B. LE CHOIX DIFFICILE DU PÉRIMÈTRE DES SOCIÉTÉS CONCERNÉES
1. Les différentes formes juridiques de société et leurs organes
a) Les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions, mais pas les sociétés par actions simplifiées
Les deux propositions de loi visent les sociétés anonymes, dans leurs deux formes classique et nouvelle, ainsi que les sociétés en commandite par actions, qui s'en inspirent beaucoup malgré un statut simplifié.
En revanche, les deux propositions de loi ignorent les sociétés par actions simplifiées (SAS). Créée en 1994, assouplie en 1999 et complétée en 2008, cette forme particulièrement souple de société est très attractive, au point qu'il existe aujourd'hui plus de sociétés par actions simplifiées que de sociétés anonymes. Cette forme de société est très utilisée comme statut des filiales à l'intérieur des groupes. Le code de commerce ne prévoit pour ces sociétés que des obligations limitées (article L. 227-1 à L. 227-20) : possibilité d'un associé unique - ce qui constitue un paradoxe si l'on considère que le contrat de société repose sur la rencontre d'au moins deux volontés -, renvoi aux statuts pour la fixation des conditions de direction, seul étant prévu un président « investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société » (article L. 227-6), nombreuses dispositions facultatives telles que la désignation d'un commissaire aux comptes (article L. 227-9-1). En contrepartie de cette grande souplesse, les sociétés par actions simplifiées ne sont pas autorisées à faire appel public à l'épargne.
Les statuts des sociétés par actions simplifiées peuvent prévoir des organes collégiaux, à l'image des sociétés anonymes. Votre rapporteur s'est interrogé sur la possibilité de soumettre ces organes collégiaux, lorsqu'il en existe, à une obligation de représentation équilibrée. Il lui est apparu toutefois contraire à l'idée même de la société par actions simplifiée d'émettre des prescriptions pour la composition d'un éventuel conseil.
b) Les conseils d'administration et les conseils de surveillance, mais pas les directoires ni les comités du conseil
Les deux propositions de loi promeuvent une meilleure présence des femmes dans les conseils d'administration et conseils de surveillance. Elles ne visent pas d'autres instances des sociétés, par exemple les directoires, dans les sociétés anonymes de forme de nouvelle, ou bien les comités du conseil.
Le directoire constitue l'instance exécutive collégiale de la société anonyme de forme nouvelle. Il n'est donc pas de même nature qu'un conseil d'administration. De plus, dans certains cas, c'est un directeur général unique qui exerce les prérogatives du directoire.
Les grandes sociétés disposent souvent, aujourd'hui, de comités du conseil, composés de membres du conseil et chargés de préparer ses décisions. Ces comités ne sont pas prévus par la loi et rarement par les statuts eux-mêmes de la société. On observe ainsi des comités des nominations et des comités des rémunérations, les deux étant souvent fusionnés, ainsi que des comités d'audit et des comités des risques. Les comités des nominations sont chargés de préparer les futures nominations d'administrateurs.
On assiste dans les dernières années à un mouvement tendant à inscrire dans la loi l'existence de comités. Ce mouvement a commencé avec le comité d'audit (article L. 823-16), créé du fait de la transposition d'une directive européenne instituant ce comité, par l'ordonnance n° 2008-1278 du 8 décembre 2008 relative aux commissaires aux comptes.
Plus récemment, une proposition de loi a été adoptée par l'Assemblée nationale, le 20 octobre 2009, visant à institutionnaliser dans la loi un comité des rémunérations pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé et qui dépassent des seuils de chiffres d'affaires et d'effectifs fixés par décret 19 ( * ) . Ce comité serait ainsi « chargé de préparer les décisions du conseil d'administration sur les rémunérations des mandataires sociaux, notamment en formulant des recommandations sur la politique de rémunération, en particulier sur la définition et la mise en oeuvre des règles de fixation des éléments variables de la rémunération et des avantages de toute nature qui leur sont accordés ». Cette proposition de loi demeure à ce jour en instance de première lecture devant le Sénat.
Encore plus récemment, le projet de loi de régulation bancaire et financière, adopté le 1 er octobre 2010 par le Sénat en première lecture, institue dans le code monétaire et financier, pour les seuls établissements de crédit et assimilés, un comité des risques (article L. 511-46), dont les missions peuvent être accomplies par le comité d'audit, ainsi qu'un comité des rémunérations des mandataires sociaux et des professionnels des marchés financiers (article L. 511-41-1 A).
Compte tenu du nombre limité des membres des comités, souvent trois ou quatre seulement, avec des compétences ciblées en fonction du rôle du comité, il paraît peu envisageable d'y imposer une obligation de représentation équilibrée, d'autant que leur existence ne résulte pas de la loi. Pour autant, dès lors que les conseils seraient composés de façon plus équilibrée, et puisque les comités sont composés de membres du conseil, la composition des comités eux-mêmes devrait être rééquilibrée en moyenne.
* 19 Proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à rendre plus justes et plus transparentes les politiques de rémunérations des dirigeants d'entreprises et des opérateurs de marché, n° 1896, déposée le 2 septembre 2009.