TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITIONS DES MINISTRES
Audition d'Eric WOERTH, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique et Mmes Nadine MORANO, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité et Nora BERRA, secrétaire d'Etat chargée des aînés
Réunie le mercredi 27 octobre 2010 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente , la commission procède à l'audition d'Eric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique et Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité et Nora Berra, secrétaire d'Etat chargée des aînés sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
Muguette Dini , présidente . - Après le projet de loi sur les retraites, il nous faut nous attaquer au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Nous entendons donc ce matin Eric Woerth, Nadine Morano et Nora Berra.
Eric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique . - J'ai plaisir à vous retrouver après cette longue période d'interruption...
Le déficit des comptes sociaux, qui était de 23,1 milliards en 2010, sera ramené à 21 milliards en 2011. Les mesures du PLFSS reflètent nos orientations : rationalisation des dépenses, mais engagement pour les publics les plus fragiles.
La branche famille aurait connu un déficit de 3,2 milliards en 2011 mais nous l'avons contenu à 3 milliards grâce à deux mesures. La première consiste en une harmonisation des modes de calcul de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), dont il résultera une économie de 64 millions ; la seconde concerne l'allocation logement, désormais calculée à compter du dépôt de la demande, sans effet rétroactif de trois mois, soit une économie de 140 millions. On préserve le caractère social de ces aides sans en modifier les règles d'accès et, dans le même temps, 200 000 places d'accueil pour les jeunes enfants seront créées, grâce à 1,3 milliard d'argent public accordé entre 2009 et 2012 dans le cadre d'une convention avec la Cnaf.
Pour le secteur médico-social, notre volonté se traduit par une hausse de l'Ondam pour 2011 de 3,8 %, ce qui est significatif. Nous changeons le mode de calcul et abandonnons une comptabilité d'engagement pour être plus près des réalités, c'est-à-dire de la création des places. Pour 2010, nous proposons de restituer 100 millions à l'assurance maladie : les maintenir à la CNSA ne créerait aucune place supplémentaire. Pour la première fois depuis 1997, nous respecterons l'Ondam en 2010. Le plan pour les personnes âgées se poursuit et le plan Alzheimer, qui commence à se traduire sur le terrain, reste une priorité.
Le sujet des retraites a été largement abordé. Le déficit de la branche vieillesse s'établira à 6,9 milliards d'euros, celui du FSV à 3,9 milliards. La réforme qui vient d'être adoptée évitera que le déficit de la branche passe à 10 milliards d'euros. Les mesures de recettes sont efficaces immédiatement alors que les mesures d'âge produisent progressivement leurs effets. Les premières dégageront 3,5 milliards d'euros, dont 3,2 milliards seront affectés à la Cnav. Sur le produit des mesures d'âge, soit 1,7 milliard d'euros, 200 millions iront au FSV.
La mesure clef pour la branche AT-MP est l'allongement du délai de prescription pour les dossiers des victimes de l'amiante. La Cour de cassation ayant mis en évidence un vide juridique, nous avons porté le délai de prescription de quatre à dix ans et prévu que les personnes qui avaient été touchées par le délai de quatre ans disposeront de deux années supplémentaires. Nous avons prévu un point de départ identique pour toutes les victimes, sans distinguer les contaminations au travail ou environnementales. Nous avons cherché la meilleure date et cela reste notre intention.
Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité . - Le déficit de la branche famille sera de 2,6 milliards d'euros en 2010 et de 3,2 milliards en 2011. Nous avons choisi de préserver une politique familiale ambitieuse et généreuse : je signerai très prochainement les arrêtés revalorisant les prestations familiales de 1,5 %. Nous consacrons 100 milliards d'euros à la politique familiale, soit 5,1 points de Pib.
Les mesures techniques d'harmonisation seront source d'économies. La suppression de la rétroactivité pour le versement de l'allocation logement représente 240 millions. Cette allocation, de 219 euros en moyenne, bénéficie à 6 290 000 personnes. La Paje sera versée à compter du mois suivant la naissance, ce qui dégagera un gain de 64 millions. Environ 800 000 personnes sont concernées. Les autres aides - prime pour la naissance, de 889 euros, Paje ou complément de libre choix de mode de garde - représentent 12,1 millions.
Nous avons signé une convention d'objectifs et de gestion avec la Cnaf pour augmenter l'offre de garde, grâce notamment aux récentes dispositions sur les assistants maternels. Enfin, l'augmentation du crédit d'impôt famille, de 25 % à 50 %, a favorisé la création de crèches d'entreprise. Nous tiendrons nos objectifs pour 2012.
L'Ondam pour les personnes handicapées connaîtra une progression de 3,3 % en 2011, après 2,8 % en 2010. Le Président de la République a confirmé, le 13 septembre dernier, devant les associations, qu'il n'y aurait pas d'économies dans le secteur du handicap : la solidarité sera totale. Le plan 2008-2012 prévoit l'ouverture de plus de 50 000 places ; nous avons pris de l'avance, et 45,5 % des places sont déjà notifiées. Les objectifs seront tenus en 2011, avec 4 600 places, dont 1 046 pour enfants.
Nous relevons le plafond de ressources de l'aide à la complémentaire santé pour éviter que les bénéficiaires de l'allocation adultes handicapés (AAH) n'en soient exclus. C'est un effort de 23 millions en 2011, de 45 millions en 2012 et de 82 millions en 2013 pour l'assurance maladie. Pour éviter la désinsertion professionnelle, les personnes en arrêt de travail à la suite d'un accident non professionnel pourront accéder à des actions de formation professionnelle tout en percevant des indemnités journalières. Enfin, nous créons quarante groupes d'entraide mutuelle (Gem), consacrés à l'accueil des personnes handicapées à la suite d'un traumatisme crânien.
Bref, nous vous présentons un budget de responsabilité, qui maintient les prestations familiales et où la solidarité envers les personnes handicapées est totale.
Nora Berra, secrétaire d'Etat chargée des aînés . - Preuve que le secteur médico-social est une de nos priorités, les crédits consacrés aux aînés sont en hausse de 4,4 %, avec 412 millions de mesures nouvelles. La moindre progression par rapport aux années précédentes s'explique par le changement du mode de financement du médico-social. Il s'agit d'éviter les excédents de la CNSA tout en maintenant l'engagement de la Nation envers les plus fragiles.
Dans le cadre du plan solidarité grand âge, les ouvertures de places se poursuivront en 2011 : nous avons atteint 91 % des objectifs initiaux, avec 85 000 places financées sur les 93 000 prévues. Il faudra toutefois veiller à l'équilibre entre hébergement et soins à domicile. Enfin, nous ouvrons 80 000 places en maisons de retraite médicalisées.
Dans le cadre du plan Alzheimer, trente-cinq nouvelles maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer (Maia) seront ouvertes en 2011, en sus des dix-sept en cours d'expérimentation. Pour diversifier l'appui aux aidants familiaux, soixante-quinze plateformes de répit seront déployées. Nous renforçons les pôles d'activités et de soins adaptés (Pasa), les services de soins infirmiers à domicile, l'accueil de jour, l'hébergement temporaire.
Pour le médico-social, 2011 sera une année de maturité, avec un cercle de financement vertueux : crédits votés en loi de financement de la sécurité sociale, gérés par la CNSA, engagés par l'ARS.
Gérard Dériot , rapporteur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles . - L'allongement des délais de prescription pour l'indemnisation des victimes de l'amiante est une mesure de justice. Le délai courra à compter du premier certificat médical : s'agit-il de la première visite chez le médecin traitant ? La loi Hyest le faisait courir à compter la date de consolidation. N'est-ce pas préférable ?
Jean-Pierre Godefroy . - L'allongement du délai de prescription est une bonne chose. Mieux vaut toutefois s'en tenir à la date du premier certificat médical car la date de consolidation de la maladie est difficile à établir.
Je regrette que l'on n'ouvre pas de voie d'accès individuelle à l'indemnisation, comme le réclament les associations et comme le préconise le rapport Le Garrec. Un amendement de l'Assemblée nationale prévoit de combiner liste des métiers et liste des secteurs à risque. Comment combiner les deux critères ? Il faut prendre en compte les personnes qui ont travaillé dans une entreprise exposée sans en être salariés.
Eric Woerth, ministre . - Je suis d'accord avec M. Godefroy, une fois n'est pas coutume : la date du premier certificat est moins contestable que celle de la consolidation, qui pose un problème de définition juridique. En outre, attendre que la maladie se consolide suppose que l'on verse des avances entre-temps. Il peut y avoir un second certificat en fonction de l'évolution de la maladie : c'est sans doute un point à préciser.
Sur l'accès individuel au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), nous attendons le rapport de l'agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Il n'est pas si simple de mêler les deux critères, métier et entreprise.
Muguette Dini , présidente . - André Lardeux, notre rapporteur pour la famille, souhaite vous interroger sur le transfert de 0,28 point de CSG de la branche famille à la Cades, sachant que les compensations prévues ne sont pas pérennes. Est-il judicieux de fragiliser ainsi la branche famille et, partant, la jeunesse, pour rembourser la dette ? Pourquoi ne pas augmenter la CSG et la CRDS dès cette année ?
André Lardeux demande également si les prêts pour l'amélioration de l'habitat ouverts aux assistantes maternelles s'appliquent aux maisons d'assistantes maternelles (Mam). Le décret du 9 juin 2010 exclut de son bénéfice les assistantes maternelles qui n'exercent pas à domicile. Comment comptez-vous résoudre ce problème ?
Dominique Leclerc , rapporteur pour l'assurance vieillesse . - Nous serons très attentifs au financement de la réforme des retraites, qui s'étalera sur les deux lois de finances, avec des nouvelles dispositions fiscales pour 1 milliard d'euros. Cette année, les mesures d'âge rapporteront 200 millions. Le fonds de solidarité vieillesse (FSV) se verra affecter les 3 à 4 milliards restants. La branche vieillesse percevra également le produit du rabotage des niches.
Alain Vasselle , rapporteur général . - Devons-nous interroger M. Baroin sur le financement ? La branche famille va se trouver fragilisée : moins 2,6 milliards en 2010, moins 3,2 en 2011. Il est curieux de financer la Cades en affaiblissant la branche famille alors que celle-ci est en difficulté... Pouvez-vous nous rassurer sur la dynamique de la recette venant du panier fiscal qui alimentera la branche famille ?
Quelles sont les conséquences de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) pour les conseils généraux ? Le Président de la République a annoncé une réforme avant la fin de l'année : qu'en est-il ? Quel en sera le contenu ? La solvabilisation des personnes atteintes de maladies neuro-dégénératives nécessite des moyens supplémentaires et un meilleur équilibre entre la contribution de l'Etat et celle des départements.
S'agissant des personnes handicapées, l'objectif est-il de maintenir l'aide à la complémentaire santé au niveau actuel ou d'ouvrir à tous le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) ? Dans sa grande générosité, Mme Aubry, alors ministre, en avait exclu les bénéficiaires de minima sociaux ! Ceux-ci n'ont qu'un crédit d'impôt, que l'on n'obtient qu'au terme de multiples démarches administratives, véritable parcours du combattant pour les familles. Il faut absolument simplifier les choses.
Enfin, et je reviens année après année sur ces deux points, sans que rien ne bouge en dépit des engagements des ministres successifs :
- la question de la présidence du conseil de la vie sociale n'est toujours pas réglée : est-il légitime qu'elle soit confiée, dans certains établissements, à des handicapés mentaux qui ne peuvent évidemment l'assurer eux-mêmes ? ;
- la maltraitance passive des handicapés perdure : certains règlements intérieurs interdisent aux adultes de quitter l'établissement plus de quarante-cinq jours par an, pour des questions purement financières : c'est insupportable de les priver ainsi de retourner dans leur famille lorsqu'ils ont la chance d'être entourés ! L'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) n'est accordée que si l'adulte a quitté l'établissement un minimum de huit jours. Je fais, cette année encore, appel au dynamisme et à la ténacité de Mme Morano pour mettre un terme à ces iniquités.
Sylvie Desmarescaux , rapporteur pour le secteur médico-social . - Je salue la décision de la CNSA de débloquer une enveloppe de 60 millions d'euros pour permettre de faire face à des besoins qui avaient été sous-évalués pour 2010.
S'agissant de la réforme de la dépendance, que pensez-vous de la proposition récemment émise de créer une nouvelle journée de solidarité, prise sur les RTT ? Pourquoi ne pas aligner, dès la loi de financement pour 2011, le taux de CSG applicable aux retraités imposables sur celui des actifs ? Quel sera le calendrier de cette réforme ?
L'amendement de l'Assemblée nationale prolongeant l'expérimentation de la réintégration des médicaments dans le forfait soins des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est positif, mais pourriez-vous nous préciser les difficultés qui empêchent aujourd'hui sa généralisation ? Pourquoi les parlementaires n'ont-ils pas reçu le rapport d'étape de l'Igas ? Serait-il possible d'en disposer ?
La hausse de l'Ondam médico-social est moins importante que les années passées à cause des nouvelles méthodes de construction, soit. Mais les réserves de la CNSA financent l'investissement dans la réhabilitation d'établissements et l'action de la CNSA est souvent déterminante pour décider les autres financeurs... Comment pourra-t-elle continuer à mettre en place des plans d'aide à l'investissement ?
Pourquoi le Gouvernement refuse-t-il de prendre en compte dans la tarification le différentiel de charges des établissements privés lucratifs ou non lucratifs, différentiel dont l'existence est avérée ?
Enfin, un amendement de l'Assemblée nationale prévoit que les groupements de coopération sanitaire (GCS) prévus par la récente loi HPST n'ont pas le statut d'établissements médico-sociaux. Le Gouvernement va-t-il l'accepter ?
Alain Gournac . - Je regrette l'horaire qui nous est imposé pour cette audition et le peu de temps à consacrer à un sujet aussi important.
Muguette Dini , présidente . - Tous les commissaires comprendront que le ministre ne pouvait être auditionné en même temps qu'il assurait, en séance publique pendant trois semaines, la défense du projet de loi sur les retraites.
Alain Gournac . - Je salue la politique familiale du Gouvernement. De plus en plus de femmes travaillent et peinent à faire garder leurs enfants. Les assistantes maternelles sont souvent très isolées : il faut multiplier les maisons de l'enfance.
Le plan Alzheimer prend un bon départ. Oui à l'ouverture de places pour les personnes handicapées, mais attention à certaines situations qui sont à la limite de la maltraitance. Je salue les avancées du plan solidarité grand âge. Il faut toutefois mieux équilibrer hébergement et soins à domicile car la demande est considérable.
Enfin, oui à l'aide aux hôpitaux mal gérés, mais ne pénalisons pas ceux qui sont bien gérés !
Guy Fischer . - Vous avez voté la loi HPST !
Catherine Procaccia . - Quand commence le grand âge ? Est-ce une question d'âge ou d'état de santé ? Vous proposez de rééquilibrer les aides vers les soins à domicile, mais comment maintenir au domicile des personnes très dépendantes ?
Enfin, quelle est la part respective des collectivités locales et de l'Etat dans le financement des places en établissement ?
Claude Jeannerot . - N'y a-t-il d'autre choix que de redéployer l'excédent de la CNSA vers l'assurance maladie ? Sur les 15 millions que coûte l'allocation de compensation du handicap dans le Doubs, la CNSA n'en rembourse que 5. Ne pourrait-on redéployer ces excédents en direction des départements déficitaires ?
Quel est le calendrier du plan dépendance ? Avez-vous arrêté des principes de nature à éclairer les dispositions à venir ?
Paul Blanc . - Qu'en est-il du renouvellement des conventions tripartites dans les Ehpad ? La région Languedoc-Roussillon dit manquer de crédits pour renouveler la convention !
Par ailleurs, pourquoi n'avoir pas basculé plus tôt les crédits de la CNSA pour abonder la prestation de compensation du handicap (PCH) ?
Marc Laménie . - Quelle est l'évolution de l'allocation logement ? Quelles sont les perspectives pour la mise en place du cinquième risque ?
Guy Fischer . - Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoit une économie de 2,4 milliards sur les dépenses d'assurance maladie, et de 7,2 milliards pour l'ensemble des branches. Cela nous inquiète. Le Gouvernement cherche à rétablir l'équilibre des comptes sociaux pour rentrer dans les clous du pacte de stabilité mais siphonne pour ce faire le fonds de réserve des retraites (FRR), la branche famille et la CNSA !
Combien d'emplois seront supprimés au sein des caisses ? On parle de six mille... La proximité entre les assurés et les organismes ne peut qu'en pâtir.
Jean-Louis Lorrain . - La Maia implantée en Alsace est un succès. Le concept d'intégration devrait être étendu à l'enfance en danger, au handicap, à l'insertion. Les conseils généraux sont codécideurs, mais aussi porteurs de projets. Quels partenariats peuvent-ils nouer ? Les groupes d'entraide mutuelle (Gem) sont-ils la meilleure solution ?
Gisèle Printz . - Ma question porte sur l'égalité professionnelle hommes-femmes. Le projet de loi sur les retraites a prévu une pénalité pour les entreprises défaillantes en la matière. Comment ces sanctions seront-elles mises en place et à quoi servira l'argent ainsi récolté ?
Yves Daudigny . - Je veux enfoncer le clou concernant le cinquième risque : il est urgent d'agir, tous les présidents de conseils généraux le disent. Il serait de bonne politique de réaffecter les 100 millions d'excédents de l'Ondam médico-social au financement de l'Apa et de la PCH, plutôt que de les restituer à l'assurance maladie.
Enfin, le Figaro souligne la dégradation de la mortalité infantile en France : notre pays est passé du cinquième au quatorzième rang en Europe en la matière. Avez-vous un éclairage à apporter sur ce chiffre étonnant ?
Isabelle Debré . - Quels seront les principes retenus pour le plan dépendance ? Il faut tout faire pour favoriser le maintien à domicile : c'est important psychologiquement pour les personnes et ce n'est pas non plus un mauvais calcul financier.
Annie Jarraud-Vergnolle . - Le décalage dans le versement de la Paje aura un effet sur la trésorerie en 2011, mais après ? Idem pour l'ouverture de places dans les établissements médico-sociaux : on réalise des économies en 2011, mais après ? Pourquoi ne pas rechercher des financements complémentaires en augmentant la CSG ou la CRDS pour répondre aux besoins croissants de la CNSA ? Vous faites porter le poids de l'Apa et de la PCH aux seuls départements !
Bernard Cazeau . - Les syndicats de médecins dénoncent la volonté de maîtrise comptable qui fixe l'Ondam à 2,9 %, alors que les dépenses de maladie progressent de plus de 4 % par an et ne vont faire qu'augmenter avec le vieillissement de la population : une personne de quatre-vingts ans consomme six fois plus de soins de santé qu'une personne de vingt ans, et deux fois plus qu'une personne de soixante-dix ans.
Quelles seront les conséquences pour les hôpitaux ? Les revalorisations promises au personnel infirmier signifient-elles la suppression d'emplois ? La pente naturelle d'augmentation de l'Ondam pour l'hôpital est de 3,6 points par an.
Annie David . - Comment les nouveaux modes de garde seront-ils répartis sur le territoire ? Il ne faut pas oublier les territoires ruraux où la demande est grande.
Quelle est la part du financement de l'Etat dans les Maia ?
Je regrette qu'il n'ait pas été question de recettes nouvelles, notamment pour financer la prévention des accidents du travail et maladies professionnelle. Ceux-ci sont trop souvent sous-déclarés. Quelles pénalités pouvez-vous imposer aux entreprises qui n'ont pas rempli leurs obligations en matière de prévention des accidents du travail et de la pénibilité ?
Eric Woerth, ministre . - MM. Lardeux et Vasselle m'ont interrogé sur la solidité du financement de la branche vieillesse. La Cades reçoit désormais des recettes solides mais cela ne revient pas à fragiliser la branche famille puisque celle-ci va d'abord percevoir différentes taxes, qui devaient initialement aller à la Cades. Cela dit, tout cela va encore évoluer car il était prévu que le produit de ces taxes devait baisser en 2013. L'Etat garantit donc le financement en lui affectant les économies réalisées sur diverses niches. Nous supprimons, pour tenir compte des réserves exprimées, le « panier de recettes » affecté au financement de la sécurité sociale : les mesures fiscales seront affectées directement aux branches. Je vous renvoie à M. Baroin sur ce point. Nul doute que vous serez vigilants.
Concernant les 100 millions d'excédent, il n'y avait pas d'autre choix possible : la CNSA étant financée de façon étanche par l'assurance maladie, il est logique que les crédits qui ne sont pas dépensés reviennent à l'assurance maladie. Il n'y a pas lieu de prendre sur ces fonds pour palier les difficultés de gestion des départements.
Yves Daudigny . - L'objectif global des dépenses médico-sociales (OGD) est constitué pour 1,3 milliard de recettes propres. Il suffirait de passer à 1,2 milliard pour retrouver ces 100 millions !
Eric Woerth, ministre . - La question du cinquième risque a déjà été défrichée par divers rapports parlementaires. Pour l'heure, aucune piste n'est privilégiée : le débat doit avoir lieu. Le Président de la République a indiqué qu'il l'ouvrirait une fois la réforme des retraites passée.
Les conventions d'objectifs et de gestion appliquent aux salariés des organismes de sécurité sociale la règle du non-renouvellement d'un départ sur deux. Les transferts ou augmentations de charges, comme la création du RSA, ont toutefois été accompagnés de créations de postes.
L'effet rétroactif de l'allocation logement n'est pas justifié : il faut harmoniser les différentes prestations.
La pénalité de 1 % pour non-respect de l'égalité salariale, prévu dans la loi retraites, sera affectée à la Cnav.
Le financement de l'hôpital relève de la compétence de Roselyne Bachelot-Narquin. Les hôpitaux sont moins nombreux à être déficitaires. La progression de l'Ondam n'est pas une fatalité : 2,9 %, c'est déjà bien en période de sortie de crise, a fortiori 3,8 % pour le médico-social et 4 % pour les personnes âgées.
Les sous-déclarations des accidents du travail et maladies professionnelles sont compensées via une contribution spécifique de 710 millions par an de la branche AT-MP à l'assurance vieillesse.
Enfin, il est prévu que la masse salariale augmente de 2,9 % en 2011, contre 2 % en 2010.
Nadine Morano, secrétaire d'Etat . - Les assistantes maternelles bénéficient d'un prêt à taux zéro de 10 000 euros pour aménager leur habitat si elles travaillent à domicile. Les regroupements ne peuvent en bénéficier car cette aide ne peut être allouée pour un local loué ou mis à disposition par la mairie. Une piste serait de créer un fond pour subventionner les collectivités mettant un local à disposition des Mam, des opérations petite enfance ou des pôles d'excellence rurale. À partir de 2011, la dotation d'équipement des territoires ruraux subventionnera les projets d'investissement. Les Mam, particulièrement adaptées aux territoires ruraux, pourraient être désignées comme investissement prioritaire. Enfin, un prêt à taux zéro pourrait être ouvert aux Mam constituées en association, sans qu'il soit besoin de passer par une loi.
Nous relevons le plafond pour l'accès à la complémentaire santé de 761 à 799 euros pour suivre l'augmentation de 25 % de l'AAH : il y aura 294 000 bénéficiaires supplémentaires fin 2012.
Je confirme à Alain Vasselle que les textes ne permettent pas à une personne handicapée mentale de présider le conseil de vie sociale. La DDASS est intervenue dans votre département. Si le problème n'a pas été résolu, je m'en occuperai personnellement.
L'extension de la PCH aux aides humaines coûterait 200 millions aux départements. Cela relève du débat sur la dépendance. Certains départements, dont le mien, ont été surdotés. Divers projets sont à l'étude concernant les aides ménagères ; la PCH a rendu de grands services.
Il faut regarder de près les cas de maltraitance affective que vous évoquez.
Les procédures administratives pour les personnes handicapées ont déjà été simplifiées, mais il faut aller plus loin, et créer un groupe de travail dédié. Je serai attentive à vos propositions.
L'Etat consacre 1,3 milliard à l'accueil individuel. Nous développons les relais-accueil petite enfance et consacrons 2,9 milliards par an aux prestations comme le contrat enfance et jeunesse ou la prestation de service unique (PSU). Le site internet www.mon-enfant.fr , qui sera amélioré en 2011, offre aux familles une carte recensant les modes de garde disponibles sur le territoire en temps réel.
Au passage, j'en profite pour signaler combien je regrette que certains départements adoptent une posture politicienne en refusant d'accorder le quatrième agrément aux assistantes maternelles. C'est fort dommageable pour les familles. Idem pour la création de jardins d'éveil, dont un rapport a pourtant démontré l'intérêt pour le développement du langage des jeunes enfants.
Guy Fischer . - Vous fermez les maternelles !
Annie David . - Si l'Etat mettait de l'argent...
Nadine Morano, secrétaire d'Etat . - Je confirme que l'Etat participe à ces projets à la hauteur de ses engagements. Je vous invite à vous emparer du dispositif.
L'alignement des prestations sera source d'économies pérennes : ce n'est pas un fusil à un coup, un one shot.
Guy Fischer . - Bref, on pourra toujours gagner des sous !
Nadine Morano, secrétaire d'Etat . - C'est une bonne gestion !
Le Président de la République a été clair : nous aurons un grand débat sur la dépendance.
Monsieur Lorrain, les Gem sont la meilleure solution pour les traumatisés crâniens.
Sur la mortalité infantile, monsieur Daudigny, je vous répondrai par écrit.
Nora Berra, secrétaire d'Etat . - L'intégration des médicaments dans le forfait soins est aujourd'hui en cours d'expérimentation. L'étude ayant démarré avec un an de retard, nous poursuivons l'expérimentation jusqu'à fin 2012. Je vous transmettrai le rapport d'étape.
Les excédents de la CNSA servent en effet à financer des investissements. Nous essaierons de pérenniser une ligne budgétaire pour poursuivre les investissements.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement sur le différentiel de charges : la nouvelle allocation des ressources vise à éviter les conséquences de ces écarts de charge. Nous responsabilisons les établissements.
Les groupements de coopération sociaux et médico-sociaux n'auront pas le statut d'établissement : nous sommes dans une logique de groupements de moyens, pas d'établissements.
Paul Blanc . - Très bien.
Nora Berra, secrétaire d'Etat . - Le grand âge n'est pas une question d'années mais d'aptitudes, d'autonomie physique et mentale. C'est la question de la dépendance qui est posée.
La CNSA a débloqué 60 millions supplémentaires, soit 90 millions en tout, pour le renouvellement des conventions tripartites.
Paul Blanc . - Ils ne sont pas arrivés jusqu'à Montpellier !
Nora Berra, secrétaire d'Etat . - Les Maia sont financées par la contribution solidarité à l'autonomie à hauteur de 12,2 millions. Chacune recrute un pilote et trois coordonnateurs de cas complexes. Les conseils généraux peuvent tout à fait conventionner pour se constituer en Maia.
La question du cinquième risque et de la dépendance ne se réduit pas à la réforme de l'Apa. La prévention de la dépendance passe par l'amélioration des conditions de vie. Nos aînés souhaitent rester chez eux le plus longtemps possible ; ils vieilliront mieux dans leur environnement. Il n'y a pas là de calcul financier : le maintien à domicile revient beaucoup plus cher que le placement en établissement ! Mais il faut retenir la réponse la plus appropriée pour l'autonomie de la personne. Nous n'avons pas de scénario tout prêt : la réforme de la prise en charge de la dépendance sera le fruit de la concertation, que le Président de la République ouvrira dès la réforme des retraites achevée. Le débat durera six mois, le temps d'évaluer tous les dispositifs. Je ne suis pas favorable à une deuxième journée de solidarité : de telles mesurettes ne suffiront pas pour financer la dépendance, il faut réfléchir à des financements innovants. L'Apa représente aujourd'hui 5 milliards : en 2040, ce sera 13 milliards ! Il faut mettre les choses à plat.