Rapport n° 536 (2010-2011) de M. Josselin de ROHAN , fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, déposé le 18 mai 2011

Disponible au format PDF (794 Koctets)

Tableau comparatif au format PDF (282 Koctets)


N° 536

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 mai 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , relatif au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés , à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l' Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité ,

Par M. Josselin de ROHAN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Étienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 70 , 306 , 307 et T.A. 70 (2010-2011)

Deuxième lecture : 441 et 537 (2010-2011)

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

Première lecture : 3188 , 3311 et T.A. 646

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat a adopté le 1 er mars 2011, en première lecture, le projet de loi relatif au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre, à la simplification des transferts de produits liés à la défense dans l'Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité, déposé sur son bureau par le Gouvernement 1 ( * ) .

On rappelle que ce projet de loi transpose en droit interne, une partie des deux directives dites du « paquet défense », à savoir :

- la directive 2009/43/CE du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté, plus communément dénommée « transferts intra-communautaire » (TIC) ;

- la directive 2009/81/CE relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, plus communément dénommée « marchés publics de défense et de sécurité » (MPDS).

Rappelons également que l'essentiel de la transposition aura lieu par décret, en particulier pour ce qui concerne la directive MPDS.

L'Assemblée nationale a adopté le projet de loi du Gouvernement le 12 avril 2011 2 ( * ) . Les modifications que l'Assemblée a apporté sur le volet « Marchés publics de défense » complètent utilement le dispositif tel qu'il ressort des travaux du Sénat. Quant au volet « transferts intra-communautaires », la convergence de vue est totale.

I. UNE TOTALE CONVERGENCE DE VUE ENTRE LES DEUX ASSEMBLÉES SUR LE VOLET « TRANSFERTS INTRA-COMMUNAUTAIRES » (TIC)

A. L'ÉVOLUTION DU CONTEXTE INTERNATIONAL A MONTRÉ LA PERTINENCE DU MODÈLE FRANÇAIS DE CONTRÔLE DES EXPORTATIONS

1. Un régime rénové mais qui conservera un haut niveau de rigueur

En ce qui concerne les transferts intracommunautaires, le texte propose d'instaurer un principe de liberté encadrée du commerce et de l'industrie, de supprimer le dispositif des autorisations d'importation et de transit, mais de le remplacer par un contrôle à la fois a priori et a posteriori , par le biais de trois types de licences de transfert .

Les premières sont des licences individuelles, concernant à la fois l'entreprise, le matériel et le destinataire. S'y ajouteraient des licences globales, qui offriraient à un exportateur européen établi en France la possibilité d'expédier pour une durée déterminée des matériels de guerre et matériels assimilés spécifiques. Le troisième type de licence, dite générale, concernera des matériels moins sensibles.

Le bénéfice qu'en retireront les entreprises est évident : elles auront des règles prévisibles, certaines, qui leur permettront d'accéder à l'ensemble des États membres.

Au-delà des transferts intracommunautaires, l'ensemble des exportations pourra bénéficier d'une simplification, et d'une rénovation d'un dispositif extrêmement ancien, puisqu'il remonte à 1939. Le système actuel, complexe, de licences d'exportation, se décline en plusieurs étapes. Chacune représente parfois un processus administratif long à franchir, en particulier pour les industriels qui n'ont pas une taille et des services administratifs et juridiques suffisants.

Le projet de loi propose donc de fusionner les deux étapes de l'agrément préalable, pour la négociation et la signature du contrat, et de l'autorisation d'exportation, en une seule et unique licence. Les professionnels voient ce système comme une simplification.

Pour autant, le haut niveau de rigueur du système de contrôle est conservé :

- le rôle de la CIEEMG restera central dans la délivrance des licences en particulier pour les matériels sensibles ;

- une procédure de certification sera mise en place au sein de l'Union européenne, pour apporter des garanties quant à la fiabilité des opérateurs concernés ;

- l'administration disposera de la possibilité de retirer les autorisations ;

- des obligations lourdes pèseront sur les entreprises, en termes d'organisation, de devoir d'information et de respect des conditions des licences, dont la violation sera assortie de sanctions pénales, et qui seront soumises à un contrôle a posteriori qui n'existait pas dans le système actuel.

2. Une adaptation immédiate aux changements de l'environnement international

Le principe actuel de prohibition des exportations ainsi que l'articulation du dispositif de contrôle des exportations d'armement en plusieurs niveaux d'autorisation ont permis de réagir de façon souple, réactive et efficace à l'évolution de la situation dans les pays du Maghreb/Mashrek et du Proche et Moyen-Orient fin 2010 et début 2011  :

- application immédiate des décisions d'embargo de l'ONU et de l'UE sur les exportations d'armement à destination de la Libye et de la Syrie ;

- suspension, en fonction des pays et de la nature des équipements, des opérations de délivrance d'agrément préalable et d'autorisation d'exportation de matériels de guerre, et suspension des opérations de passage en douanes dans certains cas.

Plus précisément, c'est dès le 18 janvier 2011 que les premières mesures de suspensions été prises par l'administration, suivies par une nouvelle série de restrictions le 17 février 2011.

Ainsi dès le début du printemps arabe, en fonction de la situation des pays concernés, la France a mis en place des mesures restrictives évolutives et a établi un mécanisme d'alerte particulièrement actif qui s'appuie sur plusieurs critères d'analyse :

- vigilance à chacune des 3 étapes du processus d'exportation pour les matériels de guerre : agrément préalable (AP), autorisation des exportations de matériels de guerre (AEMG) et attestation de passage en douanes (APD) ;

- distinction entre les matériels de guerre susceptibles d'être utilisés pour le maintien de l'ordre et les autres ;

- attention particulière portée aux exportations de produits explosifs destinés à des fins militaires (AEPE) utilisés pour du maintien de l'ordre (grenade lacrymogène à effet simple par exemple).

Un dialogue permanent est instauré entre le SGDSN et le ministère chargé des douanes afin :

- de mettre en oeuvre instantanément les principes de contrôle d'exportation (traitement au cas par cas, suspension, ajournement de l'instruction) décidés au niveau du cabinet du Premier ministre ;

- de traiter au cas par cas les matériels se présentant au bureau de douanes pour exportations à destination des pays sensibles (autorisations de levée de blocage donnée par le SGDSN).

L'ensemble du dispositif est révisé en permanence à l'aune des évolutions des situations des différents pays.

S'agissant des embargos , avant même la publication du règlement européen relatif (règlement directement applicable sans transposition dans notre corpus législatif et règlementaire), des décisions ont été prises pour :

- suspendre l'ensemble des opérations administratives d'exportation bénéficiant d'autorisation d'exportation de matériels de guerre (AEMG) et de produits explosifs destinés à des fins militaires (AEPE) en cours de validité à destination des pays sous embargo ;

- donner un avis défavorable aux demandes d'agréments préalables (AP), d'AEMG et d'AEPE en cours d'instruction.

Un avis aux exportateurs signale la mise en place de l'embargo.

Le nouveau dispositif de contrôle qui prévoit une licence unique, qui recouvrira à la fois les opérations relevant actuellement des agréments préalables (phases de négociation et de contractualisation) et des autorisations d'exportation (exportation physique des matériels) permettra de maintenir la même réactivité en cas d'évolution de la situation internationale. En effet, le projet de loi prévoit la possibilité de n'autoriser que certaines phases commerciales de l'opération d'exportation ou de soumettre les opérations à des conditions ou des restrictions en matière d'usage final. En outre, l'administration disposera d'une base juridique solide pour modifier, suspendre, abroger, voire retirer toute licence délivrée .

B. LES APPORTS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE SONT VENUS CONFORTER LE TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT

1. Les analyses des deux commissions convergent largement

S'agissant du volet « TIC » du texte, l'analyse de notre collègue député le rapporteur M. Yves FROMION, reprise à son compte par la commission de la défense, a largement convergé avec celle de votre commission. Elle peut être ainsi résumée :

- un accueil favorable du nouveau régime d'autorisation simplifié proposé par le projet de loi, reposant sur les « licences » ;

- des interrogations sur la mise en oeuvre au plan des systèmes d'information : les députés ont largement relevé, tout comme les sénateurs, les faiblesses du système d'information actuel SIEX, dont la rénovation est indispensable pour la pleine entrée en vigueur du nouveau système. ;

- une volonté d'initier une réflexion sur une éventuelle gestion déléguée de l'instruction des autorisations afin d'accroître l'efficacité du système.

Sur ce sujet, le rapporteur de l'Assemblée a présenté un amendement proposant l'instauration, pour une période déterminée, d'un système de « délestage » pour la délivrance des autorisations, par une procédure de délégation permettant à certains services de traiter, pendant un laps de temps et sous le contrôle de la CIEEMG elle-même, les dossiers qui ne présentent pas de problèmes majeurs, notamment ceux qui concernent des sous-équipements ou des pièces détachées, compte tenu de l'afflux de dossiers à traiter (700 dossiers chaque mois).

Cet amendement a finalement été retiré puisque le Gouvernement a indiqué avoir mis en place un comité de sélection interne au ministère de la défense, qui trie les demandes les plus simples et les moins sensibles, lesquelles sont traitées dans le cadre d'un examen interministériel dématérialisé. Grâce au développement des autorisations globales, le nombre moyen de dossiers examinés chaque mois par la CIEEMG qui était de 620 en 2009 n'est plus que de 380 en 2010. En outre, il est également envisagé, dès que l'application informatique le permettra -en 2012-, de traiter des demandes via la procédure dite regroupée, qui permet de traiter simultanément la demande d'agrément préalable et la demande d'autorisation d'exportation.

Votre commission, qui partage le souci du rapporteur M. Yves FROMION d'une bonne fluidité des procédures, se félicite que le Gouvernement ait ainsi entendu les préoccupations exprimées par les parlementaires.

La plupart des amendements extérieurs présentés lors de la discussion au Sénat ont également été présentés lors de la discussion à l'Assemblée nationale et la commission de la défense, suivie par l'Assemblée dans son entier, leur a réservé le même accueil.

2. Les ajouts de l'Assemblée respectent et complètent le texte du Sénat

Sur le volet « TIC », le rapporteur de l'Assemblée a apporté des précisions essentiellement rédactionnelles, qui ne modifient pas l'économie du texte et s'inscrivent dans la totale continuité des travaux du Sénat.

Les changements les plus notables ont été introduits par le Gouvernement, qui a souhaité perfectionner par amendement le dispositif qu'il avait introduit au Sénat à l'article 2 en ce qui concerne les poursuites en cas de constatation d'infraction au régime de délivrance des autorisations (modalités de mise en mouvement de l'action publique et d'information du ministère de la défense), sans toutefois en modifier l'économie globale.

II. DES MODIFICATIONS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE QUI COMPLETENT UTILEMENT LE DISPOSITIF DU PROJET DE LOI RELATIF AUX MARCHÉS DE DÉFENSE

L'article 5 du projet de loi modifie de façon substantielle l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.

Ce régime dérogatoire n'est en réalité concerné que parce que certaines de ses dispositions sont de nature législative. Néanmoins il devrait servir de modèle à l'élaboration d'un nouveau décret défense qui transposera la directive MPDC pour les entités adjudicatrices de droit commun de l'Etat.

Lors de la première lecture votre assemblée a souhaité affirmer de façon plus claire le principe d'une clause souple de préférence communautaire.

A. L'AFFIRMATION D'UNE CLAUSE SOUPLE DE PRÉFÉRENCE COMMUNAUTAIRE

1. Le texte initial du gouvernement

L'alinéa 49 du projet de loi prévoyait au travers de l'article 37-2 de l'ordonnance de 2005 d'autoriser les pouvoirs adjudicateurs nationaux à autoriser les opérateurs économiques des pays tiers à l'Union de participer à des procédures de passation de marchés de défense ou de sécurité.

L'affirmation de cette possibilité se comprenait difficilement , sans l'affirmation d'un principe général selon lequel les pouvoirs adjudicateurs nationaux réservent leurs procédures de passation à des opérateurs économiques de l'Union ou de l'Espace économique européen.

2. Le texte issu des travaux du Sénat

Afin d'éviter toute ambiguïté, votre assemblée a souhaité poser explicitement le principe général selon lequel :

« Les marchés de défense ou de sécurité exclus ou exemptés de l'Accord sur les marchés publique conclu dans l'organisation mondiale du commerce sont passés avec des opérateurs économiques d'Etats membres de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen » 3 ( * ) .

Ce n'est que par dérogation à ce principe général, que les pouvoirs adjudicateurs peuvent autoriser, au cas par cas, et dans certaines conditions, les opérateurs économiques de pays tiers à l'Union à participer à une procédure de passation de tels marchés. C'est en cela du reste qu'on doit parler de clause de préférence communautaire souple , puisque cette clause ne revêt pas un caractère d'automaticité.

B. LES COMPLÉMENTS APPORTÉS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre diverses améliorations rédactionnelles, l'Assemblée nationale a souhaité apporter deux compléments au texte issu des travaux du Sénat qui vont tous dans le sens d'un renforcement de la clause de préférence communautaire et donc d'une limitation de l'ouverture des marchés nationaux.

1. Au niveau du recours à la procédure d'ouverture des marchés à des opérateurs économiques de pays tiers

Le considérant 18 de la directive MPDS réaffirme le fait que : « les Etats membres conservent le pouvoir de décider si oui ou non leurs pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices peuvent autoriser des agents économiques de pays tiers à participer aux procédures de marché ». Toutefois, les Etats membres doivent fonder leur décision sur des considérations limitativement définies, parmi lesquelles « l'obtention d'avantages mutuels ».

Cette considération qui n'avait pas été retenue par le Sénat a été rajoutée par l'Assemblée nationale. Sous réserve des explications qui seront données ci-après, votre commission ne voit pas d'obstacle à cet ajout.

2. Au niveau de l'examen des offres

Lors de l'examen des offres, les pouvoirs adjudicateurs pourront prendre en compte le fait que : « les moyens utilisés pour exécuter tout ou partie du marché, maintenir ou moderniser les produits acquis soient localisés sur le territoire des Etats membres de l'Union européenne (...) afin, notamment, d'assurer la sécurité des informations et des approvisionnements. ».

L'Assemblée nationale a souhaité reprendre intégralement la deuxième partie de l'article 20 de la directive, sur lequel est fondée cette disposition, afin de prendre compte également : « les considérations environnementales ou sociales ».

Votre commission accueille favorablement cet ajout.

CONCLUSION

Les modifications apportées par l'Assemblée nationale confortant ou complétant le texte du Sénat, votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande l'adoption conforme du projet de loi du gouvernement.

EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER - CONTRÔLE DES IMPORTATIONS ET EXPORTATIONS DES MATÉRIELS DE GUERRE

Le chapitre 1 er du projet de loi introduit dans le code de la défense des dispositions nouvelles sur le contrôle des importations et exportations des matériels de guerre.

Ce nouveau régime vient harmoniser des règles aujourd'hui disparates entre les différents Etats membres de l'Union européenne (morcellement coûteux et complexe pour les entreprises), tout en maintenant un haut degré d'exigence du contrôle.

Ce texte devrait avoir pour effets bénéfiques de réduire les délais d'instruction (de 110 jours à 50 jours) et de diminuer de plus de moitié le nombre d'actes administratifs individuels délivrés chaque année, de 14 000 aujourd'hui à 6 000 autorisations par an.

Article premier Création du nouveau régime de contrôle des importations et exportations des matériels de guerre

(Art. L. 2332-8-1 et L. 2335-1 à L. 2335-19 du code de la défense)

L'article 1 er fixe les nouveaux régimes de contrôle des exportations et importations, qu'il s'agisse des transferts intracommunautaires ou du « grand export », vers des pays non membres de l'Union européenne.

Sur cet article comme sur l'ensemble du texte, l'Assemblée nationale a largement souscrit aux travaux effectués par le Sénat , adoptant, sur proposition de la commission et de son rapporteur notre collègue M. Yves FROMION, des amendements de précision ou rédactionnels.

Outre des clarifications rédactionnelles bienvenues, tendant par exemple à mettre des locutions au pluriel, l'Assemblée a souhaité :

• A l'article L. 2335-9 (Transferts au sein de l'Union européenne : principes), remplacer les termes d' « autorité ministérielle compétente » par les termes « d'autorité administrative », plus adaptés juridiquement ;

• A l'article L 2335-11 (dérogations à la nécessité d'une licence pour certaines opérations), préciser la notion, citée par le texte, d' « institution publique » en lui accolant les termes : « au sens de l'article 4 de la directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 ». Le rapporteur de l'Assemblée a ainsi entendu lever toute ambigüité éventuelle sur le fait que cette notion devait être interprétée au regard du droit européen, pour embrasser l'ensemble des différentes situations prévalant dans l'Union européenne ;

• A la fin de l'article 1 er , insérer un III transcrivant les dispositions du présent article au sein d'un autre article du code de la défense (art L. 2331-10), amendement de coordination entre plusieurs articles du code de la défense .

Globalement, ces ajouts améliorent et clarifient le texte sans en changer l'économie. Votre commission y souscrit ; elle a donc adopté l'ensemble de l'article 1 er sans modification.

Article 2 Contrôle par des agents habilités au sein des entreprises

Dans sa version initiale, l'article 2 se contentait d'effectuer différentes coordinations dans le code de la défense rendues nécessaires par la nouvelle rédaction du chapitre V introduite par l'article 1 er du projet de loi.

Lors de l'examen du texte en première lecture au Sénat, l'article 2, sur proposition du Gouvernement, avait été étoffé pour intégrer les nouvelles modalités de contrôle a posteriori des entreprises titulaires de licences par les agents habilités de l'État.

Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a à nouveau présenté en commission un amendement (n° DF 67) précisant les modalités de la mise en mouvement de l'action judiciaire et fixant les délais d'information et de recueil d'avis du ministre de la défense.

Cet amendement prévoit que l'action publique est mise en mouvement par le Procureur de la République territorialement compétent, qui apprécie la suite à donner aux faits portés à sa connaissance, notamment par la dénonciation éventuelle du ministre de la défense ou de l'autorité habilitée par lui.

A défaut de dénonciation, le Procureur de la République informe le ministre de la défense ou l'autorité habilitée par lui. Hormis le cas d'urgence, le ministre de la défense, ou l'autorité habilitée par lui, donne son avis dans le délai d'un mois, « par tout moyen ».

Ainsi, quel que soit le cas, le ministère de la défense sera tenu informé, qu'il soit ou non à l'origine des poursuites.

Il faut noter que dans la rédaction adoptée par le Sénat, il était prévu que l'avis soit rendu « à peine de nullité, sauf si cet avis n'a pas été formulé dans le délai précité » d'un mois, ou en cas d'urgence, ceci pour éviter qu'une éventuelle inertie du ministère à produire son avis ne puisse entraver l'action judiciaire. Ces deux mentions (la nullité et la faculté de passer outre l'avis passé le délai d'un mois) ont disparu dans le texte de l'Assemblée., qui introduit cependant une certaine souplesse avec la notion d'avis rendu par « tout moyen ».

L'amendement présenté à l'Assemblée a également pour effet, comme l'a expliqué le ministre devant la commission, de restreindre l'application trop générale de cet article , qui aurait abouti à ce que l'avis du ministre de la défense soit demandé préalablement à tout acte de poursuite en matière d'infraction à la législation sur les armes, y compris les armes de quatrième, cinquième ou sixième catégorie, ce qui inclut les armes de chasse et les armes blanches.

La rédaction proposée par le Gouvernement a recentré la rédaction sur les matériels de guerre et les matériels assimilés.

De plus, alors que le texte du Sénat en première lecture avait, sur proposition du Gouvernement, introduit des dispositions sur les produits explosifs, l'Assemblée les a complétées pour prévoir la possibilité du retrait ou de l'abrogation de ces autorisations, par symétrie avec les matériels de guerre. Cet ajout semble opportun.

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3 Sanctions pénales ( Art. L 2339-11-1 à L 2339-11-4 (nouveaux) du code de la défense)

L'article 3 fixe les sanctions pénales encourues pour violation des obligations prévues dans les précédents articles. Le quantum des peines encourues a été calqué sur ce qui existe déjà dans le code de la défense en matière de non respect de l'autorisation préalable d'exportation, soit un emprisonnement d'une durée maximale de cinq années et une amende de soixante quinze milles euros pour les peines les plus lourdes.

A cet article, l'Assemblée n'a apporté au texte du Sénat que des précisions d'ordre rédactionnel (4 amendements rédactionnels du rapporteur).

Votre commission a donc adopté l'article 3 sans modification.

Article 4 Simplification des formalités douanières

L'article 4 du projet de loi modifie le code des douanes en supprimant son article 2 ter , qui prévoyait des formalités douanières devenues contradictoires avec la simplification introduite par le nouveau régime de transferts intracommunautaires.

L'article 38 du code des douanes est modifié pour permettre d'étendre les pouvoirs de recherche, de constatation et de sanction des infractions de l'administration des douanes aux matériels de guerre et produits explosifs destinés à des fins militaires.

Enfin, pour renforcer l'efficacité du contrôle, un dispositif d'échanges spontanés d'informations entre les agents des douanes et ceux du ministère de la défense est introduit à l'article L 2332-7 du code de la défense.

A cet article, l'Assemblée n'a apporté au texte du Sénat que des précisions d'ordre rédactionnel (en remplaçant les mots « régis par » par le mot « mentionnés à » à l'alinéa 2).

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification.

CHAPITRE II - COORDINATION DES PROCÉDURES DE PASSATION DE CERTAINS MARCHÉS DE DÉFENSE

Article 5 Régime spécial des marchés de défense ou de sécurité pour les entités soumises à l'ordonnance du 6 juin 2005 et dispositif législatif instituant une préférence communautaire sur ces marchés

L'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 prévoit un régime spécifique, dérogatoire du droit commun des marchés publics, tels que fixé par le code du même nom, pour un ensemble de personnes publiques ou privées.

Les modifications les plus importantes de cette ordonnance sont effectuées par le 6° de l'article 5 qui, à l'issue des travaux du Sénat, introduit quatre articles nouveaux (articles 37-2 à 37-5). C'est sur cette partie qu'ont porté les principales modifications de l'Assemblée nationale :

• L'article 37-3 établit le principe d'une préférence communautaire souple, et énumère les conditions dans lesquelles, par dérogation à ce principe, l'offre peut être ouverte à des opérateurs économiques de pays non membres de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. Pour pouvoir ouvrir son offre, l'entité adjudicatrice doit « prendre en compte notamment :

« - les impératifs de sécurité d'information et d'approvisionnement ;

« - la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l'Etat ;

« - l'intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense européenne ;

-«  les objectifs de développement durable ;

« - les exigences de réciprocité. »

A cette liste, non exhaustive, l'Assemblée nationale a ajouté la condition de « l'obtention d'avantages mutuels » afin de mettre le texte de la transposition en totale conformité avec celui de la directive.

Cet ajout permettra à un pouvoir adjudicateur français - s'il le souhaite - de s'appuyer sur le fait qu'une ouverture de l'offre à des opérateurs économiques de pays tiers ne comporterait pas d'avantage mutuel, ou bilan des avantages mutuels par trop défavorable à notre pays, pour restreindre la procédure d'appel d'offre aux seuls opérateurs économiques des pays membres de l'Union ou de l'Espace économique européen.

Votre commission ne voit pas d'obstacle à la prise en compte de cette modification.

• L'article 37-5 énumère les conditions d'exécution que les entités adjudicatrices peuvent définir afin d'écarter certaines offres . Elles peuvent prendre en compte le fait que les moyens utilisés par le candidat pour maintenir ou moderniser les produits acquis soient localisés sur le territoire des Etats membre de l'Union ou des Etats à l'espace économique européen.

L'Assemblée nationale a souhaité compléter cet article en précisant que les entités adjudicatrices pouvaient également prendre en compte les « considérations environnementales ou sociales ».

Cette précision vise, selon les termes mêmes du rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Yves Fromion, à « pousser aussi loin que possibles les arguments des pouvoirs adjudicateurs en faveur de la préférence européenne, notamment les considérations environnementales ou sociales, qui figurent déjà dans la directive ».

Votre commission ne peut qu'approuver ce complément utile et vous recommande donc d'adopter conforme l'ensemble de l'article 5.

Article 6 Modalités de recours contre les marchés de défense

L'article 6 ayant été adopté conforme, il n'est plus en discussion en deuxième lecture.

CHAPITRE III DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Le chapitre III du projet de loi est relatif à l'application pratique et territoriale du texte. Il introduit des dispositions transitoires pour les agréments ou autorisations délivrées avant l'entrée en vigueur de la loi, ainsi que pour les licences individuelles comme globales.

Il s'intéresse également aux modalités d'application de la loi, notamment son entrée en vigueur et son champ d'application territorial.

L'article 7 (Validité des agréments et autorisations délivrés avant l'entrée en vigueur de la loi) ayant été adopté conforme par l'Assemblée, il n'est plus en discussion.

Article 8 Dispositif transitoire pour les licences individuelles comme globales

L'article 8 met en place un mécanisme transitoire pour les licences individuelles et globales d'exportation et de transfert d'armements. Ainsi, jusqu'à une date à déterminer dans les décrets d'application, mais ne pouvant excéder le 31 décembre 2014, le dispositif de double autorisation, agrément préalable puis autorisation d'exportation, perdurera, afin de permettre la modification du système informatique interministériel de gestion des procédures d'exportation des matériels de guerre (SIEX).

Lors des auditions menées par votre rapporteur, il a été indiqué que le délai d'ajustement avait été revu à la baisse et donc que le nouveau système informatique devrait être opérationnel en 2013.

On ne peut que s'en féliciter dans la mesure où les bénéfices de l'entrée en vigueur du nouveau système sont largement conditionnés par la capacité de l'administration à adapter un outil qui fait la quasi unanimité contre lui.

Le ministre a décrit en ces termes en séance publique à l'Assemblée la situation transitoire dont il faudra se satisfaire d'ici là : « Les performances de notre système spécifique, le SIEX, ont des limites dont nous avons conscience. Nous avions le choix entre retarder la mise en oeuvre de la directive en la subordonnant à celle d'un nouveau système informatique ou accepter, pour rendre service aux entreprises, le risque d'une coexistence entre un texte nouveau et un système informatique ancien qui, en tout état de cause, sera rénové pour 2014. Nous prenons ce risque. Soyons lucides : la loi sera opérationnelle en 2012 et la situation d'incongruité informatique durera dix-huit mois. »

L'Assemblée a apporté 3 modifications d'ordre rédactionnel à cet article :

- en remplaçant les mots : « dans les décrets d'application» par les mots : « par décret » ;

- en remplaçant les mots et références : « opérations mentionnées au premier alinéa du IV » par les mots et références : « opérations commerciales préalables mentionnées au III » ;

- en remplaçant les mots : « cette période » par les mots et références : « la période définie au I ».

Votre commission a adopté l'article 8 sans modification.

Les articles 9 (Entrée en vigueur) et 10 (Champ d'application territorial) ayant été adoptés conformes, ils ne sont plus en discussion.

* *

*

Votre commission a adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 18 mai 2011. Un échange de vues a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Jean-Pierre Chevènement - Je souhaiterais avoir quelques éclaircissements sur l'état de la transposition dans les autres pays de l'Union européenne.

M. Josselin de Rohan , rapporteur - Je me permets de vous renvoyer à mon rapport écrit en première lecture.

S'agissant du Royaume-Uni, afin de protéger ses intérêts industriels, le ministère de la défense prévoit d'utiliser l'article 346 TFUE bien que ceci ne soit pas prévu par la directive. Cette interprétation, qui pourrait se heurter à la vision de la CJUE, est à géométrie variable et pourrait justifier la passation de marchés sans publicité aux industriels nationaux travaillant dans un secteur stratégique, même pour des marchés en dehors de ce secteur.

Concernant la Suède, une loi spécifique devrait être votée pour compléter le code des marchés publics.

L'Allemagne transposera vraisemblablement la directive par des amendements à une loi existante et par une réglementation du gouvernement. Les exigences européennes ne seront cependant reprises que pour les marchés supérieurs aux seuils. Les autres dispositions de la directive devraient être transposées dans un texte de niveau réglementaire distinct de ceux qui régissent les marchés civils. Contrairement à la France, celui-ci ne comprendrait pas de renvoi vers des articles applicables aux marchés civils : la recherche de l'efficacité opérationnelle au bénéfice de l'activité du pouvoir adjudicateur semble avoir prévalu. Le ministère pilote est celui de l'économie. L'Allemagne a jusqu'à présent assimilé l'article 346TFUE à la liste de 1958. Ceci ne peut plus être le cas aujourd'hui : seule la notion d'intérêt essentiel de sécurité permet maintenant de distinguer les deux cadres juridiques. Elle aura donc une difficulté dans ce domaine. Il n'est pas prévu aujourd'hui de dispositif spécifique concernant la maîtrise de l'accès au marché par les opérateurs d'États tiers, mais le considérant 18 de la directive fait l'objet de discussions internes.

Concernant l'Italie, il n'est pas prévu pas de dispositif spécifique concernant la maitrise de l'accès au marché par les opérateurs d'États tiers, les instruments proposés par la directive en matière de sécurité d'approvisionnement ou d'information apparaitraient suffisants. Si tel n'était pas le cas, l'article 346TFUE sera utilisé.

Enfin, l'Espagne prévoit de transposer la directive dans une loi spécifique. Son actuel code des marchés publics exige que les opérateurs économiques d'un pays tiers démontrent la réciprocité de l'accès au marché entre l'Espagne et ce pays tiers. Ce principe devrait être reconduit pour la transposition de la directive MPDS.

Un bref débat s'est ensuite engagé au terme duquel, suivant l'avis de son rapporteur, la commission a adopté le projet de loi sans modification.

TABLEAU COMPARATIF


* 1 70, 306, 307 et TA 70 (2010-2011)

* 2 3188, 3311 et TA 646 201-2011

* 3 Alinéa 49 du texte adopté par le Sénat - pour l'article 37-2 de l'ordonnance, devenu article 37-3 en raison de l'insertion d'un nouvel article 37-2 par un texte tiers entre le dépôt du projet de loi et son examen par le Sénat.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page