ARTICLE 66 bis (nouveau) (Art. 265 bis du code des douanes) - Exonération de taxe intérieure de consommation pour le transport de marchandises par voie fluviale
Commentaire : le présent article a pour objet de défiscaliser l'usage du fioul domestique lorsqu'il est utilisé comme carburant pour le transport de marchandises à titre onéreux sur les voies navigables intérieures.
I. LE DROIT EXISTANT
La taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), dont le régime est codifié aux articles 265 et 265 bis du code des douanes , est la principale taxe supportée par les produits pétroliers. Celle-ci vise plusieurs produits dont la liste est commune aux 27 Etats membres de l'Union européenne.
Les tableaux B et C de l'article 265 du code des douanes précisent que seuls sont taxés les usages du fioul en tant que carburant ou combustible de chauffage .
En outre, la navigation intérieure fait partie des activités autorisées à utiliser pour carburant du fioul domestique dont le taux de TIPP est réduit par rapport à celui du gazole. Ce taux réduit s'élève actuellement à 5,66 euros par hectolitre.
L'exonération de TIPP pour le transport fluvial est autorisée par la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques de l'électricité (article 15-1-f).
II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le dispositif proposé vise à défiscaliser le fioul utilisé comme carburant, aujourd'hui taxé à 5,66 euros par hectolitre , afin d'exonérer le transport fluvial de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers.
A cet effet, le présent article complète le 1 de l'article 265 bis du code des douanes, relatif aux exonérations de TIC, par un alinéa.
Celui-ci dispose que l'exonération est applicable au fioul utilisé « comme carburant ou combustible pour le transport de marchandises à titre onéreux sur les voies navigables intérieures ».
L'exonération prévue ne concerne donc pas les bateaux de plaisance privés ni le transport de voyageurs.
D'après les informations transmises à votre rapporteur général, le coût de cette mesure , à niveau d'activité constant, est estimé à 3 millions par an.
L'Assemblée nationale a adopté cet article avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, qui a cependant introduit des modifications formelles à sa rédaction.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le régime actuel crée des distorsions de concurrence. En effet, en France métropolitaine, les différents bassins concernés par le transport de marchandises ne bénéficient pas des mêmes avantages sur le carburant.
Alors que les bateaux circulant sur la Moselle internationale et le Rhin sont exonérés de TIPP, ceux qui circulent sur les autres bassins français jouissent seulement d'un taux réduit de TIPP. L'existence de régimes différents entre les bassins français peut s'apprécier comme une rupture d'égalité.
En outre, il existe des différences de régimes fiscaux de TIPP entre les bassins français et ceux des voisins européens . Par exemple, la Belgique applique un taux d'imposition inférieur à 1,85 euro par hectolitre. De même, l'Allemagne et les Pays-Bas exonèrent le carburant de la TIPP. La compétitivité du transport fluvial français est donc limitée par rapport à celle des pavillons étrangers.
Dès lors, les différences existantes pénalisent les professionnels qui avitaillent leurs bateaux en France, ce qui défavorise aussi l'usage du transport fluvial, en France, par rapport aux autres modes de transport.
Le présent article vise avant tout à réduire les distorsions de concurrence existantes , alors que la mise en service du Canal Seine-Nord de l'Europe, qui doit relier la Seine et l'Oise à la Belgique et aux Pays-Bas, devrait être effective en 2016. Or, la Belgique comme les Pays-Bas pratiquent des taux de TIPP soit nuls, soit inférieurs à ceux pratiqués en France.
Dans ces conditions, on peut redouter que l'avitaillement des bateaux soit préférentiellement effectué à l'étranger. Il est donc urgent de remédier à cette distorsion de concurrence.
De plus, comme le rappelle le ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, l'attractivité des ports maritimes français dépend en grande partie de leur capacité à disposer d'une desserte compétitive de leur hinterland. L'exonération de la TIPP sur le carburant pour le transport fluvial éviterait de pénaliser la desserte fluviale des ports maritimes français et donc leur attractivité au bénéfice des ports concurrents (Benelux notamment).
La présente mesure vise aussi à augmenter la compétitivité du transport fluvial par rapport aux autres modes de transport , en limitant les charges qui pèsent dans ce secteur. Le carburant représente en effet un poste important du coût du transport fluvial de marchandises, soit près du tiers des coûts d'exploitation.
La loi relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement du 3 août 2009 a rappelé l'importance de développer le transport de marchandises par voie fluviale, en tant que mode de transport peu polluant et disposant encore d'un fort potentiel en terme de capacité.
Il convient donc de favoriser ce mode de transport , qui présente encore des handicaps par rapport au rail et à la route, notamment la compensation du surcoût naturel lié à la rupture de charge.
La détaxe proposée par le présent article constitue l'une des mesures susceptibles d'aider ce secteur à capter les marchés nécessaires en vue d'atteindre les objectifs fixés.
Le Sénat, à l'initiative de nos collègues Fabienne Keller et René Beaumont, a adopté dans le cadre de l'examen de la première partie un amendement identique, qui prévoit une application du dispositif dès 2011. Par coordination, il convient donc de supprimer le présent article, dont les dispositions n'entreraient en vigueur qu'en 2012.
Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.
ARTICLE 66 ter (nouveau) (Art. 553 bis du code général des impôts) - Application de la garantie de l'or en Guyane
Commentaire : le présent article vise à rendre applicable en Guyane les dispositions du code général des impôts relatives à la garantie des matières d'or, d'argent et de platine.
I. LE DROIT EXISTANT
Les articles 521 à 553 du code général des impôts (CGI) prévoient un dispositif de garantie des matières d'or, d'argent et de platine . En vertu de ces dispositions, tout fabricant de produits contenant ces matières précieuses doit, préalablement à leur commercialisation, y faire apposer un poinçon par l'administration ou par un organisme de contrôle agréé.
Ce poinçon garantit le titre de l'ouvrage , c'est-à-dire la quantité et la pureté de matière précieuse qu'il contient. L'obtention du poinçon donne lieu à la perception d'une contribution égale à 8 euros par ouvrage marqué pour les ouvrages d'or et de platine et à 4 euros par ouvrage en argent. Ces tarifs sont réduits à respectivement 2 euros et 1 euro dans les départements d'outre-mer.
Ce poinçon permet la traçabilité des matières précieuses . En outre, l'article 531 du code général des impôts prévoit qu'en cas de découverte, lors d'un contrôle, qu'un ouvrage poinçonné « est fourré de fer, de cuivre ou de toute autre matière étrangère » le propriétaire de l'ouvrage voit son dommage réparé par l'administration, s'il n'a pas commis de fraude.
Cette réglementation de la garantie des matières d'or date du XIII e siècle. Elle est applicable sur le territoire métropolitain et l'article 553 du CGI dispose qu'un décret doit l'étendre aux départements d'outre-mer.
Depuis 1971, elle est applicable en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion en vertu d'un décret du 1 er juillet 1971 152 ( * ) . Elle n'a toutefois jamais été étendue à la Guyane .
II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a pour objet, en l'absence de décret étendant cette réglementation à ce département, de rendre applicable en Guyane, à compter de la promulgation de la présente loi, le dispositif de la garantie des matières d'or, d'argent et de platine .
Il résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale, avec l' avis favorable du Gouvernement , de trois amendements identiques de sa commission des finances, du groupe socialiste et de notre collègue députée Christiane Taubira .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
L'extension à la Guyane de la réglementation relative à la garantie de matières précieuses, proposée par le présent article, est particulièrement bienvenue dans le contexte du développement de l'orpaillage clandestin dans ce département .
En effet, cette activité clandestine se trouve encouragée par la hausse du cours de l'or . Le cours, qui était de 500 dollars l'once au début de l'année 2006 a atteint un niveau moyen de 975 dollars l'once en 2009 et s'élève actuellement à plus de 1 300 dollars l'once. Cette hausse rend d'autant plus rentable l'orpaillage clandestin, constitue un facteur d'attractivité et donc de pression sur la ressource.
Les auteurs des amendements adoptés à l'Assemblée nationale rappellent que l'orpaillage clandestin en Guyane a des conséquences dramatiques :
- il détériore gravement l'environnement par l'usage de mercure pour récupérer l'or, ce qui aurait entraîné la pollution de 1 333 kilomètres de cours d'eau selon une étude de l'Office national des forêts de 2006 ;
- la présence de mercure nuit à la santé des populations locales, l'Organisation mondiale de la santé a constaté un taux d'imprégnation au mercure supérieur à la norme mondiale chez plus de 70 % des enfants amérindiens Wayanas du Haut Maroni ;
- la concurrence exercée par l'exploitation illégale de l'or produirait une perte de plus de 300 emplois directs pour la filière légale ;
- enfin, l'orpaillage clandestin attire des populations étrangères en situation irrégulière et favorise le développement de réseaux mafieux et de l'insécurité en Guyane.
Pour l'ensemble de ces raisons, l'application de la loi sur la garantie de l'or en Guyane est souhaitable . Elle devrait permettre que l'or produit et exporté à partir de la Guyane soit tracé, contribuant ainsi à assécher les réseaux et filières, en empêchant la vente légale de l'or provenant de l'orpaillage illégal .
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.
* 152 Décret n° 71-548 du 1 er juillet 1971 portant introduction de la réglementation de la garantie du titre des ouvrages d'or, d'argent et de platine dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion.