ARTICLE 90 (Art. L. 133-7 et L. 241-10 du code de la sécurité sociale, art. L. 7233-3 du code du travail et art. L. 741-27 du code rural et de la pêche maritime) - Suppression d'exonérations de cotisations sociales en matière de services à la personne

Commentaire : le présent article a pour objet de supprimer, à compter du 1 er janvier 2011, deux exonérations spécifiques de cotisations sociales à la charge de l'employeur, dans le domaine des services à la personne :

- d'une part, l'abattement forfaitaire de 15 points sur les cotisations sociales dues par les particuliers employeurs cotisant sur l'assiette réelle ;

- d'autre part, la franchise de cotisations patronales (à l'exclusion des cotisations accidents du travail-maladies professionnelles) dans la limite du salaire minimum de croissance (SMIC), sans plafond de rémunération, dont bénéficient les prestataires agréés ou déclarés intervenant auprès de publics dits « non fragiles ».

I. LE DROIT EXISTANT

Les dispositifs fiscaux et sociaux dérogatoires destinés à soutenir les services à la personne devraient représenter un coût de près de 5,8 milliards d'euros en 2010 . Dans ce total, les avantages fiscaux s'élèvent à 3,6 milliards d'euros et les exonérations de cotisations sociales à 2,2 milliards. Ces dépenses sont particulièrement dynamiques puisque les pertes de recettes s'élevaient à 3,5 milliards d'euros en 2005, soit une augmentation de 66 % en cinq ans.

La principale mesure fiscale a été introduite à compter de l'imposition des revenus de 1992 et consiste en une réduction d'impôt de 50 % des sommes déclarées pour l'emploi de personnel à domicile.

A cette mesure s'ajoutent un ensemble très divers de déductions et d'exonérations :

- depuis le 1 er janvier 2000, le taux réduit de TVA (5,5 %) pour les entreprises agréées ou une exonération pour les associations agréées ;

- concernant les aides à domicile employées par une personne fragile, ou par une structure agréée (entreprise ou association, centre d'action sociale) auprès d'une personne fragile, l'employeur bénéficie d'une exonération des cotisations patronales, à l'exception des cotisations liées aux accidents du travail et aux maladies professionnelles ;

- concernant les aides à domicile employées par une personne non fragile, la possibilité d'un calcul forfaitaire des charges sociales est proposée depuis 1991, ainsi qu'une exonération de 15 points de cotisations patronales en cas de cotisation sur la base du salaire réel depuis le 1 er janvier 2006 ;

- concernant les aides à domicile employées par une structure agréée de services à la personne auprès d'une personne non fragile, l'employeur bénéficie depuis 2005, dans la limite du SMIC, d'une exonération des cotisations patronales , à l'exception des cotisations liées aux accidents du travail et aux maladies professionnelles.

Le tableau ci-après présente l'évolution des dépenses fiscales et sociales depuis 2005.

Evolution des dépenses fiscales et sociales de 2005 à 2010

(en millions d'euros)

Création

2005

2006

2007

2008

2009*

2010*

IR

Crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile pour les contribuables exerçant une activité professionnelle ou demandeurs d'emploi depuis au moins trois mois

2006

1 495

1 500

1 550

Réduction d'impôt au titre de l'emploi, par les particuliers, d'un salarié à domicile sans condition particulière jusqu'aux revenus 2006 et, à compter des revenus 2007, pour les seuls contribuables n'exerçant pas une activité professionnelle ou demandeurs d'emploi depuis moins de trois mois

1991

1 860

2 060

2 190

1 110

1 200

1 250

Exonération de l'aide financière versée par l'employeur ou par le comité d'entreprise en faveur des salariés afin de financer des services à la personne (CESU préfinancé)

2005

0

7

20

nc

nc

TVA

Exonération des services rendus aux personnes physiques par les associations agréées en application de l'article L. 7232-1 du code du travail

1991

360

450

500

550

600

650

Taux de 5,5 % pour les services d'aide à la personne fournis par les entreprises agréées en application des articles L. 7232-1 à L. 7232-4 du code du travail

1999

15

30

60

80

100

120

IS

Non-assujetissement à l'impôt sur les sociétés des résultats des activités des associations conventionnées (art L. 5132-7 du code du travail) et des associations agréées de services aux personnes (art L. 7232-1 du code du travail) et taxation au taux réduit des revenus de leur patrimoine foncier, agricole et mobilier

1987

nc

10

10

10

10

10

Crédit d'impôt sur les sociétés de 25% des sommes engagées (CESU préfinancé)

5

8

9

nc

nc

Taxe sur les salaires

Exonération de taxe sur les salaires des rémunérations des salariés à domicil e

nc

25

25

-

-

-

TOTAL DÉPENSES FISCALES

2 235

2 580

2 800

3 274

3 410

3 580

Cotisations sociales (pertes compensées par l'Etat)

Aide à domicile employée par une association ou une entreprise agréée auprès d'une personne non fragile

2006

37

169

194

226

223

Abattement de 15 points pour les particuliers employeurs cotisant sur l'assiette réelle

2006

149

225

261

287

303

Exonération de l'aide de l'employeur au CESU préfinancé

2005

17

25

30

32

47

Cotisations sociales (pertes non compensées)

Aide à domicile employée par une association ou une entreprise auprès d'une personne fragile (non compensé)

1999

438

513

616

638

682

737

Aide à domicile employée par un particulier fragile (non compensé)

1987

799

889

956

845

847

874

TOTAL DÉPENSES SOCIALES

1 237

1 605

1 991

1 968

2 074

2 184

TOTAL GENERAL

3 472

4 185

4 791

5 242

5 484

5 764

Progression annuelle

21 %

14 %

9 %

5 %

5 %

* prévisions

Source : Service des études économiques du Sénat, projets de loi de finances pour 2007, 2008, 2009 et 2010, projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, 2008, 2009 et 2010

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ ET LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le dispositif proposé par le Gouvernement vise à supprimer deux dispositifs d'exonérations :

- d'une part, l'abattement forfaitaire de 15 points sur les cotisations sociales dues par les particuliers employeurs cotisant sur l'assiette réelle ;

- d'autre part, la franchise de cotisations patronales (à l'exclusion des cotisations accidents du travail-maladies professionnelles) dans la limite du salaire minimum de croissance (SMIC), sans plafond de rémunération, dont bénéficient les prestataires agréés ou déclarés intervenant auprès de publics dits « non fragiles » ; ces prestataires bénéficieront désormais des allègements généraux de cotisations sociales sur les bas salaires.

Le gain escompté pour l'État, qui assure la compensation de ces exonérations à la sécurité sociale, est évaluée à 460 millions d'euros en 2011.

Si le second point (la suppression de l'exonération pour les prestataires agréés) n'a pas fait l'objet de débats quant à son opportunité, la suppression de l'abattement forfaitaire de quinze points a été remise en cause. Ainsi, à l'initiative de nos collègues Laurent Hénart et Yves Deniau, l'Assemblée nationale a-t-elle adopté, sur un avis défavorable du Gouvernement, le présent article en maintenant le principe de l'abattement forfaitaire, celui-ci étant cependant ramené de quinze à dix points.

La suppression totale de l'abattement a toutefois été rétablie, à l'initiative du Gouvernement en seconde délibération, au motif que le maintien de l'exonération, même diminuée de cinq points, constituerait une dépense pour l'Etat de quelque 200 millions d'euros.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Il convient de souligner que si le 1° du I du présent article supprime l'abattement de 15 points prévu à l'article L. 133-7 du code de la sécurité sociale, il ne remet pas en cause le droit d'option entre le régime de déclaration au forfait et le régime de déclaration au réel. Or l'instauration en 2006 de cet abattement avait précisément pour objectif d'inciter les employeurs à faire bénéficier leurs salariés de prestations sociales basées sur leur salaire réel. Sans l'exonération forfaitaire, les employeurs n'auront donc plus d'intérêt à opter pour la déclaration au réel, en raison du surcoût induit de charges sociales.

Sur ce point, les motifs invoqués par le Gouvernement peuvent apparaître contradictoires. S'il est exact que l'exonération de 15 points représente un coût important qui vient s'ajouter aux avantages fiscaux dont bénéficient par ailleurs les particuliers employeurs, l'argument selon lequel l'exonération n'a pas d'effet incitatif sur l'emploi n'est pas recevable car tel n'est pas son objectif.

Aussi, la solution adoptée par nos collègues députés, tendant à une réduction de l'exonération au lieu de sa suppression, a-t-elle l'avantage de contribuer à la réduction du déficit public - certes dans une moindre proportion que celle souhaitée par le Gouvernement - et d'ouvrir le débat sur une remise à plat de l'ensemble des dispositifs dérogatoires en faveur du secteur des services à la personne. Votre rapporteur spécial s'était exprimé en faveur d'une telle solution, mais votre commission n'a pas souhaité revenir, sans un examen plus large de l'ensemble des dispositifs de soutien des services à la personne, sur la suppression de l'abattement de 15 points d'exonérations sociales résultant du vote définitif du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale, en raison de son coût financier.

Décision de votre commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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