Rapport n° 524 (2008-2009) de M. Adrien GOUTEYRON , fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 juillet 2009

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N° 524

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2008-2009

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d' impôts sur les revenus ,

Par M. Adrien GOUTEYRON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Henri de Raincourt, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

452 et 525 (2008-2009)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 452 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus .

Cet avenant, signé le 12 décembre 2008 , vient modifier la convention fiscale franco-belge, signée à Bruxelles le 10 mars 1964 1 ( * ) , dont l'article 11.2.c prévoit que les rémunérations des travailleurs salariés frontaliers sont imposables dans leur État de résidence et non dans celui de l'exercice de leur activité.

L'interprétation restrictive de cette clause par les autorités fiscales belges a conduit à la négociation du présent avenant. En effet, selon la partie belge, un travailleur frontalier exerçant une seule journée de son activité hors de la zone frontalière perd le bénéfice du régime fiscal des travailleurs frontaliers.

C'est pourquoi, mettant fin à la divergence d'interprétation de la convention fiscale, le présent avenant a pour objet de maintenir le régime fiscal de la zone transfrontalière jusqu'au 31 décembre 2033 au bénéfice des résidents de France.

Ainsi, il tend à sécuriser la situation fiscale des salariés résidents de la zone frontalière française exerçant leur activité dans la zone frontalière belge en proposant de préciser les modalités d'application du régime fiscal des travailleurs frontaliers, notamment en matière de calcul des jours travaillés hors de la zone frontalière. Il vise également à prendre en compte la situation de travailleurs saisonniers, intérimaires ainsi que des salariés qui viendraient à perdre leur emploi.

Le projet de convention a déjà été ratifié par la Belgique. Le texte a en effet été examiné par le Sénat belge le 7 mars 2009 puis par la Chambre le 26 mars 2009.

I. L'ENJEU DES NÉGOCIATIONS : LE MAINTIEN DU RÉGIME DES TRAVAILLEURS FRONTALIERS

A. LE FONCTIONNEMENT DE LA ZONE TRANSFRONTALIÈRE...

Aux termes de l'article 11.2.c. de la convention franco-belge du 10 mars 1964 modifiée, le régime des travailleurs frontaliers s'applique à un salarié exerçant son activité dans un Etat et résidant dans l'autre Etat, au sein d'une zone frontalière de vingt kilomètres de part et d'autre de la frontière.

Celui-ci est imposé dans son Etat de résidence sur les revenus de son activité. Ce dispositif déroge au principe posé par le modèle de l'OCDE qui prévoit que les rémunérations versées sont imposables dans l'Etat d'exercice et non dans celui de la résidence.

En conséquence, les travailleurs frontaliers résidant en Belgique et exerçant leur activité salariée dans la zone frontalière française sont imposables en Belgique. Les personnes résidant en France et exerçant leur activité salariée dans la zone frontalière belge sont imposables en France.

Il apparaît que ce régime est fortement attractif pour les salariés résidents de France exerçant dans la zone frontalière belge en raison de la très forte disparité des niveaux d'imposition français et belge. La fiscalité belge pesant sur les revenus des personnes est en effet sensiblement plus élevée pour les bas salaires.

Fiscalité belge

Régime de l'impôt sur le revenu des personnes physiques non résidentes en Belgique

Les personnes physiques dont le domicile fiscal est situé hors de Belgique sont passibles de l'impôt des non résidents à raison de leurs seuls revenus de source belge. Ces revenus sont soit soumis à un taux proportionnel spécifique, soit soumis à l'impôt progressif.

Revenus soumis à l'impôt selon un taux proportionnel spécifique

Cet impôt, retenu à la source, revêt un caractère libératoire. Il concerne essentiellement les dividendes (taux de 25 % ou 15 %), les intérêts non exonérés (15 %), les revenus des artistes du spectacle et sportifs (18 %) et les plus-values privées de cession de biens immobiliers (16,5 % ou 33 % selon le cas).

Revenus soumis à l'impôt progressif

Les revenus fonciers, les bénéfices tirés d'une activité professionnelle indépendante par l'intermédiaire d'un établissement stable en Belgique, les bénéfices des professions libérales, les traitements et salaires et revenus de remplacement sont globalisés et soumis par voie déclarative à l'impôt progressif applicable aux personnes physiques résidentes. ( cf . le second encadré, ci-après)

En principe, les contribuables non-résidents ne peuvent pas prétendre à la prise en compte de leur situation de famille et de certaines charges personnelles.

Cependant, si le contribuable a disposé d'un foyer d'habitation en Belgique pendant l'année fiscale ou s'il a recueilli des revenus professionnels imposables en Belgique, l'impôt est déterminé selon les mêmes règles que celles applicables aux résidents à condition que ces revenus s'élèvent à 75 % au moins du total de leurs revenus professionnels de sources belge et étrangère,

Source : Direction générale des finances publiques

A l'inverse, les résidents belges exerçant leur activité en France ont tout intérêt à sortir du régime frontalier afin d'être imposés sur le territoire français.

Fiscalité belge Barème d'imposition des revenus des personnes physiques résidentes en Belgique

Le barème applicable aux revenus perçus en 2008 comporte cinq tranches :

Tranches de revenu Taux

De 1 à 7 560 €

25 %

de 7 560 à 10 760 €

30 %

de 10 760 à 17 920 €

40 %

de 17 610 à 32 860 €

45 %

au-delà de 32 860 €

50 %

Source : Direction générale des finances publiques

B. LA MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION FISCALE DE 1964

Aux termes de l'article 11.2.c de la convention modifiée, est éligible au régime des travailleurs frontaliers la personne « résident d'un Etat contractant qui exerce son activité dans la zone frontalière de l'autre Etat contractant et qui a son foyer d'habitation permanent dans la zone frontalière du premier Etat. » Aucune exception ou dérogation à la règle n'est prévue par la convention.

Alors que l'exercice d'une partie des activités professionnelles hors de la zone frontalière faisait perdre le bénéfice du régime puisque que la convention ne prévoyait pas d'exception, aucune définition de la notion de « sortie de zone » n'était donnée.

Les autorités belges ont pour leur part, de 1998 à 2004, prévu la possibilité pour un frontalier de sortir jusqu'à quarante-cinq jours par an de la zone, dans le cadre de son activité professionnelle, sans perdre le bénéfice du régime.

Puis en 2004, une nouvelle interprétation des autorités belges s'est progressivement affirmée, aux termes de trois circulaires 2 ( * ) . La première a spécifié que l'activité devait être exercée de manière exclusive dans la zone frontalière de façon à interdire toute sortie. En conséquence, la qualité de travailleur frontalier est perdue dès lors que celui-ci quitte la zone frontalière, ne serait-ce que quelques instants, dans le cadre de son activité professionnelle. La seconde a confirmé la suppression de la règle des quarante-cinq et admet par tolérance quelques sorties exceptionnelles destinées notamment au besoin de formation sur deux journées.

Cette nouvelle approche s'est accompagnée de nombreux contrôles fiscaux ainsi que de l'entrée en vigueur depuis le 1 er septembre 2006 d'une obligation déclarative incombant aux employeurs de salariés bénéficiant du régime de travailleur frontalier. Les contrôles et cette nouvelle obligation ont conduit de nombreux employeurs à appliquer systématiquement à leurs employés français la retenue à la source sur salaire, de l'ordre de 25 %, prévue par le droit belge.

Ce prélèvement systématique d'une retenue a entraîné une baisse brutale des salaires nets perçus par certains frontaliers . Les redressements subis ont créé de fortes tensions au sein de la communauté des travailleurs frontaliers. Celle-ci a mobilisé les élus, tandis que la Fédération des entreprises belges a fait part au Ministre belge de ses préoccupations.

Cette interprétation par les autorités belges de l'article précité visait non seulement à lutter contre les domiciliations abusives mais également à inciter la partie française à accepter un cycle de négociations tendant à revoir les modalités du régime.

En effet, le régime présente pour les autorités belges un coût budgétaire important lié à la fiscalisation des salaires des travailleurs concernés en France . En outre, l'écart d'imposition entre la Belgique et la France permet aux travailleurs frontaliers résidant en France d'accepter des salaires bruts moins élevés. Enfin, les autorités belges tendent à lutter contre une fraude importante. De nombreux salariés belges se domicilient fictivement en France ou sortent à dessein de la zone frontalière française où ils exercent leur activité, afin d'échapper à l'impôt belge sur le revenu.

C'est pourquoi, la Belgique a obtenu la renégociation des régimes frontaliers similaires avec les Pays-Bas et le Luxembourg.

Dès 2006, confrontée à la détérioration de la situation des travailleurs frontaliers résidant en France, l'administration fiscale française a sollicité l'ouverture de discussions afin de définir d'un commun accord des modalités pratiques raisonnables de nature à permettre aux travailleurs frontaliers, de part et d'autre, de bénéficier effectivement des dispositions de la convention.

Un premier projet a été signé le 13 décembre 2007 . Répondant à la mobilisation des entreprises flamandes, principaux employeurs des frontaliers français, pour le maintien du régime des travailleurs, la partie belge a exprimé, en avril 2008, le souhait de modifier l'avenant afin de repousser au 31 décembre 2011 la suppression du régime des travailleurs frontaliers pour de nouveaux entrants, au lieu du 31 décembre 2008.

Le nouvel avenant a ainsi pu être signé le 12 décembre 2008.

C. DES RELATIONS ÉCONOMIQUES FRAGILISÉES PAR LA CRISE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Votre rapporteur observe que l'enjeu du maintien de la zone transfrontalière se situe dans un contexte économique difficile.

Alors que la Belgique est une économie largement ouverte sur le reste du monde, son commerce extérieur a été rapidement et plus sensiblement que d'autres affecté par la crise. Nos voisins ont également été particulièrement touchés par la crise financière qui a déstabilisé certaines de leurs institutions bancaires les plus emblématiques (Dexia, Fortis, KBC...). Ils doivent faire face à des problèmes structurels importants, aggravés par un dispositif social de faible employabilité et par le vieillissement de la population. Le coût des enjeux grandit alors que les incertitudes politiques et institutionnelles limitent la capacité du pays à répondre efficacement aux défis qui se présentent à lui.

S'agissant de l'activité transfrontalière, l'industrie reste en 2005 le principal secteur d'activité des travailleurs venus des États voisins (46 %). Or ce secteur est gravement touché par les difficultés économiques.

Situation économique de la Belgique

Dans le contexte de crise financière globale ayant entrainé un recul de 6 % des importations mondiales de marchandises au dernier trimestre 2008, l'économie belge, très internationalisée, voit son activité à l'international fortement réduite. Dans la continuité d'un 4 ème trimestre 2008 morose, importations et exportations se sont très fortement contractées (respectivement - 16,3 % et - 17 %) en moyenne mensuelle sur le premier trimestre 2009. Les transactions intracommunautaires sont les plus durement touchées, alors que les importations hors Union européenne ne subissent que très peu l'influence de la crise (- 2,3 %).

Sans anticiper de reprise de l'activité globale, les prévisions sont toutefois plus optimistes pour l'ensemble de l'année avec des baisses limitées à - 8,9 % pour les exportations et de - 7,7 % pour les importations. Au total, la balance commerciale affecterait négativement la croissance à hauteur de - 1,3 point en 2009.

Source : Mission économique à Bruxelles

II. UN NOUVEAU LIEN CONVENTIONNEL CONFORME À L'INTÉRÊT DE LA FRANCE DE MAINTENIR LE RÉGIME FRONTALIER EN FAVEUR DES RÉSIDENTS DE FRANCE

A. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION

En premier lieu, l'article 1 er de l'avenant vise à proroger , jusqu'au 31 décembre 2033, le régime des travailleurs frontaliers au profit des résidents de France qui y seront soumis au 31 décembre 2011 3 ( * ) .

En revanche, le dispositif est supprimé pour les travailleurs frontaliers résidant en Belgique et travaillant en zone transfrontalière française puisqu'ils seront désormais imposables en France, respectant ainsi le modèle de convention de l'OCDE.

En effet, l'article 2 de l'avenant crée un Protocole additionnel relatif aux travailleurs frontaliers, annexé à la convention.

Il définit tout d'abord la zone frontalière de chaque Etat contractant :

- d'une part, par les communes situées dans la zone délimitée par la frontière commune aux Etats contractants et une ligne tracée à une distance de vingt kilomètres ;

- d'autre part, par toutes les autres communes considérées comme comprises dans la zone frontalière de l'un des deux Etats avant le 1 er janvier 1999.

Cette seconde disposition vise à réintégrer dans la liste des communes composant la zone frontalière les communes de Châtelet, Fleurus et Dentergem qui en avaient été exclues par une circulaire du 25 juin 2008 établie unilatéralement par les autorités belges. Cette clause consacre dorénavant le principe selon lequel une commune qui a été considérée comme appartenant à la zone frontalière avant le 1 er janvier 1999 ne peut en être exclue pour l'application du présent avenant.

Il est précisé que les autorités belges se sont engagées à suspendre l'application de la circulaire du 25 juin 2008 jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant.

Celui-ci définit ensuite les modalités d'application du régime des travailleurs frontaliers de manière à éviter les divergences d'interprétation entre les parties à la convention ainsi qu'à garantir une sécurité juridique à ces bénéficiaires. Ainsi, l'avenant a pour objet de préciser les modalités de décompte des jours hors de la zone frontalière de la manière suivante :

- s'agissant de la période de 2003 à 2008, les frontaliers résidents de France se voient garantir le bénéfice du régime à condition de ne pas exercer leurs activités en dehors de la zone frontalière plus de quarante-cinq jours par an, aux termes du point 4 du Protocole. Cette tolérance de quarante-cinq jours, d'application rétroactive, a pour effet de mettre un terme aux très nombreux redressements effectués par les autorités belges à l'encontre des bénéficiaires de France.

Il est également précisé qu'une fraction de journée de sortie de zone sera comptée pour un jour entier et que les trajets hors de la zone frontalière effectués par des travailleurs du secteur des transports ne seront pas comptabilisés s'ils n'excédent pas un quart de la distance totale parcourue pour l'exercice de l'activité ;

- quant à la période 2009 à 2011 , les frontaliers résidant en France se voient garantir le bénéfice du régime à condition de pas exercer leurs activités en dehors de la zone frontalière plus de trente jours par année civile aux termes du point 4 du Protocole. Les modalités de décompte de ce nombre de jours sont identiques à celles prévues par le point 7 du Protocole ( cf. ci-après) également applicable à compter du 1 er janvier 2012.

A compter du 1 er janvier 2012 , le maintien du régime transfrontalier ne bénéficiera plus qu'aux travailleurs frontaliers résidant en France qui bénéficiaient du régime des travailleurs frontaliers au 31 décembre 2011, selon le point 5 du Protocole. En conséquence, ils continueront à en bénéficier pour une période vingt-deux ans, sous réserve de satisfaire de manière ininterrompue à l'ensemble des conditions suivantes :

maintenir leur foyer permanent d'habitation dans la zone frontalière française et leur activité salariée dans la zone frontalière belge.

Le protocole précise que lors des absences dues à des circonstances telles que maladie, accident, congés d'éducation payés, congés ou chômage, l'activité salariée dans la zone frontalière de la Belgique est considérée comme exercée de manière continue ;

ne pas sortir plus de trente jours par année civile, dans l'exercice de leur activité, de la zone frontalière belge.

Le point 7 du Protocole précise toutefois que sont exclus du décompte des trente jours :

- les cas de force majeure échappant à la volonté de l'employeur et du travailleur ;

- le transit occasionnel par la zone non frontalière de la Belgique en vue de rejoindre un endroit situé dans la zone frontalière de la Belgique ou hors de Belgique ;

- les trajets hors zone frontalière effectués par le travailleur, dans le cadre d'une activité de transport, dans la mesure où la distance totale parcourue hors zone frontalière n'excède pas le quart de l'ensemble de la distance parcourue lors des trajets nécessaires à l'exercice de cette activité ;

- les activités inhérentes à la fonction de délégué syndical ;

- la participation à un comité pour la protection et la prévention dans le travail, à une commission paritaire, à une réunion de la fédération patronale, à un conseil d'entreprise ou à une fête du personnel ;

- les visites médicales ;

- les sorties pour formation professionnelle n'excédant pas 5 jours ouvrés par année civile.

Une fraction de journée de sortie de zone sera comptée pour un jour entier.

Si l'une des conditions n'est pas remplie, le bénéfice du régime des travailleurs frontaliers est perdu. Toutefois, cette perte ne concerne que l'année considérée si c'est la première fois que le résident de France ne respecte pas l'une des conditions.

Enfin, le point 6 du Protocole prend en compte la situation particulière de certaines catégories de personnes . Il tend à faire bénéficier les travailleurs frontaliers saisonniers du régime des frontaliers, tels que les personnels de renfort et intérimaires, dont la durée de l'activité exercée dans la zone frontalière belge n'excède pas quatre-vingt-dix jours prestés par année civile. Ils pourront, en effet, sortir de la zone frontalière sans remise en cause du régime dans la limite d'un nombre de jours plafonné à 15 % du nombre de jours travaillés.

En outre, le point 5 permet aux personnes sans emploi ayant leur foyer permanent d'habitation dans la zone frontalière française, mais qui ne peuvent se prévaloir d'une activité à la date du 31 décembre 2011 dans la zone frontalière belge, de bénéficier du régime des travailleurs frontaliers pendant vingt-deux ans, à condition d'avoir exercé une activité salariée pendant trois mois dans la zone frontalière belge au cours de l'année 2011.

Le maintien du régime frontalier en faveur des travailleurs résidant en France et travaillant dans la zone belge, d'une part ainsi que de la perte d'impôt sur le revenu corrélative subie par la Belgique sur les salaires de ces travailleurs, d'autre part, ont donné lieu à une compensation financière par la France aux termes de l'article 4 de l'avenant.

Cette compensation annuelle, dont le montant initial forfaitaire est de vingt-cinq millions d'euros, sera révisée tous les trois ans de telle façon que le montant en sera revu à la baisse afin de tenir compte de l'arrêt d'activité de certains transfrontaliers.

Enfin, l'article 5 de l'avenant prévoit les modalités d'entrée en vigueur de l'avenant conformément à la pratique habituelle.

B. UNE SÉCURISATION DE LA SITUATION DE PLUS DE 25.000 TRANSFRONTALIERS RÉSIDANT EN FRANCE

Votre rapporteur se félicite que le présent avenant permette de sécuriser l'emploi des frontaliers résidant en France et exerçant une activité salariée dans la zone frontalière belge.

En effet, l'enjeu du présent avenant réside dans le maintien jusqu'en 2033 d'une activité transfrontalière au profit des plus de 25.000 frontaliers résidents de France, d'après une étude de l'Insee réalisée en 2005, contre près de 6.000 travailleurs du coté belge.

Évolution du nombre de travailleurs frontaliers résidant en Nord-Pas-de-Calais et travaillant en Belgique

Année

Travailleurs frontaliers

Taux de croissance annuel moyen en %

1990

7.060

8,2

7,8

1999

14.370

2005

22.550

Source : INSEE

En effet, un frontalier résidant en France et travaillant dans la zone frontalière belge n'aurait non seulement aucun intérêt économique à franchir la frontière chaque jour s'il est imposé en Belgique, mais il s'exposerait en outre au chômage en France.

Votre rapporteur s'est interrogé sur le montant de la compensation . Il a tout d'abord relevé que celle-ci n'est pas spécifique à la relation franco-belge puisque le Gouvernement luxembourgeois s'est engagé en 2004 à verser une compensation financière à l'Etat belge, à charge pour celui-ci de la redistribuer aux communes au prorata des revenus exonérés de leurs résidents qui perçoivent leurs revenus professionnels dans le Grand-Duché du Luxembourg.

Il constate également que le Gouvernement français a conclu des conventions fiscales dont les dispositions sont similaires au présent avenant, notamment avec la Suisse.

Ces conventions établissent un régime des travailleurs frontaliers permettant l'imposition des rémunérations des intéressés dans leur Etat de résidence et donnant lieu à une compensation financière.

En outre, votre rapporteur relève que le montant de la compensation a fait l'objet d'âpres négociations, s'agissant de son mode de calcul ainsi que de sa base de calcul. Les discussions bilatérales avaient révélé des désaccords sur le nombre de travailleurs frontaliers résidant en France.

Votre rapporteur se félicite que le Gouvernement français ait obtenu que celle-ci soit révisée tous les trois ans par application d'un ratio entre le montant global des salaires bruts perçus l'année n et le montant global des salaires bruts perçus en 2011. Son mode de calcul devrait ainsi conduire à une diminution de son montant au fur et à mesure que le nombre de travailleurs transfrontaliers diminuera.

En conséquence, les bénéfices pour la partie française du maintien du régime fiscal propre à la zone transfrontalière franco-belge en matière d'emploi et d'économie locale devraient être supérieurs à l'octroi de la compensation pour pertes fiscales à la partie belge.

Votre rapporteur tient à souligner l'importance de l'enjeu économique et humain de l'adoption du projet de loi autorisant le présent avenant .

S'agissant du bénéfice économique , les départements les plus concernés par le maintien de cette zone sont bien sûr les départements frontaliers : la Meurthe et Moselle, la Meuse, les Ardennes, l'Aisne et le Nord pour lesquels le maintien du régime fiscal des transfrontaliers est essentiel . La plupart des pôles économiques sont établis de part et d'autre de la frontière notamment dans les anciens bassins miniers et sidérurgiques tels que Valenciennes-Mons et Maubeuge-Charleroi.

S'agissant de l'enjeu humain de cet avenant, votre rapporteur relève que la population de ces départements est particulièrement touchée par la crise économique. Il s'agit pour plus de la moitié d'entre elle (63 %) d'ouvriers non qualifiés. Leur mobilité constitue donc un facteur essentiel de la lutte contre le chômage. Celle-ci ne saurait être entravée par une interprétation fiscale défavorable à ces travailleurs. A titre d'illustration, un actif lorrain sur onze est un travailleur frontalier.

Or, votre rapporteur tient à souligner une nouvelle fois que le niveau d'imposition sur le revenu en Belgique est plus élevé qu'en France, s'agissant des bas salaires comme l'indique le diagramme ci-dessous.

Surcoût de l'impôt sur le revenu belge par rapport à l'impôt sur le revenu français : ménage avec 2 revenus et 2 enfants

REVENUS

Impôt belge

Impôt français

Surcoût de l'impôt belge

Euro

Euro

Euro

Euro

15 000

0

0

0

25 000

3327

0

3327

35 000

7800

644

7156

45 000

12382

2066

10316

55 000

16917

3487

13430

65 000

21545

5217

16328

75 000

26443

7315

19128

85 000

31342

9413

21929

95 000

36276

12128

24148

105 000

41371

14902

26469

115 000

46551

18021

28530

125 000

51803

21185

30618

135 000

57055

24514

32541

Le dispositif de l'avenant représente un réel levier pour l'emploi dans ces régions transfrontalières. En effet, dès lors qu'ils sont moins imposés, les travailleurs frontaliers conservent un pouvoir d'achat satisfaisant tout en constituant une main d'oeuvre attractive pour les entreprises de la zone frontalière belge.

Votre rapporteur se félicite que le Gouvernement français ait pu obtenir non seulement le report de la date de suppression du régime, mais la prise en compte des assouplissements souhaités par les représentants de travailleurs frontaliers et leurs élus notamment en faveur des salariés ayant perdu leur emploi ou des intérimaires.

S'agissant des modalités de calcul des jours de sortie de la zone transfrontalière, votre rapporteur souligne que la combinaison de la tolérance de trente jours avec la liste précitée de situations non comptabilisées constitue un assouplissement certain des conditions d'application du régime et une réelle avancée pour les travailleurs frontaliers. Elle contribue en outre à une plus grande transparence des règles applicables.

Votre rapporteur espère donc que la mise en oeuvre de l'avenant par chaque partie sera conforme à sa lettre ainsi qu'à son esprit, notamment en matière de comptabilisation des jours de sortie. S'interrogeant sur certaines dispositions du texte 4 ( * ) de la partie belge autorisant l'approbation de l'avenant, il a reçu l'assurance des services du Gouvernement que les différentes dispositions répondaient aux problèmes des travailleurs frontaliers résidant en France.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 7 juillet 2009, réunie sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Adrien Gouteyron sur le projet de loi n° 452 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus .

Après un bref débat, à l'issue de la présentation du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Direction générale des finances publiques

- M. Blaise-Philippe CHAUMONT, chef du bureau E1 à la direction de la législation fiscale

- Mme Carole LE BOURSICAUD, directrice divisionnaire, adjointe au chef de bureau

Ministère des Affaires étrangères et européennes

Direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire

Sous-direction des conventions

- Mlle Madeleine ELIE, conseillère des affaires étrangères, rédactrice fiscale

Regroupement des frontaliers du Nord des Ardennes et de l'Est

- M. Germain DISSEWISCOURT, président

- M. Yanko MARCIC, vice-Président

- M. Christian HILGER, vice-Président

* 1 Convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, signée a Bruxelles le 10 mars 1964 et modifiée par les avenants du 15 février 1971 et du 8 février 1999.

* 2 Circulaire de 14 janvier 2004, 25 mai 2005 et 11 août 2006.

* 3 L'avenant supprime ainsi la référence à l'exception relative aux travailleurs frontaliers. En conséquence, seules subsistent des dispositions conformes au modèle de convention de l'OCDE. Néanmoins, un paragraphe c) prévoit que ces dispositions doivent s'appliquer sous réserve des dispositions prévues au Protocole additionnel relatif aux travailleurs frontaliers annexé à la convention.

* 4 Projet de loi belge n° 4-1143/2 portant assentiment à et exécution de l'Avenant, signé à Bruxelles le 12 décembre 2008, à la Convention entre la Belgique et la France tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, signée à Bruxelles le 10 mars 1964 et modifiée par les avenants du 15 février 1971 et du 8 février 1999.

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