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Rapport n° 131 (2009-2010) de M. Jean-Patrick COURTOIS , fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 décembre 2009

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N° 131

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 décembre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux ,

Par M. Jean-Patrick COURTOIS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. Elie Brun, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mmes Jacqueline Gourault, Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

63 et 132 (2009-2010)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 3 décembre 2009 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest , président, la commission des lois a examiné le rapport de M. Jean-Patrick Courtois , rapporteur, et établi le texte qu'elle propose pour le projet de loi n° 63 (2009-2010) organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

M. Jean-Patrick Courtois , rapporteur, a tout d'abord rappelé que ce texte, qui prévoit la réduction de la durée des mandats des conseillers régionaux et des membres de l'Assemblée de Corse élus en mars 2010 et des conseillers généraux élus en mars 2011 afin de les faire expirer simultanément en mars 2014, était soumis à la procédure accélérée. Il a souligné que ce procédé visait à tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui impose, au nom du principe de sincérité du scrutin, que les électeurs soient informés des caractéristiques des mandats qu'ils confient à leurs élus avant le déclenchement des opérations électorales.

Ayant relevé que ce projet de loi était un préalable indispensable à l'institution des « conseillers territoriaux », dont la création est prévue par l'article 1 er du projet de loi n° 60 (2009-2010) de réforme des collectivités territoriales, M. Jean-Patrick Courtois a rappelé que ces nouveaux élus siégeraient à la fois dans les assemblées délibérantes des départements et des régions. En outre, il a constaté que le présent texte n'impliquait pas la mise en place de cette nouvelle catégorie d'élus, et qu'il ne limitait donc pas la souveraineté des Assemblées : à cet égard, il a souligné que le Parlement pourrait, à l'issue de ses débats sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales et même dans l'hypothèse où il aurait préalablement adopté le projet de loi n° 63, renoncer à créer ces conseillers territoriaux.

Dans ce cadre, M. Jean-Patrick Courtois a estimé que la mise en place d'élections cantonales et régionales concomitantes comportait, par elle-même, de nombreux avantages. Il a ainsi noté :

- qu'elle était un facteur de renforcement de la participation électorale, et donc de dynamisation de la démocratie locale ;

- qu'elle permettrait de mettre fin au renouvellement triennal par moitié des conseils généraux, conformément aux demandes des associations d'élus et aux préconisations de la mission sénatoriale présidée par M. Claude Belot ;

- qu'elle garantirait, en synchronisant les mandats locaux, une meilleure coordination entre les initiatives territoriales.

Néanmoins, il a observé que ce nouveau calendrier impliquerait la tenue simultanée des élections municipales, cantonales et régionales. En conséquence, il a appelé le gouvernement à s'engager à renforcer les moyens financiers et humains des pouvoirs publics chargés de l'organisation et du contrôle des opérations électorales.

La commission a donc adopté le projet de loi sans modification .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

En conformité avec sa mission constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales, le Sénat est appelé à se prononcer, en première lecture et en premier lieu, sur le projet de loi n° 63 (2009-2010) organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

Ce texte est, en effet, partie intégrante de la réforme des structures locales engagée par le gouvernement, dans la mesure où il est indispensable à la création des conseillers territoriaux prévus par l'article 1 er du projet de loi de réforme des collectivités territoriales -sans, néanmoins, l'impliquer nécessairement. Bien qu'apparemment modeste, il est donc le support d'enjeux institutionnels forts.

Le présent projet de loi est le seul des quatre textes déposés devant le Sénat à être soumis à la procédure accélérée . Cette particularité découle des principes dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en vertu desquels une réduction de la durée des mandats électifs ne peut être décidée qu'en amont de l'élection des titulaires desdits mandats , afin de ne pas altérer la sincérité du scrutin.

Ainsi, étant donné que le texte soumis au Sénat a des conséquences directes sur la durée du mandat des conseillers régionaux élus en mars 2010, qu'il diminue de deux ans, il est crucial qu'il soit définitivement adopté et promulgué avant le début des opérations électorales.

Toutefois, ce projet ne se borne pas à tirer les conséquences d'une réforme dont le Parlement n'a pas encore eu à connaître. Déjà mise en oeuvre en 1992, la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux présente des avantages qui outrepassent largement la seule mise en place des conseillers territoriaux.

Le présent texte ne saurait donc être interprété comme un blanc-seing donné au pouvoir exécutif : le législateur ne peut se lier lui-même, puisque ce que la loi a fait, elle peut également le défaire.

Dans ce contexte, votre rapporteur souligne que l'adoption du présent texte est de nature à préserver la pleine souveraineté du Parlement. En effet, l'adoption de ce projet de loi ne ferait en rien obstacle à ce que les Assemblées décident finalement, à l'issue de leurs discussions sur le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, de renoncer à créer une nouvelle catégorie d'élus.

À l'inverse, si ce projet de loi n'était pas approuvé dans les plus brefs délais, il serait de facto impossible que les conseillers territoriaux soient effectivement institués en mars 2014 : le législateur se priverait donc des marges de manoeuvre qui sont les siennes pour fixer, conformément à l'article 34 de la Constitution, le régime électoral des assemblées locales.

I. UNE CONCOMITANCE INDISPENSABLE À LA MISE EN PLACE DES CONSEILLERS TERRITORIAUX ET BÉNÉFIQUE POUR LA DÉMOCRATIE LOCALE

A. LA CONCOMITANCE DES RENOUVELLEMENTS DES CONSEILS GÉNÉRAUX ET RÉGIONAUX : UN PRÉALABLE NÉCESSAIRE À LA CRÉATION DES CONSEILLERS TERRITORIAUX

Reprenant la proposition n° 3 du comité pour la réforme des collectivités locales présidé par M. Édouard Balladur, l'expiration simultanée des mandats de l'ensemble des conseillers généraux et des conseillers régionaux en mars 2014 vise principalement à permettre la création , à cette même date, de « conseillers territoriaux » qui se substitueront à ces deux catégories d'élus.

1. Le conseiller territorial, pivot du futur « couple département-région », implique une expiration simultanée des mandats des conseillers généraux et régionaux

L'article 1 er du projet de loi de réforme des collectivités territoriales propose en effet d'instituer des conseillers territoriaux 1 ( * ) ; ceux-ci seraient désignés dans le cadre d'une élection unique et siégeraient à la fois dans les conseils généraux et dans les conseils régionaux.

Ils seraient donc titulaires d'un seul mandat, mais exerceraient deux fonctions qui les amèneraient à adopter à la fois une vision stratégique à l'échelle de la région, et une vision de proximité découlant de leur ancrage départemental.

Ce dispositif n'aurait pas pour effet de remettre en cause la dualité entre les conseils généraux et les conseils régionaux, qui conserveront des appellations et des modes de fonctionnement différents.

D'abord présentée par deux propositions de loi 2 ( * ) , cette mesure a été développée par le comité présidé par M. Édouard Balladur, dont le rapport affirmait que la création des conseillers territoriaux permettrait de « fédérer les deux niveaux d'administration concernés, tout en assurant aux territoires une représentation à l'échelon régional dont ils ne bénéficient aujourd'hui que de manière imparfaite. [...] On ajoutera que le rapprochement organique des assemblées délibérantes devrait permettre de limiter les interventions concurrentes des départements et des régions sur un même projet et un même territoire ».

Les conseillers territoriaux seraient donc le corollaire de la mise en place d'un « couple département-région » ; ils auraient vocation à garantir la bonne articulation des compétences de ces deux catégories de collectivités territoriales et devraient être un vecteur de clarification et de simplification des structures locales.

Le rapport du comité pour la réforme des collectivités locales recommandait, en outre, d'organiser la première élection des conseillers territoriaux en mars 2014. Ce calendrier a été retenu par le gouvernement et justifie une réduction des mandats des conseillers régionaux élus en 2010 et des conseillers généraux élus en 2011.

2. Actuellement, les élections cantonales et régionales ne sont pas synchronisées

Les conseillers généraux et les conseillers régionaux, élus pour six ans, sont actuellement désignés selon des modes de scrutin fortement différenciés :

- afin de favoriser la constitution d'un lien fort entre les électeurs et les élus, les conseillers généraux sont élus au scrutin majoritaire à deux tours dans un cadre cantonal. Le conseil se renouvelle par moitié tous les trois ans ;

- les conseillers régionaux sont élus selon un mode de scrutin mixte, qui mêle un principe majoritaire (une prime équivalant à 25 % du nombre total de sièges dans le conseil est attribuée à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages à l'issue du premier tour, ou la majorité relative des voix au second) et une logique proportionnelle (les 75 % de sièges restants sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne) : il s'agit ainsi d'un scrutin de liste majoritaire à deux tours , qui vise à concilier l'objectif de représentation des minorités au sein du conseil régional et la nécessité de constituer des majorités de gestion stables et pérennes pour assurer l'administration de la région.

Régime en vigueur

Conseillers régionaux

Conseillers généraux

Circonscription électorale

Région

(avec, toutefois, des sections départementales au sein des listes régionales)

Canton

Durée du mandat

Six ans

(Renouvellement intégral)

Six ans

(Renouvellement par moitié tous les trois ans)

Date des prochaines élections

Mars 2010

Mars 2011 (2 e série)

Mars 2014 (1 e série)

Mode de scrutin

Scrutin de liste avec prime majoritaire

Scrutin uninominal
majoritaire

Nombre de tours
de scrutin

Deux

Deux

Seuil pour obtenir
des sièges

5 %

---

Seuil de passage
au second tour

10 % des suffrages exprimés

10 % des électeurs inscrits

Seuil de fusion
entre les listes

5 %

---

Bien que les mandats des conseillers régionaux et des conseillers généraux aient une durée identique, leurs élections respectives ne sont pas simultanées : les prochains renouvellements partiels des conseils généraux auront en effet lieu en mars 2011, puis en mars 2014, tandis que les conseils régionaux se renouvelleront intégralement en 2010, puis en 2016.

Ainsi, une intervention du législateur est nécessaire pour organiser la simultanéité de ces élections, qui sont structurellement désynchronisées.

3. La création des conseillers territoriaux est éclatée en trois textes distincts

Votre rapporteur observe que les dispositions relatives à la création des conseillers territoriaux figurent dans trois projets de loi distincts : le présent texte s'il facilite la réforme, ne l'implique ni ne l'entérine.

En l'état actuel de leur rédaction, on rappellera que ces deux autres projets de loi prévoient :

- que ces conseillers siègeraient au conseil général et au conseil régional de la région à laquelle appartient le département dans lequel ils ont été élus (article 1 er du projet de loi n° 60 précité) ;

- qu'ils seraient élus selon un mode de scrutin mixte, c'est-à-dire à la fois majoritaire (pour 80 % des sièges et au niveau des cantons) et proportionnel (pour les 20 % de sièges restants et au niveau des départements) ; ce scrutin ne comporterait qu'un seul tour (titre I er du projet de loi n° 61 relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale).

Ces dispositions pourront, naturellement, être modifiées par le Parlement lors de leur examen.

B. LA CONCOMITANCE EST, EN ELLE-MÊME, UN FACTEUR DE DYNAMISATION DE LA DÉMOCRATIE LOCALE

Outre les circonstances qui viennent d'être évoquées, la concomitance des renouvellements des assemblées territoriales permet de renforcer la légitimité et la visibilité des élus locaux, mais aussi de clarifier et de consolider l'architecture institutionnelle décentralisée.

Dans cette optique, on rappellera que la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux avait été prévue, hors de toute réforme annexe, par la loi du 11 décembre 1990 . Toutefois, la loi n° 94-44 du 18 janvier 1994 avait rétabli le renouvellement partiel des conseils généraux 3 ( * ) , si bien que la concomitance n'avait été appliquée qu'à une seule reprise, lors des élections cantonales et régionales de 1992.

1. Le renforcement de la démocratie locale

La simultanéité des élections cantonales et régionales permet tout d'abord de dynamiser la démocratie locale : comme l'affirme le comité pour la réforme des collectivités locales, la concomitance, en rendant les élus plus facilement identifiables par leurs électeurs, « renforcerait [le] poids [de ces élections] dans la vie locale et ne pourrait, en conséquence, que favoriser la clarté des choix démocratiques ».

La mise en place d'échéances regroupées est en effet de nature à fluidifier les relations entre les électeurs et leurs élus. Actuellement éclatées en trois opérations séparées (c'est-à-dire une pour chaque série de conseillers généraux, et une pour l'ensemble des conseillers régionaux) qui s'enchaînent à un rythme irrégulier, les élections territoriales deviendraient ainsi plus lisibles pour les citoyens, qui peinent aujourd'hui à démêler la portée de leurs votes successifs.

Ce surcroît de visibilité pour les élus locaux est, indéniablement, un facteur de renforcement de leur légitimité.

A cet égard, M. Marc Dolez avait soutenu, dans son rapport sur la loi n° 90-1103 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux du 11 décembre 1990, que la simultanéité des élections territoriales était un facteur d'augmentation de la participation électorale .

Votre commission des lois et le Sénat avaient à l'époque rejeté cet argument, qui ne semblait pas fondé sur des faits objectifs 4 ( * ) .

Force est toutefois de constater que, dans les faits, la concomitance a eu des effets bénéfiques sur la participation électorale : selon les statistiques fournies par le ministère de l'intérieur 5 ( * ) , le taux d'abstention aux élections cantonales, qui était supérieur à 50 % lors des élections de 1988, a fortement chuté avec l'instauration, en 1992, d'élections régionales et cantonales concomitantes (29,8 % au premier tour), avant de remonter lors des élections de 1994 (environ 40 %).

Si cette corrélation ne révèle pas forcément un rapport de causalité, il n'en reste pas moins que, en tout état de cause, la simplification du calendrier électoral permettra de mettre en évidence les enjeux des politiques publiques territoriales et d'imprimer un rythme clair à la démocratie locale ; elle est ainsi susceptible de favoriser la mobilisation des citoyens .

2. Une opportunité de mettre fin au renouvellement par moitié des conseillers généraux

La mise en place d'élections concomitantes pour désigner les membres des assemblées délibérantes des régions et des départements implique, en outre, de mettre un terme au renouvellement triennal par moitié des conseils généraux.

En effet, le maintien de ce mode de scrutin apparaît désormais anachronique , puisque les motifs qui présidaient à sa mise en place ne sont aujourd'hui plus opérants. Comme le rappelait Marc Dolez dans son rapport précité, ce mode de scrutin visait, au moment de son institution par la loi du 10 août 1871, à « éviter que la composition d'assemblées qui n'avaient qu'un rôle essentiellement administratif ne connaisse des modifications trop brutales au fil des variations de l'opinion » et à « permettre cependant à cette dernière de s'exprimer tous les trois ans en dépit de la longueur du mandat dont étaient investis les conseillers généraux ».

Cette volonté de favoriser une expression fréquente des citoyens et de préserver, ce faisant, le lien particulier qui existe entre les électeurs et les élus cantonaux, a fondé l'opposition traditionnelle du Sénat à la remise en cause du renouvellement triennal.

Malgré la légitimité de cette préoccupation, le renouvellement partiel des conseils généraux est peu compatible avec les larges compétences qui ont été progressivement confiées aux départements et avec l'émergence du président du conseil général comme un véritable pouvoir exécutif à l'échelle départementale. Ces éléments doivent inciter le législateur à renforcer la continuité de l'action publique au niveau du département : une durée de trois ans n'est en effet pas suffisante pour permettre à une majorité de mener à bien le programme sur la base duquel elle a été élue.

Il importe donc de doter les conseils généraux , responsables de la conduite de politiques publiques de proximité dont les conséquences directes et substantielles sur la vie quotidienne des citoyens du département ne sont plus à démontrer, d'une « durabilité » et d'une stabilité en concordance avec leurs missions.

M. Michel Dinet, trésorier de l'Assemblée des départements de France (ADF), notait à cet égard que le renouvellement par moitié n'était ni « lisible pour les électeurs », ni proportionné « à l'ampleur des responsabilités et des budgets » des départements. Il appelait donc à la mise en place d'un renouvellement intégral afin que les conseils généraux bénéficient d'« une reconnaissance citoyenne plus forte de leur action s'inscrivant dans le moyen, et non dans le court terme » 6 ( * ) .

Consciente des faiblesses du mode de scrutin actuellement en vigueur pour l'élection des conseillers généraux, la mission sénatoriale présidée par M. Claude Belot 7 ( * ) avait elle aussi proposé d'instaurer un renouvellement intégral des conseils généraux.

Votre rapporteur observe que cette préconisation , qui figurait déjà dans le rapport d'étape rendu public en mars 2009, avait fait consensus dès le début des travaux de la mission : répondant « à un objectif de simplification », mais aussi à la nécessité de préserver « la qualité du lien entretenu par les élus départementaux avec leur territoire, avec lequel ils sont en contact quotidien », cette réforme avait été « recommandée par la quasi-intégralité des personnalités entendues ».

Le présent projet de loi permet donc de mettre en application les propositions de la mission Belot, mais aussi d'accéder aux revendications des élus départementaux, qui réclament la mise en place d'un renouvellement intégral des conseils généraux.

Ainsi, une résolution de l'ADF de décembre 2008, signée par les présidents de 102 conseils généraux, affirmait que « tous les présidents sont favorables au renouvellement en une seule fois du conseil général » et proposait, en conséquence, « que les conseillers généraux élus en 2011 le soient pour trois ans, et qu'en 2014 intervienne un renouvellement intégral sur la base de cantons redécoupés ».

3. Une meilleure articulation entre les initiatives territoriales

Par ailleurs, même en l'absence de « conseillers territoriaux » exerçant à la fois les fonctions des conseillers généraux et celles des conseillers régionaux, la mise en place d'élections locales concomitantes favorise l'émergence d'une véritable solidarité entre les élus locaux et, de ce fait, garantit une meilleure coordination entre les départements et les régions.

Désignés en même temps et dotés de mandats de même durée, les élus locaux seraient en effet capables de collaborer plus étroitement et de mieux articuler les politiques publiques dont ils ont la charge.

4. Un choix qui permet de déconnecter les élections locales des élections nationales et préserve la spécificité du Sénat

Enfin, le présent projet de loi est conforme aux prises de positions passées de votre commission des lois , qui a continûment plaidé pour que les élections locales soient déconnectées, autant que possible, des élections nationales, et qui s'est en outre attachée à harmoniser le calendrier électoral local avec les échéances propres au Sénat afin de permettre à ce dernier de demeurer un représentant légitime des collectivités territoriales.

La nécessité d'une déconnection entre les enjeux locaux et les enjeux nationaux a été, à plusieurs reprises, rappelée par votre commission . À titre d'exemple, le rapport du président Jean-Jacques Hyest sur la loi du 15 décembre 2005 prorogeant la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007 soulignait que la « confusion » provoquée par une trop grande proximité dans le temps de scrutins locaux et de scrutins nationaux était « susceptible de favoriser l'abstention électorale » et de « brouiller les enjeux respectifs de chaque élection » 8 ( * ) .

La mise en place d'une démarcation nette entre les élections locales et nationales est d'ailleurs reconnue comme un motif d'intérêt général tant par le Conseil d'Etat , qui observait dans un avis de 1997 que la concomitance entre des scrutins nationaux et des scrutins locaux comportait « des risques de confusion dans l'esprit des électeurs et d'interférence entre les campagnes » 9 ( * ) , que par le Conseil constitutionnel , qui avait, en 2005, appelé le législateur à modifier le calendrier électoral pour éviter une « concentration de scrutins » préjudiciable à la clarté des enjeux portés par chaque élection 10 ( * ) .

Le calendrier mis en place par le présent projet de loi permettrait de répondre à cet impératif, dans la mesure où il éviterait, pendant près de vingt ans, tout « télescopage » entre des élections locales et nationales.

CALENDRIER ÉLECTORAL MIS EN PLACE PAR LE PROJET DE LOI

Conseillers municipaux
(mars)

Conseillers généraux
(mars)

Conseillers régionaux
(mars)

Sénat
(septembre)

Présidentielle et

Assemblée nationale

Élections européennes

1 ère série

2 ème série

1 ère série

2 ème série

2008

X

X

X

2009

X

2010

X

(Quatre ans)

2011

X
(Trois ans)

X

2012

X

2013

2014

X

X
(Suppression du renouvellement par moitié des conseils généraux)

X

X

- 15 -

X

2015

2016

2017

X

X

2018

2019

X

2020

X

X

X

X

2021

2022

X

2023

X

2024

X

2025

2026

X

X

X

X

2027

X

2028

2029

X

X

2030

2031

2032

X

X

X

X

X

En outre, votre rapporteur souligne que ce calendrier préserve les spécificités du Sénat, représentant des collectivités territoriales en vertu de l'article 24 de la Constitution : en effet, les sénateurs demeureront désignés par des conseillers municipaux, généraux et régionaux fraîchement élus, ce qui conforte la légitimité de la Haute Assemblée.

Ce raisonnement avait conduit le Sénat, lors de l'examen de la loi du 15 décembre 2005, à repousser la date du renouvellement sénatorial partiel initialement prévu en 2007 afin de tenir compte de la prorogation des mandats des conseillers municipaux et généraux. Comme l'indiquait alors le président Hyest, « L'élection des sénateurs par une majorité d'élus locaux en fin de mandat ne paraît pas poser de difficulté juridique spécifique, un élu étant élu de plein droit du premier au dernier jour de son mandat. Toutefois, cette situation instituerait un ordre inédit sous la Cinquième République entre ces élections. Depuis 1963, les élections municipales et cantonales ont toujours eu lieu dans la même année qu'un renouvellement sénatorial et avant ce renouvellement » .

L'expiration simultanée des mandats des conseillers généraux et des conseillers régionaux en mars 2014 respecte cet impératif , dans la mesure où le renouvellement de la première série sénatoriale est prévu en septembre de la même année. En tant que telle, elle garantit une représentation fidèle des collectivités territoriales par le Sénat, la deuxième série sénatoriale étant élue trois plus tard, à mi-mandat des élus locaux.

5. Le nécessaire renforcement des institutions chargées de l'organisation et du contrôle des opérations électorales

Malgré ses avantages, ce calendrier impliquerait la concomitance de l'ensemble des élections locales -et non les seules élections régionales et cantonales. En effet, les élections municipales, cantonales et régionales auraient désormais systématiquement lieu la même année, mais aussi le même mois , le code électoral prévoyant que chacune de ces élections a lieu en mars 11 ( * ) .

En outre, des élections européennes devraient également avoir lieu en 2014, ainsi que le renouvellement de la deuxième série des sénateurs. Cinq scrutins -ou quatre en cas de création des conseillers territoriaux- seront donc organisés au cours d'une seule année.

Or, il est évident que de lourdes difficultés peuvent découler de cette simultanéité pour les pouvoirs publics chargés de l'organisation (communes, préfectures...) ou du contrôle (juridictions administratives, commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques...) des opérations électorales .

Ainsi, dans l'hypothèse où le législateur prévoirait la concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux, sans pour autant fusionner ces deux scrutins en créant le mandat de conseiller territorial, ces institutions connaîtraient une hausse sensible de leur activité qu'elles ne pourraient probablement pas assumer sereinement , comme en témoignent les perturbations provoquées par la simultanéité de quatre scrutins en 2004 (élections cantonales, régionales, européennes et sénatoriales).

De ce fait, il est souhaitable que le gouvernement s'engage à renforcer les moyens matériels et humains dévolus à ces institutions.

C. L'ADAPTATION DE LA DURÉE DES MANDATS EST CONFORME À LA JURISPRUDENCE CONSTITUTIONNELLE

1. La jurisprudence constitutionnelle ouvre au législateur la possibilité de réduire la durée des mandats électifs

L'article 34 de la Constitution consacre la compétence du Parlement pour fixer les règles qui concernent « le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales ». Il lui incombe donc, lorsque cela est rendu nécessaire par des considérations d'intérêt général, de modifier la durée des mandats électoraux, de préciser les conditions et les fondements de cette modification et d'en déterminer les limites.

Dans cet exercice, le législateur est néanmoins tenu de se conformer à certains principes constitutionnels, sous peine de s'exposer à la censure du juge constitutionnel. Il doit notamment respecter les principes de sincérité du suffrage et d'égalité des citoyens et des candidats devant le suffrage, qui découlent de l'article 3 de la Constitution, mais aussi le principe de libre administration des collectivités territoriales, inscrit à l'article 72 de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel estime toutefois que « la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement » 12 ( * ) . Dès lors, il se refuse à contrôler l'opportunité des choix qui sont à l'origine d'une modification de la durée des mandats .

Ainsi, une telle modification sera jugée conforme à la Constitution à condition :

- que la modification ne soit pas « manifestement inappropriée » à l'objectif que le législateur entend atteindre. Dans ce cadre de contrôle restreint, le Conseil considère qu'« il ne lui appartient pas de rechercher si les objectifs que s'est assigné le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies » 13 ( * ) ;

- ensuite, qu'elle soit justifiée par un motif d'intérêt général -et, en tout état de cause, que la finalité de la réforme ne soit contraire à aucun principe ni à aucune règle à valeur constitutionnelle. Dès lors, les différences de traitement entre élus ou entre électeurs qui résultent de cette modification doivent être en rapport avec l'objectif de la loi : ainsi, en 1994, le Conseil avait validé le report des élections municipales de 1995 afin d'« éviter les difficultés de mise en oeuvre » de l'élection présidentielle prévue la même année ;

- enfin, que la modification ne remette pas en cause le droit des électeurs d'exercer leur droit de suffrage selon une « périodicité raisonnable ». Elle doit donc avoir un caractère exceptionnel et transitoire, être limitée dans le temps et être strictement nécessaire à la réalisation de l'objectif de la loi.

Parallèlement, la loi ne doit pas avoir pour effet de compromettre la sincérité du suffrage.

Dès lors, si une réduction de mandats en cours a déjà été validée par le Conseil constitutionnel en réponse à des circonstances exceptionnelles justifiant une dérogation aux principes constitutionnels normalement opposables au législateur 14 ( * ) , ce procédé demeure discutable au regard du respect du principe de sincérité. En effet, il s'apparente à une mesure de dissolution peu conciliable avec les principes de libre expression du suffrage et de libre administration des collectivités territoriales. En outre, le principe de sincérité du suffrage suppose que les électeurs soient informés, au moment de leur vote, des caractéristiques des mandats sur lesquels ils se prononcent , et notamment de la durée de ceux-ci.

En conséquence, une loi réduisant la durée de certains mandats électoraux doit être promulguée avant le déclenchement des opérations électorales.

D'autre part, dans le cas d'un texte prévoyant la concomitance de deux scrutins, le principe de sincérité impose que « le choix opéré par le législateur en faveur d'un regroupement dans le temps de ces consultations [s'accompagne] de modalités matérielles d'organisation destinées à éviter toute confusion dans l'esprit des électeurs » 15 ( * ) .

Cette réserve d'interprétation devra être prise en compte par le législateur si, ayant prévu l'organisation simultanée des élections cantonales et régionales, il décide toutefois de maintenir une séparation stricte entre les mandats de conseiller général et de conseiller régional.

2. Les nombreuses modifications de la durée des mandats électifs sous la Cinquième République

Depuis 1958, le législateur a déjà modifié, à neuf reprises, la durée de certains mandats afin de répondre à des objectifs d'intérêt général.

Les nombreuses modifications de la durée des mandats électifs
sous la Cinquième République

- La loi n° 66-947 du 21 décembre 1966 a reporté de mars à octobre 1967 le renouvellement d'une série de conseillers généraux afin d'éviter que celui-ci n'intervienne en même temps que les élections législatives ;

- La loi n° 72-1070 du 4 décembre 1972 a reporté de mars à octobre 1973 le renouvellement d'une série de conseillers généraux afin d'éviter que celui-ci ne coïncide avec les élections législatives ;

- La loi n° 88-26 du 8 janvier 1988 a reporté de mars à septembre 1988 le renouvellement d'une série de conseillers généraux afin de faciliter l'organisation de l'élection présidentielle ;

- La loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 a prolongé d'un an les mandats des conseillers généraux élus en 1985 et écourté de deux ans le mandat des conseillers élus en 1988, afin de permettre l'organisation simultanée des élections régionales et cantonales et, ainsi, de lutter contre l'abstention électorale ;

- La loi n° 94-44 du 18 janvier 1994 a prolongé d'un an le mandat d'une série de conseillers généraux en vue de rétablir le renouvellement triennal par moitié des conseils généraux ;

- La loi n° 94-590 du 15 juillet 1994 a reporté de trois mois les élections municipales de 1995 afin d'écarter toute difficulté dans l'organisation de l'élection présidentielle de la même année ;

- La loi n° 96-89 du 6 février 1996 a reporté de deux mois le renouvellement des membres de l'assemblée territoriale de la Polynésie française en vue d'éviter que ce renouvellement ne vienne perturber l'examen, par le Parlement, d'une réforme statutaire de cette collectivité ;

- La loi organique n° 2001-419 du 15 mai 2001 a reporté de onze semaines l'organisation des élections législatives, afin qu'elles aient lieu après l'élection du Président de la République ;

- La loi n° 2005-1563 du 15 décembre 2005 a prorogé d'un an le mandat des conseillers municipaux, des conseillers généraux et des sénateurs renouvelables en 2007 afin de permettre le bon déroulement des élections présidentielles et législatives prévues la même année.

II. LE PROJET DE LOI : PERMETTRE L'ÉLECTION SIMULTANÉE, EN MARS 2014, DES CONSEILLERS GÉNÉRAUX, DES MEMBRES DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE ET DES CONSEILLERS RÉGIONAUX

Le présent projet de loi prévoit :

- de réduire de moitié la durée du mandat des conseillers généraux élus en 2011, celle-ci étant portée à trois ans. Étant donné que le mandat des conseillers généraux élus en mars 2008 expire normalement en 2014, il n'est pas nécessaire d'en modifier la durée ;

- de réduire de deux ans le mandat des conseillers régionaux élus en 2010, afin qu'il expire, lui aussi, en mars 2014 ;

- par cohérence, de réduire de deux ans le mandat des membres de l'Assemblée de Corse.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : UN PROJET DE LOI DONT L'ADOPTION EST URGENTE ET QUI NE PRÉJUGE PAS DES CHOIX FUTURS DU LÉGISLATEUR

Votre commission des lois, consciente de l'urgence qui s'attache à l'adoption de ce projet de loi, l'a adopté sans y apporter de modification.

De plus, elle constate qu'aucun des articles de ce projet ne fait référence à la création des conseillers territoriaux : dès lors, ce texte ne préjuge pas des choix futurs du législateur lors de l'examen de l'ensemble de la réforme territoriale.

En conséquence, votre commission vous propose d' adopter le projet de loi sans modification .

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Réduction du mandat des conseillers généraux
élus en mars 2011

Cet article réduit de trois ans le mandat des conseillers généraux élus en mars 2011 : celui-ci expirera donc en mars 2014 afin de permettre la simultanéité des élections cantonales des deux séries de conseillers généraux, d'une part, et des élections cantonales et des élections régionales, d'autre part.

Cette disposition déroge donc à l'article L. 192 du code électoral, qui prévoit que « les conseillers généraux sont élus pour six ans » ; toutefois, elle ne le remet pas en cause, dans la mesure où le mandat des conseillers généraux élus en mars 2014 retrouvera sa durée de droit commun.

Votre commission a adopté l'article premier sans modification .

Article 2
Réduction du mandat des conseillers régionaux
et des membres de l'Assemblée de Corse élus en mars 2010

Cet article réduit de deux ans le mandat des conseillers régionaux élus en mars 2010 ; par cohérence, il opère la même réduction pour le mandat des membres de l'Assemblée de Corse élus à la même date.

Une réduction similaire (c'est-à-dire une réduction de deux ans de la durée totale d'un mandat devant, selon le droit commun, être détenu pour six ans) a déjà été acceptée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 décembre 1990 16 ( * ) .

Conformément à l'article L. 4422-16, paragraphe V du code général des collectivités territoriales, l'Assemblée de Corse a été régulièrement consultée sur le présent projet de loi . Par une délibération du 12 octobre 2009, elle a donné un avis favorable au projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

Votre commission des lois a adopté l'article 2 sans modification .

EXAMEN EN COMMISSION

JEUDI 3 DÉCEMBRE 2009

Ayant rappelé que le présent projet de loi était partie intégrante de la réforme des collectivités territoriales engagée par le Gouvernement dans la mesure où il était un préalable indispensable à la création des conseillers territoriaux, M. Jean-Patrick Courtois , rapporteur, a indiqué que ce texte réduisait de deux ans les mandats des membres des conseils régionaux et des membres de l'Assemblée de Corse qui seraient élus en mars 2010, et de trois ans les mandats des conseillers généraux à élire en mars 2011. Il a précisé que, conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales, l'Assemblée de Corse avait été consultée par le Gouvernement et avait émis, par une délibération en date du 12 octobre 2009, un avis favorable sur le texte.

Il a ensuite souligné que ce projet de loi était le seul des quatre textes déposés devant le Sénat à être soumis à la procédure accélérée, le recours à ce procédé étant justifié car la jurisprudence du Conseil constitutionnel impose au législateur :

- de respecter le principe de sincérité du scrutin et, en conséquence, de garantir que les électeurs connaissent, au moment de leur vote, les caractéristiques -et notamment la durée- des mandats sur lesquels ils se prononcent. Il a précisé que, dans ce contexte, il était indispensable que la réduction des mandats des conseillers régionaux élus en mars 2010 soit décidée avant le déclenchement des opérations électorales, c'est-à-dire avant le mois de février 2010 ;

- de tenir compte du principe de libre administration des collectivités territoriales : celui-ci semble en effet interdire de réduire la durée de mandats en cours, cette pratique s'apparentant à l'exercice par le Parlement d'un pouvoir de dissolution des assemblées locales, sauf en cas de circonstances exceptionnelles.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a ensuite fait valoir que, bien que l'adoption du présent projet de loi soit nécessaire à la mise en place des conseillers territoriaux, elle ne l'impliquait pas nécessairement. À cet égard, il a rappelé que la création de cette nouvelle catégorie d'élus locaux découlerait du projet de loi n° 60 (2009-2010) de réforme des collectivités territoriales, et que le mode de scrutin applicable à leur élection résulterait, quant à lui, du projet de loi n° 61 (2009-2010). Dès lors, constatant que le législateur ne pouvait se lier lui-même, il a affirmé que l'adoption du présent projet de loi ne préjugerait en rien des débats futurs des Assemblées et que celles-ci conserveraient une entière souveraineté pour décider ultérieurement de créer, ou non, les conseillers territoriaux.

En outre, ayant relevé que des élections simultanées des conseillers généraux et des conseillers régionaux avaient été instituées par la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 et avaient eu lieu en mars 1992, en dehors de toute réforme annexe, il a souligné qu'une telle concomitance présentait en elle-même de nombreux avantages :

- tout d'abord, elle est un facteur de dynamisation de la démocratie locale, dans la mesure où elle renforce la lisibilité du calendrier électoral local pour les citoyens et favorise l'augmentation de la participation électorale. Sur ce point, il a fait remarquer que des records de mobilisation avaient été atteints en 1992, le taux d'abstention aux élections cantonales au premier tour ayant chuté de plus de 20 % par rapport aux élections de 1988 ;

- elle permettrait également de mettre fin au renouvellement triennal par moitié des conseils généraux. Cette réforme, qui fait l'objet d'un large consensus, a été demandée par l'assemblée des départements de France (ADF) et préconisée par le rapport d'étape de la mission sénatoriale présidée par M. Claude Belot ;

- troisièmement, si les conseillers territoriaux n'étaient finalement pas mis en place, elle affermirait la complémentarité et la solidarité entre les conseillers généraux et les conseillers régionaux en synchronisant leurs mandats ;

- enfin, elle serait en cohérence avec la mission constitutionnelle du Sénat, en garantissant que ses membres soient désignés par des conseillers municipaux, généraux et régionaux élus récemment, confortant la légitimité de la Haute Assemblée en tant que représentante des collectivités territoriales.

En conséquence, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a estimé que le présent projet de loi pouvait être adopté tant par les partisans de la création des conseillers territoriaux que par ses adversaires puisque, dans ces deux cas, il était un gage de modernisation de la vie publique locale. Il a donc proposé à la commission des lois d'adopter ce texte sans modification.

Ayant jugé discutable de justifier l'adoption du présent projet de loi avant les autres textes déposés devant le Sénat par la nécessité d'informer les électeurs sur la durée des mandats qu'ils confient, alors même que les Assemblées devaient, quant à elles, se prononcer sur la création des conseillers territoriaux sans connaître le mode de scrutin qui serait retenu pour l'élection de ces derniers, M. Pierre-Yves Collombat a souligné que de nombreux problèmes restaient en suspens et observé que le nombre de conseillers territoriaux attribué à chaque département n'était toujours pas fixé. En outre, confirmant que le rapport établi par la mission présidée par M. Claude Belot avait proposé la mise en place d'un renouvellement intégral des conseils généraux, il a marqué son accord avec cette proposition.

M. Alain Anziani a estimé que, contrairement aux affirmations du rapporteur, l'unique objet du projet de loi était de permettre la création des conseillers territoriaux et que l'exposé des motifs de ce texte, ainsi que l'engagement de la procédure accélérée, en attestaient.

Ayant affirmé que la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux était nécessaire à la création des conseillers territoriaux, mais demeurerait une réforme opportune même si ces derniers n'étaient pas institués, M. Jean-René Lecerf s'est déclaré favorable à la suppression du renouvellement triennal par moitié des conseils généraux. Toutefois, il s'est inquiété que, sous l'effet du calendrier électoral mis en place par le présent texte, l'ensemble des élections locales (à savoir les élections municipales, cantonales et régionales) aient systématiquement lieu en même temps. Ainsi, il a craint que cette accumulation d'un grand nombre de scrutins sur une seule journée ne soit impossible à gérer pour les pouvoirs publics chargés de l'organisation et du contrôle des opérations électorales, et il a interrogé le rapporteur afin de savoir quelles mesures le Gouvernement envisageait de prendre pour répondre à ce problème.

M. Yves Détraigne a estimé que le calendrier choisi par le Gouvernement obligeait le Parlement à anticiper indûment les réformes à venir, dans la mesure où il engageait les Assemblées à se prononcer d'abord sur la fiscalité locale, avec la transformation de la taxe professionnelle prévue par l'article 2 du projet de loi de finances pour 2010, puis sur la concomitance des élections cantonales et régionales, avant même que les projets de loi portant sur les institutions locales et sur les compétences de chaque catégorie de collectivités territoriales n'aient été examinés par elles.

Ayant souligné que, bien que son nom ne figure pas dans le présent texte, le conseiller territorial en était le centre, M. Jean-Claude Peyronnet a marqué son accord avec les propos tenus par M. Pierre-Yves Collombat. Il a déclaré que, bien qu'opposé à la création des conseillers territoriaux, il était relativement favorable à l'instauration d'une concomitance des élections régionales et cantonales. Néanmoins, il a exposé que, dans ce cas, d'importants problèmes se poseraient dans les années où devaient se tenir non seulement les élections locales, mais aussi les élections nationales, et que le Parlement devait être attentif à cette question pour éviter que certaines années électorales ne soient excessivement chargées.

S'étant déclaré d'accord avec M. Yves Détraigne, M. Bernard Frimat a relevé que l'étude d'impact jointe au texte concernait exclusivement les conseillers territoriaux et était commune aux projets de loi n° 63, 62 et 61 (2009-2010). Il a estimé que le présent projet de loi imposait aux Assemblées de se prononcer sur une catégorie d'élus locaux dont le mandat n'était pas créé et dont le mode de scrutin était inconnu et qu'il était, en conséquence, dépourvu des éléments de sincérité, de lisibilité et de clarté qui auraient dû permettre au Parlement de délibérer librement.

S'étant déclarée favorable à un renouvellement intégral des conseils généraux, Mme Josiane Mathon-Poinat a estimé que la concomitance des élections locales n'était pas forcément un gage de plus forte participation : elle a ainsi cité l'exemple des élections cantonales et municipales de 2001, lors desquelles le taux de participation aux élections cantonales est demeuré sensiblement inférieur à celui des élections municipales.

En réponse à cette remarque, M. Jean-Patrick Courtois a indiqué qu'il convenait de comparer non pas les taux de mobilisation pour différents types d'élections pour une même échéance, mais les taux de participation pour une même catégorie d'élections au cours des scrutins successifs et que, ainsi, il apparaissait que les élections cantonales de 1992 avaient eu un taux d'abstention particulièrement bas par rapport aux autres scrutins départementaux organisés depuis 1976.

M. Laurent Béteille , après s'être déclaré favorable à la création des conseillers territoriaux, a émis le souhait que les futures élections territoriales n'aient pas lieu en même temps que les élections municipales. Affirmant que ces scrutins étaient porteurs d'enjeux différents, il a estimé qu'ils devaient faire l'objet de campagnes électorales distinctes et que leur concomitance pouvait être une source de confusion pour les électeurs.

Puis, après que le rapporteur a donné un avis défavorable à deux amendements de M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues, prévoyant respectivement la suppression des articles premier et 2 du présent texte, la commission ne les a pas retenus et a adopté le projet de loi sans modification.

Article ou division

Objet de l'article

Numéro d'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Article premier

Suppression de l'article 1 er (réduction de la durée des mandats des conseillers généraux élus en mars 2011)

1

M. Collin, Mme Escoffier, MM. Alfonsi et Mézard

Rejeté

Article 2

Suppression de l'article 2 (réduction de la durée des mandats des conseillers régionaux et des membres de l'Assemblée de Corse élus en mars 2011)

2

M. Collin, Mme Escoffier, MM. Alfonsi et Mézard

Rejeté

ANNEXE
liste des personnes entendues par le rapporteur

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

M. Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Association des Communautés Urbaines de France

- M. Gérard Collomb, Président

- M. Olivier Landel, délégué général

- Mme Arabelle Chambre-Foa, directrice adjointe du cabinet de Gérard Collomb

Association des établissements publics territoriaux de bassin

- M. Guy Pustelnik, délégué général

- M. Guillaume Salaun, chargé de mission

- M. Pierre Marchal, assistant parlementaire du sénateur Cazeau

Association des maires de petites villes de France

- M. Jean-Pierre Balligand, député maire de Vervins, premier vice président de l'association

- M. André Robert, délégué général

Fédération des maires des villes moyennes

- Mme Nicole Gibourdel, déléguée générale

- M. Raymond Couderc, sénateur-maire de Béziers

- M. Pierre Regnault, maire de La Roche-sur-Yon

- M. Gilbert Meyer, maire de Colmar

A.M.R.F.

- M. Vanick Berberian, président

Association de promotion et de fédération des pays

- M. Emile Blessig, président, député du Bas-Rhin et maire de Saverne.

- Mme Catherine Sadon, directrice

Professeurs de droit

Table ronde :

- M. Bertrand Faure, professeur à l'université de La Rochelle

- M. Jean-Bernard Auby, professeur à Sciences Po

- M. Jean-Claude Nemery, président du Grale

Professeurs de droit

- M. Jean-Claude Colliard, président de l'université Paris 1

- M. Bernard Maligner, ingénieur de recherche au Centre d'Etudes et de Recherches de Sciences Administratives et Politiques

M. Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l'Intérieur

Élus du sport

- M. Jacques Thouroude, président

- Mme Corinne FRIZZI, chargée de mission

Conseil supérieur de la fonction publique territoriale

- M. Bernard Derosier, président

ADCF

- M. Daniel Delaveau, président

- M. Dominique Braye, président délégué

- M. Nicolas Portier, délégué général

- M. Emmanuel Duru, conseiller technique

- M. Charles-Eric Lemaignen, président délégué et Président de la communauté d'Orléans Val de Loire

Comité pour la réforme des Collectivités locales

- M. Edouard Balladur, ancien Premier ministre, président du comité

Comité des Finances locales

- M. Gilles Carrez, président et député

ADF

- M. Claudy Lebreton, président

Syndicat national des Directeurs Généraux des Collectivités Territoriales

- M. Stéphane Pintre, président national

- M. Robert Serna, vice-président national (DGS Dunkerque)

- M. Bernard Plet, membre du bureau (DGS Paray-le-Monial)

- M. Mathieu Lheriteau, conseiller technique (DGS Asnières sur Seine

Association des conseils économiques et sociaux

- M. Alain Even, président

- Mme Anne Ubeda, déléguée générale

Institut de la Décentralisation

- M. Jean-Pierre Balligand, co-président, député

- M. Michel Piron, vice-président et trésorier, député

- M. Hervé Poulet, directeur

Cour des comptes

- M. Christian Descheemaeker, président de la 7ème chambre

- M. André Barbé, conseiller maître

Délégation Interministérielle à l'Aménagement et à la Compétitivité des Territoires

- M. le préfet Pierre Dartout, délégué

Commission des finances de l'A.M.F.

- M. Philippe Laurent, maire de Sceaux, président

AMGVF

- M. Serge Grouard, député maire d'Orléans

- M. Philippe Duron, député-maire de Caen et président de Caen la Mer

- Mme Céline Bacharan, chargée de mission Finances, Fiscalité, Intercommunalité

- Mme Caroline Porot, chargée de mission relations institutionnelles

ANEM

- M. Henri Nayrou, député de l'Ariège, président de l'ANEM

- M. Vincent Descoeur, député du Cantal, secrétaire général

- Mme Chantal Robin Rodrigo, député des Hautes-Pyrénées

- M. Jean-Paul Amoudry, sénateur de la Haute-Savoie

- M. Paul Blanc, sénateur des Pyrénées-Orientales

- M. Jean-Claude Frecon, sénateur de la Loire

- Mme Renée Nicoux, sénatrice de la Creuse

- M. Pierre Bretel, délégué général

M. Pierre Mauroy, ancien Premier ministre

Conseil Économique, Social et Environnemental

- M. Claude Roulleau, rapporteur

M. Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre

M. Yves Krattinger

* 1 Projet de loi n° 60 (2009-2010) de réforme des collectivités territoriales.

* 2 Propositions de loi « visant à confier à des conseillers territoriaux l'administration des départements et des régions », déposées à l'Assemblée nationale par MM. Jean-François Mancel et Jérôme Bignon (n° 655, XIII e législature ) et au Sénat par M. Charles Pasqua et plusieurs de ses collègues ( n° 21, 2008-2009 ).

* 3 Loi n° 94-44 du 18 janvier 1994 rétablissant le renouvellement triennal par moitié des conseils généraux.

* 4 Le rapport de M. Jacques Sourdille, rapporteur pour la commission des lois, affirmait ainsi que « le regroupement des élections » était « une réponse simpliste au phénomène complexe de l'abstentionnisme » et indiquait que cette solution avait des résultats « peu probants dans plusieurs pays étrangers ». Cette solution avait toutefois été retenue, le dernier mot ayant été donné à l'Assemblée nationale après l'échec d'une commission mixte paritaire.

* 5 Question de M. Jean-Louis Masson , publiée dans le JO Sénat du 8 juillet 2004 (page 1496).

* 6 Intervention au congrès de l'ADF des 17 et 18 octobre 2007.

* 7 Rapport d'étape sur la réorganisation territoriale (n° 264, 2008-2009).

* 8 Rapport n° 3 (2005-2006) fait par M. Jean-Jacques Hyest au nom de la commission des lois.

* 9 Avis d'assemblée du 30 janvier 1997 (n° 360 233).

* 10 Observations du 7 juillet 2005 sur les échéances électorales de 2007.

* 11 Articles L. 192 (pour les conseillers généraux), L. 227 (pour les conseillers municipaux) et L. 336 (pour les conseillers régionaux).

* 12 Décision n° 93-331 DC du 13 janvier 1994, « Loi rétablissant le renouvellement triennal par moitié des conseillers généraux ».

* 13 Idem.

* 14 Décision n° 79-104 du 23 mai 1979, « Loi modifiant les modes d'élection de l'assemblée territoriale et du conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et définissant les règles générales de l'aide technique et financière contractuelle de l'Etat ».

* 15 Décision n° 90-280 DC du 6 décembre 1990, « Loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux ». Le Conseil constitutionnel avait toutefois estimé, à l'occasion de sa décision précitée du 13 janvier 1994, que, « en l'état de la législation en vigueur », cette condition était remplie.

* 16 Décision n° 90-280 DC du 6 décembre 1990, « Loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux ».

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