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Rapport n° 297 (2009-2010) de M. Rachel MAZUIR , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 17 février 2010

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N° 297

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 février 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE après engagement de la procédure accélérée, autorisant l' approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine ,

Par M. Rachel MAZUIR,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2213 , 2273 et T.A. 410

Sénat :

271, 298 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En décembre dernier, deux jeunes françaises de 19 et 20 ans ont été graciées par le Président de la République dominicaine, M. Leonel Fernandez, après avoir purgé 18 mois de prison pour trafic de stupéfiants.

A cette occasion, le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, M. Alain Joyandet, a fait état du souhait du Président de la République de ne pas oublier les autres détenus français en République dominicaine, en leur permettant de purger le reste de leur peine sur le territoire français.

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui autorise l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine, signée le 13 novembre dernier à Saint-Domingue.

Votre rapporteur vous présentera le cadre général des conventions de transfèrement avant d'évoquer plus en détails la convention franco-dominicaine et son contexte.

I. LE CADRE GÉNÉRAL DU TRANSFÈREMENT DES PERSONNES CONDAMNÉES EST FORTEMENT INSPIRÉ DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DU 21 MARS 1983

Le transfèrement des personnes condamnées consiste à permettre à un ressortissant étranger condamné dans un pays autre que le sien à purger sa peine dans son pays d'origine. Cette procédure n'est pas automatique et requiert la réunion de plusieurs conditions pour être réalisable.

En effet, la procédure de transfèrement ne peut être déclenchée qu'en cas de demande formelle du condamné, et à condition que les deux pays (le pays d'origine et le pays d'incarcération) n'y soient opposés.

Le cadre juridique et international de référence est la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées. Dans son article 3, cette convention énumère les conditions nécessaires pour qu'un transfèrement soit réalisable :

- le condamné doit être ressortissant de l'État d'exécution ;

- le jugement doit être définitif ;

- la durée de condamnation que le condamné a encore à subir doit être au moins de six mois à la date de réception de la demande de transfèrement, ou indéterminée ;

- le condamné ou, lorsqu'en raison de son âge ou de son état physique ou mental, l'un des deux États l'estime nécessaire, son représentant doit consentir au transfèrement ;

- les actes ou omissions qui ont donné lieu à la condamnation doivent constituer une infraction pénale au regard du droit de l'État d'exécution ou devraient en constituer une s'ils survenaient sur son territoire ;

- l'État de condamnation et l'État d'exécution doivent s'être mis d'accord sur ce transfèrement.

La convention du Conseil de l'Europe a été ratifiée actuellement par 46 États sur 47 membres du Conseil de l'Europe (le seul État ne l'ayant pas ratifié est, à ce jour, Monaco), ainsi que par 18 États 1 ( * ) non membres du Conseil de l'Europe (cette convention, en effet, n'est pas exclusivement ouverte aux États-membres du conseil de l'Europe et permet à n'importe quel pays non membre de la ratifier). Au final, la France est liée via cette convention à 63 pays concernant le transfèrement des personnes condamnées.

Par ailleurs, la France a pu signer des conventions bilatérales sur le transfèrement des personnes condamnées avec des pays n'ayant pas ratifié la convention du Conseil de l'Europe. Une de ces conventions a d'ailleurs été récemment soumise à l'examen du Sénat 2 ( * ) . Ainsi, la France a signé des conventions bilatérales de transfèrement avec une vingtaine de pays, notamment le Maroc, la Thaïlande, Djibouti, le Paraguay, Cuba et les pays africains avec lesquels les conventions générales de coopération ou d'assistance judiciaire comportent en outre des dispositions relatives au transfèrement des personnes condamnées.

II. LA CONVENTION DE TRANSFÈREMENT AVEC LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE RÉPOND À DES CONSIDÉRATIONS HUMAINES ET JURIDIQUES

A. LA CONVENTION DE TRANSFÈREMENT VISE À COMPLÉTER LES OUTILS D'ENTRAIDE JUDICIAIRE ENTRE LA FRANCE ET LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE

L'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la République dominicaine repose sur deux conventions bilatérales en matière d'entraide judiciaire pénale et d'extradition, signées respectivement en 1999 et en 2000. Cependant, aucune convention de transfèrement n'était venue compléter ce dispositif juridique.

Or, la question du transfèrement des personnes condamnées entre la France et la République dominicaine est un sujet d'importance. En effet, il s'agit d'une destination très prisée des touristes français, qui accueille chaque année plus de 350 000 de nos compatriotes.

A l'heure actuelle, une quinzaine de français purgent une peine en République dominicaine, et trois, libérés sous caution, sont toujours sur le territoire dominicain dans l'attente de leur procès. La totalité des détenus le sont pour trafic de stupéfiants, et près de la moitié sont des femmes. A l'inverse, quarante dominicains sont actuellement incarcérés en France.

La convention de transfèrement avec la République dominicaine est largement inspirée d'une convention bilatérale similaire avec le Paraguay, conclue en 1997, elle-même calquée sur les stipulations de la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983.

La France et la République dominicaine s'engagent à s'accorder la coopération la plus large possible en matière de transfèrement des personnes condamnées afin qu'elles puissent purger les peines privatives de liberté qui leur ont été infligées du fait d'une infraction pénale, dans le pays dont elles sont ressortissantes.

Tout comme dans l'article 3 de la convention du Conseil de l'Europe, une série de conditions cumulatives sont énumérées pour que ce transfèrement soit réalisable : la demande doit être déposée soit par le condamné, soit par un des deux États concernés ; la personne condamnée doit être ressortissante de l'État d'exécution ; le jugement doit être définitif et il ne doit pas exister d'autres procédures en cours ; la durée restante de condamnation doit être de six mois minimum à la date de réception de la demande, sauf raison exceptionnelle ; le condamné doit y consentir 3 ( * ) ; les actes donnant lieu à la condamnation doivent constituer une infraction pénale au sens du droit de l'État d'exécution ; et enfin l'État de condamnation et l'État d'exécution doivent exprimer un accord explicite.

Deux motifs de refus de transfèrement sont prévus par la convention. Le premier peut être soulevé par l'État de condamnation qui estimerait que le transfèrement porte atteinte à sa souveraineté , à sa sécurité ou à son ordre public . Le second est d'ordre pécuniaire, il vise le cas où le condamné ne se serait pas acquitté des sommes de toute nature qui lui sont imposées par le juge.

La décision d'accepter ou de refuser un transfèrement relève donc in fine de la souveraineté de chaque État partie.

La procédure de transfèrement s'effectue par l'intermédiaire des autorités centrales désignées par les parties contractantes. Il s'agit, pour la France, du ministère de la justice et pour la République dominicaine, du ministère public.

Dans le cadre de la procédure, la convention édicte tout d'abord une série d'obligations d'information au profit, d'une part, de la personne condamnée et, d'autre part, des États eux-mêmes. Ainsi, tout condamné a le droit d'être informé de l'existence de la convention, des conditions et conséquences du transfèrement. Il doit être également informé de l'état de la procédure et de la décision éventuelle d'un État le concernant.

Une obligation d'information existe aussi entre les deux États . En cas de demande de transfèrement du condamné, soit auprès de l'État d'exécution, soit auprès de l'État de condamnation, l'État concerné devra transmettre à l'autre toutes les informations utiles concernant la personne du condamné, les faits ayant entraîné la condamnation, la condamnation elle-même et les dispositions pénales en vigueur.

En outre, la convention fixe les pièces qui devront être fournies par l'État d'exécution sur la demande de l'État de condamnation ou par l'État de condamnation à l'État d'exécution. Ces pièces peuvent également être demandées pour préparer une demande ou prendre une décision de refus ou d'acceptation. Toutes ces informations et pièces sont communiquées dans l'intérêt de la personne détenue et afin d'assurer une bonne administration de la justice. Elles sont transmises en français et en espagnol.

Enfin, la convention prévoit toutes les modalités pratiques de la mise en oeuvre du transfèrement.

B. LA CONVENTION DE TRANSFÈREMENT RÉPOND ÉGALEMENT À DES CONSIDÉRATIONS HUMAINES ET SOCIALES

Même si la question des peines purgées en République dominicaine concerne un nombre limité de français (une quinzaine), il n'en demeure pas moins que les conséquences de cette situation peuvent être terribles sur le plan social et humain.

Il est à noter que les détenus français en République dominicaine sont en majorité très jeunes : environ les deux tiers avaient moins de 25 ans au moment de leur condamnation, et une dizaine moins de 20 ans. Tous les condamnés l'ont été à des peines s'échelonnant entre 5 à 12 ans de prison, et sont soumis à des conditions de détention très difficiles :

- en premier lieu, du fait de leur isolement. En effet, le territoire dominicain est distant de 8 500 km de la France, ce qui rend difficile les visites familiales. Le coût des billets d'avion, très élevé, empêche les venues des familles les plus modestes. La langue également peut être facteur d'exclusion, la langue du pays de détention n'étant pas forcément maîtrisée par les détenus en France comme en République dominicaine. Ces deux facteurs d'isolement peuvent aboutir à une grande détresse psychologique du détenu ;

- en second lieu, la préparation de la réinsertion est difficile, voire impossible pour ces détenus. En effet, compte tenu de l'éloignement du territoire français, ainsi que du peu de moyens matériels que la République dominicaine peut allouer aux dispositifs de réinsertion, les détenus français ne peuvent, dans de bonnes conditions, préparer leur sortie.

Plus globalement, ce sont de meilleures conditions de détention qui sont promises aux détenus français. La convention bilatérale de transfèrement vise en effet à rapprocher les personnes détenues de leur environnement familial, professionnel et social, ainsi qu'à mieux préparer leur réinsertion à l'issue de leur peine.

CONCLUSION

Cette convention bilatérale sur le transfèrement des personnes condamnées vient donc compléter utilement les conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et en matière d'extradition déjà en vigueur entre les deux pays. Elle facilitera le règlement de situations très difficiles à vivre pour les personnes concernées.

Cette convention a d'ores et déjà été ratifiée par la République dominicaine, et une ratification rapide par la France permettra à nos compatriotes détenus en République dominicaine et qui le souhaitent, d'être rapatriés dans le courant de l'année, cette convention devant entrer en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la dernière notification.

C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat vous recommande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 17 février 2010 sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du présent projet de loi.

Suivant les conclusions de M. Rachel Mazuir, rapporteur, la commission a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.

* 1 Australie, Bahamas, Bolivie, Canada, Chili, Corée, Costa Rica, Équateur, États-Unis, Honduras, Israël, Japon, Maurice, Mexique, Panama, Tonga, Trinidad et Tobago, Venezuela

* 2 Convention entre la France et l'Inde sur le transfèrement des personnes condamnées, dont l'approbation a été soumise au Sénat en décembre dernier, et la loi promulguée en début de cette année

* 3 Le consentement de la personne condamnée est ici moins encadré que dans la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983, où il est précisé que le consentement doit se faire volontairement et en étant pleinement conscient des conséquences qui en découlent. L'État d'exécution doit, en outre, avoir la possibilité de vérifier la qualité du consentement par l'intermédiaire d'un consul (article 7 de la convention du 21 mars 1983). Dans la convention bilatérale avec la République dominicaine, il est juste précisé que le condamné ou son représentant légal doit « consentir au transfèrement ».

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