II. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE : UNE NOUVELLE RÉDACTION AMBITIEUSE

Statistiques des demandes d'entraide présentées
annuellement par une partie à l'autre

1999 : 22 actives et 4 passives 1 ( * )

2000 : 34 actives et 1 passive

2001 : 35 actives et 3 passives

2002 : 30 actives et 2 passives

2003 : 61 actives et 7 passives

2004 : 55 actives et 1 passive

2005 : 91 actives et 2 passives

2006 : 89 actives et 14 passives

2007 : 90 actives et 10 passives

2008 : 88 actives et 14 passives

2009: 37 actives et 1 passive

A. DES ÉLÉMENTS TRADITIONNELS COMMUNS AUX CONVENTIONS-TYPE D'ENTRAIDE JUDICIAIRE

1. Le champ d'application de l'entraide judiciaire

Aux termes de l'article premier, les deux États « s'engagent à s'accorder mutuellement (...) l'aide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions pénales dont la sanction est, au moment où l'entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante. L'entraide sera accordée sans qu'il soit exigé que les faits soient considérés comme une infraction dans le pays requis ». Toutefois, demeure hors du champ d'application de la présente convention toute demande d'entraide concernant l'exécution des décisions d'arrestation et des condamnations, ainsi que les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.

L'article 3 réserve aux États parties la possibilité de refuser l'entraide judiciaire dans plusieurs hypothèses : si la demande se rapporte à des infractions considérées par la Partie requise soit comme des infractions politiques, soit comme des infractions connexes à des infractions politiques ; si la Partie requise estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels.

La procédure de l'entraide judiciaire en matière pénale est également décrite dans la convention franco-marocaine. Les demandes d'entraides sont adressées « directement par l'autorité centrale de la Partie requérante à l'autorité centrale de la Partie requise », c'est-à-dire le ministère de la justice pour la France et le ministère de la justice pour le Maroc (articles 5 et 6). L'article 4 précise les mentions devant figurer dans la demande, essentiellement la désignation de l'autorité requérante, l'objet et le motif de la demande, un bref exposé des faits reprochés, la description de la procédure judiciaire à laquelle se rapporte la demande, les textes applicables, ainsi que des informations sur l'identité de la personne qui fait l'objet de la procédure. Les demandes d'entraide judiciaire peuvent être adressées indifféremment dans la langue de l'État requérant ou de l'État requis.

2. Les formes de l'entraide judicaire

Traditionnellement, l'entraide judiciaire en matière pénale porte essentiellement sur la recherche de preuves, l'audition de témoins ou d'experts, le transfèrement de personnes détenues et la communication d'extraits de casier judiciaire.

On retrouve ces formes d'entraide dans la convention franco-marocaine. L'article 10 règle la question de la comparution de témoins ou experts, qui peut être demandée si elle semble « particulièrement nécessaire ». Si ce témoin est une personne détenue, une procédure de transfèrement aux fins d'entraide peut être mise en place (articles 12, 13 et 14), mais elle peut être refusée si la personne détenue n'y consent pas ; si la présence de la personne est nécessaire dans une procédure pénale en cours sur le territoire de l'État requis ; si le transfèrement est susceptible de prolonger sa détention ; et enfin si d'autres considérations impérieuses s'opposent à ce transfèrement.

La communication d'extraits de casier judiciaire est prévue à l'article 25, qui précise que l'État requérant pourra obtenir des extraits de casier judiciaire en s'adressant directement au service compétent de l'État requis. Celui-ci communiquera les informations dans la mesure toutefois où il pourrait lui-même obtenir de tels renseignements auprès des autorités de l'État requérant.

Quant à la recherche de preuves, en particulier la question de la recherche et saisie des produits d'infraction, en vertu de l'article 20, une partie peut demander de rechercher et de saisir les produits d'une infraction à sa législation susceptibles de se trouver sur le territoire de la Partie requise. Celle-ci prend toutes les dispositions nécessaires autorisées par sa législation pour empêcher que ces produits ne fassent l'objet d'une transaction ou ne soient transférés ou cédés avant que l'autorité compétente de la Partie requérante n'ait pris de décision définitive à leur égard.

B. UNE RÉDACTION AMBITIEUSE ET DES STIPULATIONS APPROFONDIES

Outre les dispositions classiques d'une convention d'entraide et le maintien d'une disposition autorisant les autorités requérantes ou leurs représentants, à assister à l'exécution des demandes d'entraide, la convention comporte diverses dispositions plus atypiques.

La première d'entre elles est l'extension du champ de l'entraide, notamment aux actions civiles jointes aux actions pénales (tant que la juridiction répressive n'a pas encore définitivement statué sur l'action pénale) ou dans les procédures d'instruction et de notification en matière d'exécution des peines ou des mesures de sûreté (article 1 er ) ;

La deuxième vise, à l'article 3, à écarter l'opposabilité de certains motifs de refus et à introduire une obligation de motivation des refus d'entraide. Ainsi, l'entraide judiciaire ne peut être rejetée au seul motif que la demande se rapporte à une infraction qualifiée de fiscale, ou que la partie requise n'impose pas le même type de taxes ou d'impôts, ou encore le secret bancaire ne peut être invoqué comme motif de rejet ;

La troisième spécificité concerne l'assouplissement des règles de l'entraide et à établir un dialogue entre la partie requérante et la partie requise, pour la bonne exécution des demandes. Ainsi, aux termes de l'article 3, partie 5, « avant de refuser l'entraide judiciaire (...), la Partie requise apprécie si elle peut être accordée aux conditions qu'elle juge nécessaires. Si la Partie requérante y consent, elle doit s'y conformer ». Ce dialogue approfondi se retrouve également dans les stipulations des articles 7 (exécution des demandes) et 9 (demandes complémentaires d'entraide judiciaire) ;

La quatrième permet d'introduire certaines formes particulières d'entraide : recueil d'informations en matière bancaire (article 18), restitution des objets obtenus de façon illicite à la partie requérante (article 21), échange spontané d'informations concernant des faits pénalement punissables (article 24), livraisons surveillées2 ( * ) (article 15), dénonciation aux fins de poursuite (article 23), présentation de demandes d'entraide complémentaire simplifiées (article 9).

Enfin, cette nouvelle rédaction introduit une possibilité de transmission directe des demandes d'entraide entre autorités judiciaires en cas d'urgence et permettre aux autorités de la partie requérante qui assistent, sur le territoire de la partie requise, à l'exécution d'une demande, d'emporter à leur retour une copie certifiée conforme des actes d'exécution.

* 1 Une demande active est une demande présentée par la France au Maroc, et inversement une demande passive est une demande présentée par le Maroc à la France.

* 2 La possibilité de mettre en oeuvre cette forme de coopération pour les livraisons surveillées de différents types de marchandises (par exemple pour les produits stupéfiants) est donc possible, pour autant que la législation de la partie requise l'autorise, puisque la décision de recourir à cette technique est prise par les autorités de la partie requise, « dans le respect du droit national de cette partie ».

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