EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 6 octobre 2010 , sous la présidence de M. Jean Arthuis , président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Adrien Gouteyron sur les projets de loi :

- n° 741 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l' accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Grenade relatif à l' échange de renseignements en matière fiscale , signées à Paris le 22 mars 2010 et à Saint-Georges le 31 mars 2010 ;

- n° 742 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l' accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie relatif à l' échange de renseignements en matière fiscale , signées à Paris le 22 mars 2010 et à Castries le 1 er avril 2010 ;

- n° 743 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l' accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Vincent-et-les-Grenadines relatif à l' échange de renseignements en matière fiscale , signées à Paris le 22 mars 2010 et à Kingstown le 13 avril 2010 ;

- n° 744 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l' accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Christophe-et-Niévès relatif à l' échange de renseignements en matière fiscale , signées à Paris le 22 mars 2010 et à Saint-Kitts le 1 er avril 2010 ;

- n° 745 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l' accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Vanuatu relatif à l' échange de renseignements en matière fiscale , signées à Port Vila le 23 décembre 2009 et à Paris le 31 décembre 2009 ;

- n° 746 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l' Uruguay relatif à l' échange de renseignements en matière fiscale , signé à Paris le 28 janvier 2010 ;

- n° 22 (2010-2011), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l' accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d' Antigua et Barbuda relatif à l' échange de renseignements en matière fiscale , signées à Paris le 22 mars 2010 et à Londres le 26 mars 2010.

M. Adrien Gouteyron , rapporteur . Comme l'écrivait Marcel Proust, « les vrais paradis sont les paradis qu'on a perdus »... Notre commission a déjà examiné, depuis le début de l'année, vingt et un accords ou avenants à des conventions relatifs à l'échange de renseignements en matière fiscale. Elle est aujourd'hui saisie de sept nouveaux projets de loi visant à ratifier autant d'accords d'échange d'informations conclus, respectivement, avec Antigua et Barbuda, la Grenade, Saint Christophe et Niévès, Sainte Lucie, Saint Vincent et les Grenadines, l'Uruguay, enfin le Vanuatu.

Il s'agit de territoires ou d'Etats à la fiscalité très allégée. Ils ont passé avec la France un accord d'échange de renseignements en vue de satisfaire à la norme établie par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui requiert la signature de douze accords ou clauses équivalentes pour ne plus apparaître sur la liste, dite « grise », des Etats non coopératifs.

Les accords en cause sont identiques. Chacun d'entre eux tend à donner à la France la possibilité de demander, aux autorités de l'autre Etat contractant, tous les renseignements pertinents pour la bonne application de notre droit fiscal par nos administrations ou nos tribunaux. Il convient de préciser que notre pays, dans le cadre de la négociation, n'a accordé aucune contrepartie à ses cocontractants.

Il n'est pas possible d'estimer, même en termes d'ordre de grandeur, la part de la fraude fiscale qui impliquerait des opérateurs profitant de la faiblesse actuelle du dispositif d'échange de renseignements. Toutefois, on peut raisonnablement supposer que le risque d'évasion est significatif, eu égard à la structure de l'économie et à l'organisation fiscale des pays en cause. La ratification de ces accords est donc nécessaire.

Je signale que l'obligation de transmettre des renseignements pertinents à la partie requérante ne se déclenche que sur la demande écrite de celle-ci. L'objet de cette demande doit être relatif à la détermination, à l'établissement, au contrôle ou à la perception des impôts, au recouvrement ou à l'exécution des créances fiscales, aux enquêtes ou aux poursuites en matière fiscale. Les accords prévoient quelques dérogations, strictement encadrées, qui interdisent toute transmission de renseignements qui violerait, notamment, l'ordre public ou le secret commercial. Les droits des contribuables sont protégés, car l'échange doit respecter la confidentialité des données transmises et celles-ci ne peuvent être utilisées qu'aux fins fixées par l'accord, c'est-à-dire pour résoudre un problème fiscal.

Ce dispositif est conforme à l'accord cadre de l'OCDE publié en 2002. Sur certains points, ils sont même plus exigeants que ce modèle, à la demande de la France. Notre pays, en particulier, a imposé une définition plus exhaustive des impôts visés.

Cependant, comme vous l'aurez compris, si je me félicite que, dans le contexte de la crise financière, le Gouvernement français ait entrepris de lutter contre les paradis fiscaux, je me garde, bien sûr, de tout angélisme face aux accords signés. Il conviendra de rester vigilant sur le caractère effectif de la mise en oeuvre de ces accords par nos partenaires.

Dans cette perspective, les évaluations que conduit actuellement le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements en matière fiscale constituent un outil précieux. En effet, il est apparu indispensable que le principe de transparence fiscale fixé par l'OCDE ne soit pas détourné de sa finalité par les Etats figurant sur la liste « grise », grâce à la simple signature formelle de douze accords, notamment entre paradis fiscaux. En conséquence, un contrôle par les pairs, destiné à apprécier l'effectivité des accords signés ces derniers mois, a été lancé par le Forum mondial en 2009.

Il s'agit d'évaluer les progrès effectués par les Etats en deux phases. En premier lieu, sont examinées la pertinence du réseau conventionnel, la sincérité des accords ainsi que l'adaptation du cadre législatif aux échanges d'informations. Dans une seconde phase, un bilan qualitatif et quantitatif des échanges effectués est dressé.

Depuis mars 2010, dix-huit Etats font l'objet d'une telle évaluation, dont la France. Les premiers résultats, concernant la première phase d'évaluation, ont été publiés le 30 septembre dernier ; ils visent les Bermudes, le Botswana, les Iles Caïman, l'Inde, la Jamaïque, Monaco, le Panama et le Qatar. La seconde phase de l'évaluation, qui se conclura par un bilan, devrait avoir lieu d'ici 2012.

C'est au bénéfice de ces observations que je vous propose d'adopter dès aujourd'hui six des sept projets de loi tendant à autoriser les accords précités. En effet, l'examen par l'Assemblée nationale du septième projet de loi, relatif à l'accord entre la France et Antigua et Barbuda, qui devait être adopté avec les autres le 30 septembre dernier, a été reporté au 7 octobre, c'est-à-dire demain. En accord avec le Président Arthuis, je n'ai pas souhaité différer l'examen en commission de ce projet de loi, mais nous ne pourrons l'adopter, formellement, que la semaine prochaine. Pour ce texte, je vous propose donc, aujourd'hui, une adoption « sous réserve ».

Je vous indique, par ailleurs, que la Conférence des présidents a décidé que ces textes seront examinés, en séance publique, selon la procédure d'examen simplifié prévue par l'article 47 decies du règlement du Sénat.

M. Jean Arthuis , président . Merci, cher collègue. J'indique à la commission que nous devrions auditionner, dans les prochaines semaines, François d'Aubert, président du groupe d'évaluation du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements en matière fiscale, dont le rapporteur vient d'évoquer les travaux.

Mme Nicole Bricq . Le débat que le Sénat a tenu lors de sa séance du 30 septembre dernier, à l'occasion de l'examen d'avenants aux conventions fiscales qui lient la France au Luxembourg, à la Belgique et à la Suisse, a permis de faire le point sur la politique de notre pays en faveur de la lutte contre les paradis fiscaux. J'ai bien entendu les arguments du Gouvernement, invoquant la nécessité d'un accord européen, en ce qui concerne la mise en place d'échanges automatiques de renseignements ; je le conçois parfaitement. En revanche, je répète ici qu'il est possible de progresser sur le terrain de la transparence, notamment en matière comptable.

À ce titre, le Parlement devrait être mis à même de contrôler les travaux de la cellule de régularisation des situations de fraude fiscale, installée par le ministre du budget et placée sous l'autorité d'un magistrat. On devrait pouvoir disposer d'un bilan en ce domaine, par exemple en annexe au prochain projet de loi de finances. Quels ont été les résultats de l'opération, notamment quant à l'application des sanctions prévues par le législateur ?

Nous avions la possibilité d'avancer utilement dans cette direction, lors de l'examen par le Sénat du projet de loi de régulation bancaire et financière. Or l'amendement que j'avais déposé afin d'exiger des banques une certaine transparence comptable a été rejeté. J'observe que c'est à présent l'Assemblée nationale qui se saisit du sujet, en approfondissant l'examen de la convention concernant Antigua et Barbuda.

M. Jean Arthuis , président . Cette convergence de l'intérêt des deux chambres du Parlement me paraît constituer un encouragement à poursuivre nos propres travaux relatifs aux paradis fiscaux. Cependant, il ne faut pas perdre de vue les exigences du secret fiscal et de la protection de certaines données, dont la divulgation pourrait nuire fortement à la réputation et, par suite, à l'activité des entreprises. Notre démarche, à cet égard, doit rester empreinte de toute la prudence requise.

En revanche, il revient naturellement au rapporteur de mettre en oeuvre les diligences de contrôle qui lui permettront de rendre compte à la commission du degré d'effectivité des conventions conclues, par la France, en vue d'assurer un échange d'informations en matière fiscale.

M. Adrien Gouteyron , rapporteur . Je rejoins tout à fait votre avis, Monsieur le Président. Je suis bien évidemment disposé à entreprendre ce contrôle et à mener, avec vous-même et, le cas échéant, ceux de nos collègues qui s'intéressent de près au sujet, les investigations nécessaires.

Mme Nicole Bricq . Il va de soi que la confidentialité est souvent de mise, en la matière ; et les rapporteurs spéciaux savent la respecter ! Dans l'annexe au projet de loi de finances que j'envisageais, il ne s'agirait pas de livrer des noms d'établissements financiers, mais de fournir des statistiques sur l'activité de la cellule de régularisation : quelle a été l'étendue du contrôle, pour quelles suites ? Ce rapport du Gouvernement est nécessaire au Parlement pour fonder son appréciation de la politique de lutte menée contre les paradis fiscaux.

M. Jean Arthuis , président . Je pense, pour ma part, que c'est aux parlementaires d'établir des rapports, à partir des contrôles qu'ils mènent. Poursuivons donc nos investigations, et nous pourrons alors faire les recommandations et propositions utiles.

La commission adopte le rapport.

Elle adopte les six projets de loi tendant à autoriser l'approbation des accords relatifs à l'échange de renseignements en matière fiscale entre la France et la Grenade, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Saint-Christophe-et-Niévès, le Vanuatu et l'Uruguay.

Elle décide de surseoir à l'adoption du projet de loi tendant à autoriser l'approbation de l'accord relatif à l'échange de renseignements entre la France et Antigua et Barbuda, dans l'attente de sa transmission par l'Assemblée nationale.

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