil d'orientation des finances publiques 20 ( * ) , chiffre ce surcoût à environ deux points de Pib en France, tout comme le Cor dans ses projections de 2007.

Si ce choc n'est pas pris en compte dès maintenant dans les décisions de finances publiques, une crise de solvabilité, aux conséquences particulièrement pénalisantes pour les jeunes actifs et les générations futures, risque de se produire d'ici à cette date. C'est le constat alarmant que dresse le conseil d'orientation des finances publiques dans son premier rapport 21 ( * ) .

Pour garantir la pérennité financière des régimes de retraite, plusieurs leviers peuvent être actionnés : l'attribution de nouvelles ressources, la maîtrise des dépenses et le relèvement de l'âge légal de départ en retraite.

2. Le levier « recettes »

a) La hausse des cotisations ?

La première solution envisageable serait une hausse des cotisations retraite. Elle aurait cependant deux inconvénients majeurs.


• Tout d'abord, le financement des retraites par une hausse des cotisations peut être considéré comme inéquitable . Le graphique ci-dessous illustre l'inéquité intergénérationnelle en termes de taxation, si le surcoût des dépenses liées au vieillissement était financé par une hausse des cotisations. Les générations jeunes et futures seraient, en effet, plus fortement taxées que les générations antérieures.

Taux de prélèvements obligatoires en points de PIB pour différentes générations,

à l'entrée dans la vie active, en supposant que les dépenses supplémentaires liées
au vieillissement sont financées par une hausse des prélèvements obligatoires

(en % PIB)

Source : Projection Minefi sur la base des hypothèses macroéconomiques et des projections
de dépenses supplémentaires liées au vieillissement de la Commission européenne


• Ensuite, une augmentation des cotisations engendrerait une hausse du coût du travail et, en conséquence, pénaliserait la compétitivité de l'économie française. Or, la France se caractérise déjà par des coûts salariaux élevés et par un taux de prélèvements obligatoires plus important que la plupart de ses partenaires européens (environ 44 % du Pib). En plus d'être inéquitable, un financement des dépenses supplémentaires de retraite par une hausse des cotisations serait donc, compte tenu de la concurrence fiscale, pénalisant pour l'économie française.

b) Un changement d'assiette ?

Une autre alternative serait d'asseoir le financement des retraites sur une assiette plus large que les salaires. Une réflexion a été engagée en 2006, notamment par le conseil d'orientation pour l'emploi, le conseil d'analyse économique et le centre d'analyse stratégique, sur une modification de l'assiette de financement de la protection sociale, consistant à remplacer les cotisations sociales patronales par d'autres types de prélèvement, en particulier une contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et l'affectation d'une partie des recettes au financement des régimes de sécurité sociale (« TVA sociale »).

La question de l'instauration d'une TVA sociale a suscité de nombreux débats, l'établissement de rapports aux conclusions contradictoires et des discours parfois enflammés. La position de votre commission est bien connue : elle considère qu'une modification en ce sens de l'assiette de financement n'est pas nécessairement pertinente. En effet, en dehors des dépenses vieillesse relevant d'une logique de solidarité et qui font l'objet, à ce titre, d'un financement spécifique assuré par le FSV, les prestations vieillesse constituent des revenus de remplacement obéissant à une logique contributive. Elles doivent donc relever avant tout d'un financement par les cotisations sociales assises sur les salaires, qui permet de refléter l'effort contributif de chaque assuré.

3. Le levier « dépenses »

a) Diminuer les prestations ?

Une autre solution consisterait à diminuer le montant des prestations vieillesse. Toutefois, comme le note par exemple le conseil d'orientation des finances publiques 22 ( * ) , un tel scénario est inenvisageable. En effet, effectuer des coupes franches dans les dépenses d'assurance vieillesse mettrait en péril le système social auquel les Français sont attachés. Il faut, au contraire, maintenir l'objectif d'un haut niveau de retraite pour les générations actuelles et futures.

b) Mieux maîtriser les dépenses ?

Ceci étant, la question du financement des régimes de retraite ne peut s'abstraire d'un débat sur les moyens de parvenir à une meilleure maîtrise des dépenses. A ce titre, il est indispensable de poursuivre la réflexion sur les dispositifs qui font obstacle à l'augmentation de la durée effective de cotisation, fondement de la réforme de 2003, et qui représentent un coût élevé pour la branche vieillesse.

Plusieurs d'entre eux peuvent être identifiés :

- la mesure de départ anticipé pour carrière longue, ainsi que plus généralement, l'ensemble des dispositifs de départs précoces ;

- l'assouplissement progressif de la décote dans le régime général et les régimes alignés ;

- le rythme de montée en charge très progressif de la décote dans la fonction publique, prévu par la réforme de 2003 ;

- les règles de calcul des pensions dans la fonction publique, beaucoup plus favorables que celles appliquées dans le secteur privé ;

- les rachats de trimestres de cotisation, qui entraînent des effets d'aubaine (les assurés utilisent la technique du « rachat » pour augmenter leur durée d'assurance et remplir les conditions pour un départ avant soixante ans).

En outre, certaines évolutions paraissent souhaitables concernant les avantages familiaux et conjugaux en matière de retraite, qui font aujourd'hui l'objet de règles très diverses selon les régimes. Une analyse sur ce sujet devrait permettre de déboucher sur des propositions allant dans le sens d'une meilleure maîtrise des dépenses, tout en étant conduite dans un souci d'équité et au regard des objectifs de la politique familiale. Un rapport du Cor sur les droits familiaux et conjugaux de retraite devrait d'ailleurs prochainement être publié 23 ( * ) .

En définitive, la légitimité de ces différentes mesures devra être examinée à l'aune des objectifs pour lesquels elles ont été conçues, et en tenant compte des trois impératifs suivants :

- la nécessité de revenir vers l'équilibre financier des régimes ;

- l'équité et la solidarité entre les diverses catégories d'assurés, en particulier entre les générations ;

- l'augmentation du taux d'emploi des seniors.

4. Le relèvement de l'âge légal de départ en retraite

Selon l'exposé des motifs de la loi du 21 août 2003, « la meilleure garantie, et la plus juste, pour assurer un haut niveau de retraite, sans faire reporter sur les actifs de demain une charge démesurée, est l'allongement de la durée d'assurance et de la durée d'activité » .

Or, toutes les études montrent que l'allongement de la durée d'assurance n'entraîne pas forcément un décalage de même ampleur de l'âge moyen effectif de départ en retraite. Alors que la durée d'assurance donnant droit à une retraite complète est supposée augmenter, entre 2003 et 2020, de un an et demi pour les assurés du régime général et de quatre ans pour les fonctionnaires 24 ( * ) , le recul de l'âge moyen de départ en retraite dû à la réforme ne serait aujourd'hui que d'environ 0,2 an dans le secteur privé et d'environ un an et demi pour les fonctionnaires. Ce phénomène s'explique par deux facteurs :

- les incitations mises en place pour retarder l'âge de liquidation (surcote, décote) sont pour le moment peu opérantes ;

- l'existence de bornes d'âges de départ en retraite (soixante et soixante-cinq ans) limite le report de l'âge moyen de départ en retraite, à la suite de l'allongement de la durée d'assurance 24 ( * ) .

Les statistiques comparatives publiées par Eurostat confirment cette situation et soulignent l'âge particulièrement précoce de cessation d'activité en France.

Age moyen de sortie du marché du travail en Europe en 2005

Age moyen

Age médian

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Suède

63,0

64,3

63,3

63,9

Irlande

64,6

63,6

61,5

64,4

Portugal

63,8

62,4

61,4

64,2

Royaume-Uni

61,9

63,4

60,3

63,8

Espagne

62,8

62,0

59,5

62,6

Finlande

61,7

61,8

60,7

61,5

Pays-Bas

61,4

61,6

59,3

60,5

Allemagne

61,1

61,4

59,9

61,6

Danemark

60,7

61,2

60,1

62,2

Belgique

59,6

61,6

56,8

57,9

Autriche

59,4

60,3

56,4

59,6

Italie

58,8

60,7

57,2

58,4

France

59,1

58,5

58,3

58,8

Source : Eurostat, juillet 2007

Une réflexion sur l'âge légal de départ en retraite ne peut évidemment faire abstraction de l'observation des politiques menées dans d'autres pays européens. Confrontés également au choc démographique et au niveau élevé des prélèvements obligatoires, certains pays (Allemagne, Suède, Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas) privilégient la maîtrise des dépenses sur le long terme et le relèvement des âges légaux de retraite (âge d'ouverture des droits et/ou âge d'obtention d'une pension complète). Le nouveau régime de retraite suédois, par exemple, ne prévoit plus d'âge légal de départ à la retraite, mais laisse le choix à l'assuré, à l'intérieur d'une fourchette comprise entre soixante et un et soixante-sept ans.

Les réformes portant sur l'âge légal de cessation d'activité sont, pour la plupart, très étalées dans le temps et décidées de nombreuses années avant qu'elles n'entrent effectivement en oeuvre. Les réformes récentes en Allemagne et au Royaume-Uni ont respectivement pour horizon 2034 et 2046.

Les réformes des âges légaux de la retraite et leur calendrier

Italie

Allemagne

Royaume-Uni

Etats-Unis

Âge légal avant réforme

Âge minimum

60 ans (hommes) 55 ans (femmes) sans condition d'âge si 35 ans de contribution

De 60 à 65 ans
suivant les cas

65 ans (hommes) 60 ans (femmes)

62 ans

Pension complète

Pas de notion
de pension complète

65 ans

44 ans (hommes) 39 ans (femmes) de contribution

65 ans

Année(s) de réforme

De 1995 à 2007

2004

1995 et 2007

1983

Réforme
(à terme)

Âge minimum

Minimum 61 ans et 36 ans de contribution (ou 62 et 35, 63 et 34, 64 et 33,...)

De 60 à 65 ans suivant les cas (restriction des exemptions)

68 ans pour tous

62 ans

Pension complète

Pas de notion de pension complète

67 ans
(65 ans pour 45 années de cotisations)

30 ans de contribution

67 ans

Modalités de transition

Actuellement, les hommes et les femmes peuvent partir à 57 ans et 35 ans de contribution (ou à 60 ans avec moins de 35 ans de contribution).
Janvier 2008 : 58 ans et 35 ans de contribution (ou 59 et 34,...).
Juillet 2009 : 59 et 36 ans de contribution (ou 60 et 35,...).
Janvier 2011 : 60 ans et 36 ans de contribution (ou 61 et 35,...).
Janvier 2013 : 61 ans et 36 ans de contribution (ou 62 et 35,...).

Relèvement de 65 à 67 ans entre 2011 et 2034 (voire 2029 suivant l'évolution des finances des régimes), par paliers de 1 mois par an.

Transition de 60 à 65 ans de 2010 à 2020 pour les femmes (1995).
Augmentation progressive de l'âge d'ouverture des droits entre 2021 et 2046 pour atteindre 68 ans ; en contrepartie, passage de 44 à 30 ans de contribution pour obtenir une pension complète (2007)

Relèvement de 65 à 66 ans de 2000 à 2005 par paliers de 2 mois par an. Relèvement de 66 à 67 ans de 2020 à 2025 par paliers de 2 mois par an.

Source : cinquième rapport du COR, novembre 2007 (p. 198)

Prévoir sur le long terme et de manière graduelle le relèvement de l'âge légal de départ en retraite peut permettre de rendre plus acceptable, politiquement et socialement, ce type de réforme. Ces délais ont du moins pour mérite de permettre aux différents acteurs d'adapter leurs comportements aux nouveaux paramètres : les assurés, qui sont incités à prolonger leur activité ; les employeurs, qui doivent intégrer une politique de gestion des travailleurs âgés ; enfin, les pouvoirs publics, qui sont conduits à promouvoir et soutenir l'activité des seniors.

A l'heure actuelle, la France est encore loin d'emprunter la même voie que ses voisins européens. Prenant acte des positions exprimées par les organisations syndicales et professionnelles, le Gouvernement a choisi de ne pas inscrire la réforme de l'âge légal de la retraite dans le rendez-vous de 2008. A la suite d'une demande conjointe du Medef et du Cor, la Cnav a néanmoins simulé les effets d'un relèvement progressif, à partir de 2008, de l'âge de départ à la retraite (soixante et un ans, soixante et un ans et demi, soixante-deux ans) dans le régime général. Le tableau suivant présente l'effet financier de ces relèvements.

Estimation de l'économie induite par un relèvement progressif de l'âge légal de départ en retraite
pour le régime général

(en millions d'euros)

61 ans

61 ans et demi

62 ans

2009

250

250

250

2010

710

710

710

2011

1 150

1 150

1 150

2012

1 600

1 600

1 600

2020

2 050

3 370

5 060

L'âge de la retraite est relevé d'un trimestre par an à compter de 2009, puis dans l'hypothèse des 61,5 ans, d'un trimestre en 2015 et d'un second trimestre en 2019 et, dans l'hypothèse des 62 ans, d'un trimestre par an de 2012 à 2016. Les conditions actuelles de retraite anticipée pour carrière longue seraient maintenues.

Source : Cnav (2008)

En définitive, la crise de solvabilité financière qui menace l'assurance vieillesse et la perte de confiance des assurés dans leur régime de retraite témoignent de l'épuisement du cycle des réformes paramétrique, et plaident résolument pour une réforme profonde du système.

C. POUR UNE REFORME « SYSTEMIQUE » DE L'ASSURANCE VIEILLESSE

1. Préparer l'avenir en engageant dès maintenant le processus de réflexion sur une réforme structurelle du système de retraite

Depuis les années 1990, les pouvoirs publics ont réformé à plusieurs reprises le système de retraite français, en ajustant les paramètres de l'assurance vieillesse :

- la « réforme Balladur » de 1993 a organisé l'indexation des pensions de retraite sur les prix, la création du FSV et l'augmentation de la durée d'assurance pour les salariés du secteur privé ;

- la création du FRR, en 1999, avait pour but de constituer des provisions destinées à pérenniser le système par répartition ;

- la « réforme Fillon » de 2003 a notamment instauré l'allongement de la durée d'assurance et le rapprochement des règles des régimes de la fonction publique de celles du régime général ;

- la réforme des régimes spéciaux de 2007 a procédé, par voie réglementaire, à un nouvel allongement de la durée d'assurance et au rapprochement des règles des régimes spéciaux de celles des régimes de la fonction publique.

Toutes ces réformes paramétriques, dont l'intérêt n'est pas discutable, n'ont néanmoins pas enrayé le mouvement de dégradation de la situation financière de la branche vieillesse ni proposé de solution solide face au défi démographique à l'horizon 2020-2050. Plutôt que d'ajuster tous les quatre ou cinq ans certains paramètres de l'assurance vieillesse, ne vaudrait-il pas mieux engager une véritable réforme des régimes de retraite ?

Votre commission plaide, depuis plusieurs années, pour une réforme structurelle ou « systémique » qui présenterait plusieurs avantages :

- elle permettrait d'endiguer la crise de confiance des assurés sociaux dans leur système de retraite car, on le sait, les générations actuelles de quinquagénaires liquident leurs pensions dès qu'ils le peuvent, tandis que la majeure partie des jeunes actifs se demande si le système actuel survivra jusqu'à leur propre départ en retraite ;

- elle dégagerait un équilibre financier durable, condition indispensable au maintien d'un haut niveau de retraite pour les générations futures ;

- elle simplifierait et améliorerait les règles de fonctionnement du système de retraite, ce qui lui permettrait de gagner en cohérence et lisibilité ;

- elle renforcerait le caractère contributif des régimes de retraite, mis à mal aujourd'hui.

Or, elle constate qu'une fois encore, c'est l'option d'une réforme paramétrique qui a été privilégiée par le Gouvernement pour le rendez-vous de 2008. Elle persiste néanmoins à penser qu'il est indispensable de préparer l'étape suivante, en engageant une analyse approfondie, d'ici à 2012, de la faisabilité d'une réforme systémique en France. Réfléchir à une réforme structurelle suppose notamment de s'intéresser à d'autres modes de gestion de l'assurance vieillesse que le système par annuités, qui montre aujourd'hui ses faiblesses.

2. Les avantages du régime par points

Les régimes de base gagneraient sans doute à s'inspirer de la technique de la gestion des retraites par points, utilisée par les régimes complémentaires Agirc et Arrco depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et adoptée par l'Allemagne en 1992.

Les régimes de retraite par points reposent sur des mécanismes relativement simples, favorisant la réalisation automatique des ajustements financiers. Au cours des dernières décennies, la maîtrise des dépenses de vieillesse a pu y prendre différentes formes (modération de la revalorisation annuelle du point, réduction des bonifications pour familles nombreuses, par exemple). A l'usage, le mode de fonctionnement de ces régimes semble plus efficace que celui des régimes de base, qui repose sur un ensemble de normes vaste et complexe, souvent contradictoires entre elles.

La technique de gestion par points apparaît d'autant plus souple qu'elle peut être utilisée aussi bien par les régimes de répartition pure (Argirc, Arcco, Ircantec) que par les régimes de répartition provisionnée, comme le nouveau régime additionnel des fonctionnaires, voire par les régimes financés en capitalisation (Préfon).

En outre, les systèmes par points sont par nature contributifs, dans la mesure où le montant de la retraite servie est proportionnel au nombre total de points. Rien n'empêche, d'ailleurs, de moduler le caractère contributif du régime par des mécanismes de solidarité : des points gratuits peuvent être attribués sans contrepartie de cotisations salariales, afin de compenser certaines périodes non travaillées (chômage, maladie), des majorations de pension en fonction du nombre d'enfants élevés peuvent être mises en place, etc.

Une version élaborée de la technique des points est utilisée en Suède depuis 1998, date à laquelle les pouvoirs publics ont choisi de modifier radicalement le système de l'assurance vieillesse.

3. Les leçons à tirer du modèle suédois des comptes notionnels

Partant d'un régime de retraite à prestations définies , ressemblant beaucoup au régime général français, les Suédois ont fait le choix de passer à un mécanisme original de cotisations définies , préservant le principe de répartition, tout en y introduisant une faible part de capitalisation. L'objectif des pouvoirs publics suédois était d'anticiper le choc démographique lié eu vieillissement de la population. Ils ont donc choisi comme variable d'ajustement l'âge du départ à la retraite et, dans une moindre mesure, le taux de progression des pensions. En contrepartie, le niveau de cotisation pesant sur les actifs a été définitivement stabilisé à 18,5 % des salaires.

Tous les assurés sociaux suédois bénéficient d'un compte individuel virtuel, d'où le qualificatif de « notionnel », sur lequel sont enregistrés les flux de cotisations. Ceux-ci ne donnent toutefois pas lieu à la constitution d'un capital financier au sens propre du terme, car le régime continue de fonctionner suivant les règles de la répartition : les cotisations encaissées sont utilisées chaque mois pour financer les pensions des retraités.

En 2001, la technique des comptes notionnels a été complétée par un mécanisme d'ajustement structurel : si les ressources du régime s'avèrent insuffisantes pour honorer le montant des retraites à servir aux assurés sociaux, un processus d'ajustement fondé sur le ratio actif-passif s'enclenche automatiquement en agissant sur le taux de revalorisation du capital notionnel accumulé par l'ensemble des assurés sociaux, ainsi que sur l'indice d'évolution des pensions déjà liquidées.

Le bilan positif de la réforme suédoise a conduit la Mecss 25 ( * ) à recommander la transposition de ses principaux éléments en France : le système des comptes notionnels d'une part, le mécanisme d'ajustement automatique des comptes, d'autre part. Selon la Mecss, ce système « présente quatre avantages principaux :

- il garantit un équilibre financier pérenne, sur la base de taux de cotisations élevés, mais stables à l'avenir ;

- il préserve l'équité entre les générations ;

- il assure une meilleure transparence de l'effort contributif, ainsi que des niveaux de prestations perçues par les assurés sociaux suédois ;

- il garantit une pension minimum aux personnes âgées les plus modestes.

Il a été conçu pour préserver un haut niveau de retraite au cours des prochaines décennies. En contrepartie, les assurés sociaux sont incités à prolonger leur activité professionnelle pour conserver un même taux de remplacement que les générations bénéficiant de l'ancien système. »

En définitive, le système des comptes notionnels présente l'avantage de garantir la stabilité financière du régime de retraite au cours des prochaines décennies et d'éviter que le poids des ajustements financiers nécessaires soit principalement mis à la charge des générations futures.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Audition de Mmes Danièle KARNIEWICZ, présidente du conseil d'administration,
Marie-France LAROQUE, directeur de cabinet de la présidence du cabinet d'administration,
et M. Vincent POUBELLE, directeur chargé des statistiques et de la prospective, de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav)

Réunie le mercredi 15 octobre 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 , a procédé à l' audition de Mmes Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration, Marie-France Laroque, directeur de cabinet de la présidence du conseil d'administration, et M. Vincent Poubelle, directeur chargé des statistiques et de la prospective, de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav) .

Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Cnav, a d'abord indiqué que le conseil d'administration de la Cnav a donné un avis défavorable, à une large majorité, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Des raisons différentes expliquent cette position. Pour le Medef et la CGPME, revenus récemment au conseil d'administration, ce rejet est justifié, d'une part, par la hausse des cotisations, bien que celle-ci soit en principe gagée par une baisse des contributions à l'Unedic, d'autre part, par l'insuffisance des mesures proposées pour faire face au déficit de la branche vieillesse. Du côté des organisations de salariés et de l'union professionnelle artisanale (UPA), l'avis négatif s'explique par l'absence de mesures propres à redonner confiance aux Français dans leur système de retraite.

En particulier, il est essentiel que le Gouvernement s'engage sur un taux de remplacement du revenu d'activité. Si l'objectif reste celui d'un taux de 50 %, il n'est que de 43 % aujourd'hui et devrait bientôt se trouver à 40 %. Pour relever ce taux, il faudrait réévaluer l'indexation des salaires des années prises en compte pour le calcul des pensions afin de pouvoir augmenter le niveau des retraites. Il est en effet certain que l'évolution de la démographie et l'allongement de l'espérance de vie entraîneront une hausse des dépenses au titre de la vieillesse au cours des prochaines années. C'est pourquoi il paraît difficile de garder un financement uniquement assis sur les salaires. Il est donc impératif d'engager une réflexion sur la définition d'une assiette plus large, sans laquelle une baisse des prestations est inéluctable. Le choix, aujourd'hui, est soit de cotiser plus longtemps, soit de cotiser à un taux plus élevé. En outre, si cette contribution ne se fait pas dans le cadre du système par répartition, elle devra se faire selon d'autres modalités, c'est-à-dire dans le secteur privé. Mais alors, la protection sera moins maîtrisée, plus aléatoire et sans doute plus difficile à mettre en place pour une grande partie de la population. En tout état de cause, si l'on décide d'augmenter les cotisations vieillesse, il faut être parallèlement capable d'apporter une vraie garantie aux salariés sur le montant des retraites qui leur sera versé.

Le conseil d'administration de la Cnav a également soulevé un certain nombre de questions se rapportant à quatre domaines différents. Le premier est relatif aux seuils de solidarité, par exemple pour les pensions de réversion. Il faut en effet veiller à ne pas trop compliquer le système de solidarité et à conserver le caractère contributif de la retraite.

Le deuxième domaine est relatif à l'architecture du système, et plus précisément au choix éventuel d'un régime par points. Un tel système présente en réalité de vraies difficultés car les cotisations y sont, certes, définies mais on ne sait pas « ce qu'on paye ». Il est donc préférable de faire l'inverse, c'est-à-dire de maintenir un système à prestations définies en rendant plus lisible ce qu'on peut en attendre en termes de niveau de retraite. Jouer sur l'inquiétude et l'incertitude de l'opinion revient en fait à faire le jeu du monde concurrentiel et finalement à faire perdre la confiance du public dans le régime obligatoire de base. En définitive, ce sont essentiellement les moyens de financement qui manquent aujourd'hui au régime de retraite des salariés du secteur privé.

Le troisième domaine qui suscite l'inquiétude est celui de la pénibilité. Les trois années de négociation qui viennent de s'achever n'ont débouché sur rien en raison d'un niveau sans doute trop élevé d'exigence de la part des différents partenaires négociateurs. Il semble, de fait, difficile de raisonner de façon systématique à partir des postes occupés par les salariés. En revanche, il paraît pertinent de retenir le lien entre une exposition à une tâche pénible et un état de santé déterminé. On devrait surtout privilégier les actions de prévention et le développement de l'implication de la médecine du travail. En Finlande, par exemple, des progrès très importants ont été enregistrés dans le taux d'emploi des seniors grâce à la confiance placée dans la médecine du travail.

Le dernier secteur préoccupant est celui de l'adossement des régimes spéciaux, même si aucune évolution significative n'a été enregistrée au cours des derniers mois. Pour la RATP, les désaccords avec le ministère des finances sur la prise en charge des avantages familiaux et l'évolution du taux des annuités restent en l'état. Il s'agit en effet de questions de principe car il ne faudrait pas que ce dossier constitue un précédent pour les futurs adossements, comme celui de la Poste pour lequel les enjeux financiers sont bien plus considérables. En effet, pour ce dernier régime qui est un régime de fonctionnaires, il est impératif que l'adossement soit fait au « juste prix », sans aucun décalage. Le problème aujourd'hui semble être celui de savoir qui paiera la soulte dont le montant s'élèvera à plusieurs dizaines de milliards d'euros.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour la branche vieillesse, a regretté que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne soit pas à la hauteur des attentes en matière de retraite. Le taux de remplacement des revenus d'activité baisse en effet régulièrement pour être aujourd'hui inférieur à 45 %, du fait principalement de la difficulté à indexer les salaires des vingt-cinq dernières années, référence utilisée pour établir le montant de la pension. Le financement de la protection sociale ne peut plus être assis uniquement sur les salaires ; si le régime contributif doit être maintenu pour la retraite, il n'en est pas de même pour la maladie. En ce qui concerne le problème de la pénibilité, les partenaires sociaux qui n'ont pu s'entendre transmettent aujourd'hui le dossier aux élus. Ceux-ci devront veiller à ne pas dévaloriser le travail et à développer les actions de prévention. Il est aussi essentiel de mieux prendre en compte la réalité du travail dans l'évaluation des carrières longues, ce que va permettre la mesure inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

En ce qui concerne le cumul emploi-retraite, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour la branche vieillesse, a souhaité connaître l'avis de Mme Danièle Karniewicz sur les possibilités ouvertes par le Gouvernement. Il a rappelé le souci constant de la commission de parvenir à une harmonisation fiscale et sociale complète des différents modes de départ en retraite. Il a insisté sur le fait que le déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV) est aujourd'hui pris en charge par la Cnav.

Enfin, il a reconnu que si l'instauration d'un régime de retraite par points ne constitue pas forcément la panacée, il permettrait de ne pas laisser perdurer la différence actuellement constatée dans les modes de calcul des pensions des régimes obligatoire et complémentaire.

Mme Danièle Karniewicz a regretté qu'on ne puisse pas actuellement afficher, de manière claire, un taux de remplacement des revenus d'activité. En effet, la Cnav d'un côté et les régimes complémentaires Agirc-Arrco (association générale des institutions de retraite des cadres-association des régimes de retraite complémentaire) de l'autre, ont des modes de gouvernance différents. Il conviendrait de susciter la création d'un mécanisme permettant de présenter un taux de remplacement cumulant ces deux éléments de la retraite. Le système actuel est en effet très anxiogène et les assurés attendent davantage d'information, de pédagogie et de transparence. Elle a réaffirmé son opposition à la mise en place d'un système de retraite obligatoire par points mais elle a insisté sur la nécessaire consolidation entre les deux niveaux actuellement existants.

Sur la pénibilité, il faudrait mettre en place un suivi des facteurs de risque et un suivi du salarié en fonction de son profil de carrière. En effet, le « curriculum laboris » n'existe pas en France, contrairement à d'autres pays. Pour que le cumul emploi-retraite soit acceptable, il faut qu'un certain nombre de conditions soient réunies, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il est en effet impératif qu'une véritable sécurité puisse être apportée au salarié par la définition d'un socle financier de base assuré par la répartition.

L'une des difficultés rencontrées tient au faible taux d'emploi des seniors. A cet égard, la mesure contraignante qui figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 est nécessaire mais la pénalité financière prévue n'est pas un objectif en soi. La Cnav n'attend d'ailleurs pas de recettes particulières de cette disposition mais plutôt le lancement d'un débat dans les entreprises et dans les branches pour faire évoluer les mentalités. De la même façon, le report de l'âge de la retraite n'est pas à ce jour une priorité puisqu'il est plus important de développer le taux d'emploi des salariés jusqu'à soixante ans. Le comportement actuel des salariés montre qu'ils souhaitent très majoritairement pouvoir partir tôt en retraite et négocier des plans sociaux qui leur soient favorables. Les employeurs également se disent gênés par l'arrêt des mises à la retraite d'office et par les pénalités en matière d'emploi des seniors. Il faudra donc veiller à ce que des licenciements ne soient pas effectués pour contourner ces mesures.

M. André Lardeux , après avoir constaté la réticence de Mme Danièle Karniewicz à l'égard d'un régime de retraite par points, a souhaité savoir quel système pourrait assurer la meilleure transparence pour l'assuré. Les systèmes à cotisations définies semblent en effet mieux fonctionner aujourd'hui que ceux à prestations définies. Il s'est ensuite interrogé sur le caractère moral d'une résolution du problème de la pénibilité au travail par l'attribution d'un avantage retraite, alors qu'il semblerait préférable d'améliorer les conditions de travail. Enfin, il a voulu connaître l'impact financier, pour la Cnav, du nouveau prélèvement effectué sur la branche famille et destiné à financer les majorations de retraite pour enfant.

M. Paul Blanc a regretté que de fortes pressions s'exercent dans le cadre des négociations sur la pénibilité. Il a cité le cas des pompiers qui ont, certes, de nombreuses astreintes à effectuer mais qui ne sont pas en permanence sur le terrain. Il a dénoncé la complicité entre les employés et les employeurs pour organiser des cessations anticipées d'activité, par exemple au titre de la maladie ou de l'invalidité.

M. Guy Fischer a fait état de la très grande inquiétude des retraités face à l'érosion de 15 % de leur pouvoir d'achat en dix ans et à la forte diminution du taux de remplacement de leurs revenus d'activité. Par ailleurs, il a voulu savoir si l'adossement des industries électriques et gazières avait pesé sur le budget de la Cnav ou si la négociation avait été neutre financièrement pour elle. Il s'est interrogé sur le montant perdu par le fonds de réserve pour les retraites (FRR) au cours des dernières semaines, en raison de la crise financière et boursière. Enfin, l'augmentation de la cotisation retraite de 0,3 % donnera-t-elle lieu à une baisse parallèle de la cotisation Unedic ?

M. François Autain a demandé si le transfert de l'excédent du FSV à la Cades sera suffisant pour permettre à celle-ci de faire face aux charges de la nouvelle dette qui lui est transmise.

Mme Danièle Karniewicz a estimé que le moyen le plus sûr de consolider le régime des retraites est d'afficher une très grande transparence, en particulier dans les conséquences des décisions. Il lui paraît légitime que chaque assuré puisse connaître le taux de remplacement de son revenu d'activité et que l'on engage une réflexion sur la période de référence permettant de calculer le montant de la pension de retraite. Elle a une nouvelle fois insisté sur le caractère plus sûr d'un système par répartition et à prestations définies. Néanmoins, il est évident que des efforts devront être engagés pour assurer la préservation de ce système, soit par une durée de cotisation plus longue, soit par un montant de cotisation plus élevé. Elle a estimé que le développement de tout autre dispositif de retraite se traduirait de toute façon par un coût supplémentaire pour les assurés. Elle a également rappelé que le taux de remplacement dans les régimes spéciaux et la fonction publique est de 75 %.

Sur la pénibilité, il est évident qu'il faut d'abord améliorer les conditions de travail, développer la prévention, diversifier les parcours professionnels, alléger la dureté de certains postes en développant des outils adaptés, favoriser les multicarrières et les changements de métier et s'appuyer sur une formation tout au long de la vie. Les risques ne sont plus seulement physiques mais également psychosociaux. Il faut bien avoir conscience qu'aujourd'hui, l'aspiration de la très grande majorité des assurés est de partir le plus tôt possible en retraite. L'évolution de tels comportements sera longue mais nécessaire.

Il est impératif qu'une plus grande lisibilité soit apportée aux besoins de financement de chacune des branches de la sécurité sociale afin de susciter un débat approfondi sur les choix à faire et les efforts de financement à engager. Or, cette réflexion est nettement insuffisante aujourd'hui. Les prochaines décisions devront en effet être construites sur des principes et des logiques. Par exemple, si les majorations des retraites pour enfant sont parfaitement justifiées, la question de leur prise en charge par la branche retraite ou par la branche famille est posée. Ce débat doit en fait être élargi à l'ensemble des avantages familiaux et conjugaux, comme le suggère le conseil d'orientation des retraites (Cor) qui a récemment lancé une série de travaux sur ces questions.

L'adossement du régime des industries électriques et gazières paraît pour l'instant avoir été bien calculé mais ce système a été construit sur une durée de vingt ans, ce qui est un vrai facteur de risque et justifie l'inscription d'une clause de révision applicable à chaque opération d'adossement.

En ce qui concerne le FRR, la crise actuelle entraîne une dépréciation des actifs, dont 60 % sont placés en actions depuis 2004, mais le capital du fonds n'a pas encore été entamé. Le FRR a l'avantage d'avoir été créé pour le long terme. Toutefois, le montant prévisionnel de 150 milliards d'euros ne sera pas atteint en 2020.

M. Vincent Poubelle, directeur chargé des statistiques et de la prospective de la Cnav, a précisé qu'en 2008 l'abondement prévu du fonds est de 1,9 milliard d'euros grâce à la recette issue du prélèvement sur les revenus du capital ; les revenus financiers sont estimés à 2,2 milliards d'euros. Ces montants sont insuffisants pour atteindre l'objectif de 2020 qui nécessiterait un versement annuel de 5 à 7 milliards d'euros.

La dette du FSV envers la Cnav est de 5,8 milliards d'euros, ce qui coûte à la caisse environ 228 millions d'euros de frais financiers. Toutefois, le transfert de la dette du FSV et du déficit de la branche vieillesse à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) devrait permettre un allégement des charges financières de l'ordre de 700 millions d'euros pour la Cnav.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


Serge Gayraud , directeur délégué aux ressources humaines, protection sociale et santé au travail de la SNCF


Franck Le Morvan , sous-directeur, Nicolas Agnoux , chef de bureau des régimes de base, de la direction de la sécurité sociale-sous-direction des retraites


Danièle Karniewicz , présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav)


Jean-Charles Willard , directeur technique de l'Agirc - Arrco


Robert Le Loup , président du conseil d'administration, Robert Cosson , directeur, Cécile Douyere , responsable du service juridique, de la caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg)


• Vincent Poubelle
, directeur chargé des statistiques et de la prospective, et Patrick Hermange , directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav)


Jean-Marc Ambrosini , responsable de l'unité politique transversale des ressources humaines, Annick Helleux, responsable de l'unité protection et prestations sociales, Pierre Bruandet , responsable de l'entité de politique sociale et salariale au sein de l'Unité Ambrosini, de la RATP


Raoul Briet , président du conseil de surveillance du fonds de réserve des retraites (FRR)


Gérard Pelhate , président, Denis Nunez , directeur de la protection sociale, Marie-Christine Bille-Merieau , de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA)

* 1 Loi n°2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

* 2 Rapport sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 n°72 (2007-2008)- Dominique Leclerc- Tome IV- Assurance vieillesse ;  Rapport d'information de la Mecss n° 377 (2006-2007) - « Réformer la protection sociale : les leçons du modèle suédois » - Alain Vasselle et Bernard Cazeau ; Rapport d'information de la Mecss n°403 (2006-2007) - «Finances sociales : après la rechute, la guérison ?» - Alain Vasselle.

* 3 Les pensions de retraite avaient été revalorisées de 1,8 % au 1 er janvier 2007. Elles ont été réévaluées de 1,1 % au 1 er janvier 2008. Par ailleurs, une augmentation exceptionnelle de 0,8 % est intervenue au 1 er septembre dernier portant la revalorisation des pensions en 2008 à 1,4 % en moyenne annuelle.

* 4 Cette stabilisation des dépenses relatives au départ anticipé pour carrière longue s'explique par le durcissement des conditions d'éligibilité au dispositif.

* 5 En effet, les conditions de durées validées et cotisées exigées pour un départ en retraite anticipée sont exprimées en fonction de la durée légale d'assurance. Les conditions d'éligibilité à la retraite anticipée s'élèvent donc pour les assurés des générations 1950 et suivantes, à compter du 1 er janvier 2009.

* 6 Rapport du conseil d'orientation des retraites - Mars 2006.

* 7 Sans compter la soulte versée au titre de l'adossement des régimes de retraite des industries électriques et gazières, soit 3,8 milliards d'euros fin 2007, et les plus-values latentes.

* 8 Cet objectif figure à l'article 4 de la loi du 21 août 2003.

* 9 Décret n° 2008-241 du 7 mars 2008.

* 10 Ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 portant simplification du minimum vieillesse.

* 11 Avis du Cor du 9 novembre 2004 ; Rapport d'information de la Mecss n° 314 (2006-2007) - « Transparence, équité, solidarité : les trois objectifs d'une réforme de la réversion » - Dominique Leclerc et Claude Domeizel.

* 12 La mesure sera mise en oeuvre en deux temps. Le 1 er janvier 2009, elle s'appliquera aux 197 000 retraités ayant plus de 22,5 ans de carrière dans l'agriculture. Le 1 er janvier 2011, elle sera étendue à ceux qui justifient au moins de 17,5 années de carrière agricole, soit 35 000 personnes.

* 13 La bonification de pension pour enfant correspond à une majoration de 10% de la pension attribuée aux assurés ayant eu ou élevé au mois trois enfants. Cette bonification pour enfant est accordée à chacun des deux parents et concerne les droits propres comme les droits dérivés.

* 14 Notamment lors de l'examen des projets de loi de finances de 2005 à 2008.

* 15 Proposition de loi n°366 (2006-2007) mettant fin à l'indemnité temporaire majorant la retraite des fonctionnaires de l'Etat dans certains territoires d'outre-mer.

* 16 Christian Monteil et Isabelle Robert-Bobée (2005), « Les différences sociales de mortalité : en augmentation chez les hommes, stables chez les femmes », Insee Première n°1025.

* 17 Rapport d'information de la Mecss n° 377 (2006-2007) - « Réformer la protection sociale : les leçons du modèle suédois » - Alain Vasselle et Bernard Cazeau ; Rapport d'information de la Mecss n° 439 (2005-2006) - « Préserver la compétitivité du site Allemagne : les mutations de la protection sociale outre-Rhin » - Alain Vasselle et Bernard Cazeau.

* 18 Premier rapport du conseil d'orientation des finances publiques, février 2007.

* 19 Rapport d'information de la Mecss n°403 (2006-2007) - «Finances sociales : après la rechute, la guérison ?» - Alain Vasselle.

* 20 Rapport précité.

* 21 Rapport précité.

* 22 Rapport précité.

* 23 Passage de 40 ans à 41 ans ½ au régime général et de 37 ans ½ à 41 ans ½ pour les fonctionnaires.

* 24 Avoir la durée requise pour bénéficier du taux plein dès l'âge de soixante ans peut conduire l'assuré à partir, avant comme après la réforme, à l'âge de soixante ans, et ne pas avoir la durée requise pour bénéficier du taux plein à l'âge de soixante-cinq ans peut amener les assurés à partir, avant comme après la réforme, à l'âge de soixante-cinq ans (cf. Cinquième rapport du Cor).

* 25 Rapport d'information de la Mecss n° 377 (2006-2007) - « Réformer la protection sociale : les leçons du modèle suédois » - Alain Vasselle et Bernard Cazeau.

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