B. LA MISE EN oeUVRE DE CERTAINES RÉFORMES DE LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE DE JUILLET 2008 SUPPOSE UNE INTERVENTION RAPIDE DU LÉGISLATEUR

La création de députés élus par les Français établis hors de France et l'institution d'une commission indépendante amenée à rendre un avis public sur les opérations de redécoupage doivent désormais être précisées par le législateur pour entrer en vigueur.

Il en va de même pour le nouveau dispositif de remplacement temporaire au Parlement des parlementaires ayant accepté des fonctions gouvernementales.

1. L'instauration d'une commission indépendante chargée de donner un avis public sur les textes délimitant les circonscriptions législatives

Pour conférer plus de transparence aux opérations de redécoupage des circonscriptions électorales, le constituant a complété l'article 25 de la Constitution pour prévoir qu'une « commission indépendante (...) se prononce par un avis public sur les projets de texte 13 ( * ) et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. »

En excluant en revanche les avis de la commission sur les projets qui viendraient modifier les circonscriptions de l'élection des sénateurs, le constituant, à la demande du Sénat, a souhaité rappelé que les sénateurs étaient élus dans des territoires clairement définis et pérennes, départements ou collectivités d'outre-mer.

Cette commission indépendante, faisant écho à la « commission de sages » évoquée ci-dessus, qui avait eu un rôle majeur dans le redécoupage des circonscriptions législatives de 1986, a été suggérée par le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V ème République présidé par M. Edouard Balladur (proposition n° 64) pour veiller au respect de l'impartialité des opérations de redécoupage des circonscriptions électorales.

Lors des débats sur la révision constitutionnelle, si les modalités pratiques de l'indépendance de la commission et le calendrier de son installation avaient suscité plusieurs interrogations, l'instauration de cette commission avait fait consensus.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux, avait par ailleurs affirmé clairement la compétence de la commission pour se prononcer sur le prochain redécoupage des circonscriptions législatives :

«... je tiens à préciser que M. Marleix, qui est placé auprès de Michèle Alliot-Marie, prépare effectivement les travaux de redélimitation des circonscriptions. Ceux-ci seront soumis à la commission que nous souhaitons créer afin qu'elle expertise le projet et rende un avis qui permettra d'éclairer la décision (...)

Enfin, l'entrée en vigueur de ce dispositif ne fait pas l'objet d'une disposition spécifique puisqu'elle dépend de la loi qui déterminera l'organisation et le fonctionnement de la commission. Le Gouvernement prend l'engagement de saisir le Parlement avant la fin de l'année. » 14 ( * )

L'article 25 modifié de la Constitution précise en effet qu'une loi doit fixer la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement de la commission.

Cette dernière doit donc être rapidement adoptée pour que la commission puisse être mise en place à temps pour examiner le projet de remodelage des circonscriptions du Gouvernement.

2. La création de sièges de députés élus par les Français établis hors de France

Jusqu'à l'adoption de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, les Français établis hors de France n'avaient pas le droit d'élire des députés à l'étranger. Ils pouvaient en revanche (et peuvent toujours) voter aux élections législatives dans une commune française avec laquelle ils entretiennent un lien particulier et sur la liste électorale de laquelle ils peuvent s'inscrire.

En outre, ils sont toujours représentés au Sénat par douze sénateurs , en pratique désignés par les membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger 15 ( * ) .

Conformément à une recommandation de l'Assemblée des Français de l'étranger et à une promesse de campagne du candidat à l'élection présidentielle Nicolas Sarkozy, le constituant a modifié l'article 24 de la Constitution pour prévoir en son cinquième alinéa que « les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat ».

De là, en principe, le nombre de ces députés doit être fixé par une loi organique, la répartition des sièges étant prévue par une loi ordinaire .

Lors des débats de première lecture au Sénat sur la révision constitutionnelle, le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, M. Roger Karoutchi, avait évoqué la possibilité de créer une douzaine de sièges-par parallélisme avec le nombre de sénateurs 16 ( * ) . Cependant, le 1 er octobre, M. Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales, a indiqué que ce nombre pourrait être fixé entre sept et neuf députés .

La création des sièges de ces nouveaux élus -qui doit être effectuée en même temps que le redécoupage des circonscriptions existantes- doit s'insérer dans le plafond constitutionnel de 577 députés, désormais posé par l'article 24 de la Constitution, et la création des sièges correspondant suppose la suppression d'au moins autant de sièges dans d'autres circonscriptions.

Cette réforme pose également la question du choix de la délimitation des circonscriptions et du mode de scrutin pour l'élection de ces nouveaux députés. A cet égard, le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, avait indiqué devant le Sénat que ces députés seraient probablement élus au « scrutin majoritaire par zones géographiques » 17 ( * ) .

3. L'institution d'un mécanisme de remplacement temporaire des parlementaires devenus ministres

La V ème République a institué une stricte incompatibilité entre un mandat parlementaire et l'exercice d'une fonction gouvernementale , qui impose aux parlementaires devenant ministres de choisir entre leur mandat ou leur fonction 18 ( * ) .

En complément, l'article 25 prévoit qu'une loi organique fixe les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu'au renouvellement général ou partiel de l'assemblée à laquelle ils appartenaient .

En pratique, députés et sénateurs élus au scrutin majoritaire dont le siège est vacant pour cause d'acceptation de fonctions gouvernementales sont remplacés par leur « suppléant » dans le mois suivant le délai d'un mois partant de la nomination au Gouvernement du parlementaire à l'expiration duquel l'incompatibilité entre ces fonctions et un mandat parlementaire prend effet 19 ( * ) .

Les sénateurs élus à la représentation proportionnelle qui accèdent à des fonctions gouvernementales (ou dont le siège est vacant pour quelque cause que ce soit) sont remplacés dans le même délai par le premier suivant de liste non élu 20 ( * ) .

Cependant, si ces dispositions ne peuvent être appliquées et si aucun renouvellement de l'assemblée concernée n'a lieu dans l'année, une élection partielle doit être organisée dans les trois mois afin de pourvoir le siège vacant 21 ( * ) .

Cette procédure, instituée pour garantir une indépendance organique du pouvoir exécutif par rapport aux assemblées, dans un souci de stabilité du nouveau régime, a ultérieurement été critiquée en particulier parce qu'elle entraîne l'impossibilité pour le parlementaire - ministre de participer aux scrutins dans son assemblée pendant son délai d'option et la multiplication d'élections partielles provoquées par la démission des anciens suppléants de leur mandat parlementaire, multiplication que la Constitution cherchait précisément à limiter.

De plus, cette procédure peut être source de tensions politiques résultant de la pression exercée sur le parlementaire « remplaçant » par l'ancien titulaire du siège devenu ministre et souhaitant retrouver son mandat à l'issue de ses fonctions gouvernementales.

Aussi, en 1974, le Président Giscard d'Estaing proposa au Parlement d'adopter un projet de loi constitutionnelle, qui rédigeait ainsi le second alinéa de l'article 25 de la Constitution : « [Une loi organique] fixe également les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer le remplacement des députés et des sénateurs, en cas de vacance du siège, jusqu'au renouvellement total ou partiel de l'assemblée à laquelle ils appartenaient, ou leur remplacement temporaire en cas d'acceptation de fonctions gouvernementales ».

Adopté par les deux assemblées, il ne fut jamais inscrit à l'ordre du jour du Congrès, faute de majorité suffisante .

Deux propositions de loi organique, adoptées par les chambres en 1977 , tentèrent de se substituer au constituant pour permettre au titulaire initial du siège de retrouver celui-ci de plein droit (sans élection partielle) en cas de démission ou de décès du suppléant, mais le Conseil constitutionnel jugea ces textes contraires à l'article 25 de la Constitution 22 ( * ) .

C'est pourquoi, conformément aux recommandations du Comité Balladur 23 ( * ) , la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 a modifié le second alinéa de l'article 25 de la Constitution en reprenant la rédaction de la réforme inaboutie de 1974.

De plus, le constituant a prévu que ce dispositif de remplacement temporaire serait applicable « aux députés et sénateurs ayant accepté des fonctions gouvernementales antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi organique prévue (...) si, à cette même date, ils exercent encore ces fonctions et que le mandat pour lequel ils avaient été élus n'est pas encore expiré » 24 ( * ) .

Désormais, sont nécessaires une loi organique pour l'entrée en vigueur du dispositif conformément aux dispositions de l'article 25 de la Constitution et une loi ordinaire pour étendre ces règles aux représentants français au Parlement européen qui seraient amenés à exercer des fonctions gouvernementales.

* 13 L'expression « projets de texte » permet de faire référence aux projets de loi, mais aussi aux projets d'ordonnances et de décrets. A cet égard, on peut rappeler que le découpage des cantons, qui relève du seul pouvoir réglementaire, sera lui aussi soumis à l'avis public de la commission.

* 14 Sénat, séance publique du 20 juin 2008.

* 15 Au nombre de 155 en 2009, ces membres sont élus pour six ans par les Français établis hors de France inscrits sur les listes électorales consulaires, tenues par les postes consulaires et certaines ambassades, et renouvelables par moitié (séries A et B). Ils sont élus au scrutin majoritaire à un tour (circonscriptions élisant un ou deux conseillers) ou à la représentation proportionnelle en suivant la règle de la plus forte moyenne (circonscriptions élisant trois conseillers ou plus).

* 16 Sénat, séance publique du 20 juin 2008.

* 17 Voir note de bas de page n° 2.

* 18 Article 23 de la Constitution.

* 19 Articles L.O. 176-1, L.O. 177 et L.O. 319 du code électoral.

* 20 Article L.O. 320 du code électoral.

* 21 Articles L.O. 178 et L.O. 322 du même code.

* 22 Décision n° 77-80/81 DC du 5 juillet 1977- lois organiques complétant les articles L.O. 176, L.O. 319 et L.O. 320 du code électoral.

* 23 Selon le Comité, cette réforme aura le double avantage, « sans mettre à mal la solidarité gouvernementale, de renforcer l'autorité des ministres et de favoriser un renouvellement plus apaisé des membres du Gouvernement ».

* 24 III de l'article 46 de la loi constitutionnelle n° 2008-724.

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