PREMIÈRE PARTIE : LES FINANCES PUBLIQUES EN PERSPECTIVE

I. LES GRANDS ÉQUILIBRES DU PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE

A. UNE PRÉVISION DE REPRISE MODÉRÉE EN 2010

1. Une croissance de l'ordre de - 2,3 % en 2009

Le Gouvernement évalue la croissance du PIB en 2009 à - 2,25 %, en ligne avec le consensus des conjoncturistes. Dans sa note de conjoncture de décembre 2009, l'Insee évaluait la croissance de l'économie française à - 2,3 % en 2009.

Il s'agit d'un écart historiquement exceptionnel par rapport à la prévision associée au projet de loi de finances (1,25 %), comme le montre le graphique ci-après.

La croissance fortement négative de 2009 est également exceptionnelle à l'échelle historique, si l'on raisonne en moyenne annuelle.

L'ampleur de la récession doit cependant être relativisée si l'on raisonne en termes d'évolution trimestrielle du PIB. En effet, si la croissance a été de -1,5 % au dernier trimestre de 2009 et -1,4 % au premier trimestre de 2010, elle a été de - 1,8 % au dernier trimestre de 1974.

Par ailleurs, la récession a été moins forte qu'on a pu le craindre. Ainsi, le consensus des conjoncturistes prévoyait pour 2009 une croissance de l'ordre de - 3 % de juin à août 2009, comme le montre le graphique ci-après.

2. Une prévision de croissance de 1,4 % en 2010, conforme au consensus des conjoncturistes mais soumise à de forts aléas

a) Une prévision de croissance conforme au consensus des conjoncturistes

La prévision de croissance du PIB pour 2010 associée au présent projet de loi de finances rectificative, de 1,4 %, strictement égale au consensus des conjoncturistes 1 ( * ) de janvier 2010, est presque deux fois supérieure à celle associée au projet de loi de finances initiale, de 0,75 %.

Le Gouvernement indique, dans le rapport sur l'évolution de la situation économique annexé au présent projet de loi, que « cette révision à la hausse prend acte de l'amélioration du climat conjoncturel depuis la rentrée et de la poursuite du redressement de l'activité française à l'automne, confirmée par un nouveau taux de croissance positif au 3e trimestre ». En réalité, plus que de la prise en compte de nouveaux éléments, cette révision à la hausse est la conséquence d'un relatif pessimisme du Gouvernement à l'automne 2009, comme le montre le graphique ci-après.

b) Une prévision de croissance pour 2010 soumise à de forts aléas

Les prévisions de croissance pour 2010 sont soumises à des aléas particulièrement importants.

Les économistes ont tendance, dans leurs prévisions, à sous-estimer l'écart de la croissance par rapport à son potentiel. Ainsi, après l'explosion de la « bulle internet » du début des années 2000, la croissance a été surestimée en 2001, 2002 et 2003, les conjoncturistes prévoyant à chaque fois un retour à la normale, qui ne s'est produit qu'en 2004. Le fait que le consensus des conjoncturistes corresponde en 2010 à une croissance certes inférieure à son potentiel mais nettement positive doit donc être considéré avec prudence.

D'un point de vue comptable, les principaux aléas concernent la croissance des deux premiers trimestres 2 ( * ) . Dans sa note de conjoncture de décembre 2009, l'Insee prévoit une croissance du PIB de 0,4 % et 0,3 % aux premier et deuxième trimestres de 2010. Il ne fait pas de prévision de croissance pour 2010, mais on calcule que si la croissance est de 0,3 % aux deux trimestres suivants, cela correspond à une croissance de 1,4 % en moyenne annuelle, identique au consensus des conjoncturistes. En revanche, le 2 février 2010, l'indicateur avancé du Crédit Agricole indiquait une croissance du PIB de 0,4 % au quatrième trimestre 2009, mais nulle au premier trimestre 2010 : si tel était le cas, la croissance des autres trimestres demeurant inchangée, la croissance en moyenne annuelle serait de seulement 1 %. Tel serait également le cas si, avec la fin de l'effet des plans de relance, et faute de relai de la demande privée au second semestre, la croissance trimestrielle était alors nulle.

Un enjeu essentiel pour les prochaines années est la manière dont les marchés percevront la situation des finances publiques des différents Etats. L'enjeu est en partie budgétaire, une augmentation des taux d'intérêt se traduisant par une charge de la dette plus élevée. Mais il est également économique.

La zone euro semble présenter de ce point de vue une vulnérabilité particulière. En effet, elle pâtit du fait qu'elle n'est pas une zone monétaire optimale : en cas de choc asymétrique ou de dégradation progressive de la compétitivité de certains Etats, elle ne peut mener de politiques monétaire et de change adaptées à la situation de chaque Etat, les transferts budgétaires entre Etats sont négligeables et la population active ne se déplace pas d'un Etat à l'autre. Dans ces conditions, même si un éclatement de la zone euro n'est pas économiquement et politiquement envisageable, les Etats dont la situation économique et budgétaire paraît la plus fragile peuvent voir leurs marchés obligataires, mais aussi boursiers, évoluer défavorablement, comme le montre la chute récente des bourses espagnole et portugaise. Le risque de contagion aux marchés boursiers et obligataires des autres Etats ne peut être exclu.

Parmi les aléas, on peut également mentionner les incertitudes sur le système bancaire, une éventuelle correction boursière, ou un essoufflement de la croissance en Asie.

A cela s'ajoutent les habituels aléas relatifs au prix du pétrole ou au taux de change 3 ( * ) , particulièrement importants cette année. Au demeurant, les incertitudes provoquées par la dette grecque pourraient paradoxalement avoir, de ce point de vue, un impact positif sur la croissance, en favorisant la dépréciation de l'euro.

* 1 Consensus Forecasts.

* 2 La croissance du PIB en début d'année affecte le PIB de tout le reste de l'année.

* 3 On peut indiquer à cet égard que, selon les estimations courantes, une augmentation du prix du baril de Brent de 10 dollars, ou une appréciation de l'euro de 10 %, dans chaque cas sur une année, réduit le PIB de la France et de la zone euro de 0,5 point environ.

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