ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 57 (Art. 197 du code général des impôts) - Minoration de 10 % de la réduction d'impôt sur le revenu bénéficiant aux contribuables domiciliés dans les départements d'outre-mer

Commentaire : le présent article propose de minorer de 10 % la réduction du montant de l'impôt sur le revenu dont bénéficient les contribuables domiciliés dans les départements d'outre-mer.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UNE RÉDUCTION D'IMPÔT SUR LE REVENU SPÉCIFIQUE AUX QUATRE DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

L'article 197 du code général des impôts (CGI) définit le barème de l'impôt sur le revenu.

Le 3 de son I précise que le montant de l'impôt sur le revenu résultant de l'application du barème est réduit :

- de 30 % , dans la limite de 5 100 euros, pour les contribuables domiciliés dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion ;

- de 40 % , dans la limite de 6 700 euros, pour les contribuables domiciliés dans le département de la Guyane .

B. UNE RÉDUCTION AU COÛT CROISSANT, DONT L'AMPLEUR NE SE JUSTIFIE PLUS

1. Un coût croissant

D'après les informations recueillies par votre rapporteur général, le coût prévisionnel de cette réduction d'impôt pour l'année 2011 est estimé à 290 millions d'euros , pour 470 000 ménages bénéficiaires , soit une réduction d'impôts moyenne de 617 euros par ménage.

En 2001, le coût du dispositif était évalué à 190 millions d'euros, soit une augmentation de plus de 50 % en dix ans .

2. Une réduction d'une ampleur qui ne se justifie plus

Ces réductions d'impôt sont issues de l'article 3 de la loi du 21 décembre 1960 11 ( * ) ayant transposé dans les départements d'outre-mer (DOM) les dispositions de la loi de 1959 créant l'impôt sur le revenu des personnes physiques 12 ( * ) .

D'après les informations recueillies par votre rapporteur général, l'objectif de la loi du 21 décembre 1960 était de faciliter l'introduction de la législation métropolitaine dans les DOM en adaptant le nouveau régime fiscal à chacun des DOM, compte tenu de sa situation économique propre et des nécessités de son développement. Il fallait notamment tenir compte du coût de la vie dans ces départements et faciliter le recrutement des cadres et des techniciens nécessaires à leur développement.

Le plafonnement de ces réductions d'impôts a été introduit à compter de l'imposition des revenus de 1980. Ce plafond évoluait, chaque année, comme la limite supérieure de la dernière tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Cette indexation a été supprimée à compter de l'imposition des revenus de 1991.

Les deux motifs ayant conduit à instaurer ces réductions d'impôts sont aujourd'hui obsolètes.

D'une part, l'application de la législation dans les DOM ne pose plus, à l'heure actuelle, de problème particulier . Les services déconcentrés de l'Etat et les structures des collectivités locales fonctionnent dans des conditions identiques à celles en vigueur en métropole.

D'autre part, la mesure de l'écart du coût de la vie fait apparaître un différentiel largement inférieur aux taux de réduction d'impôt pratiqués . La mission commune d'information du Sénat sur la situation des DOM, présidée par notre collègue Serge Larcher, avait regretté les difficultés rencontrées pour comparer de manière fiable le niveau des prix dans les DOM et en métropole. Elle avait indiqué « attendre sur ce point beaucoup des travaux qui vont être conduits par l'Insee à la demande du Gouvernement, qui devraient donner lieu en 2010 à la présentation d'un rapport sur la comparaison des prix avec la métropole » 13 ( * ) .

L'Insee a depuis mené ce travail de comparaison 14 ( * ) . Il a conclu au fait que, « en 2010, les prix sont plus élevés dans les départements d'outre-mer qu'en France métropolitaine, de + 13 % en Guyane à + 6 % à La Réunion ». Même en prenant pour référence un panier de consommation métropolitain, c'est-à-dire sans adapter la consommation des ménages à la réalité des DOM, le différentiel entre les prix pratiqués n'atteint pas le niveau des réductions d'impôts puisqu'il varie entre 12,4 % pour La Réunion à 19,6 % en Guyane.

3. Une mesure qui s'ajoute aux majorations de rémunérations

S'ajoute à ce constat le fait que les fonctionnaires travaillant en outre-mer bénéficient , en vertu d'une loi du 3 avril 1950, de majoration des rémunérations consistant en l'application d'un coefficient multiplicateur au traitement brut versé à l'agent. Ce coefficient s'élève à 1,4 pour la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique, et à 1,53 pour La Réunion. Or, comme le relevait le rapport précité de la mission commune d'information, « la surrémunération des fonctionnaires ne doit répondre qu'à un objectif de « compensation » du différentiel de coût de la vie dans les DOM par rapport à la métropole. Or, ainsi que la mission a pu le relever au cours de ses travaux, les majorations de traitement octroyées par l'État à ses agents vont bien au-delà d'une simple « compensation ». Elles ont, de ce fait, un effet néfaste sur les mécanismes de formation des prix et créent par ailleurs une inégalité durement ressentie entre la fonction publique et l'ensemble des salariés du secteur privé ».

Ces majorations, initialement prévues pour les seuls fonctionnaires d'Etat, ont été étendues aux agents des collectivités territoriales et pèsent lourdement sur les budgets locaux. Elles exercent également une pression à la hausse sur les salaires pratiqués dans le secteur privé et sont préjudiciables à l'économie des DOM. La mission commune d'information précitée doit poursuivre ses travaux en 2011 avec pour objectif « d'ajuster les majorations de traitement des fonctionnaires en outre-mer au différentiel réel du coût de la vie ».

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les réductions d'impôt sur le revenu de 30 % et 40 % pratiquées dans les DOM sont d'une ampleur aujourd'hui injustifiée .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. APPLIQUER UN « RABOT » DE 10 % AUX RÉDUCTION D'IMPÔT SUR LE REVENU SPÉCIFIQUES AUX DOM

Votre commission des finances vous propose donc, dans l'esprit du « rabot » de 10 % sur les niches fiscales prévu par l'article 59 du présent projet de loi de finances, de réduire de 10 % les avantages fiscaux procurés dans les DOM par ce dispositif de réduction de l'impôt sur le revenu, à compter des impositions des revenus de l'année 2011.

Ainsi, en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, la réduction d'impôt sur le revenu ne serait plus que de 27 % tandis qu'elle passerait à 36 % en Guyane . Parallèlement, les plafonds applicables à ces réductions en vertu de l'article 197 du CGI seraient également diminués de 10 % pour s'élever à 4 590 euros en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion et à 6 030 euros en Guyane.

B. UNE MESURE ÉQUILIBRÉE, À L'IMPACT LIMITÉ

La réduction de 10 % de l'avantage fiscal bénéficiant au titre de cette disposition aux ménages des DOM devrait produire une ressource fiscale supplémentaire d'environ 29 millions d'euros par an à compter de l'imposition des revenus de 2011, c'est-à-dire de l'année 2012.

Votre commission des finances juge légitime, dans le cadre de la réduction de 10 % du coût des dépenses fiscales liées à l'impôt sur le revenu, d'appliquer une diminution identique à la réduction d'impôt sur le revenu applicable uniquement dans les DOM, d'autant plus que ses justifications historiques apparaissent aujourd'hui obsolètes et qu'elle se traduit par un avantage fiscal particulièrement important pour les résidents des DOM par rapport aux contribuables métropolitains.

Consciente de la nécessité de ne pas alourdir de manière trop rapide le montant de l'impôt acquitté par les contribuables ultramarins, votre commission des finances vous propose une modification dont l'impact demeure limité.

Ainsi, pour un contribuable célibataire sans enfant résidant en Martinique et disposant d'un revenu mensuel imposable de 2 000 euros , l'adoption du présent article additionnel conduirait à diminuer la réduction d'impôt de 512 euros à 460 euros . Le montant dû au titre de l'impôt sur le revenu passerait donc de 1 193 euros à 1 245 euros , ce qui représente une hausse, limitée, de 57 euros sur l'année.

En outre, le dispositif proposé n'aura aucun impact sur les ménages qui, en raison de la faiblesse de leurs revenus, ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.


* 11 Loi n° 60-1368 du 21 décembre 1960 fixant les conditions d'application, dans les départements d'outre-mer, des dispositions de la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 et portant divers aménagements fiscaux dans ces départements.

* 12 Loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 portant réforme du contentieux fiscal et divers aménagements fiscaux.

* 13 Rapport d'information n° 519 (2008-2009), « Les DOM : défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l'avenir », Eric Doligé, rapporteur, fait au nom de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer.

* 14 Insee première n° 1304, juillet 2010, « Comparaison des prix entre les DOM et la métropole en 2010 ».

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