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Rapport n° 77 (2009-2010) de M. Michel BOUTANT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 3 novembre 2009

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N° 77

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 novembre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels ,

Par M. Michel BOUTANT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di  Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

459 (2008-2009) et 78 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de l'accord entre la France et la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels, signé à Paris le 23 septembre 2008.

Cet accord s'inscrit dans le prolongement de l'accord de partenariat, signé à Cotonou le 23 juin 2000, entre la Communauté européenne et ses Etats membres et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Il s'inscrit également dans le cadre de l'approche globale sur les migrations développée au sein de l'Union européenne, telle que définie notamment par le Pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté sous présidence française de l'Union européenne.

L'accord vise à faciliter la circulation des personnes et à encourager une migration professionnelle temporaire, fondée sur la mobilité et l'incitation à un retour des compétences à Maurice. Afin que cette migration circulaire favorise le développement et l'enrichissement du pays d'origine, cet accord prévoit, dans le cadre du développement solidaire, des mesures visant à accompagner la réinsertion sociale et économique des migrants dans leur pays d'origine, mais aussi des projets de formation professionnelle à Maurice, permettant de répondre aux besoins communs du marché du travail des deux pays.

Cet accord ne traite pas des questions relatives à la réadmission des personnes en situation irrégulière, qui ont fait l'objet d'un autre accord bilatéral, signé à Port-Louis le 2 avril 2007 et entré en vigueur le 1 er décembre 2007.

Avant d'examiner les principales stipulations de cet accord, il a paru utile à votre rapporteur de rappeler brièvement la situation de la République de Maurice et l'état des relations franco-mauriciennes.

I. LA RÉPUBLIQUE DE MAURICE : UN PARTENAIRE PRIVILÉGIÉ DE LA FRANCE DANS L'OCEAN INDIEN

A. UN ETAT DÉMOCRATIQUE ET STABLE QUI CONNAÎT UN FORT DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

1. Un pays situé dans l'Océan indien

La République de Maurice est située dans l'Océan indien, au Sud-Est de l'Afrique, à l'Est de Madagascar et de la Réunion et au Sud des Seychelles.

Elle est composée de l'Ile Maurice, qui représente plus de 90 % de sa superficie, et de plusieurs autres îles (l'île de Rodrigues, l'archipel d'Agaléga et Saint Brandon) ou récifs. Maurice revendique aussi l'archipel des Chagos, dont l'île de Diego Garcia est devenue une base militaire américaine, ainsi que l'îlot de Tromelin.

La population est d'environ 1,2 million d'habitants, issue de diverses origines, puisqu'on y trouve des descendants de colons européens, d'esclaves venus d'Afrique, de commerçants chinois ou de travailleurs indiens, amenés de gré ou de force dans l'île pour travailler dans les champs de canne à sucre.

Les religions sont aussi très variées, avec la coexistence pacifique du christianisme, de l'Islam, de l'indouisme et du bouddhisme.

Le dodo, un oiseau disparu, est l'emblème du pays.

2. Un régime démocratique et stable

Ancienne colonie britannique, à l'image des Seychelles, Maurice a accédé à l'indépendance en 1968.

Ce pays bénéficie d'un régime démocratique et stable, ponctué par des élections libres et régulières. Le système politique est fondé sur le régime parlementaire, inspiré du modèle britannique.

Le Président de la République a essentiellement un rôle de représentation de Maurice à l'étranger. Il est élu pour un mandat de cinq ans par le Parlement. Le chef du pouvoir exécutif est le Premier ministre.

Le Parlement est monocaméral. L'Assemblée nationale est composée de 70 députés, dont 62 sont élus au suffrage universel direct et 8 députés représentent les minorités ethniques.

Les trois principaux partis politiques sont le Parti travailliste, actuellement au pouvoir, le Mouvement militant mauricien (MMM) et un mouvement né dans les années 1980 de la scission du MMM, le Mouvement socialiste militant (MSM).

Les prochaines élections générales sont prévues en 2010.

3. Un fort développement économique

Depuis son indépendance, le pays a connu un important développement économique.

Maurice est passé d'un statut de pays à faible revenu, dont l'économie reposait sur l'agriculture, principalement la canne à sucre, à un statut de pays émergent, doté d'une économie diversifiée reposant sur des secteurs industriels et financiers en pleine expansion et sur le tourisme.

L'île a connu durant cette période une croissance annuelle moyenne de l'ordre de 5 à 6 %. Elle figure désormais parmi les pays d'Afrique ayant le plus haut revenu par habitant.

Ces remarquables résultats se sont traduits par une amélioration de l'espérance de vie, une baisse de la mortalité infantile et un fort développement des infrastructures.

La canne à sucre représente toujours 90 % de la surface cultivée et 25 % des revenus du commerce extérieur. Les réformes de l'Union européenne concernant le marché sucrier risquent cependant d'affecter les exportations du pays.

Le développement du tourisme est privilégié par les autorités de Maurice. Il est vrai que l'île Maurice bénéficie d'une situation exceptionnelle. Mark Twain aurait vanté la beauté de l'île Maurice en déclarant un jour « Dieu créa d'abord l'île Maurice, puis s'en inspira pour faire son paradis terrestre ». En 2006, elle a accueilli près de 800 000 touristes étrangers, dont une majorité de français.

B. UN PAYS FRANCOPHILE ET FRANCOPHONE

1. Des relations anciennes avec la France

Maurice entretient des relations anciennes avec la France.

En effet, l'île Maurice a été une colonie française de 1715 à 1814. De nombreux colons français s'y sont installés pour cultiver la canne à sucre.

L'île a même été le théâtre de l'unique victoire navale de Napoléon : la bataille du Grand Port.

Elle a été rattachée à l'Empire britannique en 1814.

2. Un pays francophone

Si l'anglais et le créole sont également utilisés, le français est largement répandu au sein de la population mauricienne.

Maurice est d'ailleurs membre à part entière de l'Organisation internationale de la Francophonie et a accueilli le Sommet de la Francophonie. J.M.G Le Clézio, franco-mauricien, prix Nobel de littérature en 2008, se considère lui-même de « culture mauricienne et de langue française ».

La francophonie à Maurice s'appuie sur un dispositif dense, avec le Centre culturel Charles Baudelaire, une Alliance française, un centre d'information, d'orientation et de documentation pour les étudiants et cinq établissements d'enseignement (écoles, collèges, lycées) conventionnés ou homologués, qui accueillent plus de 4 000 élèves. La construction programmée d'un nouveau centre culturel français, sur un terrain offert par les Mauriciens, devrait permettre de conforter le rayonnement de la langue française à Maurice et dans l'Océan indien.

La France est aussi le premier pays de destination des étudiants mauriciens (près de 2 000 étudiants par an, soit 50 % des étudiants mauriciens à l'étranger). Plus de 200 étudiants mauriciens bénéficient de bourses du Gouvernement français.

3. Un partenaire privilégié de la France dans la région

Fondées sur des liens historiques et culturels forts, les relations politiques entre nos deux pays sont particulièrement denses. La visite officielle en France du Premier ministre de Maurice, en juin 2008, s'est traduite par un renforcement sensible de nos relations, illustré notamment par la signature d'un accord de coopération en matière de sécurité intérieure.

La France et Maurice sont liés par un accord particulier de coopération militaire, conclu le 25 mai 1979. Maurice n'ayant pas d'armée (mais une police de 7 000 hommes, dont une composante paramilitaire de 1 500), la coopération porte principalement sur des actions de formation et d'expertise de la gendarmerie dans le domaine du maintien de l'ordre.

La France est le premier bailleur bilatéral mais aussi l'un des tous premiers partenaires économiques de Maurice, puisqu'elle est son deuxième client et son troisième fournisseur (11 %), après la Chine (12 %) et l'Inde (21 %).

La France est également, et de loin, le premier pays de provenance des touristes (42 % en 2005, avec 220 000 visiteurs de métropole et 100 000 de La Réunion).

La question de la souveraineté sur l'îlot de Tromelin, seule pomme de discorde entre nos deux pays, a donné lieu à la création, en 2006, d'une « Commission mixte sur la gestion de la zone de Tromelin », au sein de laquelle la France et Maurice, sans abandonner leur revendication de souveraineté, entretiennent un dialogue et une coopération sur des projets concrets (environnement, pêche, etc.).

II. L'ACCORD SUR LA MIGRATION CIRCULAIRE

La France et Maurice ont signé, le 23 septembre 2008 à Paris, un accord relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels.

Cet accord s'inscrit dans le cadre de l'approche globale des migrations, telle que définie au sein de l'Union européenne et mise en oeuvre en France par la conclusion d'accords de gestion concertée des flux migratoires avec des pays tiers.

Toutefois, à la différence des précédents accords conclus par la France, cet accord présente un caractère original, qui tient au profil migratoire de Maurice.

A. UN ACCORD QUI S'INSCRIT DANS LE CADRE DE L'APPROCHE GLOBALE SUR LES MIGRATIONS

Cet accord s'inscrit dans le cadre de la nouvelle politique migratoire destinée à mieux tenir compte des réalités et des impératifs socio-économiques en France et dans les pays d'origine et de transit des migrants.

Cette politique migratoire, inscrite dans le cadre de « l'approche globale des migrations » établie au sein de l'Union européenne, a été consacrée lors de la deuxième Conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement qui s'est tenue à Paris, le 25 novembre 2008.

La migration circulaire doit bénéficier :

* au pays d'origine par un retour des compétences ;

* au pays d'accueil par la définition de listes de métiers qui permettent de pallier les difficultés de recrutement des entreprises dans certains secteurs ;

* aux migrants par un séjour légal et une couverture sociale, un droit à la formation, une possibilité d'épargne et une aide à la réinstallation ou au retour dans le pays d'origine.

Deux dispositifs permettent de favoriser tout particulièrement la migration circulaire : la mise en place de nouvelles cartes de séjour et les accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire .

1. Les nouvelles cartes de séjour

La loi sur l'immigration et l'intégration du 24 juillet 2006 a mis en place trois mesures visant à favoriser les migrations économiques circulaires et qui consistent en la création de nouvelles cartes de séjour :

* l'autorisation provisoire de séjour délivrée aux étudiants étrangers . Ceux qui ont obtenu un diplôme du niveau master et souhaitent compléter leur formation par une première expérience professionnelle en France peuvent bénéficier d'une autorisation provisoire, d'une validité de 6 mois. Elle est accordée dans la perspective d'un retour dans leur pays d'origine. Pendant ces 6 mois, son titulaire est autorisé à rechercher un emploi en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération au moins égale à 1,5 fois la rémunération mensuelle minimale en vigueur en France. A l'issue de la période de 6 mois, si l'intéressé est pourvu d'un emploi, il est autorisé à rester en France pour l'exercice de son activité professionnelle ;

* la carte de séjour « compétences et talents » . D'une durée de 3 ans, elle est renouvelable une fois pour les ressortissants des pays de la zone de solidarité prioritaire ;

* la carte de séjour « saisonnier » pour les saisonniers agricoles . D'une durée de 3 ans, elle est renouvelable. Sa délivrance est conditionnée au maintien par les intéressés de leur résidence dans leur pays d'origine et à la production d'un contrat de travail en France d'une durée maximale de 6 mois par an.

2. Les accords de gestion concertée

En 2007, un nouvel instrument juridique a été mis en place : les accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire .

Les dispositions de ces accords de gestion correspondent aux trois volets de l'approche globale des migrations : promouvoir l'immigration professionnelle, lutter contre l'immigration clandestine et favoriser le développement solidaire. Chacun de ces accords fait l'objet d'une négociation spécifique adaptée aux besoins des deux pays signataires et au profil migratoire de chaque pays partenaire.

Deux volets des accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire concernent plus particulièrement les migrations circulaires : l'organisation de la migration légale et le développement solidaire .


• L'organisation de la migration légale.
Ce volet des accords de gestion reprend l'ensemble des questions relatives à la circulation des personnes, à l'emploi des étudiants à l'issue de leur cursus et redonne ainsi à l'immigration professionnelle une place centrale :

* en offrant aux ressortissants du pays partenaire un régime allant au-delà du droit commun fixé par la loi du 24 juillet 2006. Des dispositions prévoient l'ouverture du marché du travail français sur la base d'une liste de métiers dits « en tension » pour lesquels les entreprises connaissent des difficultés de recrutement en France. Cette ouverture de marché tient compte des besoins conjoints et des possibilités exprimées par le pays d'origine partenaire ;

* en instituant des dispositions visant à faciliter la délivrance de nouvelles cartes de séjour (cartes « compétences et talents » ou « saisonniers ») ou à favoriser des échanges de jeunes professionnels , âgés de 18 à 35 ans, pour des séjours temporaires allant jusqu'à 18 mois.


• Le développement solidaire.
Ce volet s'inscrit dans un objectif de réduction de la pauvreté dans les régions d'émigration . Il répond à la demande des Etats d'origine mais aussi de la société civile.

Selon les besoins exprimés par le pays d'origine partenaire, des dispositions peuvent être retenues qui prévoient de mobiliser des opérateurs, des associations et des migrants à titre individuel ou collectif, pour mettre en oeuvre :

* diverses formes d' appui au développement sectoriel (formation professionnelle, santé...) ;

* des aides financières pour favoriser et accompagner la réinsertion économique et sociale, le développement d'activités génératrices de revenus et la création d'entreprises ;

* des nouveaux produits d'épargne codéveloppement destinés à recevoir l'épargne de migrants qui souhaitent financer les opérations d'investissement concourant au développement économique de leur pays d'origine (compte épargne codéveloppement, livret d'épargne pour le codéveloppement).

La négociation de ces accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire est guidée par le souci d'un bénéfice partagé pour les deux partenaires.

A ce jour, neuf accords de gestion concertée des flux migratoires ont été signés par la France, principalement avec des pays d'émigration vers la France, comme le Sénégal, le Bénin ou la Tunisie.

Toutefois, comme les membres du cabinet de M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, l'ont indiqué à votre Rapporteur lors d'une audition, le ministère souhaiterait dorénavant conclure de tels accords avec des pays émergents comme la Chine, l'Inde ou la Russie.

C'est dans ce contexte qu'a été négocié cet accord avec Maurice, qui ne présente pas le profil d'un pays de forte émigration vers la France.

B. LES PRINCIPALES STIPULATIONS DE L'ACCORD

Le présent accord porte sur le séjour et la migration circulaire de professionnels.

Il répond à une forte demande des autorités mauriciennes, comme l'a confirmé à votre Rapporteur l'ambassadeur de la République de Maurice en France, Son Exc. M. Jacques Chasteau de Balyon.

Cet accord ne comporte pas de dispositions relatives à la lutte contre l'immigration illégale. En effet, la France et Maurice ont déjà conclu un accord sur la réadmission des personnes en situation irrégulière en 2007.

Selon les données transmises à votre Rapporteur par le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, le taux de délivrance des visas est de l'ordre de 90 % et le nombre de mesures d'éloignement prononcées à l'encontre de ressortissants mauriciens est assez limité, de l'ordre d'une trentaine en 2008. Maurice ne présente donc pas le profil d'un pays de forte pression migratoire.

Aux termes de l' article 1 er , consacré à la circulation des personnes, la France s'engage à faciliter la délivrance de visas dits « visas de circulation » aux ressortissants mauriciens qui participent activement aux relations économiques, commerciales, professionnelles, scientifiques, universitaires, culturelles et sportives entre les deux pays. Ces visas à entrées multiples d'une validité de un à cinq ans permettent des séjours pouvant aller jusqu'à trois mois par semestre.

Il convient de rappeler que, grâce au soutien de la France, les ressortissants mauriciens ont été exemptés de « visa Schengen », pour les séjours d'une durée inférieure à trois mois, au sein de l'Union européenne. La Réunion ne faisant pas partie de l'espace Schengen, un accord bilatéral d'exemption de visas pour les séjours de moins de quinze jours à La Réunion a été signé en avril 2007.

L' article 2 est relatif à l'admission au séjour.

Concernant les étudiants mauriciens , il prévoit les stipulations suivantes :

Les étudiants mauriciens qui souhaitent compléter leur formation par une première expérience professionnelle en France, après avoir obtenu, dans un établissement français ou dans un établissement mauricien lié à un établissement français par une convention de délivrance d'un diplôme en partenariat international, un diplôme au moins équivalent au master ou à la licence professionnelle, pourront bénéficier d'une autorisation de séjour de six mois renouvelable une fois. Au cours de cette période, ils seront autorisés à rechercher et, le cas échéant, occuper un emploi en relation avec leur formation et ouvrant droit à une rémunération au moins égale à une fois et demie le SMIC.

À l'issue de cette période, le ressortissant mauricien titulaire d'un emploi ou justifiant d'une promesse d'embauche est autorisé à séjourner en France pour exercer son activité professionnelle sans que la situation de l'emploi lui soit opposable.

Par ailleurs, un visa de long séjour temporaire valant titre de séjour portant la mention « stagiaire », d'une durée maximale de douze mois, pourra être délivré aux étudiants mauriciens qui souhaitent venir en France y effectuer un stage pratique en entreprise et aux salariés d'entreprises françaises ou mauriciennes qui viennent suivre en France une formation comportant une partie théorique dispensée par un organisme agréé et une partie pratique au sein de l'entreprise d'accueil.

Au titre de la migration pour motifs professionnels :

- un visa de long séjour temporaire portant la mention « migration et développement » pourra être délivré aux ressortissants mauriciens titulaires d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente en vue d'exercer, sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine, l'un des soixante et un métiers énumérés à l'annexe II de l'accord, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi. Dans la liste de ces métiers, on trouve notamment les métiers du bâtiment (couvreur, ouvrier, chef de chantier, etc.), de l'hôtellerie, de la restauration ou encore des services aux particuliers. La durée maximale de validité de ce visa est de quinze mois. A son terme, le séjour du titulaire peut être prolongé pour une durée équivalente. Le nombre de visas de cette catégorie susceptibles d'être délivrés par la France est limité à cinq cents par an afin de faciliter la formation professionnelle et l'accueil en France des bénéficiaires. Ce nombre peut être modifié par simple échange de lettres entre les parties ;

- la France et Maurice conviennent de développer des échanges de jeunes professionnels âgés de dix-huit à trente-cinq ans qui se rendent dans l'autre État en vue d'améliorer leurs perspectives de carrière grâce à une expérience en entreprise. Ils sont autorisés à occuper un emploi sans que la situation de l'emploi leur soit opposable. Un titre de séjour temporaire leur est délivré pour une durée de douze mois au terme desquels le séjour peut être prolongé pour une durée maximale de six mois. Le nombre de jeunes professionnels admis de part et d'autre ne doit pas dépasser deux cents par an . Il peut être modifié par échange de lettres. Les modalités pratiques de mise en oeuvre de ces dispositions figurent à l'annexe I de l'accord ;

- par ailleurs, les ressortissants mauriciens peuvent bénéficier de la carte de séjour de droit commun portant la mention « compétences et talents ». Cette carte accordée pour trois ans est renouvelable une fois. Pour limiter la « fuite des cerveaux » des élites mauriciennes, le nombre de cartes de séjour de cette catégorie susceptibles d'être délivrées chaque année aux Mauriciens résidant à Maurice est limité à cent cinquante .

L' article 3 traite du développement solidaire . Il comporte des dispositions relatives à la réinsertion sociale et économique, d'une part, et à la formation professionnelle, d'autre part.

S'agissant de la réinsertion sociale et économique , ses dispositions visent les ressortissants mauriciens établis en France de manière régulière ou irrégulière et ceux qui y ont séjourné sous couvert d'une carte de séjour « compétences et talents », d'un visa de long séjour temporaire « migration et développement » ou d'un titre de séjour temporaire « jeune professionnel ». Lorsqu'ils souhaitent mettre en oeuvre, à leur retour à Maurice, un projet économique créateur d'emplois, ils pourront bénéficier du dispositif français d'aide à la réinsertion sociale et professionnelle (appui à la création d'activités économiques génératrices de revenus).

En ce qui concerne la formation professionnelle , les deux parties s'engagent à mettre en oeuvre à Maurice des projets permettant de répondre aux besoins communs de leur marché du travail et conviennent de mettre au point un programme pluriannuel destiné à dynamiser et moderniser la formation, notamment par la formation de formateurs, la création d'un centre de formation professionnelle et la mise à niveau des centres existants. Le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire consacrera à ces actions une enveloppe globale d'un montant d'un million d'euros sur une période de trois ans. Ce dispositif fera l'objet d'un versement complémentaire assuré par la partie mauricienne.

L' article 4 prévoit la création d'un comité de suivi de l'application de l'accord chargé d'observer les flux migratoires entre les deux pays, d'évaluer les résultats des dispositions de cet accord et de formuler toutes propositions utiles pour en améliorer les effets.

L' article 5 définit le champ d'application de l'accord limité, pour la France, à ses départements métropolitains. Les stipulations de cet accord ne s'appliqueront donc pas à La Réunion et à Mayotte.

Enfin, à l' article 6 , les dispositions finales fixent de manière classique les modalités d'entrée en vigueur, de modification et de dénonciation éventuelle de l'accord conclu pour une durée indéterminée.

CONCLUSION

L'accord entre la France et Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels vise à développer les échanges d'étudiants, de jeunes professionnels et de salariés entre les deux pays, d'une manière qui soit bénéfique pour les deux parties.

Il devrait donc avoir un effet positif, tant pour les personnes concernées que pour les entreprises françaises et le rayonnement de la France et du français à Maurice.

Il participe aussi au développement des relations d'amitié et de coopération avec un pays qui représente un partenaire privilégié de la France dans la zone de l'Océan indien.

C'est la raison pour laquelle votre commission vous propose d'adopter ce projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa séance du 3 novembre 2009.

M. Josselin de Rohan, président, a souligné l'originalité de cet accord de migration circulaire qui tient essentiellement à la situation de Maurice, qui ne présente pas de fort risque migratoire pour la France.

En réponse à M. Daniel Reiner, qui souhaitait savoir si les professions médicales étaient incluses dans la liste des soixante et un métiers, M. Michel Boutant, rapporteur, a répondu par la négative, en précisant que ces métiers se limitaient essentiellement à des emplois peu qualifiés. Il a toutefois indiqué que les professions médicales pourront être concernées par le volet de formation d'étudiants ou de jeunes professionnels ou au titre des cartes « compétences et talents ».

Il a souligné à cet égard la nécessité d'éviter toute « fuite des cerveaux » des élites mauriciennes.

Interrogé par M. Josselin de Rohan, président, sur le rôle de transit pour l'immigration clandestine en provenance de l'Inde ou de la Chine que pourrait jouer Maurice du fait de sa position géographique, M. Michel Boutant, rapporteur, a indiqué qu'un tel rôle lui semblait peu probable du fait de la superficie du pays.

En réponse à M. Jean Milhau, M. Michel Boutant, rapporteur, a précisé que d'autres accords de ce type étaient en cours de négociation avec la Chine, l'Inde ou la Russie.

Suivant les recommandations du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

ANNEXE - ETUDE D'IMPACT1 ( * )

I - Justification de la conclusion de l'Accord

Cet Accord comporte deux volets, l'un relatif à la circulation des personnes, l'admission au séjour et l'immigration professionnelle et l'autre au développement solidaire. Il n'inclut pas de volet relatif à la réadmission, un accord relatif à la réadmission et au transit des personnes en situation irrégulière ayant déjà été signé à Port Louis le 2 avril 2007.

Depuis 2006, la France a signé cinq accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire qui intègrent des questions relevant de la problématique migratoire selon les trois volets indissociables qui participent d'une approche globale, l'organisation de la migration légale, la lutte contre l'immigration irrégulière et le développement solidaire.

A Maurice, la problématique est différente, ce qui explique la structure particulière de l'Accord. En effet, les autorités mauriciennes ont souhaité que cet Accord soit la première déclinaison pratique du projet pilote dit « de migration de travail circulaire » qu'elles ont conçu pour pallier les diminutions d'emplois dans les secteurs du textile et de la production sucrière touchant une partie de la main d'oeuvre mauricienne non qualifiée. Ce projet novateur, soutenu par la Commission européenne, doit permettre aux populations concernées de se requalifier en vue de leur réinsertion dans des secteurs porteurs de l'économie locale.

Dans ce contexte, de larges facilités de circulation, notamment la création de visas de long séjour temporaires dispensant d'autorisations de séjour voire de travail, ont été prévues.

Une enveloppe globale d'un million d'euros versée par le MIIINDS sur une période de trois ans, devrait faciliter la mise en oeuvre de projets de formation professionnelle destinés à répondre aux besoins communs des marchés du travail français et mauricien, dans le cadre d'un programme pluriannuel prévoyant la formation de formateurs, la création d'un centre de formation professionnelle et la mise à niveau des centres existant.

Enfin, pour faciliter la réinsertion sociale et économique des ressortissants mauriciens à leur retour au pays après un séjour en France, des mesures ont été prises pour leur permettre de mettre en oeuvre un projet économique créateur d'emplois. Le dispositif d'aide proposé comprend des programmes d'appui à la création d'activités économiques et inclut notamment des formations professionnelles ainsi que des aides matérielles et financières.

II - Profil migratoire

Avec une superficie de 2 040 km2 pour une population de 1 300 000 habitants (projection 2025 : 1 400 000 ) dont 42 % est urbaine et 24 % a moins de 15 ans, Maurice a connu en 2007 un taux de croissance de 4,7 % qui a porté son PIB à 7 milliards de dollars. Son ministre des finances n'a pas caché sa satisfaction quant aux performances économiques de l'île, notamment en matière de création d'emplois (10 000 emplois créés en 2007). Ce sont les secteurs du tourisme et de la construction qui ont été les moteurs de la croissance. Malheureusement, fin 2008, l'île a, elle aussi, été victime de la récession internationale et son taux de chômage de 8,5 % aujourd'hui, risque d'augmenter.

En France, avec une communauté s'élevant à 14 626 personnes en 2008, Maurice se situe au 33 ème rang des pays d'origine d'étrangers résidant en France. Le flux annuel (premiers titres délivrés) en 2007, était de 959 personnes (37 ème rang). On constate une diminution du nombre de Mauriciens d'un peu plus de 5% entre 2003 et 2007 (de 15 490 à 14 438 personnes) puis une légère augmentation en 2008 avec 14 626 personnes. Quant au flux annuel, il a connu une baisse progressive passant de 1 245 en 2002 à 959 en 2007.

L'immigration familiale reste la première cause d'immigration avec plus de la moitié de l'ensemble des flux d'entrées (625 personnes sur un total de 1 245 en 2002 et 526 personnes sur un total de 959 en 2007) ce qui la place au 26 ème rang. La proportion d'étudiants et stagiaires, malgré une baisse de 456 en 2007 à 359 en 2007, est toujours d'environ 1/3 de l'ensemble des flux d'entrées et place Maurice au 28 ème rang. Par contre, elle n'occupe que la 67 ème place en matière d'immigration pour motifs professionnels avec un flux d'entrées de 29 personnes en 2007 et la 91 ème pour la catégorie des réfugiés, apatrides et demandeurs d'asile. Enfin, le nombre de ressortissants mauriciens inscrits au titre d'étrangers malades a diminué depuis 2002 en passant de 22 à 15.

III - Impact de l'Accord

Visas de court séjour et de circulation

Le nombre de visas de court séjour délivrés entre 2004 et 2008 a légèrement augmenté (10 918 à 11 507). Le nombre de refus de délivrance a, quant à lui diminué fortement (2/3 en quatre ans : 2 096 à 650). Quant aux visas de circulation, leur délivrance a pratiquement doublé (1 516 à 2 787). Les mesures inscrites à l'article 1 de l'Accord relatives à la délivrance du visa de court séjour avaient pour objectif de faciliter davantage cette circulation. Mieux encore, ces mesures seront caduques dans le courant de l'année 2009, une dispense du visa de court séjour étant désormais inscrite dans le droit commun.

Visas de long séjour

La délivrance de ces visas est liée aux procédures d'introduction de travailleurs, d'étudiants ou de familles. Les étudiants ont toujours été majoritaires en représentant plus de la moitié des bénéficiaires de ce visa (357 en 2004 et 317 en 2008).

Immigration de travail

Si l'objectif d'organiser la venue de 500 ressortissants mauriciens par an dans le cadre de la liste des métiers prévue en annexe II de l'Accord était atteint, la part de l'immigration de travail serait égale à celle de l'immigration familiale. En effet, en 2007, 526 personnes ont bénéficié d'un titre de séjour pour des raisons familiales et seulement 29 pour des raisons professionnelles. Par ailleurs, les autorités mauriciennes se sont engagées à faciliter la venue des jeunes professionnels français.

Aides au retour

En 2008, les deux formes d'aides au retour, l'aide au retour volontaire et l'aide au retour humanitaire ont été peu distribuées (1 pour la première et 8 pour la seconde). La mise en oeuvre du volet relatif à la réinsertion sociale et économique nécessitera la conclusion d'une convention entre l'ANAEM du côté français et l'opérateur que Maurice voudra bien désigner pour lui-même. Les projets retenus devront être créateurs d'activités économiques et les bénéficiaires des aides accordées dans ce cas seront accompagnés dans leur démarche créative.

Projets de développement solidaire

Ces projets se limitent à la formation de formateurs, à la création d'un centre de formation professionnelle et à la mise à niveau des centres existant qui sont peu nombreux. Dans un premier temps les autorités mauriciennes sont intéressées par la formation de formateurs qui doit permettre à un certain nombre de leurs enseignants de venir parfaire la connaissance qu'ils ont des métiers enseignés afin de former leurs jeunes au plus près des besoins du marché du travail mauricien. Les autorités mauriciennes se sont également engagées à compléter les crédits alloués par la France.

IV - Effet sur l'ordre juridique interne

Cet accord est le premier qui traite de migration circulaire. Les dispositions relatives à la délivrance du visa de long séjour temporaire portant la mention « migration et développement » sont celles que les autorités mauriciennes privilégient dans la mesure où elles vont permettre à leurs ressortissants de travailler en France, de faire des économies et d'investir à leur retour dans une activité créatrice d'emplois (petites entreprises familiales). Pour ce faire, le gouvernement mauricien réfléchit à mettre en place une mesure incitative destinée à favoriser ce retour en accordant à ceux de ses ressortissants venus en France dans le cadre de l'accord, un pécule d'un montant deux fois supérieur à la somme économisée par le migrant.

Les métiers choisis répondent à des besoins de nos employeurs et portent sur des secteurs d'emploi amenés à se développer à Maurice (hôtellerie notamment). Aussi, cette migration circulaire, qui porte sur des petits nombres (500 par année), n'aura aucune incidence sur le marché du travail français.

Les dispositions relatives à la délivrance de la carte « compétences et talents » s'inscrivent dans le cadre de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration et celles sur les échanges de jeunes professionnels sont identiques à celles prévues dans les accords déjà signés.

Ce texte crée deux types de visa de long séjour temporaire, l'un portant la mention « stagiaire » d'une durée de validité de douze mois et l'autre portant la « migration et développement » d'une durée de validité de quinze mois qui n'existent pas dans le droit commun. En effet, les visas de long séjour temporaire ont actuellement une durée de validité maximale de six mois. Il appelle donc une modification de droit interne.

* 1 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires

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