CHAPITRE II DISPOSITIONS RELATIVES À L'INDEMNISATION DES AVOUÉS PRÈS LES COURS D'APPEL

Ce chapitre définit à la fois les conditions d'indemnisation des avoués et celles de leur personnel. La nouvelle rédaction de l'article 2 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques , issue de l'article 2 du présent texte, pose en effet le principe de l'indemnisation des avoués pour la perte de leur droit de présentation et renvoie la détermination des conditions de cette indemnisation au présent chapitre.

Article 13 Modalités de calcul de l'indemnisation versée aux avoués

Cet article définit les modalités de calcul de l'indemnisation versée aux avoués pour la réparation du préjudice associé à la perte du monopole dont ils bénéficient. Il prend comme base de référence la valeur de leur office.

1. La nature du préjudice indemnisé

L'indemnisation organisée par le présent article est la seule proposée aux avoués. Elle correspond ainsi à une indemnisation tous chefs de préjudice confondus et entend couvrir, avec les dispositifs de poursuite d'activité prévus par la loi, la totalité du préjudice subi par les avoués du fait de la suppression de leur monopole de postulation en appel.

Aussi, avant de s'attacher au montant de l'indemnisation, il convient d'identifier l'ensemble des préjudices qu'elle est susceptible de recouvrir.

? La perte du droit de présentation

Le premier préjudice correspond à la perte du droit de présentation de leur successeur au garde des sceaux, que les avoués tiennent de la loi sur les finances du 28 avril 1816.

En effet, la cession des offices s'organise à partir de ce droit de présentation. La perte du monopole de postulation devant la cour d'appel entraîne la perte du droit de présentation et donc, de la possibilité de céder l'office dont ils sont titulaires. Elle correspond ainsi à une perte patrimoniale fixée en référence à la valeur économique de l'entreprise transmise.

Si l'on se réfère aux précédentes réformes ayant mis fin au monopole de certaines professions, il ne s'agit pas pour autant d'une privation de propriété. En effet, comme l'a relevé le juge constitutionnel à l'occasion de l'examen de la loi supprimant le monopole des courtiers interprètes et conducteurs de navires, la suppression d'un tel privilège professionnel « ne constitue pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de [... ] la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » 37 ( * ) . Une telle jurisprudence rend compte du fait que les offices ministériels, qui répondent à un intérêt public et engagent des prérogatives de puissance publique, ne peuvent être, en tant que tel, objet de propriété 38 ( * ) .

En revanche, la jurisprudence assimile bien à une perte patrimoniale la suppression du droit de présenter un successeur . Prenant appui sur l'article 1 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), le Conseil d'État a ainsi jugé que « la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation résultant, pour les commissaires-priseurs, de la suppression par la loi du 10 juillet 2000 de leur monopole dans le domaine des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques porte atteinte à un droit patrimonial qui, s'il revêt une nature exceptionnelle, [...], n'en est pas moins un bien au sens de l'article 1 er du premier protocole additionnel » 39 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel assimile, lui, cette perte patrimoniale à une rupture d'égalité devant les charges publiques, si elle ne s'accompagne de mesures de réparation spécifiques.

Ainsi, s'agissant des courtiers interprètes et conducteurs de navires, il a jugé dans la décision précitée que « si l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 n'interdit pas de faire supporter, pour un motif d'intérêt général, à certaines catégories de personnes des charges particulières, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ». Cependant, il a considéré que, compte tenu des garanties apportées, « les modalités de réparation prévues par la loi déférée n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques » 40 ( * ) . La logique suivie par le Conseil constitutionnel est la suivante : la suppression du monopole répond à un objectif d'intérêt général qui profite aux citoyens, mais qui s'accompagne d'un préjudice spécifique pour les courtiers interprètes et conducteurs de navires, ce qui aurait pour conséquence une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques s'ils n'en étaient pas correctement indemnisés.

Le projet de loi se fonde sur l'application du même raisonnement à la suppression du monopole de postulation des avoués : la perte de leur droit de présentation constituerait un préjudice indemnisable sur le fondement de l'égalité devant les charges publiques.

? Le préjudice de liquidation

Le second préjudice supporté par les avoués correspond au préjudice lié à la liquidation, partielle ou totale, de leur activité.

Les avoués et les représentants de la profession d'avoué que votre rapporteur a entendus ont tous souligné que la fin de leur activité allait entraîner des coûts spécifiques, liés, par exemple, à certaines avances de trésorerie qui devront être consenties dans l'attente des remboursements prévus par la loi, ou aux pénalités de ruptures des contrats que l'avoué aura, le cas échéant, conclus avec ses fournisseurs ou son bailleur.

Ce préjudice propre de liquidation sera, cependant, sans commune mesure avec le préjudice lié à la perte de l'office. Son montant devrait lui-même être très variable d'un office à l'autre, puisqu'il dépendra de la façon dont son exercice professionnel est organisé ainsi que du choix de l'avoué de poursuivre ou non une activité d'avocat avec les moyens qu'il détient.

En outre, plusieurs éléments, prévus par le présent texte, semblent susceptibles de garantir la juste réparation de ce préjudice particulier de liquidation ou d'en réduire sensiblement le coût, sans nécessiter une indemnisation spécifique.

Tel est le cas de l'intégration, au montant de l'indemnisation, de la valeur nette des immobilisations corporelles autres que les immeubles, du versement d'un acompte sur l'indemnisation qui permettra de réduire les difficultés de trésorerie, ou de la durée de la période transitoire pendant laquelle la liquidation ou la reconversion de l'office pourra être organisée, l'avoué ayant été soit libéré de ses charges d'emprunt, soit indemnisé pour la valeur de son étude.

? Le préjudice lié à la perte d'activité est-il un préjudice totalement distinct de celui lié à la perte du monopole de postulation ?

Les différents représentants de la profession des avoués, que ce soit l'Association des jeunes avoués, l'Association syndicale des avoués ou la Chambre nationale des avoués, ont tous souligné devant votre rapporteur que les avoués subiront, du fait de la disparition de leur profession, un préjudice de perte d'activité distinct de celui lié à la perte de leur droit de présentation de leur successeur. Ce préjudice pourrait être assimilé à un préjudice de carrière .

Ils ont appuyé leur analyse sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur la protection de l'article 1 du premier protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Dans l'affaire « Lallement c/ France », la Cour a en effet considéré que, lorsque « le bien exproprié est l'" outil de travail " de l'" exproprié ", l'indemnité versée n'est pas " raisonnablement en rapport avec la valeur du bien " si, d'une manière ou d'une autre, elle ne couvre pas cette perte spécifique » 41 ( * ) . En l'espèce il s'agissait de terrains agricoles qui n'avaient été indemnisés qu'à hauteur de leur valeur foncière alors que ceux-ci constituaient pour l'agriculteur concerné le support de son activité de production laitière.

Les représentants des avoués ont ainsi fait valoir que la perte de leur monopole de postulation devant les cours d'appel entraînera la fin de leur activité. Ils ont souligné à cet égard qu'ils ne disposent pas, contrairement aux avocats, d'une clientèle propre : ce sont les avocats qui ont défendu le dossier en première instance qui leur présentent leurs clients.

L'Association syndicale des avoués (ASA) a ainsi fait réaliser une enquête portant sur 78 études d'avoués, qui montre que les dossiers transmis par les avocats représentent 94,60 % en moyenne des dossiers traités par l'étude, tandis que les dossiers pris en charge sans intervention d'avocat ne représentent que 5,40 % de l'activité, pour un chiffre d'affaires très faible en proportion.

Compte tenu de cette absence de clientèle propre, la reconversion éventuelle des avoués en qualité d'avocat ne leur garantirait pas un niveau d'activité équivalent à celui qu'ils ont actuellement, puisqu'il leur faudra d'abord se constituer une clientèle, ce qui prendra plusieurs années.

Dans l'étude d'impact qui accompagne le projet de loi, le gouvernement a pour sa part estimé que « la diminution de revenus que les avoués connaîtront sans doute ne paraît pas devoir être considérée comme une " rupture caractérisée " de l'égalité devant les charges publiques ». A l'appui de cette affirmation, il fait valoir que « les avoués ont des clients institutionnels », que « la constitution d'une nouvelle clientèle sera facilitée par leur expérience et l'existence d'infrastructures matérielles qui fait que leur situation sera sensiblement différente d'un avocat qui débute » et que « le montant de l'indemnisation du droit de présentation pourra être réinvesti dans l'achat de parts d'une SCP d'avocats ».

De plus, il convient de rappeler que ni les commissaires-priseurs ni les courtiers interprètes et conducteurs de navires n'ont reçu une indemnité spécifique pour leur perte d'activité causée par la fin du monopole dont ils bénéficiaient. Ils ont eu, à la différence des avoués, la possibilité de poursuivre leur activité, même si le volume de cette dernière a diminué, ce qui constituait un préjudice de carrière partiel.

Ni le législateur ni le juge n'ont donc considéré, à l'époque, que ce préjudice était distinct de celui lié à la disparition du monopole et à la perte de leur droit de présentation, pour lequel ils étaient indemnisés.

Par ailleurs, si le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, M. Gilles Bourdouleix, a évoqué la question de la perte d'activité liée à l'absence de clientèle des avoués 42 ( * ) , l'Assemblée nationale n'a pas entendu prévoir une indemnisation spécifique des avoués à ce titre.

Votre rapporteur considère néanmoins que la réforme doit prendre en compte les apports de la jurisprudence européenne, la suppression des offices d'avoué apparaissant, pour ces derniers, comme une suppression de leur « outil de travail ».

En effet, le bénéfice réalisé par les avoués, dont le montant moyen apparaît élevé par rapport à d'autres professions judiciaires, procède de l'acquisition de leur office, qui leur donne accès à un monopole et à un niveau élevé de rémunération.

Bénéfice moyen (1) des offices d'avoués calculé sur les dernières années (établis à partir des déclarations fiscales jointes aux dossiers de cession)

Office individuel

Office en société

Nombre de déclarations

Montant moyen

Montant minimum

Montant maximum

Nombre de déclarations

Montant moyen

Montant minimum

Montant maximum

par office

par associé

2001-2007

41

183 240

24 364

914 447

184

450 486

195 863

18 318

1 213 800

2002-2007

32

188 915

35 715

914 447

154

461 997

200 868

18 318

1 213 800

2003-2007

21

175 163

35 715

329 682

110

468 275

203 598

23 152

1 157 154

2004-2007

12

168 315

35 715

329 682

66

492 307

214 047

23 152

1 157 154

2005-2007

6

151 568

35 715

219 972

37

487 085

211 776

23 152

1 023 402

Source : étude d'impact jointe au projet de loi

(1) Il s'agit du bénéfice imposable ; le montant du bénéfice correspond à la différence entre le total des recettes et le total des dépenses auquel on ajoute les plus values à court terme et les montants divers à réintégrer.

Certes, la situation des avoués les plus anciens et proches de l'âge de la retraite ne sera pas très différente, d'un point de vue financier, de celle dans laquelle ils seraient placés s'ils cédaient demain leur office à leur successeur et cessaient en conséquence toute activité professionnelle. Certains avoués pourront également réemployer les sommes perçues pour investir dans une nouvelle activité qui leur assurera un niveau de revenu proche, en achetant par exemple une charge notariale ou des parts dans une société civile et professionnelle d'avocat dont la clientèle est déjà constituée.

Votre rapporteur note en revanche que la situation des jeunes avoués qui ne posséderaient que des parts en industrie, ou qui n'auraient pas achevé le remboursement d'un emprunt souscrit pour acheter leur charge, mérite d'être prise en considération de manière plus effective, dans la mesure où, une fois leurs éventuelles charges d'emprunt, remboursées, ils devront opérer une reconversion professionnelle sans disposer d'une indemnité spécifique.

Dans de tels cas, la réparation du préjudice subi n'est pas assurée par les dispositifs figurant dans le projet de loi.

En effet, ces dispositifs, comme la mise en place d'une période transitoire pendant laquelle les avoués pourront exercer de front les deux activités d'avocat et d'avoué, tout en étant libérés de leurs éventuelles charges d'emprunt, n'apportent qu'une réponse très partielle aux difficultés que pourraient rencontrer les jeunes avoués.

Votre commission a en conséquence estimé qu'il était nécessaire, pour couvrir le préjudice de carrière des jeunes avoués, de garantir une autre indemnisation que celle envisagée au titre de la perte du droit de présentation de son successeur.

2. Les modalités de l'indemnisation prévue par le projet de loi

? La base de calcul

L'indemnisation qu'organise le I du présent article vise principalement la perte du droit de présentation, c'est-à-dire la perte de la possibilité de céder son office. La base de référence adoptée pour calculer l'indemnisation due correspond donc à une évaluation de la valeur vénale des offices d'avoués.

Cette évaluation reprend la formule utilisée par le ministère de la justice lors des cessions volontaires d'études, pour vérifier que le prix proposé n'est pas excessif :

moyenne de la recette nette des cinq derniers exercices comptables + (3 x moyenne solde d'exploitation annuel)

2

+

valeur des immobilisations corporelles (hors immeubles)

Cette formule rend compte de l'idée que la valeur de l'office peut être approchée par une combinaison de son chiffre d'affaires et de ses résultats.

C'est cette même formule qui a été utilisée, par le passé, pour déterminer la valeur des offices de commissaires-priseurs judiciaires 43 ( * ) ou celles des courtiers interprètes et conducteurs de navires 44 ( * ) . Elle a alors été préférée à la formule dite des produits demi-net 45 ( * ) , qui avait été utilisée pour calculer l'indemnisation des greffiers 46 ( * ) et celle des avoués des tribunaux de grande instance 47 ( * ) , qui présentait le défaut d'aboutir à des montants très différents en fonction des choix de gestion effectués, notamment sur la question des externalisations éventuelles d'activité.

Le présent article prévoit que les moyennes des recettes et des bénéfices soient calculées sur les cinq derniers exercices comptables , afin de lisser les fluctuations d'activités éventuelles.

La recette nette correspond à la recette encaissée par l'office, telle que retenue pour le calcul de l'imposition des bénéfices, moins les débours payés pour le compte des clients et les honoraires le cas échéant rétrocédés. Ce dernier point rend compte du fait que sont parfois associés à l'activité de l'étude, des avocats qui continuent d'exercer à titre libéral et qui sont en conséquence rémunérés par honoraires.

Le solde d'exploitation correspond aux recettes totales retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices, auxquelles s'ajoutent les frais financiers et les pertes diverses, moins le montant des produits financiers, des gains divers et de l'ensemble des dépenses nécessitées pour l'exercice de la profession, ce qui permet de ne tenir compte que de l'activité propre de l'office.

La prise en considération des immobilisations corporelles, hors immeubles, inscrites au bilan du dernier exercice comptable à la date de la publication de la loi, vise à intégrer le coût éventuel des investissements non encore amortis qui ne pourront faire l'objet, à la différence du local hébergeant l'étude, d'une revente à leur juste prix.

L'article 13 prévoit enfin de prendre pour base de référence les valeurs qui figurent sur la déclaration fiscale annuelle ou dans la compatibilité de l'office. D'une manière générale, il conviendra de se référer aux règles applicables en matière fiscale pour décider si une dépense ou une recette relève bien du champ d'application du présent article.

L'Assemblée nationale n'a pas remis en cause cette méthode d'évaluation de la valeur des offices.

Les calculs effectués par les services du ministère de la justice sur la base de cette formule montrent qu'elle aboutit à une évaluation de la valeur de l'office proche, pour les études cédées depuis le deuxième semestre 2004, du prix de cession effectif.

Source : étude d'impact jointe au projet de loi

? Le montant d'indemnisation

Initialement, le texte proposé par le gouvernement prévoyait que l'indemnisation versée aux avoués serait égale à 66 % de la valeur de l'office calculée sur la base de la formule précédente.

L'abattement forfaitaire de 34 % sur la valeur de l'office était notamment justifié par le gouvernement par le fait que :

- les avoués disposaient d'activités hors monopole qu'ils pourraient continuer d'exercer ;

- le tarif avait été revalorisé par le décret n° 2003-429 du 12 mai 2003, ce qui aurait renchéri la valeur des offices ;

- les avoués pourraient exercer la profession d'avocat et conserver leur clientèle propre.

Aucun de ces arguments n'était cependant convaincant, dans la mesure où l'activité des avoués hors monopole ou celle pour laquelle ils disposent d'une clientèle propre est négligeable dans leur chiffre d'affaires.

La comparaison avec la situation des courtiers interprètes et conducteurs de navire ou celle des commissaires priseurs n'était pas non plus pertinente. Certes, ces derniers n'avaient été indemnisés qu'à hauteur de 65 % pour les premiers et qu'à hauteur de 50 %, plus ou moins 20 %, pour les seconds.

Mais, la suppression du monopole dont ils bénéficiaient ne les a que partiellement affectés, dans la mesure où ils ont pu poursuivre leur activité principale ou se rabattre sur les autres éléments de leur activité professionnelle.

Ainsi, lorsque le Conseil d'État s'est penché sur l'indemnisation reçue par les commissaires-priseurs, il a relevé que l'abattement retenu se justifiait « par la possibilité, laissée aux commissaires-priseurs, de poursuivre leur activité de ventes volontaires dans le nouveau cadre légal » 48 ( * ) .

La commission des lois de l'Assemblée nationale et son rapporteur s'étant inquiétés de la faiblesse du taux d'indemnisation retenu initialement par le projet de loi, le garde des sceaux a déposé un amendement en commission tendant à élever ce taux à 92 %, puis un amendement en séance publique qui l'a finalement porté à 100 %, permettant ainsi une indemnisation complète du préjudice patrimonial.

Cette indemnisation est fiscalisée, sur la base de la plus-value le cas échéant réalisée.

? Le plancher d'indemnisation

Pour éviter qu'un avoué puisse recevoir une indemnisation inférieure aux sommes qu'il a engagées pour acquérir son office ou à l'emprunt qu'il a dû contracter à cette fin, le II de l'article 13 prévoit que le dédommagement perçu ne puisse être inférieur au montant de l'apport personnel ayant financé cette acquisition, ou celle des parts sociales dans la société civile et professionnelle titulaire de l'office, majoré, le cas échéant, du montant du capital restant dû, à la date du 1 er janvier 2010.

Cette disposition garantit aux avoués, et particulièrement à ceux qui seraient endettés ou dont l'office aurait subi une décote, une indemnisation « plancher », qui doit leur éviter d'avoir à entamer leur reconversion professionnelle en ayant encore à supporter des charges contractées lorsqu'ils étaient avoués.

Par coordination avec la modification adoptée à l'article 17, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur remplaçant la référence à la date du 1 er janvier 2010 par celle à la date à laquelle est intervenu le remboursement du capital restant dû, sur le fondement de l'article 17.

3. Le dispositif retenu par la commission : une indemnité fixée par le juge de l'expropriation, une exonération des plus-values et une exonération de charges sociales

? Les principes auxquels doit répondre l'indemnisation des avoués

Votre commission estime que la suppression du droit de présentation, par les avoués, de leur successeur, la suppression de leurs offices et la suppression de leur monopole sont assimilables à une atteinte au droit de propriété.

La suppression de la profession d'avoué près les cours d'appel se distingue en effet de la suppression des avoués près les tribunaux de grande instance, réalisée en 1971, ou de la suppression du monopole des commissaires-priseurs en matière de ventes volontaires, réalisée en 2000. Dans ces derniers cas, les avoués et les commissaires-priseurs ont conservé leur activité et une part importante de leur clientèle, dans un cadre devenu concurrentiel.

Les avoués près les cours d'appel perdront en revanche leur activité et l'essentiel de leur clientèle. Votre commission estime que cette situation peut entraîner une nouvelle appréciation des fondements de l'indemnisation des avoués près les cours d'appel.

Ainsi, alors que l'indemnisation des commissaires-priseurs se fondait sur l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, relatif à l'égalité devant les charges publiques, l'indemnisation des avoués près les cours pourrait se fonder sur l'article 17 de cette Déclaration, aux termes duquel « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » .

? La fixation de l'indemnité par le juge de l'expropriation

Votre commission considérant que l'indemnisation des avoués devait se fonder sur l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elle a adopté un amendement de son rapporteur confiant au juge de l'expropriation la détermination du montant de l'indemnité. Le juge appliquerait à cette fin les dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (art. L. 13-1 à L. 13-25). Aussi le jugement devrait-il distinguer pour chaque avoué une indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires (art. L. 13-6).

Par ailleurs, afin de compléter le principe selon lequel « le juge prononce des indemnités distinctes en faveur des parties qui les demandent à des titres différents » (art. L. 13-7), l'amendement adopté par votre commission prévoit que le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice spécifique qu'ils subissent du fait de la loi.

En effet, sur le fondement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme établie en référence à l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, votre commission a souhaité assurer l'indemnisation des avoués détenant seulement des parts sociales en industrie .

Ainsi, la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt Lallement contre France précité 49 ( * ) , a consacré l'obligation pour l'Etat d'indemniser la perte de l'« outil de travail » et les préjudices matériels qui en résultent, ce que ne prévoit pas le projet de loi.

Or, l'outil de travail des avoués est constitué par l'office qu'ils ont acquis, sur lequel ils entendent construire leur carrière et duquel ils tirent leurs revenus. La Cour européenne des droits de l'homme a jugé que l'expropriation de l'outil de travail imposait une indemnisation spécifique.

Elle a en effet constaté que l'expropriation litigieuse avait eu pour effet d'empêcher le requérant de poursuivre de manière rentable son activité. L'intéressé ayant perdu son « outil de travail » sans indemnisation appropriée, la Cour a conclu à la violation de l'article 1 du Protocole n° 1, soulignant que le préjudice causé par cette violation de la Convention était susceptible de justifier l'allocation d'une indemnité.

Votre commission estime que les avoués détenant des parts en industrie subiront un préjudice dont l'indemnisation fondée sur la valeur de l'office n'assurera pas la réparation. Il est donc indispensable, pour assurer le respect du droit existant, que le juge leur alloue, en tenant compte de leur âge, une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la loi.

L'amendement adopté par votre commission devrait entraîner des mesures de coordination au sein du projet de loi, en particulier à l'article 19, (suppression de l'intervention d'une commission dans la détermination de l'indemnité), qui sont renvoyées à l'examen du texte en séance publique.

Votre commission estime que le dispositif d'indemnisation fondé sur le droit de l'expropriation apparaît indispensable à la juste indemnisation des avoués, tant qu'un dispositif alternatif apportant la garantie d'une réparation de l'ensemble des préjudices occasionnés par la loi n'est pas avancé par le Gouvernement.

? L'exonération des plus-values réalisées dans le cadre de l'indemnisation

Selon les indications fournies à votre rapporteur par les ministères de la justice et du budget, l'indemnité qui sera versée aux avoués est constitutive d'un gain exceptionnel imposable selon les règles de détermination des plus-values professionnelles.

La plus-value qui sera calculée sur le montant de l'indemnité versée à chaque office, déduction faite de la valeur du droit de présentation inscrite à l'actif du bilan, sera soumise à l'impôt sur le revenu au taux fixe de 16 %, augmenté de 12 % de prélèvements sociaux.

S'agissant des sociétés titulaires d'un office d'avoué, l'indemnité sera imposée de la même manière entre les mains des associés au prorata de leurs parts, dès lors que la société, par sa forme, bénéficie de la transparence fiscale. Au contraire, dans un petit nombre de cas, limité à 3 selon la chancellerie, la société titulaire de l'office est assujettie à l'impôt sur les sociétés et, dès lors, l'indemnité sera soumise à l'imposition au niveau de la société, d'une part, et au niveau des associés, d'autre part.

Votre commission considère que l'indemnité qui sera accordée aux avoués, qu'elle procède d'un taux appliqué à la valeur de l'office comme le prévoit le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, ou d'une décision du juge de l'expropriation, ne doit pas être soumise à l'impôt sur les plus-values.

Aussi a-t-elle adopté un amendement de son rapporteur prévoyant que les plus-values réalisées dans le cadre du versement de l'indemnité accordée aux avoués sont exonérées de toute imposition.

? L'exonération de charges sociales patronales des salaires versés par les anciens avoués

Afin d'aider les avoués à commencer une nouvelle carrière dans la profession d'avocat ou dans une autre profession juridique réglementée de leur choix, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur leur permettant de bénéficier, dans leur nouvelle profession, d'une exonération de charges sociales patronales, pour l'emploi de salariés qu'ils employaient en tant qu'avoués.

Cette exonération porterait sur la part des salaires versés à hauteur d'1,5 SMIC. Elle pourrait s'appliquer pendant deux ans maximum pour le même salarié et prendrait fin au 31 décembre 2014.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 14 Reconnaissance du caractère économique du licenciement des salariés des avoués - Majoration des indemnités de licenciement versées à cette occasion

Cet article a pour objet d'attribuer aux licenciements intervenant en conséquence de la loi le caractère de licenciements économiques. Il prévoit en outre une majoration des indemnités de licenciement versées aux salariés. Les personnels concernés sont à la fois ceux des avoués et anciens avoués et ceux des instances représentatives de la profession (chambres de la compagnie et chambre nationale des avoués).

1. Le dispositif prévu par le projet de loi

? La reconnaissance du caractère économique du licenciement des salariés d'avoués

Le présent article crée une présomption légale pour l'ensemble des licenciements qui interviendront en conséquence directe de la loi entre sa publication et le 31 décembre 2012. Ceux-ci seront réputés avoir le caractère de licenciements économiques au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail, qui dispose que « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ».

Cette reconnaissance du caractère économique des licenciements causés par la disparition des offices d'avoués apporte une certaine sécurité juridique aux procédures de licenciements qui s'engageront. En effet, celles-ci ne pourront être annulées pour défaut de cause réelle et sérieuse, puisque la raison économique sera présumée.

En revanche, cette reconnaissance contraint les employeurs des personnels à suivre les règles de procédure applicables en matière de licenciement économique.

Si l'obligation de reclassement interne prévue à l'article L. 1233-4 du code du travail ne pourra vraisemblablement pas être respectée, en raison de la cessation de l'activité de l'étude, en revanche les autres obligations s'appliqueront, en particulier celles liées à l'ordre des licenciements (articles L. 1233-5 à L. 1233-7 du code du travail), celles relatives à la consultation éventuelle des représentants du personnel en fonction du nombre de licenciements prévus et de la taille de l'étude (articles L. 1233-8 et suivants et L. 1233-28 et suivants du code du travail) ou celles portant sur la convention de reclassement personnalisée qui permet un accompagnement du salarié après la rupture du contrat de travail (articles L. 1233-65 et suivants du code du travail).

De plus les employeurs qui auraient maintenu leur activité sous une autre forme, par exemple en transformant leur étude en cabinet d'avocat, seront tenus, dans le délai légal d'un an, de respecter la priorité de réembauchage de leurs salariés, définie à l'article L. 1233-45 du code du travail.

? Le montant des indemnités de licenciement majorées

En l'état actuel du droit, tout salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit à une indemnité de licenciement égale à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à dix ans et deux quinzièmes de mois par année d'ancienneté au-delà (articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et suivants du code du travail).

La convention collective nationale du travail réglant les rapports entre les avoués près les cours d'appel et leur personnel fixe, quant à elle, ces indemnités à un mois de salaire, entre deux et cinq ans, deux mois entre cinq et dix ans, trois mois entre dix et quinze ans et quatre mois au-delà. S'ajoute à ce montant, pour les seuls salariés âgés de 52 ans ou plus, un mois de salaire.

Le principe est que les indemnités soient calculées sur la base du plus favorable de ces deux régimes pour le salarié.

Le deuxième alinéa du présent article prévoit une majoration des indemnités de licenciement que pourront recevoir les personnels des avoués.

Initialement, le texte du Gouvernement prévoyait un doublement des indemnités légales, plafonnées à vingt-cinq ans, soit un montant maximum de 14 mois de salaire.

Les syndicats de salariés et l'ANPANS, jugeant cette indemnisation insuffisante, ont demandé à ce que soient appliquées les mêmes dispositions que pour les salariés des commissaires-priseurs, qui ont pu bénéficier d'indemnités de licenciement calculées sur la base d'un mois de salaire par année d'ancienneté, dans la limite de trente mois.

L'amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale tendant à leur donner satisfaction s'étant vu opposer l'irrecevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution, la commission des lois, n'a pu améliorer, à ce stade, les conditions financières faites au personnel des avoués et elle a en conséquence rejeté l'article 14 en l'état.

L'Assemblée nationale a cependant adopté en séance publique un amendement du Gouvernement tendant à ajouter à la base de calcul retenue par le projet de loi, deux quinzièmes de mois par année d'ancienneté comprise entre quinze et vingt ans, puis respectivement quatre, six, huit, dix et douze quinzièmes de mois par année comprise dans chacune des tranches de cinq années supplémentaires.

Les différents dispositifs d'indemnisation envisagés donnent ainsi, comparé au dispositif finalement adopté par votre commission, les résultats suivants :

Montant de l'indemnisation perçue par un salarié suivant le dispositif retenu

(calcul opéré à partir du salaire moyen dans chaque tranche d'ancienneté)

Ancienneté

(années)

Salaire moyen dans la tranche d'ancienneté

Indemnités conventions coll. + légales*

Légales x2 plafonné à 25 ans **

Dispositif adopté par l'Assemblée nationale en première lecture

Dispositif adopté par la commission

En mois de salaire /

en Euros

En mois de salaire /

en Euros

En mois de salaire /

en Euros

En mois de salaire /

en Euros

0

1 400

0

0

0

0

0

0

0

0

1

2 162

0,2

432

0,40

865

0,40

865

1

2162

2

1 881

1

1881

0,80

1505

0,80

1505

2

3762

3

2 019

1

2019

1,20

2423

1,20

2423

3

6057

4

2 349

1

2349

1,60

3758

1,60

3758

4

9396

5

2 300

2

4600

2,00

4600

2,00

4600

5

11500

6

2 098

2

4196

2,40

5035

2,40

5035

6

12588

7

2 192

2

4384

2,80

6138

2,80

6138

7

15344

8

2 669

2

5338

3,20

8541

3,20

8541

8

21352

9

2 491

2

4982

3,60

8968

3,60

8968

9

22419

10

2 381

3

7143

4,00

9524

4,00

9524

10

23810

11

2 594

3

7782

4,67

12114

4,67

12114

11

28534

12

2 405

3

7215

5,33

12819

5,33

12819

12

28860

13

2 412

3

7236

6,00

14472

6,00

14472

13

31356

14

2 522

3,33

8398

6,67

16822

6,67

16822

14

35308

15

2 373

4

9492

7,33

17394

7,33

17394

15

35595

16

2 767

4

11068

8,00

22136

8,13

22496

16

44272

17

2 639

4,33

11427

8,67

22880

8,93

23566

17

44863

18

2 316

4,67

10816

9,33

21608

9,73

22535

18

41688

19

2 722

5

13610

10,00

27220

10,53

28663

19

51718

20

2 871

5,33

15302

10,67

30634

11,33

32528

20

57420

21

3 296

5,67

18688

11,33

37344

12,27

40442

21

69216

22

2 726

6

16356

12,00

32712

13,20

35983

22

59972

23

2 956

6,33

18711

12,67

37453

14,13

41768

23

67988

24

2 712

6,67

18089

13,33

36151

15,07

40870

24

65088

25

2 909

7

20363

14,00

40726

16,00

46544

25

72725

26

3 120

7,33

22870

14,00

43680

16,93

52822

26

81120

27

3 128

7,67

23992

14,00

43792

18,13

56711

27

84456

28

3 558

8

28464

14,00

49812

19,20

68314

28

99624

29

3 292

8,33

27422

14,00

46088

20,27

66729

29

95468

30

3 070

8,67

26617

14,00

42980

21,33

65483

30

92100

31

2 820

9

25380

14,00

39480

22,53

63535

31

87420

32

3 020

9,33

28177

14,00

42280

23,73

71665

32

96640

33

3 029

9,67

29290

14,00

42406

24,93

75513

33

99957

34

3 267

10

32670

14,00

45738

26,13

85367

34

111078

35

2 457

10,33

25381

14,00

34398

27,33

67150

35

85995

36

2 433

10,67

25960

14,00

34062

28,67

69754

36

87588

37

2 000

11

22000

14,00

28000

30,00

60000

37

74000

38

2 450

11,33

27759

14,00

34300

31,33

76759

38

93100

39

4 133

11,67

48232

14,00

57862

32,67

135025

39

161187

40

2 840

12

34080

14,00

39760

34,00

96560

40

113600

41

***

12

***

14,00

***

35,47

***

41

***

42

3 533

12

42396

14,00

49462

36,93

130474

42

148386

43

***

12

***

14,00

***

38,40

***

43

***

44

***

12

***

14,00

***

39,87

***

44

***

45

2 600

12

31200

14,00

36400

41,33

107458

45

117000

Source : Commission des Lois du Sénat.

* Est systématiquement retenue l'indemnité la plus favorable entre celle du régime légal et celle de la convention collective

** Pour deux ans d'ancienneté, le doublement de l'indemnité légale est inférieur à ce que prévoit la convention collective

*** Les chiffres fournis par le ministère indiquent qu'il n'existe de salariés d'avoués appartenant à cette tranche d'ancienneté.

L'étude d'impact réalisée par les services de la Chancellerie a évalué le coût de la mesure initialement proposée à 19 200 000 euros, en prenant comme référence un salaire moyen mensuel brut de 1 950 euros, et un nombre total de salariés à indemniser égal à 1 400.

Cependant une telle évaluation ne prend pas en compte le fait que l'ancienneté du salarié joue doublement en sa faveur, puisqu'elle détermine à la fois le nombre de mois de salaire qui lui seront versés, mais aussi le niveau de sa rémunération moyenne.

L'application d'une moyenne de rémunération aux grilles d'indemnités retenues fausse donc largement l'évaluation du coût de la mesure. Les simulations opérées par votre rapporteur sur la base des chiffres fournis par les services du ministère de la justice donnent, quant à elles, les résultats suivants, pour chacune des options proposées :

Coût total des indemnisations versées aux salariés en fonction du dispositif retenu

(calcul opéré à partir du salaire moyen dans chaque tranche d'ancienneté)

Ancienneté (années)

Salaire moyen dans la tranche

Nombre de salariés dans la tranche

Montant des indemnités pour l'ensemble

Indemnités conv° coll + légales*

Légales x 2 plafonné à 25 ans **

Dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Dispositif adopté par la commission

0

1 400

0

0

0

0

0

1

2 162

63

27241

54482

54482

136206

2

1 881

71

133551

106841

106841

267102

3

2 019

63

127197

152636

152636

381591

4

2 349

59

138591

221746

221746

554364

5

2 300

56

257600

257600

257600

644000

6

2 098

50

209800

251760

251760

629400

7

2 192

31

135904

190266

190266

475664

8

2 669

40

213520

341632

341632

854080

9

2 491

41

204262

367672

367672

919179

10

2 381

51

364293

485724

485724

1214310

11

2 594

38

295716

460331

460331

1084292

12

2 405

51

367965

653751

653751

1471860

13

2 412

40

289440

578880

578880

1254240

14

2 522

48

403116

807444

807444

1694784

15

2 373

50

474600

869705

869705

1779750

16

2 767

46

509128

1018256

1034803

2036512

17

2 639

64

731320

1464328

1508241

2871232

18

2 316

66

713838

1426146

1487289

2751408

19

2 722

41

558010

1116020

1175169

2120438

20

2 871

69

1055868

2113716

2244462

3961980

21

3 296

32

598026

1194998

1294141

2214912

22

2 726

41

670596

1341192

1475311

2458852

23

2 956

21

392941

786503

877134

1427748

24

2 712

29

524582

1048378

1185225

1887552

25

2 909

25

509075

1018150

1163600

1818125

26

3 120

23

526001

1004640

1214897

1865760

27

3 128

29

695761

1269968

1644609

2449224

28

3 558

29

825456

1444548

1981094

2889096

29

3 292

15

411335

691320

1000933

1432020

30

3 070

23

612189

988540

1506111

2118300

31

2 820

11

279180

434280

698881

961620

32

3 020

13

366296

549640

931640

1256320

33

3 029

17

497937

720902

1283720

1699269

34

3 267

7

228690

320166

597567

777546

35

2 457

16

406093

550368

1074397

1375920

36

2 433

8

207681

272496

558033

700704

37

2 000

6

132000

168000

360000

444000

38

2 450

5

138793

171500

383793

465500

39

4 133

3

144696

173586

405075

483561

40

2 840

6

204480

238560

579360

681600

41

0

0

0

0

0

42

3 533

3

127188

148386

391421

445158

43

0

0

0

0

0

44

0

0

0

0

0

45

2 600

1

31200

36400

107458

117000

Total

1401

15 741 156

27 511 457

33 964 834

57072179

Source : Commission des Lois du Sénat, à partir des données de l'enquête IDDEM sur les salariés des études d'avoués

? La nature des indemnités de licenciement

Bien qu'elles fassent l'objet d'une majoration, les indemnités versées restent des indemnités de licenciement au sens de l'article L. 1234-9 du code du travail. Elles ne seront en conséquence pas soumises à l'impôt sur le revenu, en vertu du 3° de l'article 80 duodecies du code général des impôts. Elles ne seront pas non plus soumises à charges sociales, à la condition qu'elles ne dépassent pas trente fois le plafond annuel de la sécurité sociale 50 ( * ) (article L. 242-1 du code de la sécurité sociale).

De plus, elles sont dues par l'employeur dès la rupture du contrat de travail, soit à la fin du préavis de licenciement, à la fin du dernier jour travaillé si le salarié est dispensé de son préavis, ou au moment où le salarié a accepté l'offre de convention de reclassement personnalisé qui lui a été proposée par son employeur (article L. 1233-67 du code du travail).

À défaut, dans le dispositif retenu par le projet de loi, les salariés concernés pourront en obtenir le versement en saisissant le juge prud'homal agissant en référé. Ceci répond partiellement à l'inquiétude exprimée par l'ANPANS et les organisations syndicales représentatives des personnels d'avoués, qui craignaient que les employeurs diffèrent, pour des raisons de trésorerie, le versement des indemnités de licenciement dues.

? La question de l'indemnité de fin de carrière

Aux termes de l'article L. 1237-9 du code du travail, « tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite ». La valeur de cette indemnité est en principe fonction de l'ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise.

Le régime applicable aux personnels d'avoués en vertu de la convention collective de travail réglant les rapports entre les avocats et leur personnel du 20 février 1979 étant plus favorable que le régime légal, l'indemnité à laquelle ont droit ces salariés est fixée de la manière suivante :

Montant de l'indemnité de fin de carrière

Ancienneté

Nombre de mois de salaire

Entre un an et moins de 5 ans

1/5 e par année d'ancienneté

Entre 5 ans inclus et moins de 10 ans

1

Entre 10 ans inclus et moins de 15 ans

2

Entre 15 ans inclus et moins de 20 ans

3

Entre 20 ans inclus et moins de 25 ans

4

Entre 25 ans inclus et moins de 30 ans

5

Entre 30 ans inclus et moins de 35 ans

6

35 ans et plus

7

Les salariés d'avoués qui quitteront l'étude se trouveront donc pénalisés puisqu'ils perdront le bénéfice de leur ancienneté. L'ANPANS et les organisations syndicales représentatives des personnels d'avoués ont émis le voeu que les salariés concernés puissent bénéficier, dans le cadre de leur nouvel emploi, de l'ancienneté qu'ils se sont constitués dans leur profession initiale.

Cependant, l'accord négocié le 17 avril 2009 au sein de la commission mixte paritaire de la convention collective nationale du personnel des cabinets d'avocats apporte une première réponse à cette préoccupation.

En effet, les signataires de cette convention se sont engagés à négocier un avenant ayant pour objet d'assurer aux salariés qui seront employés par des cabinets d'avocats la reprise de l'ancienneté acquise dans une étude d'avoué, conformément à l'article 2 de l'avenant 79 de cette convention nationale. Les personnels des études d'avoués ayant vocation à se reclasser principalement dans des cabinets d'avocats, un tel accord devrait permettre que, dans la plus grande part des cas, leur ancienneté soit conservée.

La généralisation d'un tel système n'est en revanche pas apparue souhaitable à votre rapporteur.

En effet, contraindre tout futur employeur à prendre à sa charge l'ancienneté qu'a acquise le salarié d'avoué dans son précédent emploi pourrait nuire au reclassement des personnels les plus âgés, puisque cela renchérirait le coût de leur embauche par les employeurs potentiels.

Par ailleurs, pour tous les cas non réglés par l'avenant à la convention nationale, le préjudice des personnels est indemnisé par la majoration des indemnités de licenciement que prévoit le présent article.

2. Le texte adopté par la commission : assurer la juste indemnisation et la reconversion des salariés

Une indemnisation fondée sur un mois de salaire par année d'ancienneté

Votre commission juge insuffisant le dispositif prévu par le projet de loi de loi pour l'indemnisation des salariés des avoués.

En effet, le dispositif proposé par le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale est inférieur à ce qui a été prévu pour les salariés de commissaires-priseurs en 2000 (1 mois par année d'ancienneté, plafonné à 30 mois), sauf en ce qui concerne les salariés disposant de plus de 37 ans d'ancienneté, qui devraient pouvoir prendre sous peu leur retraite.

Or, 70 % des salariés d'avoué ont entre 11 et 30 ans d'anciennetés et seuls 0,01 % des salariés totalisent plus de 37 ans d'ancienneté.

Aussi, votre commission a-t-elle adopté un amendement présenté par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Raymond Couderc, prévoyant que les salariés perçoivent, dès lors qu'ils comptent un an d'ancienneté ininterrompue dans la profession, des indemnités de licenciement calculées à hauteur d'un mois de salaire par année d'ancienneté.

? Le versement direct, par le fonds d'indemnisation, des indemnités de licenciement

Le présent article prévoit que ce sont les employeurs des personnels licenciés qui versent l'indemnité majorée de licenciement, cette dernière leur étant ensuite remboursée dans les conditions fixées aux articles 15, 16 et 19.

Cependant, les avoués, leurs associations représentatives, comme celles représentatives de leurs personnels ont tous indiqué à votre rapporteur qu'un versement direct aux intéressés, par le fonds d'indemnisation, des sommes visés au présent article leur paraissait préférable au système de remboursement.

La loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques avait d'ailleurs prévu que les indemnités de licenciement versées aux salariés des commissaires-priseurs le soit directement par le fonds d'indemnisation créé à cette fin 51 ( * ) .

La solution retenue par le présent article procède du souci de maintenir l'unité de la procédure de licenciement, depuis la décision initiale de l'employeur jusqu'au versement des indemnités prévues et d'éviter ainsi que le fonds d'indemnisation ait à intervenir directement dans le cadre d'un contentieux opposant un salarié licencié à son employeur.

Cependant, il apparaît que la procédure proposée rallonge inutilement les délais de versement de l'indemnisation, puisqu'elle fait intervenir l'employeur dans le versement d'une indemnisation dérogatoire au droit commun, qui est financée par le fonds d'indemnisation. De plus, elle présente un risque pour les salariés, en cas de défaut ou de décès de leur employeur, puisque le versement des indemnités auxquelles ils ont droit pourrait s'en trouver anormalement différé.

C'est pourquoi votre commission a adopté un amendement de son rapporteur prévoyant le versement direct par le fonds d'indemnisation des sommes dues au titre du présent article.

Pour garantir que les indemnités seront bien versées au moment où interviendra la rupture du contrat de travail, le délai du préavis de licenciement serait fixé à deux mois , alors qu'il varie en principe de zéro à deux mois selon l'ancienneté, et ne débuterait qu'à compter de l'envoi, par l'employeur, à la commission nationale d'indemnisation prévue à l'article 16, de la demande de versement des indemnités dues au salarié, cette demande lui étant par ailleurs notifiée.

? L'instauration d'une indemnité exceptionnelle de reconversion

Aux termes du projet de loi, les salariés des avoués ne percevraient d'indemnités de départ qu'en cas de licenciement. Par conséquent, les salariés qui démissionneraient pour rejoindre un nouvel emploi après avoir accompli une recherche active et des efforts de reconversion et de mobilité ne percevraient aucune indemnité. Ce bouleversement de leur vie professionnelle procèderait pourtant de la suppression de la profession d'avoué, décidée par l'Etat. Le dispositif prévu ne paraît donc pas équitable .

Par ailleurs, compte tenu des sommes en jeu, il risque de conduire certains salariés à différer leur reconversion, dans l'attente de leur licenciement par leur employeur. Le dispositif retenu pourrait ainsi susciter des arbitrages défavorables à la reprise d'emploi, puisque les personnels souhaiteront percevoir les indemnités de licenciement afin de compenser la décote salariale qu'ils subiront du fait de leur reconversion.

En effet, les rémunérations des employés d'avoués sont sensiblement supérieures, eu égard à leur niveau de qualification reconnu, à celles de personnels d'avocat, ou à celles des emplois qui leur seront proposés dans la fonction publique. Or, en application du mécanisme d'allocation temporaire dégressive (ATD) les salariés reclassés dans un emploi comportant une rémunération inférieure à celle qu'ils recevaient au titre de leur emploi antérieur pourront percevoir jusqu'à 300 euros de compensation par mois. Il n'est pas acquis que cette allocation suffise à répondre aux attentes des salariés.

Le dispositif proposé se révèle ainsi contreproductif et doublement pénalisant pour les finances publiques : non seulement, la reconversion des salariés d'avoués serait retardée, ce qui augmenterait le risque qu'ils se trouvent, à l'issue de la période transitoire, à la charge de la solidarité nationale, mais en plus, le montant des indemnités de licenciement versées serait le plus élevé possible.

C'est pourquoi, afin de remédier à ce défaut du dispositif prévu, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur créant une indemnité exceptionnelle de reconversion , dont le montant, égal à l'indemnité légale de licenciement, sera inférieur à l'indemnité majorée de licenciement. Cette indemnité serait versée directement par le fond d'indemnisation à tout salarié démissionnant, pour créer une entreprise ou rejoindre un nouvel emploi.

Cette indemnisation spécifique éviterait ainsi que l'intéressé diffère sa reconversion dans l'attente de son licenciement afin de percevoir la prime à laquelle il aurait droit. De plus, compte tenu de son montant, elle coûterait moins cher, au total, au fonds d'indemnisation mis en place, que la seule indemnité de licenciement. Elle permettrait enfin aux salariés qui souhaiteraient lancer leur propre entreprise de bénéficier d'une mise de départ.

Le dispositif retenu prévoit qu'à compter de six mois après la promulgation de la loi, l'employeur devra indiquer, au salarié qui lui en ferait la demande, s'il est susceptible de faire l'objet d'un licenciement économique. Le salarié, disposant alors d'une information précieuse pour la préparation de son avenir professionnel, percevra, s'il démissionne par anticipation, une indemnité exceptionnelle de reconversion.

En outre, l'employeur qui s'abstiendrait de répondre à la demande du salarié ou lui indiquerait qu'il ne devrait pas être licencié et qui procèderait tout de même à ce licenciement devrait s'acquitter du paiement des indemnités légales ou conventionnelles de licenciement. Le fonds d'indemnisation ne verserait dans ce cas à l'employeur que la part des indemnités correspondant à la majoration.

Votre commission a adopté l'article 14 ainsi rédigé .

Article 14 bis Exonération de charges sociales pour les professions juridiques employant d'anciens salariés d'avoués

Cet article additionnel, issu d'un amendement du rapporteur, permettrait aux avocats, avocats aux Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, notaires, huissiers de justice, commissaires-priseurs judiciaires, greffiers de tribunal de commerce, mandataires judiciaires et administrateurs judiciaires de bénéficier d'une exonération de charges sociales patronales lorsqu'ils emploient un salarié issu d'une étude d'avoué.

Cette exonération vise à favoriser le recrutement des salariés d'avoués par les professions juridiques. Elle s'appliquerait aux salaires versés dans la limite du SMIC majoré de 50 % et ne pourrait bénéficier à l'employeur pendant plus de 18 mois.

En tout état de cause, le dispositif prendrait fin deux ans après la disparition de la profession d'avoué, soit le 1 er janvier 2013.

Enfin, pour éviter un détournement du dispositif, l'exonération ne pourrait s'appliquer qu'aux salariés qui justifient, au 1 er janvier 2010, d'un contrat de travail d'une durée de 12 mois minimum auprès d'un avoué.

Votre commission a adopté l'article 14 bis ainsi rédigé.

Article 15 Remboursement aux intéressés des sommes versées pour les licenciements

Cet article pose le principe du remboursement intégral des indemnités versées par leur employeur aux salariés des avoués, ainsi que des sommes versées par la chambre nationale des avoués au titre du reclassement des salariés licenciés.

Il s'agit d'une part des indemnités de licenciement versées par les avoués ou anciens avoués, les chambres de la compagnie et la chambre nationale des avoués, à leur personnel. Ce remboursement porte sur la totalité de l'indemnité versée et non sur la seule part majorée, de manière à ce que l'opération soit financièrement neutre pour les employeurs concernés.

D'autre part, le remboursement porte aussi sur les abondements versés par la chambre nationale des avoués près les cours d'appel, pour le financement des dispositifs qui seront visés par la convention de reclassement des salariés licenciés 52 ( * ) .

Il est en effet prévu qu'à la prise en charge des salariés licenciés par le Fonds national pour l'emploi, pendant une période de douze à dix-huit mois et à hauteur de 2 000 euros, s'ajoute un versement de 1 000 euros par les employeurs, pour chaque salarié.

En outre, il convient d'ajouter aux sommes à rembourser l'éventuelle allocation temporaire dégressive dont le versement pourrait être décidé par la convention de reclassement, aux salariés licenciés et reclassés dans un emploi moins bien rémunéré, pour compenser cette différence de rémunération.

Votre commission a adopté un amendement coordonnant le dispositif prévu avec le versement direct, par le fonds d'indemnisation, des indemnités dues aux salariés.

Votre commission a adopté l'article 15 ainsi rédigé .

Article 16 Organisation et fonctionnement de la commission chargée de statuer sur les demandes de versement ou de remboursement d'indemnités

Cet article détermine les conditions dans lesquelles les demandes d'indemnisation formées par les avoués sont déposées et instruites par la commission nationale compétente.

Le projet de loi prévoit que, pour être indemnisés de la valeur de leur office ou pour obtenir le remboursement des indemnités qu'ils auront versées à leurs salariés, les avoués, les anciens avoués ou les différentes chambres d'avoués devront former leur demande avant le 31 décembre 2012 auprès d'une commission nationale ad hoc .

Cette commission sera présidée par un magistrat hors hiérarchie de l'ordre judiciaire, et composée d'un représentant du garde des sceaux et d'un représentant du ministre chargé du budget, ainsi que de deux représentants des avoués.

Le président de la commission pourra statuer seul sur les demandes de remboursement des indemnités versées. En revanche, l'indemnisation de la valeur des offices sera décidée par la commission. Votre rapporteur souscrit sur ce point à la remarque de son homologue de l'Assemblée nationale, lorsqu'il souligne que les membres de la commission nationale devront se déporter lorsque leur participation à la décision pourrait être de nature à faire douter de leur impartialité 53 ( * ) .

La commission déterminera la valeur de l'office sur la base des critères définis à l'article 13 sans disposer d'aucune marge d'appréciation à cet égard 54 ( * ) .

Alors que le texte initial prévoyait que l'indemnité serait versée dans les six mois de la demande, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à raccourcir à trois mois le délai de remboursement des indemnités de licenciement ou de reclassement versées par les avoués ou leurs chambres professionnelles. Les députés ont de plus précisé que les décisions de la commission ou de son président seront susceptibles de faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant le Conseil d'État.

Comme cela a été indiqué précédemment, en organisant le remboursement des sommes avancées par les avoués pour le licenciement de leurs salariés, le présent texte optait pour un système qui ne remettait pas en cause le cadre personnel de la relation professionnelle entre l'employeur et ses salariés.

Votre commission ayant privilégié la solution du versement direct par le fonds d'indemnisation des indemnités dues aux salariés, elle a adopté un amendement de coordination qui prévoit que le président de la commission nationale se prononce sur les demandes qui lui sont adressées à ce sujet, et que le versement intervient dans un délai de deux mois, ce qui permet de le faire coïncider avec la fin du délai du préavis de licenciement.

Votre commission a adopté l'article 16 ainsi rédigé .

Article 17 Possibilité d'obtenir le versement d'un acompte ou le remboursement du capital restant dû sur un prêt pendant la période transitoire

Le présent article définit les conditions dans lesquelles un acompte sur l'indemnisation due est versé aux avoués qui en font la demande. Il organise aussi les modalités du remboursement au prêteur de l'avoué du capital restant dû sur le prêt ayant servi à financer l'achat de l'office.

Le principe retenu est le suivant : à compter du 1 er janvier 2010 et au plus tard le 31 décembre de la même année, les avoués qui le souhaiteront pourront demander au président de la commission nationale prévue à l'article précédent que leur soit versé un acompte sur l'indemnisation qu'ils doivent recevoir. L'acompte sera de 50 % du montant de la recette nette réalisée pour le dernier exercice fiscal connu à la date de la publication de la loi. Il sera versé dans les trois mois suivant le dépôt de la demande.

Le montant de l'acompte équivaut ainsi à une part substantielle du chiffre d'affaires, qui permettra à l'avoué qui l'aura sollicité suffisamment tôt de bénéficier de la trésorerie nécessaire pour procéder aux opérations de liquidation et aux licenciements nécessités par sa reconversion, dans l'attente du versement de la totalité de l'indemnité. Ce dernier devrait d'ailleurs logiquement intervenir dans les trois mois qui suivent, puisqu'il est vraisemblable que les avoués auront déposé en même temps la demande d'acompte et celle d'indemnisation.

Pendant la même période, les avoués qui se sont endettés pour acheter leur office ou les parts de la société d'exercice pourront demander directement au fonds d'indemnisation qu'il rembourse à leur établissement de crédit le capital restant dû à ce titre. À cet égard, l'article 19 prévoit que les pénalités éventuelles dues par l'avoué en raison de ce remboursement anticipé seront elles aussi prises en charge par le fonds d'indemnisation.

Le choix de s'adresser directement au fonds d'indemnisation et non à la commission nationale de l'article 16 se justifie par le souci d'accélérer, autant que faire se peut, le remboursement. L'évaluation des sommes à rembourser est en effet immédiate, puisqu'elle résulte directement de l'état d'endettement fourni par l'établissement de crédit. Elle ne nécessite donc pas l'intervention d'une commission d'évaluation.

Dans un cas comme dans l'autre, les sommes versées au titre de l'acompte ou du remboursement viennent en déduction de l'indemnité perçue par les avoués sur la valeur de leur office.

Plusieurs éléments de la procédure de remboursement du prêt ont retenu l'attention de votre rapporteur .

Tout d'abord, le texte prévoit que, dans le cas où le remboursement du capital restant dû est sollicité, l'acompte est diminué de son montant.

Or, ainsi que l'ont indiqué à votre rapporteur les représentants de l'Association des jeunes avoués, cette mesure risque de pénaliser tout particulièrement les jeunes avoués fortement endettés, puisque ceux dont l'endettement sera supérieur à la valeur de l'acompte auquel ils peuvent prétendre ne percevront rien. Ils seront certes libérés de leurs charges d'emprunt, mais ils ne bénéficieront pas de l'avantage de trésorerie que constitue le versement de l'acompte.

C'est pourquoi votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur supprimant cette disposition. Le versement de l'indemnisation devant intervenir dans les six mois de la demande, il n'y a en effet pas d'inconvénient majeur à permettre à l'avoué concerné de percevoir l'acompte, à la condition cependant que la somme versée reste inférieure au reliquat de l'indemnisation due.

Par ailleurs, il apparaît nécessaire de corriger le dispositif retenu dans la mesure où il prévoit que le remboursement s'effectue sur la base du capital restant dû au 1 er janvier 2010. En effet, jusqu'à ce remboursement, l'avoué continuera de payer à l'établissement de crédit les mensualités. Une fois le remboursement effectué, le prêteur bénéficierait d'un enrichissement sans cause au détriment de son ancien débiteur, puisqu'il aurait perçu trop de mensualités.

En outre, aucun délai n'est fixé pour le remboursement du capital restant dû.

Il est possible de remédier à ces deux inconvénients en prévoyant que le remboursement intervient dans le mois qui suit la demande et qu'il porte sur le capital restant dû au jour où il intervient. Compte tenu de la facilité avec laquelle le montant du capital restant dû pourra être établi, un tel délai ne semble pas trop court. En revanche, votre rapporteur note qu'il imposera au fonds d'indemnisation de disposer suffisamment tôt des sommes nécessaires, car il est plus que probable que les demandes d'indemnisation seront déposées dès la promulgation de la loi .

Par ailleurs, l'obligation dans laquelle seront placés les avoués endettés de verser une ou plusieurs mensualités pendant le délai nécessaire pour obtenir le remboursement de leur emprunt apparaît largement compensée par la suppression de l'imputation du montant du remboursement sur la valeur de l'acompte.

Votre commission a adopté l'article 17 ainsi rédigé .

Article 18 Modalités de présentation de la demande effectuée au titre des articles 13, 15 et 17

Cet article définit, selon la forme d'exercice de la profession d'avoué, quelle personne, physique ou morale, est compétente pour déposer la demande d'indemnisation ou de remboursement.

Si l'avoué exerce à titre individuel, lui seul, ou, le cas échéant, ses ayants droit peuvent former la demande tendant à l'indemnisation de la valeur de l'office, ainsi que celles tendant au remboursement des indemnités majorées de licenciement, au versement de l'acompte ou au remboursement du capital restant dû au titre de l'emprunt contracté.

Pour les avoués exerçant au sein d'une société, l'article distingue selon le type de demande formée et selon le type de société d'exercice.

Les indemnités de licenciement étant versées par la personne morale employeur, seule la société peut en demander le remboursement.

Les autres demandes doivent être présentées par le ou les titulaires de l'office, c'est-à-dire soit la société, si elle est seule titulaire de l'office, soit conjointement par chaque associé, dans le cas d'une société d'avoués ou d'une société en participation d'avoués où chacun des associés reste titulaire de son office.

Votre commission a adopté à cet article un amendement rédactionnel et de coordination de son rapporteur avec le versement direct des indemnités dues aux salariés par le fonds d'indemnisation.

Votre commission a adopté l'article 18 ainsi rédigé .

Article 19 Création, organisation et fonctionnement du fonds d'indemnisation chargé du paiement des sommes dues aux avoués

Cet article prévoit la création d'un fonds d'indemnisation spécifique et en règle les attributions et les modalités de fonctionnement.

Le paragraphe I précise que ce fonds est administré par un conseil de gestion composé d'un représentant du garde des sceaux, d'un représentant du ministre chargé du budget, d'un représentant de la Caisse des dépôts et consignations et de deux représentants des avoués. Sa gestion comptable, administrative et financière est assurée par la Caisse des dépôts et consignations qui perçoit à ce titre une rétribution dont le montant et les modalités de versement sont fixées par une convention passée avec l'État.

Le paragraphe II définit les missions du fonds d'indemnisation :

- assurer les paiements aux avoués et à leurs chambres des sommes déterminées par la commission nationale de l'article 16 ou son président ;

- procéder au remboursement au prêteur du capital restant dû sur les emprunts contractés par les avoués pour acquérir leur office ou les parts de société d'avoué. Le même article prévoit par ailleurs que le fonds d'indemnisation prenne aussi en charge les indemnités de remboursement anticipé que l'organisme de crédit serait en droit d'exiger de l'avoué. Ceci permet de garantir la neutralité financière pour l'avoué de ce remboursement.

Par coordination avec la modification intervenue sur ce point à l'article 17, la référence à la date du 1 er janvier 2010 doit être remplacée par celle de la date où le remboursement est censé intervenir. Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur à cet effet.

Le paragraphe III prévoit que le fonds d'indemnisation reçoive, à titre de ressources, le produit de certaines taxes ainsi que celui d'emprunts ou d'avances effectués par la Caisse des dépôts et consignations.

Il est très vraisemblable que les avoués et leurs chambres demanderont à bénéficier dès que possible des indemnisations auxquelles ils auront droit. Pour faire face aux dépenses que cela représentera, le fonds devra s'endetter massivement dans les premiers temps de sa mise en place, puis, dans un second temps, rembourser les emprunts contractés grâce au produit de la taxe affectée.

L'étude d'impact jointe au projet de loi indiquait que le financement de long terme de la réforme serait assuré par une taxe spéciale, créée dans la loi de finances pour 2010, supportée par chaque demandeur pour les affaires civiles avec représentation obligatoire d'avocat. Son montant était évalué à 85 euros par affaire. La garde des sceaux est cependant revenue sur ce dispositif qui pénalisait les demandeurs de première instance, alors que la taxe avait pour objet de financer une réforme de la procédure d'appel.

En conséquence, il est prévu que l'assiette de la taxe soit limitée aux affaires en appel devant les juridictions civiles avec représentation obligatoire, et hors aide juridictionnelle (soit un total de 125 744 affaires par an). L'article 28 du projet de loi de finances rectificative pour 2009, déposé à l'Assemblée nationale, prévoit la création de ce droit, affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoué. Ce droit serait dû par l'appelant, lorsque le ministère d'avocat est obligatoire. Les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle en seraient exonérés. Le montant de ce droit serait fixé à 330 euros. Il appartiendrait à l'avocat de l'acquitter pour le compte de son client, par voie de timbre ou par voie électronique. Ce droit serait applicable du 1 er janvier 2011 au 31 décembre 2018.

Votre commission a par ailleurs adopté un amendement de coordination de son rapporteur prenant en compte le versement direct des indemnités dues aux salariés par le fonds d'indemnisation.

Votre commission a adopté l'article 19 ainsi modifié .

Article 20 Modalités de mise en oeuvre

Cet article renvoie à un décret la détermination des modalités de désignation des membres de la commission nationale d'indemnisation et du conseil de gestion du fonds d'indemnisation ainsi que leur fonctionnement.

Il prévoit en outre qu'un décret fixe la liste des justificatifs à joindre aux demandes présentées pour obtenir l'indemnisation ou les remboursements prévus par la présente loi.

Votre commission a adopté un amendement de coordination de son rapporteur prenant en compte la demande formée pour le versement direct des indemnités dues aux salariés par le fonds d'indemnisation.

Votre commission a adopté l'article ainsi modifié .

* 37 CC, n° 2000-440 DC du 10 janvier 2001, cons. 5.

* 38 La Cour de cassation estime ainsi que « les offices, institués dans un intérêt public, ne sont pas des propriétés privées et que le seul élément du patrimoine de leurs titulaires, susceptible de faire l'objet d'une convention intéressée consiste dans la valeur pécuniaire du droit de présentation » (arrêt du 9 décembre 1946).

* 39 CE, SCP Machoïr et Bailly, 25 mars 2005, n° 263944.

* 40 Même décision, cons. 7.

* 41 CEDH, Lallement c/ France, 11 avril 2002, n° 46044/99.

* 42 M. Gilles Bourdouleix, rapport n° 1931 (XIIIe législature) au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi portant fusion des professions d'avocat et d'avoué près les cours d'appel, p. 34-35.

* 43 Art. 39 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000, portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

* 44 Art. 4 de la loi n° 2001-43 du 16 janvier 2001, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports.

* 45 Le produit demi-net est obtenu en déduisant des produits bruts de l'office, le loyer des locaux professionnels, les salaires et charges sociales et la taxe professionnelle.

* 46 Art. 2 de la loi n°65-1002 du 30 novembre 1965, portant réforme des greffes des juridictions civiles et pénales.

* 47 Art. 29 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

* 48 CE, SCP Machoïr et Bailly, 25 mars 2005, n° 263944.

* 49 Affaire Lallement contre France n° 46044/99 - 12 juin 2003.

* 50 Soit 1 029 240 euros en 2009.

* 51 Article 49 de cette loi.

* 52 Voir le I, C, 3 de l'exposé général.

* 53 M. Gilles Bourdouleix, rapport n° 1931 (XIIIe législature), préc., p. 85.

* 54 Un dispositif similaire a été prévu pour l'indemnisation des courtiers interprètes et conducteurs de navire. En revanche, pour tenir compte de la situation particulière de chaque office, la loi prévoyant l'indemnisation des commissaires-priseurs a accordé à la commission chargée d'établir cette indemnisation la possibilité de majorer ou de minorer la valeur de l'office de 20 %.

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