B. UN PROGRAMME DE STABILITÉ TRÈS AMBITIEUX MAIS ENCORE VIRTUEL

Dans le rapport général relatif au projet de loi de finances pour 2010, votre rapporteur général estimait que les projections du Gouvernement, bien que légèrement plus optimistes que celles de la commission des finances, étaient globalement réalistes.

Son jugement sur le programme de stabilité 2010-2013 est plus nuancé. En effet, la forte augmentation de l'effort annoncé sur les dépenses publiques ne s'accompagne à ce stade d'aucune mesure précise. Or, jusqu'à présent la norme de croissance des dépenses des programmes de stabilité n'a quasiment jamais été respectée 18 ( * ) . Par ailleurs, la nouvelle norme de croissance des dépenses en volume, de 0,6 % par an , rappelle fâcheusement l'ambition affichée par les programmes de stabilité 2007-2009 et 2008-2010, censés mettre en oeuvre les préconisations du rapport 19 ( * ) de M. Michel Pébereau, et qui avec leur norme d'également 0,6 % n'ont eux non plus servi à rien, comme le montre le graphique ci-après.

C'est cette incapacité à respecter la norme de croissance des dépenses qui est la principale cause du fait qu'avant même la récession de 2009, les programmes de stabilité n'étaient jamais respectés, comme le montre le graphique ci-après.

Comme on l'a indiqué ci-avant, le programme de stabilité 2010-2013 prévoit pour 2013 un déficit public inférieur de 2 points à celui prévu par la programmation annexée au projet de loi de finances pour 2010.

Le tableau ci-après compare les principaux chiffres de ces deux programmations.

Le programme de stabilité 2010-2013 : comparaison avec la programmation associée au projet de loi de finances pour 2010

(en points de PIB)

2009

2010

2011

2012

2013

Programmation associée au PLF 2010

Hypothèse de croissance du PIB (%)

-2,25

0,75

2,5

2,5

2,5

Solde public

Administrations publiques

-8,2

-8,5

-7

-6

-5

Etat+ODAC

-6,4

-5,6

-4,3

-3,7

-3,1

État

-6,5

-5,8

-4,5

-3,9

-3,3

Organismes divers d'administration centrale

0,1

0,2

0,2

0,2

0,2

Administrations de sécurité sociale

-1,4

-2,3

-2,2

-2

-1,8

Administrations publiques locales

-0,4

-0,5

-0,4

-0,3

-0,2

Dette publique (en % du PIB)

77,1

84

87,6

90

91,3

Taux de prélèvements obligatoires

40,7

40,7

41,4

41,7

42

Programme de stabilité 2010-2013

Hypothèse de croissance du PIB (%)

-2,25

1,4

2,5

2,5

2,5

Solde public

Administrations publiques

-7,9

-8,2

-6

-4,6

-3

Etat+ODAC

-6,2

-5,9

-3,9

-3

-2

Administrations de sécurité sociale

-1,3

-1,9

-1,7

-1,3

-1

Administrations publiques locales

-0,4

-0,5

-0,4

-0,2

-0,1

Dette publique (en % du PIB)

77,4

83,2

86,1

87,1

86,6

Taux de prélèvements obligatoires

41

41

41,9

42,4

43

Ecart

Hypothèse de croissance du PIB (%)

0

0,65

0

0

0

Solde public

Administrations publiques

0,3

0,3

1

1,4

2

Etat+ODAC

0,2

-0,3

0,4

0,7

1,1

Administrations de sécurité sociale

0,1

0,4

0,5

0,7

0,8

Administrations publiques locales

0

0

0

0,1

0,1

Dette publique (en % du PIB)

0,3

-0,8

-1,5

-2,9

-4,7

Taux de prélèvements obligatoires

0,3

0,3

0,5

0,7

1

Sources : projet de loi de finances pour 2010, programme de stabilité 2010-2013, calculs de la commission des finances

1. Une dépense publique qui n'augmenterait plus que de 0,6 % par an en volume en 2011-2013 (contre 1 % selon la programmation antérieure)

Dans le cas de la programmation annexée au projet de loi de finances pour 2010, il était prévu que la quasi-totalité de la réduction du déficit provienne de la maîtrise des dépenses : avec un rythme de croissance moyen de la dépense de 1 % par an en volume sur 2011-2013, et une croissance du PIB de 2,5 % en volume, la part des dépenses publiques dans le PIB diminuait mécaniquement de 0,75 point par an. Compte tenu du niveau élevé de l'hypothèse de croissance, les recettes fiscales auraient augmenté plus rapidement que le PIB. Par conséquent, on atteignait une réduction du déficit de 1 point de PIB par an. L'amélioration prévue en 2011 était même de 1,5 point de PIB, les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires (concrètement, la disparition de l'« effet de trésorerie » constitué pour les entreprises par la suppression de la taxe professionnelle) devant les alourdir de 0,5 point de PIB.

Le programme de stabilité 2010-2013 accentue cette volonté de réduction du déficit par la maîtrise de la dépense. En effet, « le rythme de croissance moyen de la dépense » des administrations publiques doit être ramené « à 0,6 % en volume entre 2011 et 2013 ».

L'objectif de croissance en volume des dépenses publiques : 0,9 % en moyenne de 2010 à 2013 mais 0,6 % en moyenne de 2011 à 2013

Le programme de stabilité indique (page 17) que l'objectif d'évolution des dépenses publiques est, en « moyenne par an », de 0,9 % de 2010 à 2013. Ce chiffre peut donner l'impression que l'objectif de croissance des dépenses n'a quasiment pas changé par rapport à la programmation annexée au projet de loi de finances pour 2010 (« un rythme de croissance moyen de l'ordre de 1 % par an en volume à partir de 2011 » 20 ( * ) ). C'est ce chiffre qui a été repris par la presse.

Cependant, si l'on prend comme point de départ l'année 2011, l'objectif d'évolution des dépenses n'est plus que de 0,6 %, ce qui traduit une forte inflexion. Ainsi, selon le programme de stabilité (page 37) : « Cet ajustement structurel sera notamment permis par un effort supplémentaire de maîtrise de la dépense publique, auquel chaque secteur des administrations publiques sera associé, et qui ramènera le rythme de croissance moyen de la dépense à 0,6 % en volume entre 2011 et 2013 ».

Il est possible de calculer à partir des tables statistiques annexées au programme de stabilité que la croissance des dépenses publiques serait de l'ordre de 1,6 % en 2010, 0,2 % en 2011, 0,8 % en 2012 et 0,8 % en 2013, ce qui correspond bien à une moyenne d'environ 0,9 % à partir de 2010 mais 0,6 % à partir de 2011.

On rappelle que sur longue période la croissance des dépenses publiques est de l'ordre de 2 % par an en volume, et qu'on ne distingue à ce jour pas d'inflexion.

Avec une hypothèse de croissance du PIB maintenue à 2,5 %, une croissance de la dépense ramenée à 0,6 % tend à réduire le déficit public de près de 1 point de PIB par an. La réduction annuelle du déficit public serait cependant de 1,5 point de PIB (auquel il faut ajouter en 2011 0,5 point de PIB provenant, comme précédemment, des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires). L'écart, de l'ordre de 0,5 point, s'explique en partie par le fait que l'on prévoit désormais, à partir de 2011, « une politique de réduction du coût des niches fiscales et sociales, à hauteur de 2 milliards d'euros par an », ce qui correspond à une réduction du déficit de 0,3 point de PIB en 2013.

On peut s'interroger sur le paradoxe d'une hypothèse de croissance maintenue inchangée à 2,5 % alors qu'un effort budgétaire supplémentaire de 0,5 point de PIB par an devrait normalement réduire la croissance d'environ 0,25 point de PIB chacune des trois années concernées, ce qui ramènerait l'amélioration annuelle du solde à seulement 0,4 point de PIB.

Par ailleurs, si la croissance du PIB était de seulement 2 % en moyenne en 2011-2013, le déficit serait encore de l'ordre de 3,75 points de PIB en 2013. Cela montre l'optimisme du programme de stabilité. En effet, après les crises financières, la croissance tend à retrouver son rythme habituel, et non à rattraper le retard accumulé, comme cela est habituellement le cas lors des récessions. Par ailleurs, même si l'on suppose que la croissance devrait « normalement » être de 2 % à partir de 2011, la politique budgétaire annoncée devrait la réduire de plus de 0,5 point par an. En prenant en compte la politique analogue menée par les autres Etats membres, une croissance de l'ordre de 1 % à moyen terme ne paraît hélas pas impossible, même en écartant un scénario de diminution de la croissance potentielle. Le déficit public pourrait alors être encore de l'ordre de 6 points de PIB en 2013.

* 18 En 2008, la croissance en volume des dépenses publiques a certes été de 0,8 %. Cependant, ce bon résultat vient du fait que l'inflation a alors été particulièrement élevée (2,8 % en moyenne annuelle, contre environ 1,5 % habituellement).

* 19 Michel Pébereau, « Rompre avec les facilités de la dette publique », rapport au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, décembre 2005.

* 20 La programmation annexée au projet de loi de finances pour 2010 précise que l'objectif de croissance des dépenses publiques en valeur est de 1,3 % en 2010, 0,8 % en 2011, 1,1 % en 2012 et 1,1 % en 2013.

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