Accéder au dossier législatif

Rapport n° 474 (2009-2010) de M. Christian CAMBON , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 19 mai 2010

Disponible au format Acrobat (186 Koctets)

N° 474

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 mai 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , autorisant la ratification de la convention d' extradition entre la République française et le Royaume du Maroc ,

Par M. Christian CAMBON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1732 , 1832 et T.A. 317

Sénat :

571 (2008-2009) et 475 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi de deux projets de loi autorisant la ratification de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale et de la convention d'extradition entre la République française et le Royaume du Maroc, signés le 18 avril 2008 à Rabat.

Les relations bilatérales entre la France et le Maroc, excellentes et particulièrement étroites, sont marquées par une confiance exceptionnelle et un dialogue dense et régulier depuis le début des années 1990. Mohammed VI a choisi la France pour effectuer sa première visite d'État à l'étranger en mars 2000. La visite d'État du Président de la République les 22, 23 et 24 octobre 2007 a été, une nouvelle fois, l'occasion de réaffirmer l'importance accordée aux relations bilatérales avec le Maroc.

Les rencontres annuelles au niveau des Chefs de gouvernement , mises en place depuis 1997, ont permis de rapprocher le dialogue politique entre les deux pays du niveau de celui entretenu avec les partenaires européens les plus proches. La IX eme rencontre a réuni le Premier Ministre François Fillon et son homologue, M. Abbas El-Fassi, à Rabat, les 17 et 18 avril 2008, en présence de six ministres français et huit ministres marocains. Cette rencontre a été marquée par la signature de 15 conventions bilatérales et accords commerciaux, dont les deux conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition dont le Sénat est saisi aujourd'hui. Une nouvelle rencontre à haut niveau est prévue en 2010.

I. LE CADRE GÉNÉRAL DES RELATIONS JUDICIAIRES FRANCO-MAROCAINES

A. PANORAMA DES RELATIONS BILATÉRALES ENTRE LA FRANCE ET LE MAROC EN MATIÈRE JUDICIAIRE

La coopération franco-marocaine en matière judiciaire est particulièrement active dans les domaines suivants : notifications d'actes judiciaires, obtention de preuves, accès à la justice et coopération en matière familiale.

Concernant la notification d'actes judiciaires ou extrajudiciaires, depuis le 1 er mars 2006, à la suite du décret n 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures d'exécution et à la procédure de changement de nom, ce sont respectivement les huissiers de justice et les greffes des tribunaux qui, depuis la France, ont la charge de transmettre les actes au parquet marocain compétent. Il a été récemment constaté des retards apportés dans le traitement des demandes de notifications par les autorités judiciaires compétentes au Maroc, ces délais paralysant le cours des procédures engagées en France et rendant par conséquent inefficace l'instrument de coopération voulu par les deux États (délai moyen de traitement des demandes entre cinq et neuf mois, voire dix mois s'agissant des demandes en matière d'état civil et de mariage en provenance du parquet de Nantes). L'attention du ministère de la Justice marocain a été attirée sur cette situation dans le cadre de la gestion courante des dossiers par les autorités françaises.

Pour l'obtention de preuves, la transmission des commissions rogatoires délivrées aux autorités judiciaires s'accomplit directement entre les parquets français et marocains.

Concernant l'accès à la justice, la coopération dans ce domaine est importante même si le nombre de demandes enregistré par le bureau de l'entraide civile et commerciale internationale est en constante diminution depuis 4 ans (35 dossiers en 2003, 29 en 2004, une dizaine de demandes enregistrées depuis lors chaque année). Il convient de noter par ailleurs que la France n'apparaît plus en qualité d'autorité centrale requérante depuis plusieurs années.

Enfin, en matière de coopération familiale, le bureau de l'entraide civile et commerciale internationale désigné en qualité d'autorité centrale française dans la convention franco-marocaine relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire du 10 août 1981 connaît des contentieux qui surviennent dans les couples mixtes dont l'un est de nationalité française et l'autre marocaine, ou, dans les couples dont les membres de même nationalité, quelle qu'elle soit, demeurent l'un sur le territoire français, l'autre sur le territoire marocain. Dans le domaine des conflits sur le droit de visite parentale et des déplacements illicites d'enfants, la coopération franco-marocaine concerne au 6 juillet 2009, 37 dossiers, pour lesquels la France est requérante dans 29 d'entre eux. Par contre, pour la question des pensions alimentaires, la gestion de ces dossiers est faite par le ministère des affaires étrangères et européennes, en sa qualité d'institution intermédiaire désignée dans le cadre de la convention de New-York du 20 juin 1956.

Les principes de fonctionnement du système judiciaire marocain

La Constitution garantit l'indépendance de la magistrature et affirme l'indépendance de l'autorité judiciaire à l'égard du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.

L'organisation du système judicaire parait assez similaire à celle que nous connaissons en France, avec des juridictions de premier degré (tribunaux d'instance et juridictions locales), des cours d'appel puis, au sommet de la pyramide, une cour suprême. 3 000 magistrats, dont 700 appartiennent au parquet, et plus de 12 000 fonctionnaires composent cette juridiction.

La procédure judicaire est là-aussi proche de la procédure française. En matière pénale, l'action publique s'exerce à l'encontre de l'auteur de l'infraction, ses coauteurs et ses complices. Une action peut être démarrée par le ministère public ou une partie civile. Les tribunaux de première instance rendent des décisions dont il peut être fait appel, l'arrêt rendu en appel pouvant lui-même faire l'objet d'un pourvoi en cassation. Les enquêtes sont menées par les services de police judiciaire. Les juges d'instruction sont également prévus par le droit marocain, en particulier l'instruction est obligatoire en matière de crime passible de la peine de mort, de l'emprisonnement à vie ou à une peine de trente ans de réclusion.

Néanmoins, le système judicaire marocain comporte également des limites, soulevées notamment il y a un an par la Commission européenne, qui souligne que des progrès doivent encore être réalisés pour aboutir à un véritable État de droit et à une protection des citoyens efficace. Plus généralement, le problème de la corruption est souvent pointé comme étant l'une des limites essentielles du système judicaire. La commission a également mentionné l'application de la peine de mort (Votre rapporteur reviendra sur ce point par la suite) et l'état des prisons marocaines, souvent lieux de violences, sans séparation entre les mineurs et les adultes détenus, ainsi que la faiblesse de ses programmes de réinsertion.

B. DES CONVENTIONS DÉJÀ EN VIGUEUR ENTRE LES DEUX PAYS DEPUIS 1957, MAIS QU'IL ÉTAIT NÉCESSAIRE DE REVOIR

Une convention d'entraide judiciaire entre la France et le Maroc était en vigueur depuis le 5 octobre 1957. Cette convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition couvrait à la fois la coopération judiciaire en matière civile et la coopération judiciaire en matière pénale (entraide, extradition).

Néanmoins, en matière d'entraide pénale, les dispositions de la convention de 1957 étaient très largement incomplètes. Elle comportait certes des dispositions prévoyant les modalités de transmission directe des actes judiciaires à leur destinataire et la comparution des témoins en matière pénale, mais se contentait par ailleurs de fixer des règles de principe : transmission des commissions rogatoires par la voie diplomatique (sauf en cas d'urgence) ; possibilité de refuser l'exécution en cas de risque d'atteinte à la souveraineté ; à la sécurité ou à l'ordre public de l'État requis ; principe de respect du formalisme spécifié par l'État requérant (sauf en cas de contrariété à la législation de l'État requis) ; possibilité pour les autorités de l'État requérant de participer à l'exécution de la commission rogatoire.

Les limites rencontrées dans la coopération judiciaire pénale avec le Maroc tiennent à la longueur excessive des délais de transmission (liée à l'emploi de la voie diplomatique) et d'exécution des demandes d'entraide, ainsi qu'au caractère aléatoire de cette exécution. Une amélioration, au cours des dernières années, a été la mise en place d'un magistrat de liaison entre les deux pays, permettant par conséquent de fluidifier et accélérer les transmissions et le traitement des demandes. Toutefois, la révision du cadre conventionnel était la seule façon de garantir la pérennité des avancées enregistrées.

Cette révision nécessite donc l'abrogation des dispositions antérieures couvrant les mêmes domaines. Néanmoins, les dispositions de la convention de 1957 abrogées par les deux conventions soumises à l'approbation du Sénat sont exclusivement celles ayant trait à l'extradition (titre III de la convention, auquel s'ajoute l'échange de lettres des 16 novembre 1970 et 4 janvier 1971) et l'entraide pénale (articles 8, 14 et 15). La convention de 1957 reste donc en vigueur pour les autres thèmes qu'elle couvre.

Pour cette révision, les parties ont opté pour la conclusion de deux instruments juridiques distincts. En effet, la pratique française en la matière est, traditionnellement, de privilégier la conclusion de conventions spécifiques, d'autant plus qu'il y a lieu de distinguer clairement l'entraide judiciaire de l'extradition dans la mesure où, pour ce qui concerne cette dernière, il s'agit d'un acte de coopération judiciaire d'État à État, dont l'objet est d'éviter les dénis de justice. Si l'extradition est une procédure dont l'objet est avant tout judiciaire, elle est presque toujours un acte de gouvernement à gouvernement et transite, sauf exceptions, par voie diplomatique. De ce point de vue, l'extradition est la modalité de l'entraide judiciaire dans laquelle le pouvoir exécutif est incontournable. De plus, les outils utilisés dans le cadre de l'entraide judiciaire peuvent être, de façon plus marquée, sujets à évolution (nouvelles techniques, par exemple enquêtes discrètes et livraisons surveillées, nouveaux moyens, par exemple vidéoconférence et transmissions numérisées).

II. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE : UNE NOUVELLE RÉDACTION AMBITIEUSE

Statistiques des demandes d'entraide présentées
annuellement par une partie à l'autre

1999 : 22 actives et 4 passives 1 ( * )

2000 : 34 actives et 1 passive

2001 : 35 actives et 3 passives

2002 : 30 actives et 2 passives

2003 : 61 actives et 7 passives

2004 : 55 actives et 1 passive

2005 : 91 actives et 2 passives

2006 : 89 actives et 14 passives

2007 : 90 actives et 10 passives

2008 : 88 actives et 14 passives

2009: 37 actives et 1 passive

A. DES ÉLÉMENTS TRADITIONNELS COMMUNS AUX CONVENTIONS-TYPE D'ENTRAIDE JUDICIAIRE

1. Le champ d'application de l'entraide judiciaire

Aux termes de l'article premier, les deux États « s'engagent à s'accorder mutuellement (...) l'aide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions pénales dont la sanction est, au moment où l'entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante. L'entraide sera accordée sans qu'il soit exigé que les faits soient considérés comme une infraction dans le pays requis ». Toutefois, demeure hors du champ d'application de la présente convention toute demande d'entraide concernant l'exécution des décisions d'arrestation et des condamnations, ainsi que les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.

L'article 3 réserve aux États parties la possibilité de refuser l'entraide judiciaire dans plusieurs hypothèses : si la demande se rapporte à des infractions considérées par la Partie requise soit comme des infractions politiques, soit comme des infractions connexes à des infractions politiques ; si la Partie requise estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels.

La procédure de l'entraide judiciaire en matière pénale est également décrite dans la convention franco-marocaine. Les demandes d'entraides sont adressées « directement par l'autorité centrale de la Partie requérante à l'autorité centrale de la Partie requise », c'est-à-dire le ministère de la justice pour la France et le ministère de la justice pour le Maroc (articles 5 et 6). L'article 4 précise les mentions devant figurer dans la demande, essentiellement la désignation de l'autorité requérante, l'objet et le motif de la demande, un bref exposé des faits reprochés, la description de la procédure judiciaire à laquelle se rapporte la demande, les textes applicables, ainsi que des informations sur l'identité de la personne qui fait l'objet de la procédure. Les demandes d'entraide judiciaire peuvent être adressées indifféremment dans la langue de l'État requérant ou de l'État requis.

2. Les formes de l'entraide judicaire

Traditionnellement, l'entraide judiciaire en matière pénale porte essentiellement sur la recherche de preuves, l'audition de témoins ou d'experts, le transfèrement de personnes détenues et la communication d'extraits de casier judiciaire.

On retrouve ces formes d'entraide dans la convention franco-marocaine. L'article 10 règle la question de la comparution de témoins ou experts, qui peut être demandée si elle semble « particulièrement nécessaire ». Si ce témoin est une personne détenue, une procédure de transfèrement aux fins d'entraide peut être mise en place (articles 12, 13 et 14), mais elle peut être refusée si la personne détenue n'y consent pas ; si la présence de la personne est nécessaire dans une procédure pénale en cours sur le territoire de l'État requis ; si le transfèrement est susceptible de prolonger sa détention ; et enfin si d'autres considérations impérieuses s'opposent à ce transfèrement.

La communication d'extraits de casier judiciaire est prévue à l'article 25, qui précise que l'État requérant pourra obtenir des extraits de casier judiciaire en s'adressant directement au service compétent de l'État requis. Celui-ci communiquera les informations dans la mesure toutefois où il pourrait lui-même obtenir de tels renseignements auprès des autorités de l'État requérant.

Quant à la recherche de preuves, en particulier la question de la recherche et saisie des produits d'infraction, en vertu de l'article 20, une partie peut demander de rechercher et de saisir les produits d'une infraction à sa législation susceptibles de se trouver sur le territoire de la Partie requise. Celle-ci prend toutes les dispositions nécessaires autorisées par sa législation pour empêcher que ces produits ne fassent l'objet d'une transaction ou ne soient transférés ou cédés avant que l'autorité compétente de la Partie requérante n'ait pris de décision définitive à leur égard.

B. UNE RÉDACTION AMBITIEUSE ET DES STIPULATIONS APPROFONDIES

Outre les dispositions classiques d'une convention d'entraide et le maintien d'une disposition autorisant les autorités requérantes ou leurs représentants, à assister à l'exécution des demandes d'entraide, la convention comporte diverses dispositions plus atypiques.

La première d'entre elles est l'extension du champ de l'entraide, notamment aux actions civiles jointes aux actions pénales (tant que la juridiction répressive n'a pas encore définitivement statué sur l'action pénale) ou dans les procédures d'instruction et de notification en matière d'exécution des peines ou des mesures de sûreté (article 1 er ) ;

La deuxième vise, à l'article 3, à écarter l'opposabilité de certains motifs de refus et à introduire une obligation de motivation des refus d'entraide. Ainsi, l'entraide judiciaire ne peut être rejetée au seul motif que la demande se rapporte à une infraction qualifiée de fiscale, ou que la partie requise n'impose pas le même type de taxes ou d'impôts, ou encore le secret bancaire ne peut être invoqué comme motif de rejet ;

La troisième spécificité concerne l'assouplissement des règles de l'entraide et à établir un dialogue entre la partie requérante et la partie requise, pour la bonne exécution des demandes. Ainsi, aux termes de l'article 3, partie 5, « avant de refuser l'entraide judiciaire (...), la Partie requise apprécie si elle peut être accordée aux conditions qu'elle juge nécessaires. Si la Partie requérante y consent, elle doit s'y conformer ». Ce dialogue approfondi se retrouve également dans les stipulations des articles 7 (exécution des demandes) et 9 (demandes complémentaires d'entraide judiciaire) ;

La quatrième permet d'introduire certaines formes particulières d'entraide : recueil d'informations en matière bancaire (article 18), restitution des objets obtenus de façon illicite à la partie requérante (article 21), échange spontané d'informations concernant des faits pénalement punissables (article 24), livraisons surveillées2 ( * ) (article 15), dénonciation aux fins de poursuite (article 23), présentation de demandes d'entraide complémentaire simplifiées (article 9).

Enfin, cette nouvelle rédaction introduit une possibilité de transmission directe des demandes d'entraide entre autorités judiciaires en cas d'urgence et permettre aux autorités de la partie requérante qui assistent, sur le territoire de la partie requise, à l'exécution d'une demande, d'emporter à leur retour une copie certifiée conforme des actes d'exécution.

III. LA CONVENTION D'EXTRADITION : UN TEXTE PLUS STANDARD MAIS NÉANMOINS NOVATEUR À CERTAINS ÉGARDS

Statistiques des demandes d'extradition
présentées par une partie à l'autre

55 demandes actives entre le 1er janvier 1999 et le 7 juillet 2009

26 demandes passives entre le 1er janvier 1999 et le 7 juillet 2009

A. UNE RÉDACTION QUI REPREND CERTAINS PRINCIPES TRADITIONNELS PRÉSENTS DANS LES CONVENTIONS BILATÉRALES D'EXTRADITION

La convention d'extradition reprend pour l'essentiel les dispositions des autres conventions bilatérales et n'apporte pas de dérogation significative aux principes sur lesquels elles reposent.

1. Le champ d'application de l'extradition

Comme l'ensemble des conventions d'extradition signées par la France, la convention d'extradition franco-marocaine limite les possibilités d'extradition à certains types d'infractions et réserve à l'État requis la possibilité de refuser une demande d'extradition.

La France et le Maroc, par l'article premier de la présente convention, « s'engagent à se livrer réciproquement (...) toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l'un des deux États est poursuivie pour une infraction ou recherchée aux fins d'exécution d'une peine privative de liberté, prononcée par les autorités judiciaires de l'autre État comme conséquence d'une infraction pénale ».

Deux conditions de base sont posées par l'article 2 pour qu'une infraction pénale puisse donner lieu à extradition : l'infraction doit, en application des législations marocaine et française, être passible d'une peine privative de liberté d'au moins deux ans ; et si l'extradition est requise en vue d'exécuter un jugement, la partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins six mois. Si une extradition est demandée pour plusieurs faits distincts dont certains ne rempliraient pas la condition relative aux taux de la peine, l'État requis a néanmoins la faculté d'accorder l'extradition pour ces faits.

La convention distingue entre les motifs obligatoires et les motifs facultatifs de refus d'extradition. L es cas de refus obligatoire sont énumérés à l'article 3 : lorsque l'infraction est considérée comme politique ou comme un fait connexe à une telle infraction ; lorsque la demande d'extradition est inspirée par des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons ; lorsque la personne réclamée serait jugée par un tribunal d'exception ou pour l'exécution d'une peine infligée par un tel tribunal ; lorsque la peine pour laquelle l'extradition est demandée est considérée par l'État requis comme une infraction exclusivement militaire ; lorsque la personne réclamée a fait l'objet dans l'État requis d'un jugement définitif pour l'infraction en raison de laquelle l'extradition est demandée ; lorsque l'action publique ou la peine sont prescrites conformément à la législation de l'un ou l'autre des États ; et enfin si la demande se rapporte à l'exécution d'une peine résultant d'une décision judiciaire rendue par défaut et que le droit de la personne concernée à exercer un recours en opposition n'est pas garanti après extradition .

Les motifs facultatifs sont également énumérés à l'article 3. L'extradition pourra être refusée si la personne réclamée a fait l'objet dans l'État requis de poursuites pour l'infraction à raison de laquelle l'extradition est demandée ou si l'État requis décide de ne pas engager de poursuites pour cette même infraction; si conformément à la législation de l'État requis il lui incombe de connaître de l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée ; si la personne réclamée fait l'objet dans l'État requis, pour les mêmes faits, d'un jugement définitif de condamnation, d'acquittement ; si l'infraction a été commise hors du territoire de l'État requérant et que la législation de l'État requis n'autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire ; et enfin pour des raisons humanitaires si la remise de la personne est susceptible de provoquer chez elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle , notamment en raison de son âge ou de son état de santé.

Par ailleurs, aux termes de l'article 4, l'extradition ne sera pas accordée si la personne réclamée a la nationalité de l'État requis . Dans le cas où cette condition de nationalité suffirait à elle seule à refuser l'extradition, l'État requis devra néanmoins soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale.

2. La procédure d'extradition

La convention prévoit que la procédure d'extradition s'opère par la voie diplomatique. La demande d'extradition formulée par écrit doit être accompagnée d'un exposé des faits, de l'original ou de l'expression authentique d'une décision de condamnation ou d'un mandat d'arrêt, du texte des dispositions légales applicables à l'infraction en cause et du signalement de la personne (article 6).

Par ailleurs, la convention applique le principe dit de " spécialité des poursuites ", selon lequel une personne extradée ne peut être ni poursuivie, ni jugée, ni détenue en vue de l'exécution d'une peine pour un fait antérieur à la remise autre que celui ayant motivé l'extradition (article 8). Toutefois, deux exceptions sont prévues à l'application de ce principe : si l'État requis donne son accord à une telle extension de l'extradition, sous réserve d'ailleurs que la nouvelle infraction invoquée entre dans le champ d'application de l'extradition ; ou si la personne extradée n'a pas quitté le territoire de l'État requérant dans les 60 jours suivant son élargissement définitif, ou si elle y est librement retournée après l'avoir quitté. Dans le même esprit, si postérieurement à l'extradition, l'infraction a fait l'objet, dans l'État requérant, d'une nouvelle qualification légale, la personne ne pourra être jugée ou poursuivie sur la base de cette infraction requalifiée que si elle peut donner lieu à extradition en application de la présente convention ; si elle vise les mêmes faits que l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée ; et si elle est punie d'une peine d'un maximum identique ou inférieur à celui prévu pour l'infraction pour laquelle l'extradition a été demandée.

Enfin, aux termes de l'article 9, sauf lorsque la personne extradée a poursuivi son séjour dans l'État requérant au-delà du délai de 60 jours après son élargissement, sa réextradition vers un État tiers ne peut être accordée que si l'État qui a accordé l'extradition y consent.

Lorsque l'État qui sollicite une extradition demande également, en cas d'urgence, l'arrestation provisoire de la personne recherchée, les informations reprises sont voisines de celles demandées par la demande d'extradition elle-même et doivent indiquer l'intention de l'État requérant de demander ultérieurement l'extradition. L'arrestation provisoire prend fin si, après un délai de 40 jours, la demande d'extradition n'est pas parvenue à l'État requis (article 10).

Concernant la procédure, l'article 12 concerne la décision prise par l'État requis et les conditions de la remise. Tout refus complet ou partiel doit être motivé, clause classique dans ce type de convention. L'article 13 détermine les cas où la remise peut être différée et prévoit la possibilité d'une remise temporaire de la personne réclamée. L'article 14 concerne la saisie des objets et leur remise. Lorsque ces objets sont susceptibles de saisie et de confiscation sur le territoire de l'État requis, ce dernier pourra, aux fins d'une procédure pénale en cours, les garder temporairement ou les remettre sous condition de restitution. L'article 15 règle les dispositions relatives au transit d'une personne à travers le territoire de l'une des deux Parties lorsque l'autre Partie a fourni une demande d'extradition auprès d'un État tiers. L'article 17 règle la question des frais de l'extradition qui, comme cela est d'usage, sont à la charge de la Partie requise lorsqu'ils sont exposés sur son territoire et ce jusqu'à la remise de la personne. Les frais occasionnés par le transit sont en revanche à la charge de l'État requérant.

B. DES STIPULATIONS PARFOIS NOVATRICES POUR FAIRE FACE AUX SPÉCIFICITÉS PÉNALES DE LA PARTIE PARTENAIRE

Si les stipulations traditionnelles des conventions bilatérales d'extradition sont bien présentes, il n'en demeure pas moins que certains points de la rédaction apparaissent comme novateurs, du fait notamment de certaines spécificités du droit de la partie cocontractante.

La première spécificité, et non la moindre, est la légalité de la peine de mort dans le droit marocain. En effet, les conventions habituellement conclues par la France subordonnent l'octroi de l'extradition à la condition que la peine de mort, lorsqu'elle est encourue, ne sera pas prononcée ou, si elle l'est, qu'elle ne sera pas mise à exécution (système dit « des garanties »)3 ( * ).

La convention franco-marocaine, dont la rédaction sur ce point est inspirée de la convention bilatérale d'extradition conclue entre le Maroc et la Belgique, propose plus de garanties puisqu'elle prévoit explicitement dans son article 5 qu'en une telle hypothèse, il est substitué « de plein droit » à la peine de mort encourue, la peine prévue dans la législation de la partie requise pour les mêmes faits. Ainsi, si l'extradition est demandée à la France par le Maroc pour des faits punis par la peine de mort en droit marocain, les autorités judiciaires marocaines devront appliquer la peine encourue pour les mêmes faits en droit français.

Une autre spécificité de cette convention est que celle-ci comporte une disposition limitant les possibilités de « requalification » de l'infraction par la partie requérante (article 8, par. 3). Il n'est pas rare en effet que la poursuite des investigations amène à « requalifier » l'infraction initialement poursuivie, en une infraction, soit de moindre gravité, soit au contraire plus sévèrement sanctionnée (par exemple, un homicide volontaire en assassinat, lorsque la poursuite de l'enquête établit l'existence d'une circonstance aggravante telle que la préméditation). L'objectif de cette disposition est de faire en sorte qu'une personne extradée pour une infraction déterminée ne puisse, à la faveur d'une requalification, encourir une peine supérieure à celle attachée à l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée (notamment s'il s'agit de la peine capitale), sauf accord de la partie requise.

Enfin, contrairement aux autres conventions bilatérales, la convention permet que les demandes puissent être indifféremment présentées dans la langue de la partie requérante ou dans celle de la partie requise, sans traduction. Cette disposition atypique s'explique par le fait que la convention bilatérale de 1957 prévoyait la possibilité d'établir les demandes en langue française. Cette disposition apparaissant aujourd'hui difficile à accepter pour la partie marocaine sans réciprocité, la partie française a accepté que les demandes puissent également lui être transmises dans la langue officielle de la partie requérante, en l'espèce l'arabe.

CONCLUSION

Ces deux conventions bilatérales sur l'entraide judiciaire en matière pénale et sur l'extradition entre la France et le Maroc révisent et modernisent utilement la convention de 1957 déjà en vigueur entre les deux pays.

Du côté marocain, ces deux textes sont toujours au secrétariat général du gouvernement dans l'attente d'un créneau parlementaire. Les autorités marocaines espèrent un vote des lois de ratification dans le courant de l'année 2010, sans plus de précisions dans l'immédiat.

Dans ces conditions, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat vous recommande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 19 mai 2010, sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent projet de loi.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.

* 1 Une demande active est une demande présentée par la France au Maroc, et inversement une demande passive est une demande présentée par le Maroc à la France.

* 2 La possibilité de mettre en oeuvre cette forme de coopération pour les livraisons surveillées de différents types de marchandises (par exemple pour les produits stupéfiants) est donc possible, pour autant que la législation de la partie requise l'autorise, puisque la décision de recourir à cette technique est prise par les autorités de la partie requise, « dans le respect du droit national de cette partie ».

* 3 Dans les conventions bilatérales d'extradition, il est de tradition de prévoir que l'extradition pourra être refusée si l'infraction est punie de la peine capitale par la législation de l'État requérant, à moins que l'État requérant ne donne des assurances, jugées suffisantes par l'État requis, que le peine capitale ne sera pas exécutée.

Page mise à jour le

Partager cette page