ARTICLE 2 quater
(Art. L. 621-15 et L. 621-30 du code monétaire et financier)

Modernisation de la procédure de sanction
de l'Autorité des marchés financiers

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jérôme Chartier, rapporteur, propose d'améliorer et de moderniser les procédures répressives de l'Autorité des marchés financiers, selon trois axes : la représentation du collège aux audiences, le relèvement du plafond des sanctions pécuniaires et une publication systématique des décisions, et la faculté pour le président de l'AMF d'exercer un recours principal ou incident contre ces décisions.

I. LE POUVOIR ET LA PROCÉDURE DE SANCTION DE L'AMF

A. LE POUVOIR DE SANCTION

Aux termes de l'article L. 621-1 du code monétaire et financier, l'Autorité des marchés financiers (AMF), autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, « veille à la protection de l'épargne investie dans les instruments financiers donnant lieu à une offre au public ou à une admission aux négociations sur un marché réglementé et dans tous autres placements offerts au public. Elle veille également à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers ».

A ce titre, elle dispose de pouvoirs d'enquête et de sanction des acteurs de marché (sociétés de gestion, émetteurs, démarcheurs, conseillers en investissement financiers, dépositaires, courtiers, membres de marchés réglementés, etc .), personnes physiques ou morales, en cas de manquement à leurs obligations professionnelles ou d'abus de marché (manquements d'initié, de diffusion de fausses informations et de manipulation de cours). Toute autre personne qui a commis ou tenté de commettre un abus de marché peut également être sanctionnée.

L'AMF comprend un organe de direction, le collège , une commission des sanctions et, le cas échéant, des commissions spécialisées et des commissions consultatives , dont la composition fait largement appel à des personnalités qualifiées, professionnels des marchés et de l'épargne. Le collège comprend seize membres , parmi lesquels des magistrats et neuf personnalités qualifiées 66 ( * ) . La commission des sanctions comprend douze membres , soit deux conseillers d'Etat, deux conseillers à la Cour de cassation, six personnalités qualifiées et deux représentants des salariés des entreprises qui interviennent sur les marchés. Le président est élu par les membres de la commission des sanctions parmi les quatre magistrats.

La distinction entre collège et commission des sanctions ainsi que les caractéristiques de la procédure d'enquête et de sanction ( cf . infra ) avaient en particulier pour objet, lors de la création de l'AMF par la loi de sécurité financière du 1 er août 2003, de garantir la conformité de son pouvoir de sanction aux droits de la défense et au principe du procès équitable - notamment la séparation des phases de poursuite, d'instruction et de jugement - prévus par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH).

La forte coloration professionnelle du collège et de la commission des sanctions apporte à l'AMF des garanties d'expérience et de compétence technique, nécessaires s'agissant d'une matière aussi complexe que le droit financier et les pratiques de marché. Elle expose toutefois leurs membres au risque de conflit d'intérêts. L'article L. 621-4 du code monétaire et financier et les articles 111-1 à 111-9 du règlement général de l'AMF comportent cependant des dispositions de nature à prévenir ces conflits .

De même, le III bis de l'article L. 621-15 et l'article R. 621-7 du même code prévoient une procédure de « récusation » d'un membre de la commission des sanctions, introduite à l'initiative de votre rapporteur dans une loi du 17 décembre 2007 67 ( * ) . Inspirée de celle applicable dans les trois ordres juridictionnel, elle est « prononcée à la demande de la personne mise en cause s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute l'impartialité de ce membre ».

B. L'ÉCHELLE DES SANCTIONS

Le III de l'article L. 621-15, précité, prévoit l'échelle des sanctions qui peuvent être prononcées à l'encontre des personnes physiques et morales, en distinguant les professionnels placés sous le contrôle de l'AMF et les autres personnes physiques ou morales :

- à titre disciplinaire , l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou permanent de la carte professionnelle (pour les personnes physiques), l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités ou services fournis ;

- en sus ou à la place de ces sanctions, une sanction pécuniaire dont le montant est, s'agissant des prestataires et professions réglementés et contrôlés par l'AMF et de toute autre personne physique ou morale qui s'est livrée ou a tenté de se livrer à un abus de marché, plafonné à 10 millions d'euros 68 ( * ) ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés. Pour les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte d'un professionnel contrôlé par l'AMF, ce montant est plafonné à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas d'abus de marché, ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas.

Les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée (ou la personne morale dont elle est le préposé) ou, à défaut, au Trésor public. Ce fonds de garantie peut, dans des conditions fixées par son règlement intérieur et dans la limite de 300 000 euros par an, affecter une partie du produit des sanctions pécuniaires qu'il perçoit à des actions éducatives dans le domaine financier . Ces actions sont mises en oeuvre par l'Institut pour l'éducation financière du public.

Dans le respect des dispositions et de la jurisprudence communautaires, l'article L. 621-15 prévoit un principe de proportionnalité de la peine puisque le montant de la sanction doit être fixé « en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements ».

C. LA PROCÉDURE D'ENQUÊTE ET DE SANCTION

La procédure d'enquête et de sanction comme l'organisation interne de l'AMF témoignent de la volonté de « juridictionnalisation » de la répression administrative des manquements boursiers, afin de conforter les garanties d'impartialité, de respect du contradictoire et de « procès » équitable. Les phases de la procédure, prévues par les articles R. 621-38 à R. 621-42 du code monétaire et financier, sont ainsi les suivantes :

1) L'enquête préalable et l'ouverture des poursuites : les rapports de contrôles et d'enquêtes décidés par le secrétaire général sont transmis à la commission spécialisée compétente du collège. A l'examen du rapport, le collège peut décider l'ouverture d'une procédure de sanction . Si le rapport indique d'éventuelles infractions pénales, il est transmis au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris.

2) La notification des griefs : en cas d'ouverture d'une procédure de sanction, le collège adresse une notification de griefs à la ou les personne(s) mise(s) en cause, par lettre recommandée avec accusé de réception, par remise en main propre contre récépissé ou par acte d'huissier, accompagnée du rapport d'enquête ou de contrôle. Cette notification est également transmise au président de la commission des sanctions. La personne mise en cause dispose d'un délai de deux mois pour transmettre au président de la commission des sanctions ses observations écrites sur les griefs qui lui ont été notifiés.

3) L'instruction : le président de la commission des sanctions attribue l'affaire soit à cette dernière, soit à l'une de ses sections. Il désigne le rapporteur , membre de la commission des sanctions. Celui-ci procède à toutes diligences utiles et peut s'adjoindre le concours des services de l'AMF. La personne mise en cause peut être entendue à sa demande ou si le rapporteur l'estime utile. Le rapporteur peut également entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile. Il consigne par écrit le résultat de ces opérations dans un rapport, qui est communiqué à la personne mise en cause selon les mêmes formalités que la notification de griefs. La personne mise en cause est convoquée devant la commission des sanctions ou la section dans un délai qui ne peut être inférieur à trente jours francs. Elle dispose d'un délai de quinze jours francs pour faire connaître par écrit ses observations sur le rapport.

4) Le déroulement de la séance de la commission des sanctions : la séance se déroule selon une procédure contradictoire , et peut être publique à la demande de l'une des personnes mises en cause 69 ( * ) . Le président de la formation assure la police de la séance. Le collège peut être représenté par une personne désignée à cette fin par le président de l'AMF, membre ou non du collège ou des services. Le rapporteur présente son rapport, et le commissaire du Gouvernement peut présenter des observations. Le représentant du collège peut également présenter des observations au soutien des griefs notifiés. La personne mise en cause et, le cas échéant, son conseil présentent leur défense. Le président de la formation saisie peut faire entendre toute personne dont il estime l'audition utile. Dans tous les cas, la personne mise en cause et son conseil doivent pouvoir prendre la parole en dernier .

5) La décision de la commission des sanctions : à l'issue de la séance, la formation statue en la seule présence de ses membres et d'un agent des services de l'AMF faisant office de secrétaire de séance, hors la présence du rapporteur, du représentant du collège et du commissaire du Gouvernement . Le secrétaire de séance établit un compte-rendu de la séance qui est signé par le président de la formation, le rapporteur et le secrétaire de séance puis transmis aux membres de la commission des sanctions et au commissaire du Gouvernement.

La décision mentionne les noms des membres de la formation qui ont statué et est notifiée à la personne concernée selon les mêmes modalités que la notification des griefs. Elle est communiquée au commissaire du Gouvernement, au président de l'AMF qui en rend compte au collège, et à l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) lorsqu'elle concerne un prestataire de services d'investissement autre qu'une société de gestion. La décision de sanction mentionne, le cas échéant, les frais de procédure qui sont à la charge de la personne à l'encontre de laquelle une sanction a été prononcée. La commission peut la rendre publique dans les publications, journaux ou rapports qu'elle désigne, le cas échéant en « anonymisant » les personnes sanctionnées.

6) Les facultés de recours : toute décision de sanction peut faire l'objet d'un recours non suspensif (sauf si la juridiction saisie en décide autrement, en cas de conséquences manifestement excessives), dans un délai de deux mois à compter de sa notification. L'examen des recours relève de la compétence de la cour d'appel de Paris, sauf lorsque les sanctions concernent des professionnels de marché, auquel cas la compétence revient au Conseil d'Etat.

D. L'ACTIVITÉ D'ENQUÊTE ET DE SANCTION DE L'AMF EN 2009

En 2009, près de 43 000 alertes ont été créées automatiquement par le système automatisé de traitement quotidien des données de marché, soit près de 175 par jour. Après examen, près de 378 dossiers ont fait l'objet d'une étude plus approfondie nécessitant des demandes d'information auprès des établissements financiers intermédiaires, notamment en ce qui concerne les clients bénéficiaires finaux. Au total, quatre-vingts contrôles et soixante-seize enquêtes ont été lancés en 2009 .

Sur les quatre-vingts enquêtes terminées en 2009, trente-six ont été ouvertes à l'initiative de l'AMF 70 ( * ) , quarante à la suite de demande d'assistance d'autorités étrangères, et quatre ont émané de plaintes ou de demandes d'avis formulées par les autorités judiciaires. La majorité des enquêtes ouvertes a porté sur de possibles abus de marché.

Nombre d'enquêtes ouvertes et terminées depuis 2003

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Enquêtes ouvertes

85

83

88

84

92

97

76

Enquêtes terminées

79

90

91

105

96

95

80

Enquêtes ayant donné lieu à une procédure de sanction

22

30

22

27

26

22

20

Source : rapport annuel de l'AMF pour 2009

La commission des sanctions a statué sur trente-trois procédures qui ont donné lieu au prononcé de sanctions à l'encontre de trente-neuf personnes (vingt-et-une personnes morales et dix-huit personnes physiques). Par ailleurs, vingt-neuf procédures de sanctions étaient en cours au 31 décembre 2009, dont seulement cinq antérieures au 1 er janvier 2009 Quarante-cinq sanctions ont été prononcées , dont trente-huit sanctions pécuniaires 71 ( * ) , quatre avertissements et trois blâmes.

L'année 2009 a surtout été marquée par la décision relative à l' « affaire EADS » , rendue le 17 décembre. Après une enquête médiatisée, la commission des sanctions n'a retenu aucun des griefs qui avaient été formulés, en particulier au motif que le caractère privilégié de l'information n'était pas constitué , et a écarté l'intégralité des critiques relatives à la régularité de l'enquête et de la procédure. Cette décision relativement inattendue, mal perçue par l'opinion publique quoiqu'argumentée sur le plan juridique, a certes conforté l'indépendance de la commission des sanctions, mais a aussi mis en exergue un certain déséquilibre entre les phases d'enquête et de sanction .

L'AMF a également lancé des travaux pour améliorer et renforcer son dispositif répressif. Une charte de l'enquête devait être adoptée en septembre 2010 et un droit de réponse des mis en cause sera introduit à la fin de l'enquête. Par ailleurs, un groupe de travail sur l'indemnisation des victimes et une mission sur la prévention des délits d'initiés sur les titres des dirigeants ont été créés.

E. LES AMÉLIORATIONS SOUHAITÉES PAR LES PROFESSIONNELS

Les procédures de contrôle, d'enquête et de sanction de l'AMF constituent logiquement un sujet sensible pour les professionnels des marchés . Dans un domaine où le respect du droit est en bonne partie assuré par une autorité administrative, l'attractivité d'une place financière est en effet, entre autres facteurs, liée à la capacité de son régulateur de déceler et réprimer les abus de marché et infractions à la réglementation professionnelle, à sa compréhension des situations, à son indépendance et à son équité.

Outre les compétences des personnes habilitées à enquêter et à sanctionner, les professionnels et leurs conseils sont donc particulièrement vigilants sur la clarté et la transparence des procédures, le respect formel du principe du contradictoire, la possibilité de faire valoir les droits de la défense ou l'argumentation juridique des décisions.

En se fondant sur un peu plus de cinq années d'expérience, de réflexions et de critiques sur les enquêtes et sanctions de l'AMF, l'Association des marchés financiers (AMAFI) a publié en juillet 2009 une contribution à la réflexion de place 72 ( * ) et formulé trente propositions , exposées dans l'encadré ci-après, pour améliorer et rénover les différentes phases de la procédure (enquête, notification de griefs, instruction, jugement, sanction et recours).

Les 30 propositions du rapport de l'AMAFI sur le pouvoir de sanction de l'AMF

I - Contrôle et enquête

1) Distinguer clairement dans le code monétaire et financier les situations donnant lieu à contrôle, de celles donnant lieu à enquête.

2) Donner aux personnes faisant l'objet d'un rapport de contrôle ou d'enquête soumis au collège en vue d'une notification de griefs, la possibilité d'y joindre, outre les pièces qui leur paraissent utiles, les observations qu'elles souhaitent dans un délai qui devrait être de 4 à 8 semaines.

3) Formaliser la pratique assurant que toute pièce citée dans le rapport est annexée au dossier soumis au collège.

4) Assurer que toute personne à laquelle il est proposé au collège de notifier des griefs ait eu la possibilité d'être préalablement entendue par les services de contrôle ou d'enquête.

5) Mettre en place une charte de conduite des enquêtes sur place, comme en matière de contrôle.

6) Formaliser plus précisément le champ et la durée des ordres de mission en matière d'enquête.

7) Envisager une procédure au sein des services de l'AMF à laquelle pourrait recourir une personne faisant l'objet d'une enquête afin de chercher à résoudre sereinement les éventuelles crispations qui pourraient survenir.

II - Notification de griefs

8) Faire courir le délai de deux mois accordé à la personne mise en cause pour formuler des observations sur la notification de griefs à partir seulement du moment où le dossier servant de base à la notification est complet.

III - Instruction

9) Augmenter le nombre des rapporteurs - ce qui passe par l'augmentation du nombre de membres de la commission des sanctions - et leur donner ainsi plus de facilités pour approfondir leur instruction.

10) Renforcer le service de l'instruction et du contentieux de la commission des sanctions, notamment en collaborateurs ayant des compétences opérationnelles et pas seulement juridiques, pour assister le rapporteur dans les diverses tâches qu'il est amené à accomplir.

11) Prévoir un budget permettant au rapporteur, s'il l'estime utile, de faire appel à des experts externes.

12) Permettre aux mis en cause de demander l'audition de tiers.

13) Etendre le délai dont bénéficient les mis en cause pour formuler des observations sur le rapport du rapporteur, une durée de deux mois, similaire à celle prévue en matière de notification, ayant une logique forte.

14) Assurer que la personne mise en cause a le dernier mot en ne permettant au rapporteur de répliquer à des observations formulées sur son rapport que par écrit, et en laissant alors au mis en cause un délai pour formuler lui-même des observations sur cette réplique.

IV - Fornation de jugement

15) Faire passer le nombre des membres de la commission des sanctions de 12 à 18.

16) Renforcer les règles de quorum en prévoyant qu'au moins quatre membres soient présents pour une affaire jugée par une section, et au moins huit pour une affaire jugée par la formation plénière.

17) Réexaminer la règle qui veut que le suppléant en provenance d'une autre formation appartienne à la même catégorie de personnes que celle qu'il est appelé à remplacer.

18) Donner au président une voix prépondérante en cas de partage égal des voix.

19) Assurer que le représentant du Collège formule ses observations éventuelles par voie de conclusions écrites, présentées au moins dix jours avant la séance.

20) Clarifier le rôle du commissaire du Gouvernement.

21) Assurer que les membres de la formation de jugement aient à disposition toutes les pièces de la procédure au moins dix jours avant la séance de sanction.

V - Sanction

22) Poursuivre l'effort de motivation entrepris pour donner son plein effet pédagogique à la décision de sanction.

23) Assurer une meilleure prévisibilité en motivant plus précisément le choix de la sanction quant à sa nature - disciplinaire et/ou pécuniaire - et à son quantum.

24) Motiver particulièrement le choix de la publication compte tenu de la sévérité accrue ainsi manifestée.

25) Recourir plus souvent à l'anonymat qui permet d'assurer l'effet pédagogique recherché tout en préservant la réputation de la personne sanctionnée.

26) Recourir systématiquement à l'anonymat pour les personnes mises hors de cause, sauf si leur intérêt est que cette mise hors de cause soit publique.

27) Distinguer la date à laquelle a eu lieu la séance de sanction de la date à laquelle la décision a été effectivement rendue et notifiée à la personne mise en cause.

28) Assurer qu'aucune publication nominative ne puisse intervenir avant l'expiration des délais de recours ou, en cas de référé visant à obtenir la suspension de la publication, avant le prononcé de l`ordonnance de référé.

VI - Recours

29) Donner au collège la capacité de recourir à titre incident contre les décisions de la commission des sanctions.

VII - Pouvoir de transaction

30) Conférer au collège de l'AMF la capacité de conclure des transactions avec les personnes susceptibles de faire l'objet d'une notification de griefs dans les conditions suivantes :

- exclure au moins dans un premier temps, les manquements pénalement qualifiables ;

- laisser aux parties à la transaction une large liberté pour fixer le contenu de celle-ci, notamment en ce qui concerne la publication, nominative ou non, de la transaction.

L'AMAFI juge prioritaires :

- en matière de contrôle et d'enquête, les propositions 1 (clarification du champ respectif des contrôles et des enquêtes), 2 (possibilité donnée à toute personne de formuler des observations sur le rapport de contrôle ou d'enquête) et 5 (mise en place d'une charte de conduite des enquêtes sur place) ;

- en matière d'instruction, la proposition 10 (renforcement du service de l'instruction et du contentieux) ;

- en matière de sanction, les propositions 22 et 23 d'une part (poursuite de l'effort de motivation entrepris, plus particulièrement en ce qui concerne la nature et le quantum des sanctions prononcées), 25 et 26 d'autre part (recours accru à l'anonymat dans les décisions de sanction, celui-ci devant être posé en principe pour les personnes mises hors de cause ;

- enfin les propositions 29 et 30, soit un droit d'appel incident à l'AMF et l'introduction d'une procédure de transaction.

Source : rapport de l'AMAFI, 20 juillet 2009

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jérôme Chartier, rapporteur, modifie les articles L. 621-15 et L. 621-30 du code monétaire et financier en vue d'améliorer les procédures répressives de l'AMF et de conforter leur « juridictionnalisation », à la lumière de la récente « affaire EADS » et des débats de place. Trois axes sont ainsi envisagés :

- la représentation du collège aux audiences, sans voix délibérative ;

- le renforcement du caractère dissuasif de la répression par un relèvement substantiel du plafond des sanctions pécuniaires et une publication systématique des décisions ;

- et la faculté pour le président de l'AMF d'exercer un recours principal ou incident contre les décisions de la commission des sanctions.

A. AU STADE DE L'AUDIENCE : LA REPRÉSENTATION DU COLLÈGE

Le du I du présent article insère deux nouveaux alinéas dans l'article L. 621-15 du code monétaire et financier code pour confirmer dans la loi la représentation et la participation du collège aux audiences de la commission des sanctions. Il procède ainsi à un alignement avec la procédure mise en place pour l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), l'article L. 612-38 du même code prévoyant que « le membre du collège désigné par la formation qui a décidé de l'ouverture de la procédure de sanction est convoqué à l'audience. Il y assiste sans voix délibérative. Il peut être assisté ou représenté par les services de l'Autorité. Il peut présenter des observations au soutien des griefs notifiés et proposer une sanction ».

Il prévoit ainsi que le membre du collège qui a examiné le rapport d'enquête ou de contrôle et pris part à la décision d'ouverture d'une procédure de sanction est convoqué à l'audience. Il y assiste sans voix délibérative et peut être assisté ou représenté par les services de l'AMF. Sa présence n'est pas passive puisqu'il peut présenter des observations au soutien des griefs notifiés et proposer une sanction .

Il prévoit également que la commission des sanctions peut entendre tout agent des services de l'AMF.

B. LE PRONONCÉ DES SANCTIONS : RELÈVEMENT DU PLAFOND ET SYSTÉMATISATION DE LA PUBLICITÉ

Dans un souci de cohérence du dispositif global de surveillance du secteur financier, l'Assemblée nationale a relevé le plafond de sanction pécuniaire de l'AMF pour l'aligner sur celui de l'ACP , qui avait été lui-même doublé par rapport à l'ancien plafond de sanction de la Commission bancaire (50 millions d'euros). Le cinquième alinéa ( ) du présent article modifie ainsi le III de l'article L. 621-15, précité, pour décupler les deux plafonds de sanction de l'AMF, qui sont ainsi portés à :

- 100 millions d'euros pour les sanctions prononcées à l'encontre des personnes relevant des prestataires et professions réglementés et contrôlés par l'AMF et de toute autre personne physique ou morale qui s'est livrée ou a tenté de se livrer à un abus de marché ;

- 15 millions d'euros pour celles prononcées à l'encontre des personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'un des professionnels contrôlés par l'AMF.

Le huitième alinéa ( ) érige en règle de droit commun le principe de la publication des décisions de la commission des sanctions. La publication est aujourd'hui mise en oeuvre dans la grande majorité des cas mais demeure une simple faculté requérant une décision expresse, susceptible d'être interprétée comme une sanction supplémentaire et donc passible de recours. Elle souffre également deux exceptions : le risque de perturbation grave des marchés ou de préjudice disproportionné pour les parties en cause 73 ( * ) . A la différence des juridictions de droit commun dont les décisions peuvent être librement consultées au greffe du tribunal, la publicité des décisions de l'AMF est tributaire de leur publication.

Le neuvième alinéa du présent article propose dès lors une nouvelle rédaction pour le V de l'article L. 621-15, précité, pour systématiser la publication tout en préservant le principe de proportionnalité et les deux exceptions actuelles . Ces dispenses de publication constituent en effet la transposition des dispositions du 4 de l'article 14 de la directive dite « Abus de marché » du 28 janvier 2003 74 ( * ) .

Le neuvième alinéa prévoit donc que la décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, « dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée ». Cette exigence de proportionnalité est non seulement imposée par la CEDH, mais s'explique également par la nécessité de prendre en compte les conséquences d'un éventuel préjudice de réputation.

Comme aujourd'hui, les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. Lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause, la décision de la commission peut prévoir qu'elle ne sera pas publiée .

C. LE DROIT D'APPEL PRINCIPAL OU INCIDENT RECONNU AU PRÉSIDENT DE L'AMF

Le II du présent article introduit une innovation importante : la faculté pour le collège de l'AMF - par l'entremise de son président - d'exercer un recours contre les décisions de la commission des sanctions . Bien qu'évoquée de longue date pour l'AMF (dès 2004), cette procédure a d'ores et déjà été prévue pour l'ACP et, à l'initiative de notre collègue Ambroise Dupont, alors rapporteur pour avis, par la loi sur la régulation des jeux en ligne 75 ( * ) pour l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).

Ce recours peut être incident , c'est-à-dire lié à un recours préalable de la personne sanctionnée, ou principal . Le II insère donc un nouvel alinéa au sein de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, qui prévoit que les décisions prononcées par la commission des sanctions peuvent faire l'objet d'un recours par les personnes sanctionnées et par le président de l'AMF, après accord du collège. En cas de recours d'une personne sanctionnée, le président de l'autorité peut, dans les mêmes conditions, former un recours incident.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Ces dispositions, dont la portée est inégale, contribuent globalement à renforcer la crédibilité du pouvoir répressif du régulateur boursier.

A. LE RÔLE DU COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT ET LE FORT RELÈVEMENT DU PLAFOND DE SANCTION PEUVENT FAIRE DÉBAT

La représentation du collège aux audiences de la commission des sanctions, quoique déjà prévue par les dispositions réglementaires dans les I bis et II de l'article R. 621-40 du code monétaire et financier, est désormais institutionnalisée et étendue, le membre du collège appelé à assister à l'audience étant celui qui a examiné le rapport d'enquête ou de contrôle et pris part à la décision d'ouverture de la procédure de sanction.

Votre rapporteur est en revanche plus circonspect sur le rôle du commissaire du Gouvernement (en général le représentant du directeur général du Trésor), qui est présent à tous les stades de la procédure sans voix délibérative 76 ( * ) , mais ne formule aucune observation dans la plupart des cas. Si cette fonction permet au ministère de tutelle de se tenir parfaitement informé des procédures en cours et constitue certes un intéressant « poste d'observation » pour les collaborateurs de la direction générale du Trésor, elle peut induire un doute inutile sur l'impartialité de l'autorité, en raison notamment de son appellation.

Dans ces conditions, votre commission a adopté un amendement tendant à substituer à un commissaire du Gouvernement la présence, auprès des formations de l'AMF et sans voix délibérative, du directeur général du Trésor ou de son représentant .

Le relèvement du plafond de sanction se justifie quant à lui dans une démarche de cohérence du dispositif de sanction des régulateurs financiers, mais a pour l'heure des vertus essentiellement dissuasive et symbolique , le plafond antérieur de sanction (1,5 million d'euros) n'ayant été atteint qu'à de rares reprises, dont une fois en 2009 et plus récemment en février 2010.

Il importe de conserver une certaine mesure dans l'établissement du plafond de sanction, pour ne pas risquer de compromettre l'exigence de proportionnalité ni aboutir à un régime manifestement déconnecté des pratiques des régulateurs européens. A cet égard, votre rapporteur constate que l'AMF, déjà réputée répressive, serait d'assez loin le régulateur boursier potentiellement le plus sévère , avec un plafond nettement supérieur à celui de ses homologues européens (75 millions d'euros pour la CONSOB italienne), hormis la Financial Services Authority (FSA) britannique dont les sanctions pécuniaires ne sont pas plafonnées.

Sans exposer en détails le régime des sanctions boursières en vigueur dans les 27 Etats membres de l'Union européenne, compte tenu de la diversité des manquements (abus de marché et infractions aux règlementations professionnelles) et des sanctions applicables (administratives ou pénales), on peut se référer à deux rapports du Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières (CERVM), dont un publié en février 2008 77 ( * ) , et à une étude du professeur Pierre-Henri Conac publiée fin 2009.

L'hétérogénéité des sanctions boursières en Europe

L'étude précitée du professeur Pierre-Henri Conac, qui s'appuie sur les rapports du CERVM, relève l'hétérogénéité de la nature, du niveau, de l'application et de la publicité des sanctions boursières en Europe (Union européenne, Norvège et Islande).

1 - La nature des sanctions

Le rapport de 2007 du CERVM sur la transposition de la directive Abus de marché fait apparaître la diffusion importante des sanctions administratives pécuniaires dans les 29 Etats considérés. Au moins environ les deux tiers, selon le type de manquement, y a recours.

En matière de délit d'initié , 21 Etats sur 29 imposent des sanctions pécuniaires administratives et tous les Etats sauf la Bulgarie le sanctionnent pénalement. Parmi les Etats qui ne prévoient pas de sanctions administratives, mentionnons l'Allemagne, le Luxembourg, la Pologne et la Suède. En matière de manipulation de marché , seuls cinq Etats ne prévoient pas de sanctions administratives pécuniaires.

En ce qui concerne les infractions aux prescriptions de la directive sur les marchés d'instruments financiers, les sanctions pénales sont prévues dans moins de pays, et lorsqu'elles sont prévues, pour moins de dispositions. Ceci n'est guère étonnant car il s'agit de violations moins graves que des abus de marché. En revanche, la possibilité de prévoir des sanctions administratives est prévue dans tous les pays, sauf la Norvège, et pour presque toutes les dispositions, sauf en Finlande où une seule disposition est visée.

Il existe de larges différences en ce qui concerne l'exercice direct du pouvoir de sanction ou par la voie d'une autorité judiciaire. Selon une autre étude du CERVM sur la directive Abus de marché, environ les trois quarts des autorités disposent d'un pouvoir de sanction direct et un quart n'en disposent qu'avec le soutien d'une autorité judiciaire.

2 - Le montant des sanctions

Toujours en matière d'abus de marché, le niveau des sanctions administratives est relativement élevé dans un certain nombre d'Etats membres.

La législation de certains États membres prévoit des sanctions pécuniaires maximales très élevées. Ainsi, au Royaume-Uni, il n'est pas prévu de plafond au montant des sanctions pécuniaires pour la Financial Services Authority (FSA). En Italie, la CONSOB peut imposer pour une manipulation de marché ou un délit d'initié une sanction pécuniaire d'un maximum de 75 millions d'euros (contre 10 millions d'euros actuellement en France) ou de dix fois le profit réalisé . En Belgique, le montant des amendes administratives que peut prononcer la commission des sanctions de la CBFA peut atteindre 2,5 millions d'euros, porté au double en cas d'avantage patrimonial procuré au contrevenant, et au triple en cas de récidive. En Allemagne le montant des sanctions que peut imposer la BAFIN varie selon le type de manquement et se situe entre seulement 50 000 euros et 1 million d'euros .

D'autres Etats membres ont en revanche une approche plus « laxiste ». En Slovénie par exemple, la sanction pécuniaire maximale pour une manipulation de marché commise par des personnes physiques est de seulement 1 200 euros. L'autorité boursière autrichienne ( Finanzmarktaufsicht ) peut infliger une sanction pécuniaire d'un montant maximum de seulement 50 000 euros. La sanction maximale est la même en Bulgarie pour les personnes morales. Le montant maximum en Finlande est de 200 000 euros pour une personne morale.

En matière de délit d'initiés , la Slovénie et la Bulgarie se distinguent également par des montants maximum peu élevés, et ne prévoient pas non plus de peine d'emprisonnement. L'amplitude en matière de peine d'emprisonnement est importante puisque l'écart est de un an maximum en Belgique contre quinze ans en Lettonie. La Belgique prévoit aussi des amendes d'un montant maximum faible (10 000 euros).

3 - L'application des sanctions

En se limitant aux seules sanctions administratives pécuniaires, il apparaît que les autorités boursières de certains Etats membres semblent, à la lecture de leurs rapports annuels, avoir une approche assez répressive.

Ainsi, en France , l'AMF s'est montrée très active depuis 2005 . En 2007, 28 décisions de sanctions ont été prises sur 33 procédures menées à terme, et le montant total des sanctions pécuniaires a été d'environ 20 millions d'euros (18 millions d'euros en 2006). En Espagne, la Comision Nacional del Mercado de Valores (CNMV) a imposé des amendes pour un montant de 2,5 millions d'euros en 2006 et de 18 millions d'euros en 2007. De même, en Italie, la CONSOB a prononcé en 2007 des amendes d'un montant de 43,7 millions d'euros contre 8 millions d'euros en 2006. Ces montants, même élevés, doivent être relativisés. Ainsi, aux États-Unis, depuis 2002, plusieurs transactions conclues par la SEC avec des entreprises ont porté sur des montants de 100 millions de dollars ou davantage et les montants de 10 millions de dollars ne sont pas rares.

En revanche, au Royaume-Uni, la FSA, créée en 1997, a prononcé ou obtenu relativement peu de sanctions administratives . Elle n'a engagé sa première poursuite pénale pour délit d'initié qu'en 2008. Auparavant, elle préférait engager des poursuites administratives. Ceci reflète en partie son approche réglementaire fondée sur des principes (« principle based approach ») et son approche répressive sur les domaines qui affectent le plus ses priorités règlementaires (« risk based approach »). Avec la crise financière, la FSA a toutefois indiqué vouloir adopter une approche plus répressive.

Il est en réalité très difficile de tirer des conclusions quant à la sévérité réelle des Etats membres et de leurs régulateurs à la seule lecture des rapports annuels des autorités boursières. En effet, les marchés sont différents et certains types d'abus, comme par exemple des délits d'initiés, sont plus envisageables dans des marchés d'actions que d'obligations. Par ailleurs, sur de nombreuses places, lorsque le cas le justifie, la pratique peut être de régler les affaires avec des entreprises d'investissement ou des banques sans recourir à l'ouverture d'une procédure officielle mais de manière informelle .

De plus, les statistiques peuvent être faussées par une période d'activité plus élevée, mais temporaire, ou une affaire particulièrement importante. De même, le rôle des sanctions administratives non pécuniaires ne peut être négligé car ces sanctions sont souvent plus redoutées des professionnels que des sanctions pécuniaires. Enfin, le type de personnes poursuivies, institutions financières de premier plan ou de second plan, et le niveau de sanction alors imposé, sont aussi un élément à prendre en compte.

4 - La publicité des sanctions

Les pratiques des régulateurs sont également très divergentes . Ainsi, un certain nombre d'Etats membres prévoient une publication systématique des mesures et décisions de sanctions prises au titre de la directive « Abus de marché ».

Pour d'autres autorités, il n'y a cependant pas de publication systématique des décisions de sanctions . C'est le cas en Allemagne, en Autriche, à Chypre, au Danemark, en Estonie, en Finlande, en France aux Pays-Bas, au Portugal, au Royaume-Uni et en Suède. Ici encore apparaît une spécificité des pays scandinaves, sans doute justifiée par un souci de protection des libertés individuelles. De plus, dans certains pays, seul est publié un résumé de la décision.

Source : « La place des sanctions en droit européen des marchés financiers », étude du Prof. Pierre-Henri Conac in LexisNexis Jurisclasseur, novembre 2009.

B. LE RENFORCEMENT BIENVENU DE LA TRANSPARENCE DES SANCTIONS ET DE L'ÉQUILIBRE DE LA PROCÉDURE

Votre rapporteur est très favorable à l'introduction d'un principe plutôt que d'une faculté de publication systématique des décisions , tout en préservant les deux exceptions légitimes fondées sur les risques d'atteinte à l'ordre public financier et de préjudice de réputation disproportionné pour la personne sanctionnée. La pratique de l'AMF ne s'en trouvera pas pour autant substantiellement modifiée puisque la publication des décisions est d'ores et déjà très largement appliquée.

De même, ainsi que cela a été confirmé par l'AMF à votre rapporteur, il est probable que cette généralisation de la publication s'accompagnera du recours à l' « anonymisation » des décisions , déjà fréquemment mise en oeuvre en cas de risque de préjudice d'image disproportionné.

La nouvelle faculté de recours du collège de l'AMF constitue sans doute la disposition la plus novatrice , du moins en apparence. Elle procède d'un alignement logique sur les dispositions applicables à l'ACP et à l'ARJEL et poursuit le « mimétisme juridictionnel » , gage d'indépendance et d'équité, initié lors de la création de l'AMF en 2003. Le recours du collège est ainsi l'équivalent du recours du ministère public dans les procédures civiles et pénales. Il renforce la crédibilité de l'autorité de poursuite , que maints observateurs avaient jugée affaiblie à la suite de l'affaire EADS.

Néanmoins pour ne pas menacer le délicat équilibre ni la sécurité juridique de la procédure, ce recours a vocation à être utilisé avec parcimonie , essentiellement dans les rares cas où le collège, au vu des éléments de l'enquête, jugerait la sanction trop faible ou contesterait l'absence de sanction.

Votre rapporteur juge enfin préférable, notamment pour conforter l'indépendance de l'AMF et les garanties de conformité aux exigences de la CEDH, d'introduire un principe de publicité des audiences de la commission des sanctions de l'AMF . Ce principe a déjà été mis en place, dans les dispositions réglementaires de l'ordonnance du 21 janvier 2010 78 ( * ) , pour la commission des sanctions de l'ACP . En effet :

- l'article R. 612-47 ne prévoit pas explicitement que les séances de la commission des sanctions de l'ACP sont publiques, mais implicitement en précisant qu' une personne mise en cause peut demander que l'audience ne soit pas publique . De façon logique, il prévoit également une sorte de « clause de sauvegarde de l'ordre public » selon laquelle « le président de la commission des sanctions peut interdire au public l'accès de la salle pendant tout ou partie de l'audience dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public, de la sécurité nationale ou lorsque la protection des secrets d'affaires ou de tout autre secret protégé par la loi l'exige » ;

- a contrario , l'article R. 621-40 du même code prévoit que les séances de la commission des sanctions de l'AMF ne sont publiques qu'à la demande de l'une des personnes mises en cause . Le président de la formation peut interdire au public l'accès de la salle dans des conditions proches du régime de la commission des sanctions de l'ACP 79 ( * ) .

Il convient toutefois de souligner que dans le régime applicable à la commission des sanctions de l'ACP, la personne mise en cause dispose de facto d'un droit étendu au secret de l'audience quel qu'en soit le motif, alors que celui dont dispose le président de la commission des sanctions est plus encadré. Cette disposition est certes protectrice de la présomption d'innocence mais peut nuire à la transparence de la commission des sanctions, puisqu'il est probable qu'en pratique, la ou les personnes mises en cause demanderont le plus souvent à ce que l'audience ne soit pas publique. Votre commission a donc jugé préférable d'accorder au président de la formation de jugement de l'AMF et à la personne mise en cause un droit identique au huis-clos .

Votre commission a donc adopté un amendement prévoyant que « les séances de la commission des sanctions sont publiques. Toutefois, d'office ou sur la demande d'une personne mise en cause, le président de la formation saisie de l'affaire peut interdire au public l'accès de la salle pendant tout ou partie de l'audience dans l'intérêt de l'ordre public, de la sécurité nationale ou lorsque la protection des secrets d'affaires ou de tout autre secret protégé par la loi l'exige ».

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.


* 66 Soit, aux termes de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier, des membres « désignés, à raison de leur compétence financière et juridique ainsi que de leur expérience en matière d'offre au public de titres financiers, d'admission d'instruments financiers aux négociations sur un marché réglementé et d'investissement de l'épargne dans des instruments financiers ».

* 67 Loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier.

* 68 Ce plafond avait été relevé par le Sénat, à l'initiative de votre rapporteur, dans l'article 160 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 69 Toutefois, le président de la formation peut interdire au public l'accès de la salle pendant tout ou partie de la séance dans l'intérêt de l'ordre public ou lorsque la publicité est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ou à tout autre secret protégé par la loi.

* 70 Dont vingt ont donné lieu à l'ouverture d'une procédure de sanction), sept à un classement sans suite et treize à l'envoi d'une ou plusieurs lettres d'observations.

* 71 Pour un montant total de 6.345.100 euros.

* 72 « Quelles évolutions du pouvoir de sanction de l'Autorité des marchés financiers ? », contribution de l'AMAFI à la réflexion de place, 20 juillet 2009.

* 73 Le V de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier prévoit ainsi que « la commission des sanctions peut rendre publique sa décision dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées ».

* 74 Directive n° 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché.

* 75 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

* 76 Le I de l'article L. 621-3 du code monétaire et financier dispose ainsi que « le commissaire du Gouvernement auprès de l'Autorité des marchés financiers est désigné par le ministre chargé de l'économie. Il siège auprès de toutes les formations sans voix délibérative. Les décisions de la commission des sanctions sont prises hors de sa présence . Il peut, sauf en matière de sanctions, demander une deuxième délibération dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ».

* 77 « Rapport sur les mesures et sanctions administratives ainsi que sur les sanctions judiciaires disponibles dans les Etats membres dans le cadre de la directive Abus de marché », février 2008.

* 78 Ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance.

* 79 A la différence de l'ACP, il n'est pas fait mention de la moralité publique ni de la sécurité nationale.

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