Section 3 - Dispositions relatives aux dépenses d'accidents du travail et de maladies professionnelles
Article 49 (art. 53 de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001) Allongement du délai de prescription des actions devant le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante
Objet : Cet article propose de prolonger le délai de prescription pour les actions intentées par les victimes de l'amiante devant le Fiva.
I - Le dispositif proposé
Analyste précis et complet du régime juridique applicable au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), le président Pierre Sargos a résumé, dans un article récent 66 ( * ) du recueil Dalloz, les étapes de la détermination du délai de prescription applicable aux demandes des victimes de l'amiante.
En l'absence de disposition explicite dans l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, portant création du Fiva, c'est le conseil d'administration du fonds qui a déterminé le délai de prescription applicable. En se fondant sur le délai commun applicable à la prescription des demandes faites aux établissements publics de l'Etat 67 ( * ) , il l'a fixé à quatre ans après la consolidation du dommage, c'est-à-dire après le moment où, la situation médicale de la victime étant considérée comme stabilisée, le dommage subi peut être évalué. Cette consolidation était présumée pour les cancers cinq ans après le certificat médical initial ou le constat d'aggravation ; une exception était faite pour les plaques pleurales, les épaississements pleuraux et l'asbestose, considérés comme moins graves, et pour lesquels le point de départ du délai de prescription était le constat médical initial ou le constat d'aggravation.
Dans des arrêts rendus le 3 juin 2010, la Cour de cassation a aligné, pour l'ensemble des pathologies liées à l'amiante, le point de départ du délai de prescription au moment de la consolidation du dommage. Cette solution est cohérente avec l'évolution de la législation, et plus précisément avec l'article 2226 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, dite « loi Hyest » 68 ( * ) .
Bien qu'unifié autour d'un point de départ favorable aux victimes, le délai de prescription de quatre ans était cependant trop court pour permettre à toutes les victimes de faire utilement valoir leurs droits. Plus de six cents dossiers ont ainsi été rejetés par le Fiva en raison de la forclusion du délai et trois cents dossiers en attente sont susceptibles de connaître le même sort.
Le Gouvernement a donc décidé de prolonger le délai de prescription pour l'établir à dix ans, comme c'est le cas pour les actions en responsabilité de dommages corporels. Toutefois, il n'a pas retenu la consolidation du dommage comme point de départ. Ce choix, contraire aux orientations de la jurisprudence et de la loi Hyest, a été motivé par la recherche de l'équité entre victimes professionnelles et victimes environnementales de l'amiante. En effet, pour les victimes professionnelles, la consolidation du dommage est systématique. Elle se produit au moment où le médecin de caisse fixe le taux d'incapacité de la victime. A l'inverse, pour certaines victimes environnementales, le Gouvernement estime que la consolidation ne serait en fait acquise que lorsque le Fiva lui-même se sera prononcé sur le montant de l'indemnisation due. Dès lors que c'est la demande devant le Fiva qui ferait courir le délai de prescription, les demandes des victimes environnementales pourraient devenir de fait imprescriptibles. Pour éviter cette difficulté, le Gouvernement a donc choisi une voie moyenne entre le premier certificat médical et la consolidation du dommage pour déterminer le point de départ de la prescription. L'article 49 propose donc de faire courir le délai de dix ans à partir du premier certificat médical établissant un lien entre la pathologie et l'amiante. En effet, c'est uniquement si ce lien est établi que les victimes pourront avoir connaissance des droits qui sont les leurs en matière d'indemnisation.
Le 1° du paragraphe I met en place ce nouveau délai pour les victimes et pour leurs ayants-droit.
Le 2° complète le dispositif ouvrant aux victimes forcloses la possibilité de faire une nouvelle demande dans les trois ans. Pour celles qui n'auraient pas encore fait de demande, l'article prévoit que le premier certificat médical établissant le lien est réputé avoir été fait au plus tôt le 1 er janvier 2004, ce qui leur laisse la possibilité d'introduire leur demande jusqu'au 1 er janvier 2014.
Par ailleurs, le 3° précise les conséquences, en matière d'indemnisation des victimes, de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel à cet article.
III - La position de la commission
Votre commission approuve l'objectif poursuivi par cet article qui permettra de traiter les dossiers forclos ou en attente. Elle admet que la détermination du point de départ du délai peut être dérogatoire par rapport à la loi Hyest s'agissant d'un contentieux qui n'engage pas la responsabilité de l'employeur mais simplement l'indemnisation par un fond.
Sous réserve de la précision de la nature du recours lors de la séance publique, elle vous demande d'adopter cet article sans modification .
* 66 « Vers un retour aux désordres de la prescription ? A propos du PLFSS 2011 concernant le Fiva », Recueil Dalloz, 2010, p. 2374.
* 67 Prévu par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968.
* 68 Loi n° 2008-561.