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Rapport n° 615 (2008-2009) de Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 15 septembre 2009

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N° 615

SÉNAT

SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2008-2009

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 septembre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , autorisant la ratification de la convention sur les armes à sous-munitions ,

Par Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mmes Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1731 , 1804 et T.A. 323

Sénat :

575 et 616 (2008-2009)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, a pour objet d'autoriser la ratification de la convention sur les armes à sous-munitions signée à Oslo le 3 décembre 2008.

Conçues pour disperser sur une large surface une grande quantité de projectiles explosifs, les armes à sous-munitions ont provoqué, dans la vingtaine de pays où elles ont été utilisées, des dommages humanitaires disproportionnés au regard de leur justification militaire.

En raison de leur manque de fiabilité, ces armes ont laissé sur les zones de conflits des millions de sous-munitions non explosées qui constituent pour les populations civiles, des années après la fin des hostilités, une source permanente d'accidents graves et souvent mortels, avec une forte proportion d'enfants parmi les victimes.

Grâce à l'action des organisations humanitaires, la communauté internationale a pris conscience de ce fléau au cours des dernières années.

La volonté de mettre fin, par un instrument international, à l'usage d'armements qui causent des dommages humanitaires inacceptables, s'est heurtée aux divergences d'approches et d'intérêts entre Etats.

Face à l'enlisement des discussions dans les enceintes multilatérales en charge du désarmement, les Etats désireux d'aboutir rapidement, sur cette question, à un renforcement du droit humanitaire international, ont lancé un processus comparable à celui qui avait abouti, en 1997, à la convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel.

Elaborée en l'espace d'un an et demi, la convention d'Oslo, signée à ce jour par 98 Etats, interdit l'emploi, la détention et le transfert des armes à sous-munitions, à la seule exception d'un nombre très limité d'entre elles satisfaisant à des critères stricts devant prévenir les risques liés aux restes explosifs de guerre.

La convention d'Oslo marque une avancée significative du droit humanitaire international et constituera une norme de référence de nature à améliorer concrètement la protection des populations civiles lors des conflits, même si nombre d'Etats détenteurs d'armes à sous-munitions ne l'ont pas pour l'instant signée.

Votre rapporteur rappellera tout d'abord ce que sont les armes à sous-munitions et les dommages qu'elles ont provoqués pour les populations civiles dans les zones de conflits.

Elle retracera ensuite le processus d'Oslo et le dispositif de la convention sur les armes à sous-munitions.

Enfin, elle abordera la situation de la France au regard des armes à sous-munitions et les conséquences qui découleront pour notre pays, de cette convention, à l'élaboration de laquelle il a significativement contribué.

I. DES ARMES DONT L'EMPLOI S'EST RÉVÉLÉ MEURTRIER POUR LES POPULATIONS CIVILES

A l'initiative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, un rapport d'information 1 ( * ) publié par le Sénat en 2006 a présenté la problématique des armes à sous-munitions et de leur impact humanitaire.

Dans le prolongement de l'action des organisations humanitaires, il apparaissait en effet indispensable de porter à la connaissance du Parlement la nature exacte de ces armes, largement ignorées du grand public, et surtout les raisons pour lesquelles leur emploi s'est révélé dramatique pour les populations civiles dans près d'une vingtaine de pays.

A. QU'EST-CE QU'UNE ARME À SOUS-MUNITIONS ?

La notion d'armes à sous-munitions est une appellation générique désignant tout système d'armes constitué d'un contenant, ou « munition-mère », destiné à emporter et disperser plusieurs munitions explosives, ou « sous-munitions », conçues pour fonctionner à l'impact.

Les sous-munitions peuvent être emportées par tout type de contenant  - missile, bombe, obus, roquette - tiré depuis un avion, un hélicoptère, un navire ou depuis le sol. Ces sous-munitions sont elles-mêmes de types très divers, par exemple des bombes de petit calibre ou des grenades, et présentent une grande variété de forme et de taille.

Historiquement, les armes à sous-munitions ont été conçues dans le but de pouvoir délivrer une grande quantité de munitions explosives sur une large zone et dans un temps limité, notamment pour neutraliser des forces blindées adverses. Il existe toutefois une très grande diversité de modèles, qui varient notamment en fonction du nombre de sous-munitions emportées, allant de quelques unités à plusieurs centaines.

Le rapport précité fournit un aperçu des principales armes à sous-munitions en service dans le monde. On estime que plus de 70 Etats détiennent des armes à sous-munitions . Une trentaine d'entre eux en sont également producteurs.

La plupart des armes à sous-munitions constituent des munitions de saturation , visant à démultiplier la puissance de feu pour accroître la probabilité d'atteindre les objectifs. La période récente a cependant vu l'apparition d'obus, bombes ou missiles guidés emportant des sous-munitions et destinés, en revanche, à des frappes de précision.

La convention d'Oslo, qui s'attache à l'impact humanitaire des armes à sous-munitions, retient une définition spécifique pour les armes entrant dans le champ de l'interdiction. Cette définition tient compte du nombre de sous-munitions, ainsi que de leur degré de précision et de fiabilité.

B. LES CONSÉQUENCES HUMANITAIRES DE L'EMPLOI DES ARMES À SOUS-MUNITIONS

L'expérience de tous les conflits où elles ont été utilisées montre que les armes à sous-munitions ont particulièrement meurtri les populations civiles .

La quasi-totalité des bombes ou obus à sous-munitions utilisés au cours des dernières décennies se caractérisent en effet par des taux de défaillance élevés , laissant sur le terrain une forte quantité d'engins non-explosés . Les zones bombardées avec des armes à sous-munitions ont ainsi été durablement polluées et les populations civiles y sont donc exposées, longtemps après la fin du conflit, à des accidents mortels ou extrêmement graves.

Les sous-munitions présentent en effet certaines caractéristiques limitant leur fiabilité : leur mise en oeuvre par dispersion à partir d'une munition-mère, et non par tir direct, ainsi que leur masse réduite, qui ne permet pas toujours un impact suffisamment fort pour provoquer l'explosion.

Si certaines sous-munitions récentes peuvent être dotées, dès leur conception, de caractéristiques destinées à garantir leur bon fonctionnement ou, à défaut, leur neutralisation, ce n'est pas le cas de la plupart des modèles encore en service . Le surcoût que représente l'incorporation de mécanismes destinés à renforcer la fiabilité des sous-munitions est d'ailleurs, pour nombre de pays détenteurs, un obstacle à la généralisation des nouvelles générations d'armes.

Les sous-munitions non explosées sont à l'origine d' accidents dramatiques après le conflit, lorsque les populations civiles sont amenées à se déplacer dans des zones polluées, d'autant que ces engins se dissimulent facilement dans la végétation, les gravats ou un sol meuble. Les enfants , généralement attirés par ces objets en forme de balles ou de canettes de soda, sont extrêmement exposés. On constate également un nombre élevé d'accidents chez les démineurs , car la neutralisation des sous-munitions non explosées est plus difficile que celle d'autres restes explosifs de guerre ou des mines antipersonnel.

Le Laos est l'un des pays qui a été le plus touché par les armes à sous-munitions, lors des bombardements effectués par l'aviation américaine. Trente-cinq ans après la fin de la guerre du Vietnam, plusieurs dizaines de civils sont tués ou grièvement blessés chaque année en heurtant ou en ramassant des sous-munitions non-explosées.

Les armes à sous-munitions ont également été utilisées par les forces russes en Afghanistan et en Tchétchénie , par les différentes parties au conflit lors de l'éclatement de la Yougoslavie , par les forces américaines, et dans une moindre mesure britanniques, lors des deux conflits irakiens et de la guerre du Kosovo , par les Israéliens au Sud-Liban en 1982 et 2006, et en tout dernier lieu par la Russie et la Géorgie en août 2008 2 ( * ) .

Le rapport d'information publié par le Sénat en 2006 faisait le point sur le bilan estimé des victimes pour ces différents conflits, à partir des éléments recueillis par les organisations humanitaires.

Une évaluation globale, extrêmement précise et détaillée, publiée en mai 2007 par Handicap International 3 ( * ) , recense 13 300 victimes avérées de sous-munitions, blessées ou tuées, depuis les années 1960, mais ce chiffre doit bien entendu être considéré comme un minimum étant donné les lacunes des recueils statistiques. Le document considère que le nombre réel de victimes s'établit au moins à 55 000, et pourrait même atteindre 100 000 personnes. Parmi les victimes identifiées, on compte 3 % de militaires et 3,8 % de démineurs, le restant représentant la population civile. Environ 38 % des victimes identifiées sont des enfants .

II. LA CONVENTION D'OSLO SUR LES ARMES À SOUS-MUNITIONS

Fonctionnant sur la base du consensus, les enceintes internationales en charge du désarmement ne sont pas parvenues à apporter une réponse efficace au problème humanitaire posé par les armes à sous-munitions.

Le processus d'Oslo, inspiré de la démarche ayant conduit à la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel en 1997, a quant à lui réuni les Etats désireux d'aboutir rapidement à un instrument international d'interdiction des armes à sous-munitions qui causent des dommages inacceptables aux populations civiles.

Conformément aux objectifs de ses initiateurs, le processus d'Oslo a permis en quelques mois de parvenir à un texte recueillant l'approbation de près d'une centaine d'Etats.

La ratification de la convention d'Oslo par les Etats détenteurs d'armes à sous-munitions qui n'ont pas voulu participer à son élaboration constituera un enjeu important pour les années à venir, alors que la question de l'adoption, en parallèle, d'un protocole à la convention de 1980 sur certaines armes classiques, reste posée.

A. LA GENÈSE DU PROCESSUS D'OSLO

Le processus d'Oslo a été lancé au mois de février 2007 dans la perspective de l'adoption rapide d'un instrument international sur les armes à sous-munitions, alors que plusieurs pays considéraient que les discussions engagées dans le cadre de la convention sur certaines armes classiques s'enlisaient.

1. Des progrès insuffisants au sein des instances multilatérales en charge du désarmement

Jusqu'à la convention d'Oslo, aucun texte international n'interdisait ou ne restreignait la détention et l'emploi des armes à sous-munitions .

Ces armes étaient donc pleinement licites, et les seules normes de nature à pouvoir jouer en faveur de la protection des populations civiles étaient les principes du droit humanitaire international définis dans les conventions de Genève du 12 août 1949, et plus particulièrement dans le protocole additionnel à ces conventions relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (protocole I), adopté à Genève le 8 juin 1977 4 ( * ) . Ces principes subordonnent l'emploi des moyens militaires à la prise en compte des risques éventuels pour les populations. Toutefois, plusieurs Etats qui ont utilisé des armes à sous-munitions n'ont pas ratifié ce protocole et d'autres Etats l'ayant quant à eux ratifié ne se conforment pas toujours à ses dispositions.

L'enceinte naturelle au sein de laquelle la question des armes à sous-munitions avait vocation à être abordée était la conférence des Etats-parties à la convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques produisant des effets traumatiques excessifs ou frappant sans discrimination, désignée plus couramment « convention de 1980 sur certaines armes classiques » ou sous son acronyme anglais « CCW ».

Les 110 Etats parties à cette convention ont adopté le 28 novembre 2003 un protocole relatif aux restes explosifs de guerre (protocole V) qui s'attache à réduire les problèmes posés par les munitions non explosées ou abandonnées. Le protocole V, actuellement ratifié par 60 Etats, instaure une responsabilité de l'utilisateur pour l'enlèvement et la destruction des munitions non explosées laissées sur le terrain. Ce texte est apparu comme une incitation à la retenue dans l'emploi des armes à sous-munitions et à l'élimination des armes les moins fiables. Il ne répond toutefois que très partiellement à la problématique de ces armes qui présentent des risques humanitaires disproportionnés au regard de leur utilité militaire.

L'élaboration d'un instrument spécifique sur les armes à sous-munitions apparaissait donc indispensable, mais des divergences profondes sont apparues à Genève entre les Etats parties à la convention de 1980 .

Ces divergences se sont manifestées au mois de novembre 2006, à l'occasion de la 3 ème conférence d'examen de la convention. Celle-ci intervenait quelques semaines à peine après le conflit du Sud-Liban au cours duquel les forces israéliennes avaient fait un usage massif d'armes à sous-munitions, le grand nombre de sous-munitions non-explosées entraînant de multiples accidents dans la population civile.

Un groupe de 25 Etats avait lancé un appel à l'élaboration d'un nouvel instrument international interdisant les armes à sous-munitions les plus dangereuses, mais des pays tels que les Etats-Unis, la Russie, l'Inde, le Pakistan ou Israël s'y étaient opposés. La conférence s'était achevée par un mandat de discussion confiant à un groupe d'experts gouvernementaux le soin de suivre la question de la fiabilité des armes à sous-munitions et de leurs caractéristiques techniques, en vue de réduire l'impact humanitaire de leur emploi.

Estimant que ce mandat n'allait pas assez loin, la Norvège a alors pris l'initiative d'organiser à Oslo, au mois de février 2007 et en dehors du cadre de la convention de 1980, une conférence internationale ayant pour objet la négociation d'un instrument international « d'interdiction des armes à sous-munitions engendrant des conséquences humanitaires inacceptables ».

2. Le lancement d'une démarche inspirée du processus d'Ottawa sur les mines antipersonnel

Le processus d'Oslo s'est déroulé au cours des années 2007 et 2008. Les négociations n'étant pas subordonnées à l'obtention du consensus, à la différence de celles intervenant dans le cadre de la convention sur certaines armes classiques, elles ont pu aboutir rapidement. Comme on l'avait vu pour la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel, les organisations non gouvernementales ont joué un rôle majeur dans ce processus, participant pleinement aux discussions, même si le pouvoir décisionnel restait bien entendu entre les mains des Etats.

Lors de la conférence d'Oslo des 22 et 23 février 2007 , 46 Etats dont la France ont adopté une déclaration par laquelle ils s'engageaient à conclure en 2008 un instrument international juridiquement contraignant visant à interdire l'utilisation, la production, le transfert et le stockage des armes à sous-munitions qui causent des dommages inacceptables aux populations civiles et définissant un cadre de coopération et d'assistance aux victimes.

Un premier projet de texte fut présenté à la conférence de Lima, en mai 2007, puis de nouveau discuté lors des conférences de Vienne (décembre 2007) et de Wellington (février 2008). La négociation finale s'est déroulée lors d'une conférence diplomatique à Dublin, du 19 au 30 mai 2008.

Autour de la Norvège, les Etats dits du « Core Group », comprenant l'Autriche, l'Irlande, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou et le Saint-Siège, ont donné l'impulsion et préparé les projets de texte.

La France participait quant à elle avec les principaux pays de l'Union européenne (Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Suède, Pays-Bas, Danemark, République tchèque), la Suisse, le Canada, le Japon et l'Australie, au « like-minded group », soucieux de concilier les impératifs humanitaires et les contraintes liées aux engagements militaires.

Les principaux points de discussion concernaient la définition des armes à sous-munitions entrant dans le champ de l'interdiction, et de leurs caractéristiques en termes de nombre de sous-munitions, de précision et de fiabilité, sur les règles applicables lorsque les Etats parties sont engagés dans des opérations multinationales aux côtés d'Etats qui n'ont pas ratifié la convention et qui sont susceptibles d'employer des armes à sous-munitions, ainsi que sur les délais imposés pour la destruction des stocks d'armes prohibées.

Le texte de la convention adopté à Dublin a été officiellement signé à Oslo le 4 décembre 2008 par 94 Etats.

B. LE DISPOSITIF DE LA CONVENTION D'OSLO

Précédée d'un préambule de 20 paragraphes rappelant les constats et les objectifs qui sont à l'origine du texte, la convention sur les armes à sous-munitions comporte 23 articles.

1. La définition des armes à sous-munitions prohibées et les exceptions

L'une des dispositions principales de la convention est son article 2, au sein duquel figure la définition des armes à sous-munitions , à l'égard desquelles les Etats parties souscrivent les différentes obligations de la convention.

Ainsi que l'avait exposé le rapport d'information du Sénat, la notion d'armes à sous-munitions constitue une appellation générique pour une vaste gamme d'armements dont les caractéristiques techniques et les effets militaires peuvent être très différents.

Conformément à la déclaration d'Oslo de février 2007, l'objectif de la convention était de conclure un instrument juridiquement contraignant relatif aux armes à sous-munitions « qui provoquent des dommages inacceptables aux civils », les risques pour les populations étant en grande partie liés à certaines caractéristiques telles que le nombre de sous-munitions, leur poids, leur fiabilité et la précision du projectile .

La définition retenue repose sur des critères techniques et fait entrer dans le champ de la prohibition la plupart des systèmes d'armes à sous-munitions, les exceptions, extrêmement réduites, ne concernant que des armes à faible effet de dispersion et munies de dispositifs destinés à éviter le non-fonctionnement de l'arme.

Il en résulte une définition particulièrement complexe, mais très précise.

Au sens de la convention d'Oslo, une arme à sous-munitions désigne une munition classique conçue pour disperser ou libérer des sous-munitions explosives dont chacune pèse moins de 20 kg .

Le terme « munition classique » signifie que les armes nucléaires ne sont pas concernées.

De cet ensemble, sont exclues :

- les munitions ou sous-munitions conçues pour lancer des artifices éclairants, des fumigènes, des artifices pyrotechniques ou des leurres ;

- les munitions conçues exclusivement à des fins de défense anti-aérienne ;

- les munitions ou sous-munitions conçues pour produire des effets électriques ou électroniques .

La convention exclut également de son champ d'application les armes à sous-munitions qui, afin d'éviter les effets indiscriminés sur une zone et les risques posés par les sous-munitions non-explosées, cumulent les cinq caractéristiques suivantes :

- chaque munition comporte moins de 10 sous-munitions explosives ;

- chaque sous-munition explosive pèse plus de 4 kg ;

- chaque sous-munition explosive est conçue pour détecter et attaquer une cible constituée d'un objet unique ;

- chaque sous-munition explosive est équipée d'un mécanisme électronique d'autodestruction ;

- chaque sous-munition est équipée d'un dispositif électronique d'autodésactivation .

Ces critères permettent de distinguer les armes à sous-munitions les plus courantes, visant un effet de saturation, et des armes de conception plus récente, destinées au contraire à des tirs de précision, et dotées d'un double mécanisme limitant au maximum le risque de restes explosifs de guerre, à savoir un dispositif d'autodestruction jouant lorsque la sous-munition n'a pas explosé à l'impact, et un mécanisme d'autodésactivation rendant la munition inopérante par l'épuisement irréversible d'un élément essentiel à son fonctionnement, par exemple une batterie, au cas où le mécanisme d'autodestruction n'aurait pas fonctionné.

L'article 1 assimile aux armes à sous-munitions prohibées les « petites bombes explosives » de moins de 20 kg, non autopropulsées et dispersées depuis un aéronef. En effet, ce type de bombe entraîne des risques voisins de ceux des armes à sous-munitions, du fait de la dispersion et de la probabilité de non-fonctionnement.

Aux termes de l'article 1, les Etats parties s'engagent :

- à ne pas employer d'armes à sous-munitions telles que définies par la convention ;

- à ne pas en mettre au point, produire, acquérir, stocker, conserver ou transférer , directement ou indirectement ;

- à ne pas assister, encourager ou inciter quiconque à s'engager dans toute activité interdite par la convention.

2. Les mesures d'application de la convention

L'article 3 impose la destruction des stocks d'armes à sous-munitions prohibées dans un délai de 8 ans après l'entrée en vigueur de la convention pour l'Etat considéré, avec possibilité de demander à une Assemblée des Etats parties ou à une Conférence d'examen une prolongation supplémentaire allant jusqu'à 4 ans. Des prolongations « additionnelles » n'excédant pas 4 ans peuvent aussi être demandées en cas de « circonstances exceptionnelles ». Les opérations de destruction doivent respecter les normes internationales applicables pour la protection de la santé publique et de l'environnement.

L'article 3 permet cependant de conserver un nombre réduit d'armes à sous-munitions aux fins d'expertise et de formation aux techniques de détection ou au déminage, comme cela est prévu par la convention d'Ottawa pour les mines antipersonnel.

L'article 4 impose aux Etats parties de procéder dans un délai de 10 ans à la dépollution des zones contaminées par des sous-munitions non explosées et situées sous leur contrôle et leur juridiction. Dans l'intervalle, des dispositions particulières de marquage et de surveillance devront être prises en vue de la protection de la population.

L'article 9 engage les Etats à prendre toutes les mesures législatives et règlementaires nationales d'application nécessaires à la mise en oeuvre de la convention, y compris l'imposition de sanctions pénales pour prévenir et réprimer les activités prohibées par la convention.

Dans la fiche d'impact jointe au projet de loi, le Gouvernement précise que des dispositions de transposition seront prises pour intégrer dans le droit interne les obligations découlant de la convention d'Oslo. Il s'agira de définir le régime de responsabilité pénale individuelle pour les activités prohibées. Le Gouvernement précise que la loi française devra s'attacher à reprendre les définitions contenues dans l'article 2 de la convention, « afin d'éviter toute incohérence entre le texte international et la loi de transposition ».

L'article 7 prévoit, au titre de mesures de transparence , le dépôt auprès du Secrétaire général des Nations unies par chaque Etat partie, dans les 180 jours qui suivent l'entrée en vigueur de la convention pour cet Etat, d'un rapport comportant près d'une quinzaine de rubriques et destiné notamment à exposer :

- les mesures de transposition nationales ;

- ses stocks d'armes à sous-munitions ;

- les caractéristiques techniques des armes à sous-munitions qu'il a produites avant l'entrée en vigueur de la convention ;

- l'avancement de la destruction des stocks ;

- l'état des zones polluées et l'avancement des opérations de dépollution ;

- l'effort financier consacré aux victimes et à l'assistance internationale.

Les données de ce rapport devront être actualisées chaque année.

3. L'assistance aux victimes et aux pays touchés

L'article 5 pose le principe de l'assistance de chaque Etat aux victimes d'armes à sous-munitions dans les zones sous sa juridiction ou sous son contrôle . Cette assistance concernera notamment les soins médicaux, la réadaptation et le soutien psychologique ainsi que l'insertion sociale et économique.

L'article 6, relatif à la coopération et à l'assistance internationales entre les Etats parties à la convention, reconnaît le droit de ceux-ci à bénéficier d'une assistance de la part des autres Etats parties .

Chaque Etat partie qui est en mesure de le faire fournira une assistance technique, matérielle et financière aux Etats parties affectés par les armes à sous-munitions, soit sur une base bilatérale, soit par le biais d'organismes multilatéraux ou non gouvernementaux. Cette assistance pourra notamment porter sur la dépollution des zones contaminées, sur la destruction des armes à sous-munitions et sur l'aide aux victimes.

4. La question de l'interopérabilité dans les opérations multinationales

L'article 21, relatif aux relations avec les Etats non parties à la convention, revêt une importance particulière au regard de la participation à des opérations militaires multinationales.

En premier lieu, par cet article, les Etats parties s'engagent à encourager les Etats non parties qui ne l'ont pas encore fait à rejoindre la convention. Ils s'engagent également à mettre « tout en oeuvre pour décourager les Etats non parties ... d'utiliser des armes à sous-munitions ».

Toutefois, l'article 21 précise que « les Etats parties, leur personnel militaire ou leurs ressortissants peuvent s'engager dans une coopération et des opérations militaires avec des Etats non parties à la convention qui pourraient être engagés dans des activités interdites à un Etat partie ».

Cette clause est destinée à préserver l'interopérabilité lors des opérations multinationales où cohabitent des Etats parties et non parties, ces derniers pouvant le cas échéant être amenés à faire usage d'armes à sous-munitions. Elle était notamment importante pour l'OTAN, dont plusieurs Etats membres, et notamment les Etats-Unis, n'ont pas signé la convention, mais aussi, de manière plus générale, pour les opérations menées en coalition quel qu'en soit le cadre.

L'article 21 indique toutefois que cette disposition ne saurait conduire un Etat partie à « expressément demander l'emploi de telles munitions dans le cas où le choix des munitions employées est sous son contrôle exclusif », ni à en mettre au point, produire ou acquérir, à en constituer des stocks ou les transférer ou, a fortiori, à en employer lui-même.

Dans l'étude d'impact jointe au projet de loi, le Gouvernement indique que « la France pourra engager ... ses militaires et ressortissants dans une coopération et des opérations militaires avec des Etats non parties qui s'engageraient dans des activités interdites, incluant l'emploi d'armes à sous-munitions. Toutefois, toutes les précautions devront au préalable avoir été prises pour que les membres des forces armées françaises ne se trouvent pas dans une situation qui irait à l'encontre des obligations qui lient la France ».

5. Les modalités d'entrée en vigueur et de révision de la convention

L'article 17 précise que la convention entrera en vigueur 6 mois après le dépôt du 30 ème instrument de ratification . En application de l'article 19, les dispositions de la convention ne peuvent faire l'objet de réserves.

L'article 11 prévoit la réunion régulière de l'Assemblée des Etats parties, la première réunion intervenant un an après l'entrée en vigueur de la convention. Une conférence d'examen sera convoquée 5 ans après cette entrée en vigueur, les conférences d'examen ultérieures intervenant au minimum tous les cinq ans. Ces conférences d'examen feront le point sur le fonctionnement de la convention et les demandes des Etats concernant la mise en oeuvre de leurs obligations de destruction des stocks et de dépollution.

L'article 13 indique que des amendements pourront être apportés à la convention. Chaque Etat partie peut proposer des amendements, l'accord de la majorité des Etats parties étant nécessaire pour convoquer une conférence d'amendement. L'adoption d'un amendement requiert la majorité des deux-tiers des Etats parties présents et votants. Les amendements ne prennent effet que pour les Etats parties les ayant acceptés.

C. LES ARMES À SOUS-MUNITIONS APRÈS LA CONVENTION D'OSLO

Compte tenu du rythme de dépôt des instruments de ratification, on peut considérer que la convention d'Oslo entrera en vigueur au cours de l'année 2010.

L'un des enjeux essentiels pour les années à venir résidera dans l'évolution des positions et des pratiques des principaux Etats détenteurs et utilisateurs d'armes à sous-munitions, qui n'ont pas rallié pour l'instant la convention d'Oslo.

1. De nombreux Etats détenteurs ne se sont pas encore ralliés à la convention d'Oslo

La convention d'Oslo compte aujourd'hui 98 Etats signataires , 17 d'entre eux ayant déjà procédé à la ratification.

Si l'on se réfère à une étude publiée en mai dernier par un regroupement des principales ONG agissant pour l'interdiction des armes à sous-munitions 5 ( * ) , une majorité d'Etats détenant ou ayant détenu des armes à sous-munitions (49 sur 85) n'a toujours pas signé la convention d'Oslo.

Situation à l'égard de la convention d'Oslo

des Etats détenant ou ayant détenu des armes à sous-munitions

Etats signataires : 36

Etats non-signataires : 49

Afrique du Sud ; Allemagne ; Angola ; Australie ; Autriche ; Belgique ; Bosnie-Herzégovine ; Bulgarie ; Canada ; Chili ; Colombie ; Croatie ; Danemark ; Espagne ; France ; Guinée ; Guinée-Bissau ; Honduras ; Hongrie ; Indonésie ; Italie ; Japon ; Mali ; Moldavie ; Monténégro ; Nigeria ; Norvège ; Ouganda ; Pays-Bas ; Pérou ; Portugal ; République tchèque ; Royaume-Uni ; Slovénie ; Suède ; Suisse.

Algérie ; Arabie Saoudite ; Argentine ; Azerbaïdjan ; Bahreïn ; Belarus ; Brésil ; Chine ; Corée du Nord, Corée du Sud ; Cuba ; Égypte ; Émirats Arabes Unis ; Érythrée ; Estonie ; États-Unis ; Éthiopie ; Finlande ; Géorgie ; Grèce ; Inde ; Iran ; Irak ; Israël ; Jordanie ; Kazakhstan ; Koweït ; Libye ; Maroc ; Mongolie ; Oman ; Ouzbékistan ; Pakistan ; Pologne ; Qatar ; Roumanie ; Russie ; Serbie ; Singapour ; Slovaquie ; Soudan ; Sri Lanka ; Syrie ; Thaïlande ; Turquie, Turkménistan ; Ukraine ; Yémen ; Zimbabwe.

( Source : http://www.lm.icbl.org/cm/2009/banning_cluster_munitions_2009.pdf )

On constate que figurent parmi les non-signataires à ce jour des pays militairement importants tels que les Etats-Unis, premier détenteur et utilisateur d'armes à sous-munitions, mais également la Russie, la Chine, l'Inde, le Pakistan, Israël ou la Turquie. Huit pays de l'Union européenne (Chypre, Estonie, Finlande, Grèce, Lettonie, Pologne, Roumanie, Slovaquie) restent également pour l'instant hors de la convention.

2. La nécessité de poursuivre les efforts pour mettre fin aux drames humanitaires provoqués par les armes à sous-munitions

En dépit de la mobilisation croissante de l'opinion publique et de nombreux Etats, les armes à sous-munitions ont fait de nouvelles victimes au cours de ces trois dernières années, que ce soit au Liban ou en Géorgie. Par ailleurs, du fait de la lenteur et du coût des opérations de dépollution, des menaces continuent de planer sur les populations civiles dans de nombreuses zones où des armes à sous-munitions ont été employées dans le passé.

L' adhésion à la convention d'Oslo d'un plus grand nombre d'Etats , et en premier lieu d'Etats produisant ou détenant des armes à sous-munitions, est bien entendu indispensable. Toutefois, même si certains d'entre eux n'envisagent pas à court terme de modifier leur position à l'égard de la convention, il est probable que celle-ci jouera un rôle dissuasif sur l'emploi, la production et le transfert des armes à sous-munitions, comme on l'a vu pour les mines antipersonnel avec la convention d'Ottawa.

La convention d'Oslo constitue en effet d'ores et déjà une norme de référence du droit international humanitaire . Son impact ira de ce fait au-delà des seuls Etats qui en sont signataires. Il est par exemple significatif que les Etats-Unis aient adopté en début d'année une législation interdisant l'exportation des armes à sous-munitions dont le taux de non-fonctionnement est supérieur à 1 %.

La question de la poursuite des discussions sur les armes à sous-munitions à Genève , entre Etats parties à la convention sur certaines armes classiques, est également posée.

Plusieurs Etats, dont la France, estiment utile de continuer à oeuvrer pour l'élaboration d'un nouveau protocole susceptible de rallier une grande majorité de pays possesseurs et qui imposerait des contraintes significatives, même si elles ne vont pas aussi loin que celles de la convention d'Oslo.

Toutefois, la dernière réunion du groupe d'experts gouvernementaux qui s'est tenue à Genève du 17 au 21 août dernier a de nouveau illustré les divergences entre Etats . Ces divergences sont tout autant techniques (nature des critères permettant de déroger au principe d'interdiction, définition du mécanisme d'autodestruction, contenu et durée de la période de transition) que politiques, le principe même d'un instrument international distinct de la convention d'Oslo étant en débat.

En tout état de cause, un nouveau protocole additionnel à la convention sur certaines armes classiques n'aurait d'intérêt que s'il permettait des progrès réels au plan humanitaire, par une renonciation immédiate à l'emploi, la production ou le transfert d'un nombre significatif de systèmes d'armes de la part d'Etats possesseurs non parties à la convention d'Oslo.

Un projet de protocole élaboré par le coordinateur argentin a été diffusé. La réunion des Etats parties prévue au mois de novembre se prononcera sur la suite à lui donner.

III. LA FRANCE ET LA CONVENTION D'OSLO

Acteur militaire majeur engagé sur de nombreux théâtres d'opérations au cours des dernières décennies et exerçant des responsabilités particulières en matière de sécurité internationale, la France n'en a pas moins été pleinement consciente des risques humanitaires inhérents aux armes à sous-munitions et a oeuvré pour un renforcement du droit international.

En ratifiant la convention d'Oslo, la France devra retirer du service deux types de munitions d'artillerie et assurer la destruction des stocks.

A. UNE POLITIQUE RESPONSABLE À L'ÉGARD DES ARMES À SOUS-MUNITIONS

La France a toujours fait preuve d'une extrême retenue à l'égard des armes à sous-munitions, qu'elle possède d'ailleurs en faible nombre et n'a pratiquement jamais utilisées. Consciente des dégâts humanitaires qu'elles ont provoqués, elle s'est fortement impliquée dans la recherche d'une réglementation internationale de ces armes.

1. Un nombre réduit d'armes à sous-munitions en service et une extrême retenue dans leur emploi

Le rapport d'information précité de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait établi l'état des lieux précis de la situation de la France à l'égard des armes à sous-munitions, en termes de détention, d'emploi, de production et de transfert.

On rappellera ici très brièvement les conclusions auxquelles étaient parvenus les rapporteurs.

Premièrement, la France n'a pratiquement jamais employé d'armes à sous-munitions . Le seul cas confirmé concerne l'utilisation de bombes lance-grenades BLG-66 Belouga sur des objectifs militaires lors de deux missions opérationnelles durant la guerre du Golfe en 1991. Cette bombe a été retirée du service peu après et les stocks ont été entièrement détruits entre 1996 et 2002.

Deuxièmement, la France ne détient qu'un nombre réduit de systèmes d'armes à sous-munitions aux caractéristiques très différentes en termes de précision et de fiabilité :

- une cinquantaine de lance-roquettes multiples (LRM), matériels de conception américaine en service dans plusieurs pays de l'OTAN, qui peuvent tirer 12 roquettes M-26 comportant elles-mêmes 644 sous-munitions ; les stocks s'établissent à 22 000 roquettes M-26 ;

- 13 000 obus à grenades (OGR) de 155 mm pour les pièces d'artillerie ;

- 100 missiles de croisière anti-piste Apache, emportant 10 sous-munitions Kriss spécifiquement destinées à neutraliser les pistes d'aérodromes ;

- enfin, 3 750 obus anti-char de 155 mm Bonus, de conception très récente, qui ne comportent que 2 sous-munitions guidées destinées à des tirs de grande précision et dotées de mécanismes d'autodestruction et d'autodésactivation.

Deux de ces systèmes, le missile de croisière anti-piste Apache et l'obus d'artillerie Bonus, sont des armes de précision dont le rapport d'information avait relevé qu'ils ne soulevaient pas de difficulté du point de vue humanitaire. Ces deux systèmes n'entrent pas dans le champ des armes prohibées par la convention d'Oslo et la France pourra les conserver.

Troisièmement, aucun système d'armes à sous-munitions n'est actuellement en production, en développement, ni même en projet en France , et les exportations de tels systèmes ont été des plus limitées. La place des armes à sous-munitions a été très marginale pour les industries françaises de défense.

2. Un rôle actif dans l'élaboration de la convention d'Oslo

Estimant nécessaire d'engager les principaux pays détenteurs et utilisateurs d'armes à sous-munitions dans une règlementation internationale, la France s'est investie dans les discussions menées au titre de la convention de 1980 sur certaines armes classiques, notamment au sein du Groupe d'experts gouvernementaux qui a reçu mandat de traiter la question de l'impact humanitaire des armes à sous-munitions.

La France a toutefois souscrit à la déclaration d'Oslo de février 2007 et a joué un rôle actif au cours des différentes conférences qui ont suivi, jusqu'à l'adoption de la convention d'Oslo.

Traditionnellement très attachée au respect du droit international humanitaire, la France pouvait en effet se prévaloir de sa pratique d'extrême retenue en matière d'armes à sous-munitions, mais aussi de sa crédibilité en tant que pays militairement significatif tenu à des responsabilités internationales particulières et engagé sur de nombreux théâtres d'opérations.

Ainsi que le rappelle l'exposé des motifs du projet de loi, la France a exercé la vice-présidence de la conférence de Dublin au cours de laquelle a été adoptée la convention. « Elle a joué un rôle de facilitateur entre pays affectés et Etats possesseurs, pays industrialisés et pays en développement, gouvernements et ONG, pour que ce traité soit le plus efficace possible sur le plan humanitaire. Sa contribution a été saluée par les initiateurs du processus d'Oslo, Norvège et Irlande, ainsi que par la coalition contre les armes à sous-munitions, qui rassemble les ONG ».

Il faut également signaler que dès les débuts de la conférence de Dublin, le 23 mai, la France annonçait, par une déclaration conjointe des ministres des affaires étrangères et de la défense, sa décision « afin de contribuer à la dynamique qui est lancée et avant même de connaître le texte définitif du traité, de retirer immédiatement du service opérationnel la roquette M-26 ». Un tel retrait avait d'ailleurs été préconisé par le rapport d'information du Sénat en décembre 2006.

B. LES CONSÉQUENCES POUR LA FRANCE DE LA CONVENTION D'OSLO

La ratification de la convention d'Oslo imposera à la France le retrait de deux systèmes d'armes qui ne paraissent pas répondre aux hypothèses d'engagement les plus courantes. L'obligation de destruction des stocks génèrera une charge financière significative au cours des prochaines années.

1. La renonciation à deux types d'armes à sous-munitions

La ratification de la convention par la France impliquera de renoncer à deux systèmes d'armes à sous-munitions.

Le premier est le lance-roquette multiple (LRM) , dont le rapport d'information du Sénat avait préconisé le retrait. En effet, la fiabilité des sous-munitions incorporées dans les roquettes M-26 est notoirement insuffisante et le LRM est typiquement un équipement qui répondait aux scénarios de la guerre froide, à savoir la riposte face à une attaque massive d'éléments blindés. Lors de la conférence de Dublin, en mai 2008, les autorités françaises ont annoncé le retrait de ce système d'armes. La loi de programmation militaire 2009-2014 a confirmé le remplacement de ces roquettes à sous-munitions par des roquettes de précision à charge unitaire. Aux 57 lanceurs LRM succèderont ainsi 26 lanceurs à charge unitaire (LRU).

La convention d'Oslo implique également de renoncer aux obus d'artillerie à grenade OGR de 155 mm, au nombre de 13 000. Cet obus compte 63 sous-munitions équipées d'un dispositif d'autodestruction et avait été conçu pour neutraliser des concentrations d'artillerie ou de blindés, mais la France a considéré, dans le cadre de la négociation, qu'il ne s'agissait pas d'un moyen essentiel.

L'étude d'impact jointe au projet de loi précise que « s'agissant des capacités militaires, il n'est pas prévu de remplacer ces armes, qui ont un effet de saturation de zone, dans l'immédiat ».

Le missile de croisière anti-piste Apache et l'obus antichar Bonus n'entrent pas dans le champ de la convention d'Oslo.

2. Les implications financières de l'obligation de destruction des stocks

La France a retiré du service opérationnel, sans attendre la ratification de la convention d'Oslo, les roquettes M-26 du lance-roquettes multiple et les obus d'artillerie OGR.

Etant donné le volume des stocks, ce sont près de 15 millions de sous-munitions que la France devra détruire dans les délais fixés par la convention. Ce chiffre peut paraître très élevé, mais en réalité, la France est bien loin de figurer en Europe parmi les principaux détenteurs. Le Royaume-Uni devra détruire 38 millions de sous-munitions, l'Allemagne 40 millions et les Pays-Bas 26 millions.

Selon la fiche d'impact jointe au projet de loi, « le ministère de la défense financera le démantèlement de ces munitions sur son budget. Les premières estimations, qui restent à confirmer, font état d'un coût compris entre 30 et 60 millions d'euros . La destruction de ces munitions prendra plusieurs années et sera fonction de la capacité des industriels du démantèlement ».

L'exposé des motifs du projet de loi précise qu'actuellement, la France ne dispose pas de capacités industrielles adéquates et qu'elle devra donc soit les développer, soit passer des marchés à l'étranger.

CONCLUSION

Face aux drames humanitaires provoqués par l'utilisation des armes à sous-munitions, il était indispensable de compléter le droit humanitaire et d'amorcer un mouvement international de renonciation à des armes meurtrières pour les populations civiles.

Les promoteurs du processus d'Oslo ont réussi à dépasser les blocages qui caractérisaient les discussions à Genève, pour aboutir rapidement à un instrument d'interdiction.

Avant même son entrée en vigueur, la convention d'Oslo a conduit certains Etats, comme la France, à abandonner certains systèmes à sous-munitions en service dans leurs armées.

Il est vrai qu'une quarantaine de pays militairement significatifs, dont les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde ou le Pakistan, n'ont pas adhéré à cette démarche.

Mais il est fort probable que, comme on a pu le constater pour les mines antipersonnel avec la convention d'Ottawa, la convention d'Oslo constituera une norme humanitaire de référence, et que nombre d'Etats non signataires seront de ce fait dissuadés de recourir aux armes à sous-munitions qu'elle prohibe.

La France a toujours fait preuve d'une grande retenue vis-à-vis des armes à sous-munitions. Le fait qu'elle ait signé la convention d'Oslo et se soit impliqué dans son élaboration, alors qu'elle doit aussi assumer des obligations particulières en matière de défense, a valeur d'exemple.

Il est heureux que le projet de loi autorisant la ratification de la convention, déposé au mois de juin, ait pu être adopté par l'Assemblée nationale dès le mois de juillet et soit examiné par le Sénat lors de cette session extraordinaire de septembre.

En menant dans les meilleurs délais la procédure de ratification, la France pourra contribuer à l'entrée en vigueur rapide d'une convention internationale nécessaire, qui marquera un grand progrès pour la protection des populations civiles dans les conflits armés.

C'est pourquoi votre commission vous demande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 15 septembre 2009 sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du présent projet de loi.

A l'issue de l'exposé de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, M. Josselin de Rohan, président, a rendu hommage à son implication personnelle sur la question des conséquences humanitaires de l'emploi des armes à sous-munitions, notamment au travers du rapport d'information qu'elle avait présenté en 2006, puis de son action en faveur de l'aboutissement du processus d'Oslo.

M. Didier Boulaud a indiqué que le groupe socialiste approuverait le projet de loi, tout en apportant certaines nuances d'appréciation sur ce qu'avait été l'attitude des autorités françaises quant à l'interdiction des armes à sous-munitions. Il a rappelé que la France avait hésité à s'engager dans le processus d'Oslo et privilégiait initialement les discussions menées à Genève dans le cadre de la convention sur certaines armes classiques. Il a évoqué les dispositions relatives à l'interopérabilité entre forces militaires des Etats parties et non parties à la convention. Il a estimé que la France pouvait s'interroger sur son implication dans des coalitions internationales comprenant des Etats qui n'ont pas adhéré à la convention d'Oslo. Enfin, il a souligné la nécessité d'incorporer dans notre droit pénal les mesures d'interdiction prévues par la convention.

M. Robert Hue a estimé que la conclusion de la convention d'Oslo sur les armes à sous-munitions constituait un pas extrêmement important, même si l'adoption d'une réglementation internationale aurait gagné à être plus rapide. Soulignant que nombre d'Etats importants au plan militaire n'avaient pas signé la convention, il a jugé indispensable que la France oeuvre résolument à faire évoluer leur position.

Mme Dominique Voynet a estimé que la convention d'Oslo, bien que marquant un pas important du droit international, ne pouvait être considérée comme l'aboutissement ultime du combat contre les armes à sous-munitions et leurs conséquences pour les populations civiles. Elle a considéré que les doctrines d'emploi et les conditions réelles d'utilisation des armements importaient autant que la réglementation de leur détention.

Mme Catherine Tasca s'est également réjouie de la prochaine ratification par la France de la convention d'Oslo et rappelé que les armes à sous-munitions frappaient particulièrement les populations civiles. Si la convention laisse entrevoir une réduction de l'impact de ces armes, il n'en reste pas moins que les types de conflits actuels épargnent de moins en moins les populations civiles.

M. Jean-Pierre Chevènement a rappelé que les armes à sous-munitions n'avaient pas été conçues contre les populations civiles, mais qu'il s'agissait d'armes de saturation destinées à neutraliser les mouvements de forces blindées. Tel était notamment la fonction du lance-roquettes multiple, en service dans l'armée française. Il a observé que ni les Etats-Unis, ni la Russie n'avaient envisagé de renoncer aux armes à sous-munitions. Il s'est demandé si les conséquences de la signature de la convention d'Oslo par la plupart des pays européens, dont la France, avaient été évaluées au regard du projet d'une Europe dotée de capacités militaires significatives et autonomes.

M. Jacques Berthou a souligné l'impact des mines antipersonnel et des sous-munitions non explosées des années après la fin des conflits. Il a souhaité que les pays non signataires de la convention d'Oslo mais responsables de la pollution de nombreuses zones de conflit, telles que le Laos ou le Cambodge, contribuent beaucoup plus activement aux opérations de déminage indispensables à la protection des populations civiles.

A la suite de ces interventions, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- la France a participé au processus d'Oslo dès la première conférence, tenue en février 2007, et le ministre français des affaires étrangères s'est particulièrement impliqué lors de la conférence de Dublin de mai 2008, au cours de laquelle est intervenu l'accord sur le texte de la convention ; le rôle actif de la France a été largement reconnu par la communauté internationale lors de la signature de la convention à Oslo, en décembre 2008 ;

- eu égard à la durée habituelle des négociations internationales, le processus d'Oslo a été extrêmement rapide, puisqu'une année et demi seulement s'est écoulée entre la première réunion et la signature de la convention ;

- le gouvernement a annoncé qu'un projet de loi de transposition de la convention d'Oslo en droit interne serait examiné par le Parlement au cours de la prochaine session ;

- les autorités françaises sont résolues à oeuvrer pour créer une dynamique d'adhésion à la convention, au travers des contacts bilatéraux avec les Etats non signataires ; au plan parlementaire, l'Assemblée parlementaire de l'OTAN pourrait être un cadre approprié pour agir auprès des pays alliés qui n'ont pas encore signé la convention ;

- la convention d'Oslo constituera, comme la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel, une norme internationale emblématique ; il sera beaucoup plus difficile qu'aujourd'hui aux pays non signataires d'utiliser des armes à sous-munitions, compte tenu de la pression morale exercée par l'opinion internationale ;

- au-delà des conséquences de l'emploi des armes à sous-munitions, plus de 90 % des victimes de conflits sont aujourd'hui des civils ;

- les armes à sous-munitions auxquelles la France et la plupart de ses partenaires européens ont renoncé en signant la convention d'Oslo ont été conçues dans le contexte de la guerre froide ; l'impact de cet abandon sur les capacités militaires paraît très faible, eu égard aux hypothèses d'engagement des forces européennes ;

- la convention d'Oslo pose le principe de l'assistance aux victimes et de la coopération internationale pour le déminage.

La commission a ensuite adopté le présent projet de loi à l'unanimité.

PROJET DE LOI

(Texte adopté par l'Assemblée nationale)

Article unique

Est autorisée la ratification de la convention sur les armes à sous-munitions, signée à Oslo le 3 décembre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi 1 ( * ) .

* 1 Rapport d'information Sénat n° 118 (2006-2007) de M. Jean-Pierre Plancade et Mme Joëlle Garriaud-Maylam - http://www.senat.fr/rap/r06-118/r06-118.html.

* 2 Voir sur ce point l'étude publiée en avril 2009 par Human Rights Watch «A Dying Practice : Use of Cluster Munitions by Russia and Georgia in August 2008».

* 3 «Circle of Impact: The Fatal Footprint of Cluster Munitions on People and Communities» - Handicap international, mai 2007.

* 4 Il s'agit notamment du principe de distinction entre la population civile et les combattants, de l'interdiction des attaques sans discrimination, des principes de proportionnalité et de précaution dans l'attaque.

* 5 Banning Cluster Munitions : Government Policy and Practice - mai 2009

* 1 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 1731 (13 ème législature)

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