III. LE RENDEZ-VOUS DE 2010 : L'HEURE DES CHOIX

« Nous serons au rendez-vous de la réforme des retraites. 2010 sera un rendez-vous capital. Il faudra que tout soit mis sur la table : l'âge de la retraite, la durée de cotisation, la pénibilité. Toutes les options seront examinées. Les partenaires sociaux feront des propositions. Je n'ai pas l'intention de fermer le débat avant qu'il ne soit ouvert. Mais quand viendra le temps de la décision, à la mi-2010, je prendrai mes responsabilités. »

Ainsi s'exprimait, le 22 juin 2009 devant le congrès à Versailles, le Président de la République, donnant le coup d'envoi d'un nouveau débat national sur les retraites.

Alors que la prochaine échéance sur les retraites était prévue pour 2012, l'idée de fixer un rendez-vous dès 2010 s'est imposée pour trois raisons :

- le semi-échec du rendez-vous de 2008, rendant nécessaire un nouveau point d'étape sans devoir attendre encore quatre ans ;

- la survenance de la crise qui, en aggravant les difficultés financières de la branche vieillesse, interdit de reporter la question du financement des régimes de retraite ;

- la remise par le Cor, au début de l'année 2010, d'un rapport commandé par le Parlement sur les modalités de transformation des régimes obligatoires fonctionnant par annuités en régimes par points, voire en comptes notionnels, qui fournit l'occasion d'engager une véritable réflexion sur l'avenir des retraites.

A. REPENSER LE CONTRAT SOCIAL DES RETRAITES

Lorsqu'est abordé le sujet des retraites, pessimisme et fatalisme l'emportent chez un nombre croissant de citoyens. Alors que la retraite devrait en principe constituer la première des sécurités face à l'avenir, elle suscite aujourd'hui des réactions de méfiance, d'angoisse, voire de rejet. Cette perte de confiance des assurés dans le système de retraite est caractéristique du progressif délitement du contrat social sur lequel il est fondé.

1. Le pacte intergénérationnel brisé

Pilier du « modèle social français » hérité de l'après-guerre, le système de retraite par répartition repose sur un contrat social : chaque génération a droit au fait que ses enfants lui assurent une retraite correspondant à celle qu'elle a assurée elle-même à ses parents. Or, le vieillissement de la population ébranle les fondements de ce pacte générationnel puisqu'un transfert de revenu inéquitable entre les différentes générations est en train de s'établir : une fraction de plus en plus réduite de la population (les actifs) prend en charge financièrement les besoins d'une fraction de plus en plus nombreuse (les retraités).

L' équité intergénérationnelle , notion fondamentale dans un système de retraite par répartition, vise à éviter que seules certaines générations aient à assumer, par des baisses de pensions ou des hausses de prélèvements, les ajustements nécessaires pour assurer la pérennité financière du système. C'est aujourd'hui un sujet clé pour tous les pays confrontés au vieillissement démographique, la question étant de savoir combien de temps les jeunes générations accepteront de payer des cotisations pour assurer à leurs aînés un niveau de pension qu'elles n'auront pas .

Alors qu'en temps normal, le contrat social en matière de retraites est passé entre les générations 1 (les parents) et 2 (les enfants), il engage aujourd'hui la génération 3 (les petits-enfants). Autrement dit, les pensions servies aux retraités actuels sont financées par la dette dont hériteront leurs petits enfants.

Face au risque grandissant de voir les jeunes actifs d'aujourd'hui et de demain refuser de cotiser toujours plus, il est impératif de redonner tout son sens à l'équité intergénérationnelle. Seule la garantie d'un système viable financièrement à moyen et long terme permettra de rétablir la confiance des jeunes générations dans les retraites .

C'est donc le système de retraite de demain, celui de la France de 2020-2040, que devra préparer le rendez-vous de 2010 .

2. Le pacte intragénérationnel miné

Aux inégalités entre les générations s'ajoutent les inégalités entre les assurés sociaux. Conséquence de la juxtaposition des régimes, des modes de calcul des droits différents et de l'instauration de mesures compensatrices pour certaines catégories professionnelles, l'effort contributif n'est pas équitablement réparti entre les corps sociaux .

Ce constat peut être ainsi résumé 13 ( * ) :

« Quelles qu'aient été les justifications initiales pour les mesures compensatoires catégorielles, qui existent aussi bien dans le cadre des régimes dits spéciaux qu'au sein des régimes de droit commun, leur multiplication et leur inertie dans le temps conduisent à un système peu lisible pour le citoyen. Ce système où chacun suspecte les autres de mieux tirer parti que lui-même des avantages en vigueur finit par miner le consensus démocratique autour de la retraite. »

L'une des conditions essentielles à la réhabilitation du principe d'équité horizontale, selon lequel « à cotisations égales, retraites égales », est donc que la prochaine réforme des retraites concerne l'ensemble des assurés sociaux . La limiter aux seuls salariés du privé risquerait d'être fatal au pacte intragénérationnel .

* 13 Thomas Piketty, Antoine Bozio, « Retraites : pour un système de comptes individuels de cotisations », 7 avril 2008.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page