2. La parcellisation des compétences

Le schéma originel a été réalisé par les deux lois du 7 janvier et du 22 juillet 1983 conçues selon la logique des « blocs de compétences » qui n'est réellement réalisée que pour la formation professionnelle attribuée aux régions et l'action sociale aux départements. Cette répartition devait obéir, selon le ministre de l'intérieur de l'époque, Gaston Defferre, au critère des « vocations dominantes » de chaque groupe de collectivités. Le résultat n'apparaît cependant pas à la hauteur des ambitions de ses auteurs : il suffit de penser aux transports collectifs éclatés entre les trois niveaux ou encore aux équipements scolaires du second degré, partagés entre départements (collèges) et régions (lycées). Ces partages aboutissent à la multiplication des gymnases et à des difficultés de coordination des transports scolaires.

Au demeurant, ce principe a ensuite été encore affaibli par l'adoption de lois spéciales qui n'y obéissaient pas. Tel est le cas, notamment, du développement économique ou du tourisme.

Dans un même secteur, cette multiplication des acteurs, dont l'Etat qui reste présent, affaiblit l'efficacité des interventions et leur coordination en multipliant les structures et engendre donc des dépenses excessives pour un résultat parfois modeste.

La complexité du système est aggravée par les modalités d'édiction des règles qui régissent ces diverses compétences, le pouvoir normatif est détenu par l'Etat qui fixe la réglementation des dispositifs (en matière sociale notamment) ou impose des normes techniques (par exemple dans l'organisation des secours) 7 ( * ) comme le rappelait récemment notre collègue Bernard Saugey 8 ( * ) . L'évocation de ces deux seuls exemples suffit à souligner la difficulté pour les collectivités, les départements en l'espèce, de mettre en oeuvre des politiques et de supporter des coûts qu'elles ne maîtrisent pas.

L'Etat, en outre, ne s'est pas totalement désengagé des secteurs décentralisés : ainsi, par exemple, en matière de formation professionnelle avec le maintien de certaines attributions au niveau central pour l'enseignement professionnel sous statut scolaire.

3. Un financement complexe

Les ressources des collectivités constituent un facteur supplémentaire de complexité du système local et ajoutent à la confusion :

- par le jeu des dégrèvements et des compensations pris en charge par l'Etat qui est à l'origine de ces pertes de recettes pour les collectivités, la fiscalité locale, d'une appréhension difficile, apparaît encore plus opaque : M. Claude Roulleau, rapporteur du Conseil économique, social et environnemental sur le rapport du Comité Balladur, observe ainsi que « la réalité de l'autonomie financière des collectivités (...) et de l'autonomie fiscale, qui en constitue un des aspects essentiels (...) est de plus en plus incertaine » 9 ( * ) . Il conviendra de procéder à une nouvelle évaluation, une fois la réforme en cours de la taxe professionnelle achevée, comme le prévoit la « clause de rendez-vous » adoptée par le Sénat à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2010.

La deuxième catégorie de ressources des collectivités, les dotations de l'Etat, connaissent aujourd'hui une stratification complexe : dotation générale de décentralisation qui a accompagné l'acte I, dotations spécifiques attachées à certains transferts de compétences, dotations de l'acte II mises en place pour le financer, en complément des recettes fiscales, à hauteur de 16 % selon la Cour des comptes qui pose la double question « de l'articulation des deux dispositifs conjoints de financement de la décentralisation, la fiscalité et les dotations, et celle de la péréquation insuffisante dans les autres modes de financements » 10 ( * ). .

Malgré le principe de spécialité fixé par l'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales 11 ( * ) et celui de la limitation à 80 % du montant subventionnable par des aides publiques directes des dépenses engagées par une collectivité ( cf. art. 10 du décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999 ), l'écheveau des régimes financiers des collectivités locales a conduit au développement très important de la pratique des cofinancements par plusieurs personnes publiques. Ces financements croisés résultent tout à la fois du manque de moyens de certaines collectivités, en particulier les petites communes, pour assurer elles-mêmes les investissements dont elles ont besoin, et du partage de compétences résultant soit de la loi elle-même, soit de la mise en oeuvre de la clause générale de compétence, soit de l'intervention de l'Etat lorsqu'il appelle à une action concertée, comme dans le cas des contrats de projet Etat-région. Les cofinancements sont également inhérents à l'intervention des fonds européens qui sont en général répartis en fonction du principe d'« additionnalité », c'est-à-dire que ces fonds ne peuvent être versés que si d'autres acteurs publics apportent des financements complémentaires.

*

Ces considérations dressent du paysage local un ensemble complexe, touffu et, pour tout dire, difficilement lisible, source de déperdition d'énergie, de coûts excessifs et de perte d'efficience.

* 7 Le ministère de l'intérieur a annoncé qu'il n'édicterait, désormais, plus de recours autres que les prescriptions européennes.

* 8 Rapport pour avis n° 106 (2009-2010) de M. Bernard Saugey, au nom de la commission des lois, sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

* 9 Avis examiné par le CESE les 3 et 4 novembre 2009 : « le rapport du comité pour la réforme des collectivités locales ».

* 10 Cf. rapport de la Cour des comptes « La conduite par l'Etat de la décentralisation », octobre 2009.

* 11 Article L. 1111-4 du CGCT « Les communes, les départements et les régions financent par priorité les projets relevant des domaines de compétences qui leur ont été dévolus par la loi (...) ».

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