Article 15 Expérimentation de l'obligation de médiation préalable lors de la saisine du juge aux affaires familiales sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale

Cet article organise une expérimentation tendant à imposer une tentative de médiation familiale avant toute saisine du juge aux affaires familiales sur une question d'exercice de l'autorité parentale ou de modification de la convention par laquelle les parents fixent les modalités de cet exercice et déterminent leur contribution respective à l'entretien des enfants.

• La médiation familiale, un instrument complémentaire à l'intervention judiciaire pour la résolution des désaccords entre les parents

Le juge aux affaires familiales a compétence pour trancher tout désaccord entre les parents sur l'exercice de l'autorité parentale, qu'il s'agisse d'une question ponctuelle ou d'une modification de la convention organisant les modalités d'exercice de cette autorité (conditions de résidence de l'enfant, contribution à son entretien, extension du droit de visite...) 72 ( * ) .

Les parents peuvent le saisir directement, dans les conditions du droit commun 73 ( * ) . Le juge doit chercher à concilier les parties. À cette fin, il peut inviter les parties à engager une médiation familiale conduite par un professionnel qu'il désigne, ou bien les enjoindre de le rencontrer afin que ce dernier les informe sur l'objet et le déroulement d'une telle médiation 74 ( * ) . En aucun cas, il ne peut refuser d'examiner la demande des parents faute pour eux d'avoir entamé une telle procédure.

La médiation débute par une première séance d'information sur l'organisation et les conditions de cette procédure. Plusieurs séances, 7 en moyenne, sont nécessaires pour relancer le dialogue et aboutir à une solution. Chacune de ces séances dure entre une heure trente et deux heures. La médiation est à la charge des parties 75 ( * ) , en fonction de leurs moyens, selon un barème national, établi par la CNAF, échelonné de 5 à 132 euros. Dans le cas d'une médiation judiciaire, les parties peuvent bénéficier, en fonction de leurs ressources, de l'aide juridictionnelle, cependant, Mme Audrey Ringot, présidente de l'association pour la médiation familiale (APMF) a souligné que les difficultés rencontrées par les intéressés pour recevoir l'aide juridictionnelle les conduisaient souvent à y renoncer au profit de l'application des tranches inférieures du barème.

En 2009, les juges aux affaires familiales ont ordonné 6 271 mesures judiciaires de médiation familiale, dont 4 672 se sont terminés dans l'année et 1 599 étaient encore en cours au 31 décembre 2009. Rapportés aux 360 000 affaires soumises à ces magistrats chaque année, le bilan est faible. Serge Guinchard relève, plus généralement, que la médiation en matière civile générale, n'est ordonnée que dans 1,5 % des affaires traitées par les cours d'appel et 1,1 % des affaires traitées par les juridictions de premier degré 76 ( * ) .

La médiation familiale semble ainsi sous-utilisée, alors même qu'elle s'avère souvent pertinente : d'après les chiffres fournis par la Chancellerie, sur la base du questionnaire d'activité 2009 des associations et services de médiation familiale, dans 57 % des cas, les médiations aboutissent à un accord écrit (30 %) ou oral (27 %). Même lorsqu'elles échouent, elles restent utiles, puisque, dans 18 % des cas, les échanges qui ont eu lieu ont permis une avancée significative dans la résolution du conflit.

La médiation familiale en France

Les praticiens de la médiation familiale la définissent comme « un processus de construction ou de reconstruction du lien familial axé sur l'autonomie et la responsabilité des personnes concernées par des situations de rupture ou de séparation dans lequel un tiers impartial, indépendant, qualifié et sans pouvoir de décision, le médiateur familial, favorise, à travers l'organisation d'entretiens confidentiels, leur communication, la gestion de leur conflit dans le domaine familial entendu dans sa diversité et dans son évolution » 77 ( * ) .

On distingue la médiation judiciaire, ordonnée par le juge et dont le régime juridique est fixé par la loi 78 ( * ) , de la médiation conventionnelle, à l'initiative des parties.

La profession de médiateur familial

On dénombre 266 services conventionnés en 2009 qui emploient 629 médiateurs. À ceux-ci s'ajoutent des praticiens exerçant dans un cadre libéral, estimés à une centaine de personnes.

Des garanties de formation ont été posées par le décret du 2 décembre 2003 qui a créé le « diplôme d'état de médiateur familial » (DEMF). Ce dernier sanctionne une formation de 560 heures, dispensée sur une période de deux ans au plus, qui se répartit en 490 heures de formation théorique et 70 heures de stages pratiques. La formation théorique comprend une formation principale portant sur le processus de médiation et les techniques de médiation (315 heures) et trois unités de formation en droit (63 heures), en psychologie (63 heures) et en sociologie (35 heures). La durée de la formation pratique est de 70 heures en discontinu et s'effectue sous forme de stages, l'un pouvant être un stage d'observation (14 heures) et l'autre de mise en situation professionnelle dans un service de médiation familiale (56 heures).

Après l'obtention de leur diplôme, les médiateurs familiaux doivent participer à des séances d'analyse de la pratique correspondant au minimum à 20 heures par an. Ils se réfèrent, par leur adhésion directe ou par l'intermédiaire de celle de l'organisme qui les emploie, aux principes déontologiques des deux fédérations d'organismes de médiation familiale, l'Association Pour la Médiation Familiale (APMF) et la fédération nationale des Associations de Médiation Familiale (FENAMEF).

L'organisation institutionnelle, territoriale et financière de la médiation familiale

En 2007, l'APMF revendiquait 792 membres, dont 681 personnes physiques, pour la plupart des médiateurs et 111 personnes morales (associations ou services de médiation familiale). La FENAMEF revendiquait quant à elle 260 associations ou services de médiation membres, gérant 430 lieux d'exercice de la médiation familiale (service principal plus antenne dans le département), dont certains sont également adhérents de l'APMF. Les deux associations fournissent un annuaire de leurs affiliés.

La caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et les ministères de la justice et de la famille tentent, à travers des partenariats, de financer et de structurer, au niveau départemental, les services de médiation familiale.

Le rapport annuel de la Cour des comptes pour 2009, et celui de M. Jean Leonetti, sur l'intérêt de l'enfant, l'autorité parentale et le droit des tiers, insistent cependant sur l'inégale répartition des services de médiation familiale sur le territoire national ainsi que sur la fragilité et l'éparpillement de leurs financements.

M. Jean Leonetti relève ainsi que cinq régions sur vingt-trois (Aquitaine, Corse, Île-de-France, Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Rhône-Alpes), qui représentent 40 % de la population française concentrent près de 60 % des services et antennes de médiation familiale 79 ( * ) . Dans le même temps, certaines structures sont largement inactives, puisque 37 n'ont pris en charge que moins de 10 médiations familiales dans l'année et 30 entre 10 et 20 seulement. Le maillage territorial de la médiation familiale est mal assuré, et son coût de fonctionnement augmenté en raison de son éparpillement.

Selon les informations recueillies par la Cour des comptes auprès de la CNAF, le coût de la médiation familiale aurait été de 11,7 millions d'euros en 2006, tous financeurs confondus, dont 7 millions assumés par la branche famille, 1,5 million par les collectivités territoriales et 0,86 million par le ministère de la justice. La faiblesse des crédits consacrés par la Chancellerie à cette action trouverait sa cause d'une part dans le fait que les juges n'aient pas les moyens d'imposer la médiation, et, d'autre part dans la faiblesse des crédits judiciaires qui conduirait les magistrats à orienter les parents vers une médiation extrajudiciaire.

La Cour des comptes estime que, « pour pérenniser ce dispositif de médiation familiale dont le besoin s'accroît, l'élaboration d'un tarif de prestation constitue un impératif. En effet, le financement des services de médiation représenterait actuellement environ 40 % des charges réelles de fonctionnement, ce qui peut provoquer l'abandon de l'activité ou faire porter l'effort sur des parents en conflit et s'avérer alors dissuasif » 80 ( * ) .

• Une expérimentation pour rendre la médiation familiale obligatoire en matière d'autorité parentale

S'inspirant des recommandations convergentes du rapport de la commission présidée par Serge Guinchard, du rapport du groupe de travail sur la médiation présidé par Jean-Claude Magendie, ainsi que du rapport de M. Jean Leonetti 81 ( * ) , le présent article organise une expérimentation rendant la médiation familiale obligatoire pour les litiges relatifs à l'autorité parentale.

Cette obligation concernerait les demandes modificatives relatives aux modalités d'exercice de l'autorité parentale ou à la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, qu'elles emportent ou non modification de la convention homologuée conclue par les parents à ce sujet : il s'agit du champ actuellement couvert par l'article 373-2-13 du code civil 82 ( * ) .

L'obligation est cependant limitée au fait de se soumettre, préalablement à la saisine du juge aux affaires familiales, à une tentative de médiation. Le non-respect de cette obligation est sanctionné par l'irrecevabilité de la demande adressée au juge, que ce dernier peut soulever d'office. Il ne s'agit toutefois là pour lui que d'une faculté, à laquelle il peut renoncer.

Il suffit aux parties, pour satisfaire à cette obligation, d'avoir tenté de s'engager dans une médiation. Aucune obligation de résultat ne pèse sur eux, et le désaccord avéré de l'un d'eux ou le refus de s'engager dans un tel processus suffit à constater l'échec de la tentative. À défaut, la partie la moins coopérative serait susceptible d'empêcher l'autre d'agir en justice.

Les représentants des avocats entendus par votre rapporteur se sont interrogés sur l'articulation ou l'assimilation de cette médiation préalable avec la procédure participative récemment créée par la loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées 83 ( * ) .

Cependant, votre rapporteur observe que la procédure participative ne pourra porter que sur des droits dont les parties ont la libre disposition 84 ( * ) . Or tel n'est pas le cas de l'autorité parentale, qui constitue un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant . Si le juge peut tenir compte des pactes conclus par les parents pour fixer les modalités d'exercice de l'autorité parentale ou leurs obligations alimentaires vis-à-vis des enfants 85 ( * ) , de telles décisions ne le lient pas, puisqu'il lui appartient de faire prévaloir l'intérêt des enfants. Que les parties puissent s'entendre, hors de tout recours judiciaire, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, ne signifie pas qu'elles en ont, juridiquement, en totalité, la libre disposition, dans la mesure où ce faisant, elles sont aussi tenues par les devoirs que recouvre l'autorité parentale et dont elles ne peuvent se défaire 86 ( * ) .

En outre, la procédure participative n'est pas assimilable à une médiation. Elle crée un cadre juridique de négociation sur des droits, chaque partie étant assistée de son avocat, qui doit aboutir à un accord contraignant pour les intéressés, soumis à l'homologation du juge. Ceci ne correspond pas au processus de dialogue devant un tiers impartial que constitue la médiation, que chacun des parents peut quitter ou interrompre à tout moment.

L'obligation de médiation préalable ne s'appliquerait pas dans deux cas :

- si les parents sollicitent conjointement l'homologation de la convention par laquelle ils règlent l'exercice de l'autorité parentale ou la contribution à l'entretien des enfants. Dans la mesure où ils sont d'accord, la médiation n'a pas d'intérêt ;

- si l'absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime. Un tel motif recouvre notamment l'urgence, l'arbitrage du juge devant être rendu sans tarder ou l'existence d'un conflit tel entre les parents qu'aucune discussion n'est envisageable.

L'expérimentation de l'obligation préalable devrait durer trois ans à compter de la publication du présent texte, et concerner un nombre limité de tribunaux de grande instance déterminé par arrêté du garde des sceaux. L'étude d'impact jointe au projet de loi évoque cinq tribunaux (Arras, Bordeaux, Niort, Paris et Saint Pierre de la Réunion). Une évaluation de l'expérimentation, six mois avant son terme, est prévue et elle fera l'objet d'un rapport du gouvernement au Parlement, ce qui devra permettre de décider de sa généralisation, de son adaptation ou de son abandon.

L'expérimentation répond à toutes les exigences constitutionnelles en matière d'expérimentation : son objet et sa durée sont clairement déterminés par la loi. Le renvoi à un arrêté pour déterminer les tribunaux concernés n'est pas contraire à la Constitution 87 ( * ) .

Une autre expérimentation engagée : celle de la « double convocation »

Le décret n° 2010-1395 du 12 novembre 2010 relatif à la médiation et à l'activité judiciaire en matière familiale pose les bases d'une expérimentation tendant à intégrer plus étroitement la médiation familiale au traitement judiciaire du litige : celle de la « double convocation ».

Les parties seraient informées de la décision du juge leur enjoignant de rencontrer un médiateur familial soit par courrier, soit à l'audience. Il leur serait indiqué d'une part le nom du médiateur familial ou de l'association de médiation familiale désignés et les lieux, jour et heure de la rencontre, et d'autre part, la date de l'audience à laquelle l'affaire sera examinée. Lors de cette audience, le juge homologuerait le cas échéant l'accord intervenu en médiation ; en l'absence d'accord ou d'homologation, il trancherait le litige. L'objectif poursuivi est de convaincre les parties, par cette « double convocation » à la médiation et à l'audience judiciaire, que les deux sont liées et que les accords conclus au cours de la première phase serviront au cours de la seconde.

L'expérimentation n'a cependant toujours pas été lancée, l'arrêté devant désigner les tribunaux de grande instance appelés à la mettre en oeuvre n'ayant toujours pas été adopté.

Le bénéfice attendu par le gouvernement d'une telle mesure est double.

En premier lieu, la médiation familiale préalable doit permettre aux couples, en renouant le dialogue, de pacifier leur relation et de sortir d'une logique d'affrontement judiciaire.

Dans un second temps, la baisse consécutive des saisines des juges aux affaires familiales devrait se traduire par des gains d'emplois disponibles de magistrats et de greffiers. L'étude d'impact calcule ainsi que 13 ETPT de magistrats et 16 ETPT de greffiers pourraient être dégagés en cas de généralisation de la mesure et en faisant l'hypothèse qu'un tiers des 85 690 médiations préalables réussiraient et éviteraient une saisine du juge.

• La position de votre commission : une expérimentation pertinente dans son principe mais incertaine dans sa réalisation

L'obligation de médiation préalable s'inscrit dans la droite ligne des propositions tendant à privilégier les modes alternatifs de résolutions des conflits familiaux. Votre rapporteur, comme votre commission y sont, pour cette raison, très favorables.

Le lancement d'une expérimentation participe d'une démarche pragmatique : l'impact de la mesure sur le fonctionnement de la justice familiale n'est pas connu et il convient de s'assurer que sa généralisation ne créera pas de difficultés trop nombreuses.

Cependant, votre rapporteur a été alerté par les représentants de l'APMF et de la FENAMEF sur l'importance des moyens qui devront être apportés aux services de médiation familiale pour leur permettre de faire face au surcroît d'activité causé par cette expérimentation. Les observations qu'il a recueillies au cours des auditions et l'examen du paysage de la médiation familiale en France et de son financement le conduisent à nourrir certaines inquiétudes sur le succès du dispositif proposé.


Des moyens humains insuffisants

Selon les chiffres fournis par la Chancellerie à votre rapporteur, et sur la base de l'activité 2009 des associations et services de médiation familiale, les 266 services conventionnés ont réalisé 13 443 mesures de médiation familiale. Ils emploient 629 médiateurs familiaux professionnels représentant 260,05 ETPT. À ceux-ci s'ajoute une centaine de médiateurs familiaux exerçant dans un cadre libéral (praticiens formés, diplômés d'État, engagés en analyse de la pratique).

L'étude d'impact jointe au projet de loi fait l'hypothèse que l'obligation de médiation préalable, une fois généralisée, portera sur 85 690 affaires, soit autant de mesures de médiation. Rapporté aux 13 443 mesures constatées en 2009, ce chiffre implique une multiplication par cinq ou six de l'activité des associations de médiation .

Dans le cadre de la seule expérimentation, 5 169 dossiers actuellement traités directement par les juges aux affaires familiales devront faire l'objet d'une médiation préalable. Ce chiffre, qui ne représente que 6 % du nombre d'affaires susceptibles d'être soumises à l'obligation de médiation préalable une fois la généralisation acquise, correspond à près de la moitié des mesures de médiation familiale conduites par les associations en un an, pour toute la France.

L'expérimentation envisagée, portant sur cinq TGI, nécessiterait à elle seule 103,38 ETPT de médiateurs familiaux supplémentaires, ce qui correspond à la moitié de l'effectif actuel en temps plein. En cas de généralisation, il serait nécessaire de recruter l'équivalent de 1 713,80 ETPT de médiateurs familiaux, soit six fois l'effectif actuel .

Pour faire face à cette augmentation, plusieurs possibilités sont envisageables. La professionnalisation des médiateurs pourrait être poursuivie : l'activité est souvent exercée à temps partiel, et certains d'entre eux pourraient être salariés à temps plein. Des médiateurs titulaires du diplôme d'État 88 ( * ) qui n'exercent pas cette profession pourraient être recrutés. Enfin, il serait possible de faire appel aux médiateurs exerçant cette profession dans un cadre libéral.

Cependant, votre rapporteur observe qu'il est peu probable que de tels expédients suffisent à faire face aux besoins.

On peut donc craindre, compte tenu de la durée nécessaire pour former des médiateurs et des difficultés de recrutement inhérentes aux recrutements massifs, que les services compétents ne disposent pas des moyens humains nécessaires pour répondre à l'accroissement de demande de médiation. Le risque est double : que les délais de médiation familiale s'étendent considérablement, au détriment de l'impératif de règlement rapide du conflit, ou qu'une part importante de la demande soit orientée vers le secteur libéral, qui ne répond ni aux mêmes conditions tarifaires, puisque l'honoraire est libre, ni au même encadrement institutionnel.

Aussi pertinente que soit cette expérimentation, elle se solderait par un échec si, faute d'une mobilisation suffisante de moyens, elle aboutissait à porter atteinte au droit des justiciables d'accéder, dans un délai raisonnable au juge chargé de trancher leur litige. C'est pourquoi, pour parer à cette éventualité regrettable, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur prévoyant que l'obligation de médiation préalable pourra être écartée si, compte tenu des délais dans lesquels la médiation est susceptible d'intervenir, les parties courent le risque de se voir priver de leur droit d'accéder, dans un délai raisonnable, au juge aux affaires familiales.


• Un financement incertain qui risque d'impliquer un transfert de charge au détriment des justiciables

Appliquée à la question du financement de la médiation familiale, l'analyse précédemment effectuée sur les recrutements de médiateurs à opérer, conduit aux mêmes conclusions : ni l'expérimentation proposée ni, a fortiori , la généralisation envisagée, ne sont suffisamment financées.

L'étude d'impact chiffre le coût de prise en charge pour la Chancellerie de la seule expérimentation entre 554 013,42 et 831 020,13 euros.

Cependant une telle évaluation ne rend pas compte du coût global pour l'ensemble des acteurs de la médiation familiale. Or, la caisse nationale d'allocations familiales est la principale contributrice en ce domaine, les collectivités territoriales venant en second. L'étude de la Cour des comptes précitée 89 ( * ) montre que, quand la Chancellerie engage 1 euro, les collectivités territoriales en engagent 1,5 et la CNAF 10 . Le coût total, pour ces structures, de la généralisation de l'obligation préalable de médiation, qui multipliera par cinq ou six l'activité des services conventionnés, risque de dépasser très largement l'économie réalisée par la Chancellerie sur les postes de magistrats ou de greffiers affectés à cette tâche.

À défaut d'un financement public adapté, la charge de l'expérimentation puis celle, éventuelle, de sa généralisation, pèsera exclusivement sur les familles. Ce transfert de charge leur serait d'autant plus préjudiciable qui trouverait son origine dans une restriction de leur droit de saisir le juge.

Ces difficultés matérielles majeures n'invalident pas le bien-fondé de l'expérimentation. D'ailleurs, celle-ci doit justement servir à évaluer les obstacles à lever avant toute généralisation. Cependant, elles imposent au gouvernement d'en limiter le périmètre, dans un premier temps, et d'y apporter tous les moyens nécessaires.


• La nécessité de concilier obligation préalable de médiation et accès au juge

L'obligation préalable de médiation n'interdit pas à un justiciable de saisir le juge. Elle diffère seulement l'exercice de ce droit, sauf motif légitime, afin de privilégier la résolution non judiciaire du litige.

Cependant, votre rapporteur observe que l'irrecevabilité qui la sanctionne est susceptible d'être mal interprétée par les parties ou d'ajouter un délai inutile à la saisine du juge. Il est ainsi probable que certains justiciables déposeront leur demande de bonne foi, sans avoir été avertis qu'il leur appartient de tenter d'engager une médiation préalable. Déclarés irrecevables, ils déposeront une nouvelle demande après avoir déféré à l'obligation de médiation préalable. Il serait utile que le greffier qui réceptionnera des demandes susceptibles d'être frappés d'irrecevabilité informe les parties de cette obligation, afin d'éviter qu'ils aient à en déposer de secondes.

En outre, l'un des cas d'exemption de médiation préalable semble trop limitatif, puisqu'il se réduit à l'accord des parents pour l'homologation de la convention par laquelle ils fixent les modalités d'exercice de l'autorité parentale ou leur contribution à l'entretien des enfants. Il arrive que le juge soit saisi conjointement par les parties pour lever une mesure ponctuelle restreignant l'exercice par l'un des deux parents de l'autorité parentale ou pour accorder à un tiers une délégation partielle d'autorité parentale. L'accord des époux dans ce cas, rend tout à fait inutile l'engagement d'une médiation. C'est pourquoi votre commission a adopté l'amendement de son rapporteur tendant à exempter les parents d'une telle obligation lorsqu'ils forment conjointement la demande ou que l'autre parent ne s'y oppose pas. Elle a par ailleurs procédé à des modifications rédactionnelles.

Votre commission a adopté l'article 15 ainsi rédigé .


* 72 Articles 373-2-6 et 373-2-7 du code civil.

* 73 Article 373-2-8 du même code.

* 74 Article 373-2-10 du même code.

* 75 Les villes de Paris et de Marseille ont toutefois mis en place un service de médiation familiale gratuite.

* 76 Rapport de la commission sur la répartition des contentieux, op. cit. , p. 161.

* 77 Définition adoptée par le Conseil national consultatif de la médiation familiale le 22 avril 2003.

* 78 Articles 21 à 26 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative et articles 255 (sur le divorce) et 373-2-10 (sur l'autorité parentale) du code civil.

* 79 Jean Leonetti, Intérêt de l'enfant, autorité parentale et droit des tiers, rapport au Premier ministre, La documentation française, 2009, p. 89-90.

* 80 Rapport public annuel de la Cour des comptes pour 2009, p. 637.

* 81 Intérêt de l'enfant, autorité parentale et droit des tiers, précité.

* 82 Le ministère public, qui peut être appelé à saisir le JAF de sa propre initiative ou à la demande d'un tiers, échappe, bien entendu, à cette obligation.

* 83 Loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010.

* 84 Article 2064 du code civil dans la rédaction issue la loi n° 2010-1609 précitée.

* 85 Article 376-1 du code civil.

* 86 Par exception toutefois, la convention de procédure participative peut porter sur ces questions, lorsqu'elle intervient à l'occasion d'un divorce ou d'une séparation de corps (articles 2064 et 2066-1 du code civil dans la rédaction issue la loi n° 2010-1609 précitée).

* 87 Un tel renvoi à l'autorité réglementaire pour fixer le ressort territorial exact d'une expérimentation a été jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel (2004-503 DC du 12 août 2004, cons. 12 à 14).

* 88 957 personnes en 2009, selon l'estimation fournie par les services de la Chancellerie.

* 89 Cf. supra , encadré sur la médiation familiale en France.

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