Article 17 (art. L. 731-15 et L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, art. L. 136-4 et L. 136-6 du code de la sécurité sociale) Prise en compte dans les revenus professionnels des non-salariés agricoles des revenus tirés de la mise en location des terres et des biens conservés dans le patrimoine privé et utilisés pour les besoins de leur activité professionnelle
Objet : Cet article tend à empêcher le cumul pour un non-salarié agricole de la déduction du revenu cadastral et de la déduction d'un loyer au titre du bénéfice imposable servant d'assiette aux cotisations.
I - Le dispositif proposé
Selon l'exposé des motifs du projet de loi, la mesure proposée vise à réintégrer dans l'assiette sociale les revenus des loyers tirés des biens gardés dans le patrimoine privé et utilisés pour l'activité professionnelle agricole. Il s'agirait de la transposition dans la sphère agricole d'une mesure introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 qui avait prévu d'intégrer les revenus de la mise en location gérance d'un fonds de commerce dans l'assiette sociale des non-salariés non agricoles ainsi que dans l'assiette salaire des membres de sociétés.
Selon l'étude d'impact, les montages juridiques sociétaires se multiplient actuellement pour permettre à des non-salariés agricoles de faire sortir certains revenus de leur assiette de cotisations sociales.
Ainsi, lorsqu'un entrepreneur de terres agricoles crée une société au sein de laquelle il a le statut de gérant non-salarié, s'il loue à cette société les biens meubles et immeubles nécessaires à l'exercice de son activité et reçoit une contrepartie des redevances, celles-ci sont imposées au titre des bénéfices industriels et commerciaux et n'entrent donc pas dans l'assiette sociale des non-salariés agricoles.
Par ailleurs, l'étude d'impact relève que la Cour administrative d'appel de Nantes a récemment admis qu'un exploitant agricole puisse déduire de son bénéfice agricole imposable les loyers affectés aux terres qu'il conserve dans son patrimoine privé tout en les utilisant pour son activité professionnelle. Cette jurisprudence est susceptible de minorer l'assiette des cotisations à raison des loyers afférents aux terres conservées dans le patrimoine privé, mais néanmoins affectées à l'exploitation agricole.
L'objet de l'article est donc de prévoir l'intégration, au sein des revenus professionnels agricoles soumis à cotisations, des revenus perçus par le chef d'exploitation ou d'entreprise agricole en contrepartie de la location des terres, biens immobiliers à utilisation agricole et biens mobiliers qui lui sont attachés, lorsque ces terres et biens sont mis à la disposition d'une exploitation ou entreprise agricole sous forme individuelle ou sociétaire, aux travaux de laquelle il participe effectivement.
Toutefois, cette majoration ne sera pas appliquée lorsque le chef d'exploitation ou d'entreprise agricole ne procède pas à la déduction du revenu cadastral des terres prévu à l'article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime.
L'article L. 731-14, issu de la loi d'orientation agricole de 1995, permet en effet aux chefs d'exploitation agricole à titre individuel de déduire, sur option, de leurs revenus, le montant du revenu cadastral des terres mises en valeur par ladite exploitation et dont ils sont propriétaires. La même disposition est applicable aux associés, personnes physiques des sociétés, pour les terres mises en valeur pour ces sociétés lorsque celles-ci sont inscrites à l'actif de leur bilan.
Le 1° du paragraphe I tend à insérer la disposition qui vient d'être présentée à l'article L. 731-15 du code rural et de la pêche maritime relatif à l'énumération des revenus professionnels des non-salariés agricoles pris en compte pour la détermination des cotisations dues au régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles ;
Le 2° tend à opérer le même ajout au sein de l'article L. 741-10 du même code, relatif à l'assiette des cotisations des salariés des professions agricoles.
Le 1° du paragraphe II tend à prévoir la même mesure à l'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale, relatif aux revenus professionnels soumis à la CSG.
Le 2° , par coordination, tend à faire figurer l'article L. 136-4 parmi les articles mentionnés à l'article L. 136-6, dont l'objet est d'exonérer de CSG sur les revenus du patrimoine les revenus fonciers des personnes physiques ayant déjà supporté la CSG sur les revenus du travail ou les revenus de placement.
Le paragraphe III prévoit que les nouvelles dispositions sont applicables aux revenus perçus à compter du 1 er janvier 2011.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a inséré dans cet article une disposition supprimant un renvoi à l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime au sein du code de la sécurité sociale, ce renvoi étant devenu sans portée du fait des modifications successives des rédactions de l'article concerné.
III - La position de la commission
Il est rare d'observer un tel décalage entre l'exposé des motifs d'un texte et un dispositif. Présenté comme un moyen de lutter contre des montages sociétaires destinées à soustraire certains revenus de l'assiette des cotisations sociales, cet article ne concerne en réalité que les exploitants individuels. Son origine est bien davantage à rechercher dans l'évolution de la jurisprudence fiscale que dans la multiplication des montages sociétaires.
En matière de bénéfices industriels et commerciaux, il est admis que l'exploitant individuel dispose d'une liberté de choix pour répartir ses biens immobiliers entre son actif commercial et son patrimoine privé. Le Conseil d'Etat admet, dans ces conditions, que le contribuable qui conserve un immeuble dans son patrimoine privé tout en l'affectant à son activité industrielle, commerciale ou artisanale, est en droit de comprendre dans les charges de celle-ci des sommes correspondant au loyer normal de l'immeuble. Il s'ensuit que l'exploitant doit soumettre à l'impôt sur le revenu, le revenu fictif correspondant, dans la catégorie des revenus fonciers.
Le Conseil d'Etat a admis la même possibilité de déductibilité des loyers à soi-même pour les titulaires de bénéfices non commerciaux qui conservent un immeuble dans leur patrimoine privé tout en l'utilisant pour les besoins de leur activité professionnelle.
En matière de bénéfices agricoles, l'administration a toujours refusé d'autoriser la déduction d'un loyer afférent aux terres et installations agricoles maintenues dans le patrimoine privé. Le Gouvernement considérait en effet que les exploitants bénéficiaient déjà du dispositif spécifique de déduction de la « rente du sol » (déduction du revenu cadastral), qui permettait de pallier l'absence d'amortissement des terres agricoles.
Dans un récent arrêt du 6 avril 2010, la cour administrative d'appel de Nantes a cependant admis, en matière agricole comme en matière de BIC et de BNC, qu'un contribuable qui conserve un immeuble dans son patrimoine privé tout en l'affectant à l'exploitation de cette dernière, est en droit de comprendre dans les charges de celle-ci des sommes correspondant au loyer normal de cet immeuble.
Le Gouvernement a souhaité que cette jurisprudence ne porte pas atteinte à l'assiette des cotisations sociales agricoles et a donc proposé la mesure figurant au présent article consistant à intégrer les revenus concernés dans l'assiette des cotisations.
Toutefois, dès lors qu'existe déjà la disposition permettant de déduire de l'assiette des cotisations le revenu cadastral des terres que possède l'exploitant agricole et qu'il utilise pour son activité professionnelle, il a souhaité exclure de la réintégration proposée les revenus des exploitants qui n'ont pas choisi d'opter pour la déduction du revenu cadastral. Il a donc limité la réintégration aux cas de cumul entre les deux déductions.
Or, l'hypothèse d'un cumul de la déduction du revenu cadastral prévue à l'article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime et de la déduction des loyers correspondant aux terres conservées dans le patrimoine privé n'est possible que pour les exploitants individuels et non pour les sociétés. En effet, la déduction du revenu cadastral n'est autorisée pour les sociétés que si les terres concernées sont inscrites à l'actif du bilan de la société, ce qui interdit toute prise en compte d'un loyer.
Pour les exploitants individuels, cette restriction n'est pas prévue, de sorte qu'un propriétaire exploitant pourrait effectivement cumuler les deux déductions. La mesure proposée n'a donc en aucun cas pour objet de combattre des montages sociétaires destinés à réduire l'assiette des cotisations sociales.
Plutôt que d'interdire le cumul, il aurait été possible de n'ouvrir la déduction du revenu cadastral qu'aux seuls exploitants individuels dont les terres figurent à l'actif du bilan de l'exploitation.
Par ailleurs, le texte proposé prévoit l'application de la mesure non seulement aux non-salariés agricoles mais aussi aux salariés agricoles. Or, le cumul des deux déductions au titre des mêmes terres est impossible pour ces salariés puisque la déduction du revenu cadastral n'est ouverte qu'aux chefs d'exploitation agricole à titre individuel . En conséquence, la commission, sur proposition de son rapporteur général, a adopté un amendement supprimant les quatrième et cinquième alinéas du dispositif.
Elle vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.