Rapport n° 674 (2010-2011) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 28 juin 2011

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N° 674

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , de règlement des comptes et rapport de gestion pour l' année 2010 ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

Tome I : Exposé général et examen des articles

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Serge Dassault , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Hubert Falco, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Roland du Luart, Philippe Marini, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

3507 , 3544 et T.A. 693

Sénat :

672 (2010-2011)

EXPOSÉ GÉNÉRAL
PREMIÈRE PARTIE : LE CADRAGE MACROÉCONOMIQUE ET LA VISION CONSOLIDÉE DES FINANCES PUBLIQUES

I. UNE CROISSANCE DU PIB DE 1,5 %

A. UNE CROISSANCE DEUX FOIS SUPÉRIEURE À LA PRÉVISION

La croissance du produit intérieur brut (PIB) en volume a été de 1,5 % en 2010, soit deux fois plus que la prévision associée au projet de loi de finances (0,75 %).

Il convient de se féliciter de la prudence de l'hypothèse alors retenue par le Gouvernement, alors que le consensus des conjoncturistes prévoyait une croissance de 1,2 %.

Cette prudence est en effet historiquement exceptionnelle, le Gouvernement retenant presque systématiquement une hypothèse de croissance supérieure à la prévision du consensus des conjoncturistes, comme le montre le graphique ci-après.

B. UN PIB TOUJOURS INFÉRIEUR À CELUI DE 2007

Une croissance de 1,5 % est toutefois inférieure au potentiel de longue période de l'économie, de l'ordre de 2 %.

Par ailleurs, le PIB de l'année 2010 demeure inférieur à celui de 2007, comme le montre le graphique ci-après.

Ainsi, même en prenant pour référence le PIB d'avant la crise de 2008-2009 1 ( * ) , les effets celle-ci se font toujours sentir.

II. UN DÉFICIT PUBLIC DE 7,1 POINTS DE PIB

A. LA « BONNE SURPRISE » DE 2010

1. Un déficit public de 7,1 points de PIB, contre une prévision de 8,2 points

L'exécution de l'année 2010 s'est traduite par une « bonne surprise », le déficit public ayant été de « seulement » 7,1 points de PIB , contre une prévision initiale de 8,2 points par le programme de stabilité 2010-2013. Par ailleurs, fin 2011 , la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (« LPFP 2011-2014 ») prévoyait un déficit de 7,7 points .

De même, la dette publique en 2010, de 83,2 points de PIB selon le programme de stabilité 2010-2013 et 82,9 points selon la LPFP 2011-2014, a « seulement » été de 82,3 points .

Les tableaux ci-après permettent de comparer les différents chiffres, en points de PIB et en milliards d'euros. Ils indiquent en outre, pour mémoire, la première évaluation publiée par l'Insee le 31 mars 2011, utilisée pour la notification à la Commission européenne des ratios de dette et de déficit publics, et pour l'élaboration du programme de stabilité 2011-2014.

Comme on le verra plus loin, la comparaison « brute » des chiffres de prévision et d'exécution n'est pas rigoureusement exacte, du fait du changement de base survenu en 2011 2 ( * ) . En effet, si les prévisions sont exprimées en base 2000 , l'Insee indique l'exécution en base 2005 . Cela ne pose cependant pas de problème majeur en ce qui concerne le solde global de l'ensemble des administrations publiques. En effet, le changement de base n'affecte pas significativement le solde exprimé en milliards d'euros. La révision à la baisse du PIB suscite quant à elle une très légère révision à la hausse du déficit public exprimé en points de PIB, qui passe ainsi de 7 points de PIB selon la notification du 31 mars à la Commission européenne à 7,1 points de PIB selon le chiffre publié le 13 mai 2011 3 ( * ) .

Le compte des administrations publiques : prévision et exécution

1. En points de PIB

2008

2009

2010

Prévision (en base 2000)

Programme de stabilité 2010-2013 (janvier 2010)

Solde public / solde public notifié (1)

-3,4

-7,9

-8,2

Dette publique

67,4

77,4

83,2

Recettes publiques

49,3

47,7

47,6

Dépenses publiques

52,7

55,6

55,8

Prélèvements obligatoires

42,8

41

41

Pour mémoire : LPFP 2011-2014 (décembre 2010) (2)

Solde public / solde public notifié (1)

-3,3

-7,5

-7,7

Dette publique

67,5

78,1

82,9

Recettes publiques

49,5

48,5

48,9

Dépenses publiques

52,8

56

56,6

Prélèvements obligatoires

42,9

41,6

41,9

Exécution

Insee, 31 mars 2011 (première évaluation pour 2010, utilisée pour la notification à la Commission européenne des ratios de dette et de solde publics ; comptes des APU en base 2005, PIB en base 2000)

Solde public/solde public notifié (1)

-3,3

-7,5

-7,0

Dette publique

67,7

78,3

81,7

Recettes publiques

49,5

48,7

49,2

Dépenses publiques

52,9

56,2

56,2

Prélèvements obligatoires

42,9

41,7

42,2

Insee, 13 mai 2011 (compte de la Nation provisoire pour 2010 ; comptes des APU et PIB en base 2005)

Solde public

-3,3

-7,6

-7,1

Solde public notifié (1)

-3,3

-7,5

-7,1

Dette publique

68,2

79,0

82,3

Recettes publiques

49,9

49,2

49,5

Dépenses publiques

53,3

56,7

56,6

Prélèvements obligatoires

43,2

42,0

42,5

Ecart entre les deux estimations de l'Insee

Solde public

0,0

0,0

-0,1

Solde public notifié (1)

0,0

-0,1

0,0

Dette publique

0,5

0,7

0,6

Recettes publiques

0,4

0,5

0,3

Dépenses publiques

0,4

0,5

0,4

Prélèvements obligatoires

0,3

0,3

0,3

Comparaison indicative de la prévision et de l'exécution (données du 13 mai 2011)

Ecart par rapport au programme de stabilité 2010-2013 (janvier 2010)

Solde public

0,1

0,3

1,1

Solde public notifié (1)

0,1

0,4

1,1

Dette publique

0,8

1,6

-0,9

Recettes publiques

0,6

1,5

1,9

Dépenses publiques

0,6

1,1

0,8

Prélèvements obligatoires

0,4

1,0

1,5

Ecart par rapport à la LPFP 2011-2014 (décembre 2010)

Solde public

0,0

0,0

0,7

Solde public notifié (1)

0,0

0,0

0,7

Dette publique

0,2

0,2

-1,2

Recettes publiques

0,1

0,2

0,2

Dépenses publiques

0,1

0,2

-0,4

Prélèvements obligatoires

-

-

-

(1) La différence entre le solde public et le solde public notifié correspond aux swaps.

(2) Les chiffres retenus ici sont ceux du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2011.

Source : textes indiqués, Insee, calculs de la commission des finances

2. En milliards d'euros

2008

2009

2010

Prévision (en base 2000)

Programme de stabilité 2010-2013 (janvier 2010)

Solde public / solde public notifié (2)

-65,9

-152,1 (1)

-161,8 (1)

Dette publique

1314,4 (1)

1489,8 (1)

1641,4 (1)

Recettes publiques

960,8

918,1 (1)

939,1 (1)

Dépenses publiques

1026,7

1070,2 (1)

1100,9 (1)

Prélèvements obligatoires

834,3

789,1 (1)

808,9 (1)

Pour mémoire : LPFP 2011-2014 (décembre 2010) (1) (3)

Solde public / solde public notifié (2)

-64,3

-143,0

-150,0

Dette publique

1314,9

1489,4

1615,1

Recettes publiques

964,3

924,9

952,7

Dépenses publiques

1028,5

1068,0

1102,7

Prélèvements obligatoires

835,7

793,4

816,3

Exécution

Insee, 31 mars 2011 (première évaluation pour 2010, utilisée pour la notification à la Commission européenne des ratios de dette et de solde publics ; comptes des APU en base 2005, PIB en base 2000)

Solde public

-64,6

-143,1

-136,9

Solde public notifié (2)

-64,3

-142,5

-136,5

Dette publique

1318,6

1492,7

1591,2

Recettes publiques

965,4

928,8

957,8

Dépenses publiques

1030,0

1071,9

1094,8

Prélèvements obligatoires

-

-

-

Insee, 13 mai 2011 (compte de la Nation provisoire pour 2010 ; comptes en base 2005)

Solde public

-64,6

-143,1

-136,9

Solde public notifié (2)

-64,3

-142,5

-136,5

Dette publique

1318,6

1492,7

1591,2

Recettes publiques

965,4

928,8

957,6

Dépenses publiques

1030,0

1071,9

1094,5

Prélèvements obligatoires

835,6

794,3

822,1

Ecart entre les deux estimations de l'Insee

Solde public

0,0

0,0

0,0

Solde public notifié (2)

0,0

0,0

0,0

Dette publique

0,0

0,0

0,0

Recettes publiques

0,0

0,0

-0,2

Dépenses publiques

0,0

0,0

-0,3

Prélèvements obligatoires

-

-

-

Comparaison indicative de la prévision et de l'exécution (données du 13 mai 2011)

Ecart par rapport au programme de stabilité 2010-2013 (janvier 2010)

Solde public

1,3

9,0

24,9

Solde public notifié (2)

1,6

9,6

25,3

Dette publique

4,2

2,9

-50,2

Recettes publiques

4,6

10,7

18,5

Dépenses publiques

3,3

1,7

-6,4

Prélèvements obligatoires

1,3

5,2

13,2

Ecart par rapport à la LPFP 2011-2014 (décembre 2010)

Solde public

-0,3

-0,1

13,1

Solde public notifié (2)

0,0

0,5

13,5

Dette publique

3,7

3,3

-23,9

Recettes publiques

1,1

3,9

4,9

Dépenses publiques

1,5

3,9

-8,2

Prélèvements obligatoires

-

-

-

(1) Les textes concernés indiquent généralement les montants en points de PIB. La conversion en milliards d'euros a ici été faite en fonction des hypothèses de PIB alors retenues. Du fait des arrondis, ces montants ne sont pas les montants exacts. (2) La différence entre le solde public et le solde public notifié correspond aux swaps. (3) Les chiffres retenus ici sont ceux du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2011.

Source : textes indiqués, Insee, calculs de la commission des finances

2. Une amélioration du solde insuffisante
a) Une amélioration de seulement 0,5 point de PIB

Cette « bonne surprise » en matière de solde public en 2010 doit être nuancée en ce qui concerne l'effort réalisé.

En effet, le solde public ne s'est amélioré que de 0,5 point de PIB entre 2009 et 2010 4 ( * ) . A ce rythme, le déficit ne serait ramené sous le seuil de 3 points de PIB qu'en 2018...

b) Le sixième déficit public le plus élevé de la zone euro

Par ailleurs, le déficit public de la France a été en 2010 le sixième plus élevé de la zone euro (après la Grèce, l'Irlande, l'Espagne, le Portugal et la Slovaquie), comme le montre le tableau ci-après.

Les prévisions de solde public de la Commission européenne

(en points de PIB)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Grèce

-5,7

-6,4

-9,8

-15,4

-10,5

-9,5

-9,3

Irlande

2,9

0,1

-7,3

-14,3

-32,4

-10,5

-8,8

Espagne

2

1,9

-4,2

-11,1

-9,2

-6,3

-5,3

France

-2,3

-2,7

-3,3

-7,5

-7

-5,8

-5,3

Slovénie

-1,4

-0,1

-1,8

-6

-5,6

-5,8

-5

Chypre

-1,2

3,4

0,9

-6

-5,3

-5,1

-4,9

Slovaquie

-3,2

-1,8

-2,1

-8

-7,9

-5,1

-4,6

Portugal

-4,1

-3,1

-3,5

-10,1

-9,1

-5,9

-4,5

Belgique

0,1

-0,3

-1,3

-5,9

-4,1

-3,7

-4,2

Autriche

-1,6

-0,9

-0,9

-4,1

-4,6

-3,7

-3,3

Italie

-3,4

-1,5

-2,7

-5,4

-4,6

-4

-3,2

Malte

-2,8

-2,4

-4,5

-3,7

-3,6

-3

-3

Estonie

2,4

2,5

-2,8

-1,7

0,1

-0,6

-2,4

Pays-Bas

0,5

0,2

0,6

-5,5

-5,4

-3,7

-2,3

Allemagne

-1,6

0,3

0,1

-3

-3,3

-2

-1,2

Luxembourg

1,4

3,7

3

-0,9

-1,7

-1

-1,1

Finlande

4

5,2

4,2

-2,6

-2,5

-1

-0,7

Zone euro

-1,4

-0,7

-2

-6,3

-6

-4,3

-3,5

Source : commission européenne, prévisions économiques du printemps 2011

3. Une amélioration du solde public de nature ambiguë
a) Certes, une amélioration du solde provenant en quasi-totalité de la maîtrise de la dépense publique

La nature de l'amélioration du solde pourrait a priori inciter à l'optimisme. En effet, celle-ci a été presque exclusivement due à la maîtrise de la dépense publique, comme le montre le tableau ci-après, et ce que le Gouvernement ne manque pas de souligner.

Décomposition indicative de l'évolution du solde public

(en points de PIB)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Facteurs dépendant de l'action du Gouvernement (« effort structurel »)

-0,8

-1,0

-0,8

-1,1

0,4

-0,1

0,2

0,3

-0,4

-0,1

-1,6

0,5

Evolution du ratio dépenses/PIB potentiel

-0,5

0,0

0,1

-0,7

0,0

-0,2

-0,2

0,3

0,2

0,4

-0,8

0,4

Mesures nouvelles sur les recettes

-0,3

-1,0

-0,9

-0,4

0,4

0,1

0,4

0,0

-0,6

-0,5

-0,8

0,1

Facteurs ne dépendant pas de l'action du Gouvernement

1,6

1,2

0,7

-0,5

-1,2

0,5

0,5

0,3

0,0

-0,5

-2,6

0,0

Evolution du solde conjoncturel

0,6

0,8

-0,1

-0,5

-0,6

0,3

-0,1

0,2

0,1

-1,0

-2,4

-0,3

Elasticité des recettes au PIB différente de 1

1,0

0,4

0,8

0,0

-0,7

0,3

0,6

0,0

-0,1

0,6

-0,3

0,3

Total

0,8

0,3

-0,1

-1,6

-0,8

0,5

0,7

0,6

-0,4

-0,6

-4,2

0,5

Source : commission des finances, d'après l'Insee et les documents annexés aux projets de lois de finances

Les dépenses des administrations publiques ont en effet connu en 2010 une modération remarquable.

b) Mais une amélioration due exclusivement à des facteurs exceptionnels

Il faut toutefois prendre en compte le fait que l'amélioration du solde public constatée en 2010 résulte de facteurs exceptionnels, sans lesquels celui-ci se serait dégradé.

Si l'on « neutralise » la part du contrecoup du plan de relance provenant des dépenses (0,15 point de PIB, soit 0,3 point de dépenses publiques) et la quasi-stabilité des dépenses locales (dont la croissance annuelle depuis le début des années 2000 a été de l'ordre de 1 point de dépenses publiques), la croissance des dépenses publiques n'est plus de 0,6 % en volume, mais de 1,9 % , ce qui est proche de sa tendance « historique » (2,3 % depuis 2000). Si l'on corrige ce dernier chiffre du fait que des livraisons exceptionnelles de matériels militaires 5 ( * ) ont accru les dépenses publiques de 0,4 %, les dépenses publiques augmentent encore de 1,5 % en volume.

(1) Le contrecoup du plan de relance

Si l'on « neutralise » le contrecoup du plan de relance, la totalité de l'amélioration du solde constatée par rapport à 2009 disparaît, comme le montre le tableau ci-après.

Sans le contrecoup du plan de relance, le solde public se serait même dégradé de 0,2 point de PIB en 2010.

L'amélioration du solde public en 2010 : le rôle du contrecoup du plan de relance

(en points de PIB)

Amélioration non corrigée du contrecoup du plan de relance

Contrecoup du plan de relance*

Amélioration corrigée du contrecoup du plan de relance

Effort structurel

0,5

0,7

-0,2

Evolution du ratio dépenses/PIB potentiel

0,4

0,15

0,2

Mesures nouvelles sur les recettes

0,1

0,55

-0,5

Facteurs ne dépendant pas de l'action du Gouvernement

0,0

0,0

Evolution du solde conjoncturel

-0,3

-0,3

Elasticité des recettes au PIB différente de 1

0,3

0,3

Total

0,5

0,7

-0,2

* Cour des comptes, « Situation et perspectives des finances publiques 2010 », juin 2011 : « En comptabilité nationale, les mesures fiscales du plan de relance ont eu un coût d'environ 0,65 % du PIB en 2009, qui a été ramené à 0,1 % en 2010. Leur contrecoup se traduirait par un supplément de recettes de 0,1 % en 2011. Du côté des dépenses publiques, le plan de relance a représenté 0,35 % du PIB en 2009 et ce coût a été ramené à 0,2 % en 2010. Au total, le plan de relance a majoré le déficit public d'environ 1 % du PIB en 2009 et de 0,3 % en 2010, puis le diminuera de 0,1 point en 2011. »

Source : commission des finances, d'après l'Insee et la Cour des comptes

Ce phénomène provient d'un effort structurel négatif hors contrecoup du plan de relance. En particulier, comme l'indique le tableau, une fois cette correction effectuée, les mesures nouvelles sur les recettes ont été de - 0,5 point de PIB.

Autrement dit, derrière la légère augmentation discrétionnaire des recettes se trouvent en réalité des mesures tendant à réduire les recettes pour près de 10 milliards d'euros , dont 7,9 milliards d'euros pour la réforme de la taxe professionnelle et 1,9 milliard d'euros pour la TVA restauration 6 ( * ) .

(2) La diminution des investissements locaux

L'année 2010 a été caractérisée par une diminution des dépenses des administrations publiques locales, provenant de celle de leurs dépenses d'investissement, comme le montre le graphique ci-après.

Ce faible dynamisme des dépenses provient de phénomènes largement conjoncturels :

- début du cycle électoral (les élections municipales ayant eu lieu en 2008), par nature peu propice à l'investissement ;

- contrecoup des investissements anticipés en 2009 dans le cadre du plan de relance ;

- tendance à réduire par précaution les investissements, du fait de la crise et des incertitudes sur les recettes des administrations publiques locales ;

- sous-estimation du rebond des recettes.

Si les dépenses des administrations publiques locales avaient augmenté au même rythme que celui constaté depuis le début des années 2000, toutes choses égales par ailleurs le déficit public aurait été accru de 0,5 point.

B. UNE COMPARAISON DIFFICILE ENTRE PRÉVISION ET EXÉCUTION, DU FAIT DE L'ABSENCE DE CHIFFRAGE À « BASE CONSTANTE »

Comme on l'a indiqué, l'année 2011 est celle d'un changement de base des comptes nationaux, avec le passage de la « base 2000 » à la « base 2005 ».

La comparaison entre prévision et exécution pour 2010 en est rendue difficile. En effet, ni l'Insee, ni la Cour des comptes, ni le Gouvernement, n'ont publié de comparaison à « base constante ».

Le passage de la base 2000 à la base 2005 : l'exemple de l'année 2008

L'Insee ne publiant plus désormais les comptes des administrations publiques qu'en base 2005, il n'est pas possible de comparer l'exécution de 2010 selon ces deux bases.

On peut cependant le faire dans le cas de l'année 2008.

En ce qui concerne les données en milliards d'euros, on observe que le solde public a été revu en très légère hausse (+ 0,4 milliard d'euros).

La principale différence est toutefois une modification de la ventilation du déficit et de la dette entre catégories d'administrations publiques. En effet, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), jusqu'alors considérés comme des organismes divers d'administration centrale (ODAC), sont désormais classés parmi les administrations de sécurité sociale (ASSO). Les sommes en jeu sont, en 2008, de 6 milliards d'euros pour le déficit et 83,7 milliards d'euros pour la dette.

La dette publique est revue en hausse de 3,5 milliards d'euros, principalement en raison de la révision du montant des dépôts au Trésor des administrations publiques locales. L'impact en points de PIB est en revanche plus significatif, le PIB de 2008 ayant été revu à la baisse de 0,8 %. Ainsi, la dette augmente de 0,7 point de PIB.

Les ratios de finance publique pour l'année 2008

(en milliards d'euros)

Base 2000

Base 2005

Ecart

Capacité ou besoin de financement

-65,0

-64,6

0,4

Administrations publiques centrales

-55,4

-60,8

-5,3

Administrations publiques locales

-8,7

-9,4

-0,7

Administrations de sécurité sociale

-0,9

5,6

6,5

Taux de prélèvements obligatoires des APU en %

42,9

43,2

0,3

Déficit / PIB en %

-3,3

-3,3

0,0

Dette publique

1 315,1

1 318,6

3,5

Administrations publiques centrales

1 131,6

1 052,4

-79,2

Administrations publiques locales

148,1

146,3

-1,8

Administrations de sécurité sociale

35,4

119,9

84,5

Dette publique / PIB en %

67,5

68,2

0,7

Source : Insee, « Les comptes nationaux passent en base 2005 », mai 2011

1. Une comparaison difficile au niveau de l'ensemble des administrations publiques

Toute comparaison précise entre prévision et exécution pour l'année 2010 est de fait impossible :

- le programme de stabilité 2010-2013 est, comme les autres programmes de stabilité, exprimé en points de PIB. Si des montants en milliards d'euros peuvent sans difficulté être convertis en points de PIB, la réciproque n'est pas vraie, du fait de problèmes d'arrondi ;

- à ce phénomène habituel s'ajoute cette année le changement de base. Si le programme de stabilité 2010-2013 (comme la LPFP 2011-2014) est exprimé en base 2000, l'Insee n'a publié l'exécution 2010 que selon la base 2005.

a) Par rapport au programme de stabilité 2010-2013 : une amélioration par rapport à la prévision provenant pour environ 19 milliards d'euros des recettes et 6 milliards d'euros des dépenses ?

Ces limites étant rappelées, si l'on raisonne en milliards d'euros (et non en points de PIB) - ce qui permet de « neutraliser » l'impact comptable des fluctuations du PIB -, le solde public est amélioré d'environ 25 milliards d'euros par rapport au programme de stabilité 2010-2013. Cette amélioration se décompose entre :

- des recettes supérieures d'environ 19 milliards d'euros ;

- des dépenses inférieures d'environ 6 milliards d'euros.

Cependant, ces chiffres ne sont pas corrigés du changement de base .

Si l'on raisonne en points de PIB , on observe qu'en 2008, entre le programme de stabilité 2010-2013 (en base 2000) et l'exécution actuellement indiquée par l'Insee (en base 2005), les dépenses et les recettes sont accrues de 0,6 point de PIB . Cela provient essentiellement de la révision de l'évaluation du PIB. Le PIB de 2008 a en effet été revu à la baisse de 0,8 % par rapport à la base 2000, en raison d'une révision à la baisse des valeurs ajoutées dégagées par les ménages et les sociétés financières. Cela n'a qu'un impact marginal sur le solde, mais majore les dépenses et les recettes d'environ 0,4 point de PIB.

b) Par rapport à la LPFP 2011-2014 : une amélioration provenant pour environ 5 milliards d'euros des recettes et 8 milliards d'euros des dépenses ?

Par rapport à la LPFP 2011-2014, l'amélioration de 13 milliards d'euros, sans prise en compte du changement de base, se répartit entre 5 milliards d'euros pour les recettes et 8 milliards d'euros pour les dépenses.

Il ne s'agit toutefois, là encore, que d'un ordre de grandeur.

2. Une comparaison difficile au niveau des différentes catégories d'administrations publiques
a) Par rapport au programme de stabilité 2010-2013 : une amélioration à peu près également répartie entre catégories d'administrations publiques

Une comparaison précise entre prévision et exécution est a fortiori impossible entre catégories d'administrations publiques.

Une simple comparaison des prévisions de solde des catégories d'administrations publiques du programme de stabilité 2010-2013 et de la réalisation indiquée par l'Insee pourrait suggérer a priori que le fait que le solde ait été meilleur que prévu (pour 1,1 point de PIB) s'explique à raison de 0,7 point de PIB par une « bonne surprise » du côté des administrations de sécurité sociale (dont le déficit a été de 1,2 point de PIB, contre une prévision de 1,9 point de PIB).

Tel n'est pourtant pas le cas. Cette amélioration apparente vient en quasi-totalité du fait que, comme le souligne l'Insee, le reclassement en « base 2005 » en administrations de sécurité sociale de la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) et du fonds de réserve des retraites (FRR) , jusqu'alors considérés comme des organismes divers d'administration centrale, améliore le solde des administrations de sécurité sociale et détériore celui des organismes divers d'administration centrale pour un montant 8,5 milliards d'euros (soit 0,4 point de PIB).

Comme il n'existe ni de conversion du programme de stabilité 2010-2013 en base 2005, ni de résultat d'exécution de 2010 en base 2000, la prévision et l'exécution ne peuvent être précisément comparées . Il est toutefois possible de corriger l'exécution de 2010 du reclassement de la CADES et du FRR. On constate alors que, selon ce calcul :

- le déficit des administrations publiques centrales est légèrement moindre que prévu (5,4 points de PIB au lieu de 5,9 points de PIB) ;

- les administrations publiques locales ont bien un déficit moindre que prévu (0,1 point de PIB au lieu de 0,5 point de PIB) ;

- en revanche, les administrations de sécurité sociale ont un déficit plus proche des prévisions qu'on pourrait le croire de prime abord (1,6 point de PIB, et non 1,2 point de PIB, contre une prévision de 1,9 point de PIB).

Au total, la « bonne surprise » de 2010 par rapport au programme de stabilité 2010-2013 semble à peu près également répartie entre les administrations publiques centrales, les administrations de sécurité sociale et les administrations publiques locales.

b) Par rapport à la LPFP 2011-2014 : une amélioration correspondant pour à peu près la moitié aux administrations publiques locales

Une comparaison précise est également impossible entre l'exécution et la LPFP 2011-2014 , adoptée fin 2010 et qui, on le rappelle, prévoyait un solde de - 7,7 points de PIB (contre - 7,1 points de PIB finalement observés).

Si l'on corrige comme précédemment l'exécution du reclassement de la CADES et du FRR, cette « bonne surprise » de 0,6 point de PIB est imputable pour moitié aux administrations publiques locales , le reste provenant essentiellement des administrations publiques centrales. L'amélioration du solde des administrations de sécurité sociale avait en revanche alors été correctement évaluée.

Décomposition de l'amélioration du solde public en 2010 par rapport
à la prévision de la LPFP 2010-2013 (décembre 2010)

(en points de PIB)

* Correction, par la commission des finances, du reclassement en « base 2005 » en administrations de sécurité sociale de la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) et du fonds de réserve des retraites (FRR).

Source : programme de stabilité 2010-2013, Insee, calculs de la commission des finances

Dans son rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques, le Gouvernement donne les indications ci-après, qui confirment les ordres de grandeur de ces résultats corrigés du changement de base.

La révision du déficit public 2010 par rapport au projet de loi de finances pour 2011, selon le Gouvernement

« Le déficit public, qui s'est élevé à 7,1 % du PIB en 2010, est moins élevé que prévu. Il s'agit d'une amélioration significative par rapport à l'hypothèse de 7,7 % du PIB retenue pour la loi de finances pour l'année 2011.

« Cette révision à la baisse est d'abord liée, pour environ 0,2 point de PIB, à une meilleure exécution du solde budgétaire de l'État par rapport au révisé 2010 du PLF 2011, notamment en raison de la révision à la baisse du surcoût temporaire lié à la réforme de la TP.

« Le solde des administrations de sécurité sociale s'est également redressé, d'environ 0,1 point de PIB par rapport à la prévision du PLF, avec l'amélioration du compte des hôpitaux, poursuivant la tendance observée dès 2009. Par ailleurs, le rebond plus rapide que prévu de l'emploi a conduit à de moindres dépenses d'indemnisation chômage.

« Le solde des administrations publiques locales est par ailleurs en amélioration pour 0,3 point de PIB. Celle-ci s'explique notamment par la maîtrise du niveau de l'investissement local (environ - 7% contre + 2% prévus dans le PLF pour 2011). Cette baisse, exceptionnelle en regard d'un cycle classique d'investissement qu'on pouvait attendre après les élections municipales de 2008, traduit l'engagement des collectivités locales à participer à l'effort de redressement des comptes publics, conformément aux engagements pris lors de la conférence des déficits publics du 20 mai 2010. Elle pourrait également refléter notamment un contrecoup plus marqué qu'anticipé des effets positifs du plan de relance en 2009, accentué par un climat défavorable aux travaux publics au 4 e trimestre 2010. De plus, la maîtrise des dépenses courantes de fonctionnement ainsi que le plus fort rebond des droits de mutation, reflet de la forte hausse des prix immobiliers et du dégel du marché, ont également contribué à réduire le déficit.

« Enfin, le rythme de décaissement des dépenses liées aux investissements d'avenir a été plus faible qu'anticipé à hauteur de ½ Md€. »

Source : rapport du Gouvernement préparatoire au débat d'orientation des finances publiques pour 2012, juin 2011

3. Des difficultés qui conduisent à s'interroger sur le caractère véritablement engageant des programmes de stabilité

Il est étonnant qu'aucun document public ne permette de comparer précisément prévision et exécution du programme de stabilité 2010-2013.

On rappelle qu'à l'initiative de la commission des finances, le II de l'article 15 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (« LPFP 2011-2014 ») prévoit : « Le Gouvernement établit et transmet chaque année au Parlement, avant le débat d'orientation des finances publiques, un bilan de la mise en oeuvre de la présente loi. Ce bilan justifie les éventuels écarts constatés entre les engagements pris dans le dernier programme de stabilité transmis à la Commission européenne et la mise en oeuvre de la présente loi. (...) Ce document dresse également un bilan de l'application des programmes de stabilité transmis à la Commission européenne en application de l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dont la période de programmation comprend la dernière année révolue . Il indique en particulier l'évolution des dépenses, au périmètre de l'année précédente et au sens de la comptabilité nationale, de l'Etat, des organismes divers d'administration centrale, des administrations publiques centrales, des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales, à compter de l'année 2010. »

Le « bilan » du programme de stabilité 2010-2013 figurant dans le rapport du Gouvernement préparatoire au débat d'orientation des finances publiques pour 2012 fait moins de deux pages, et ne comporte aucun élément sur l'impact du changement de base. Il ne comporte pas non plus d'éléments à périmètre constant (ni hors transferts entre catégories d'administrations publiques) permettant de comparer prévision et exécution dans le cas des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques, alors que cela est explicitement prévu par la LPFP 2011-2014.

Au total, ces difficultés conduisent à se demander si les programmes de stabilité constituent véritablement des documents susceptibles d'être comparés à la réalité.

DEUXIEME PARTIE : L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE EN 2010

Les principaux chiffres de l'exécution 2010 rapportée à l'exécution 2009
(en milliards d'euros et comparés à 2009 à champ courant)

Recettes fiscales nettes : 253,6 milliards d'euros (+39,3 milliards d'euros)

Recettes non fiscales : 18,2 milliards d'euros (-1,3 milliard d'euros)

Prélèvements sur recettes : 102,9 milliards d'euros (+27,6 milliards d'euros)

Dépenses nettes : 322,8 milliards d'euros (+31,8 milliards d'euros)

Solde du budget général : -150,8 milliards d'euros (-20,9 milliards d'euros)

Solde des comptes spéciaux : +2 milliards d'euros (+10,1 milliards d'euros)

Solde d'exécution des lois de finances : -148,8 milliards d'euros (-10,8 milliards d'euros)

Solde primaire : -110,3 milliards d'euros (-18 milliards d'euros)

Taux de couverture des dépenses du budget général par ses recettes : 53,3 % (-2 %)

Charge de la dette : 40,5 milliards d'euros (+2,9 milliards d'euros)

Encours de la dette négociable : 1 212,3 milliards d'euros (+78,8 milliards d'euros)

I. LE REBOND DES RECETTES EST ESSENTIELLEMENT IMPUTABLE À DES FACTEURS EXCEPTIONNELS

Les recettes nettes du budget général s'établissent à 271,8 milliards d'euros en exécution 2010, contre 267,1 milliards d'euros prévus en LFI et 233,7 milliards d'euros en 2009. S'agissant des recettes fiscales, ce rebond résulte avant tout du contrecoup du plan de relance et des suites de la réforme de la taxe professionnelle .

A. LA HAUSSE DES RECETTES FISCALES TRADUIT LE CONTRECOUP DU PLAN DE RELANCE ET LES CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

Les recettes fiscales nettes exécutées en 2010 s'établissent à 253,6 milliards d'euros, soit une augmentation de 39,3 milliards d'euros par rapport à leur niveau de 2009 (214,3 milliards d'euros). Cette augmentation constitue la première inversion de la tendance à la baisse constatée depuis 2005 ( cf . graphique).

Evolution des recettes fiscales nettes à nomenclature constante

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

1. L'évolution spontanée n'explique qu'un cinquième de l'augmentation des recettes

L'évolution spontanée des recettes fiscales (+ 8,6 milliards d'euros) n'est responsable que d'un cinquième (22 %) du rebond des recettes entre 2009 et 2010. L'impact de la réforme de la TP (+ 14,5 milliards d'euros), le contrecoup du plan de relance (+ 17,5 milliards d'euros) et les mesures de périmètre (+ 3,3 milliards d'euros) expliquent le solde, alors que les mesures nouvelles et les mesures de relance prorogées en 2010 ont joué à la baisse pour un total de 4,5 milliards d'euros.

Clé de passage des recettes fiscales 2009 aux recettes fiscales 2010

Source : Cour des comptes

L'article 10 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2010 (n° 2009-135 du 9 février 2009) prévoyait que les mesures nouvelles relatives aux impositions de toute nature établies au profit de l'Etat ne devaient avoir pour conséquence une diminution des recettes fiscales nettes de l'Etat en-deçà de 271 milliards d'euros pour l'annuité 2010 . En dépit du rattrapage constaté en 2010, ces recettes, retraitées des mesures de périmètre et de l'impact de la réforme de la TP, atteignent 235,8 milliards d'euros, soit 35,2 milliards d'euros de moins que le plancher imposé par la loi de programmation .

a) L'impact de la réforme de la taxe professionnelle majore les recettes de 14,5 milliards d'euros

La réforme de la taxe professionnelle a majoré les recettes fiscales nettes de 14,5 milliards d'euros en 2010. 19,8 milliards d'euros de recettes supplémentaires ont été enregistrées au titre des nouvelles impositions locales (CFE, CVAE, IFER) transitoirement encaissées par l'Etat 7 ( * ) (+ 16,5 milliards d'euros), de l'impact de la réforme sur la fiscalité des installations nucléaires de base (+ 0,1 milliard d'euros) et de la diminution des dégrèvements liée à la suppression des dégrèvements de TP (+ 3,2 milliards d'euros). 5,3 milliards d'euros de pertes de recettes ont ensuite résulté de la suppression d'impositions 8 ( * ) affectées au budget général (- 2,9 milliards d'euros) et de la disparition des frais d'assiette et de recouvrement de la TP (- 2,4 milliards d'euros).

Impact sur les recettes fiscales nettes
de la réforme de la taxe professionnelle en 2010

(en milliards d'euros)

Source : Cour des comptes

b) La fin du plan de relance suscite un contrecoup de + 14,5 milliards d'euros

L'augmentation des recettes fiscales a ensuite bénéficié du contrecoup des mesures de relance. La non-reconduction des mesures de soutien à la trésorerie des entreprises (16,4 milliards d'euros) et au pouvoir d'achat des ménages (1 milliard d'euros) a majoré les recettes de 17,5 milliards d'euros, desquelles il convient de retrancher 2,9 milliards d'euros de perte de recettes 2010 liées à la prorogation du remboursement anticipé des créances de crédit d'impôt recherche (CIR). Au total, alors que le plan de relance avait amputé les recettes de 16,3 milliards d'euros en 2009, son achèvement les augmente de 14,5 milliards d'euros en 2010 ( cf . tableau).

Le volet fiscal du Plan de relance

(en milliards d'euros)

Source : Cour des comptes

c) Les mesures de transfert et de périmètre augmentent les recettes de 3,3 milliards d'euros

Plusieurs mesures de périmètre et de transfert ont majoré de 3,3 milliards d'euros les recettes fiscales en 2010 :

1) + 2,5 milliards d'euros ont résulté de reclassements de recettes sans impact sur le solde . 4,2 milliards d'euros de frais d'assiette et de recouvrement d'impôt établis au profit des collectivités territoriales ont été reclassés en recettes fiscales alors qu'ils étaient auparavant imputés en recettes non fiscales 9 ( * ) . Inversement, 1,7 milliard d'euros de recettes fiscales ont été reclassées en compte de trésorerie : il s'agit des ressources propres traditionnelles (droits d'importation) alimentant le budget communautaire ;

2) + 0,8 milliard d'euros ont résulté de transferts de recettes vers ou en provenance d'entités tierces 10 ( * ) .

d) L'évolution spontanée s'établit à 8,6 milliards d'euros et les mesures nouvelles à - 1,6 milliard d'euros

Hors impact de la réforme de la TP, contrecoup du plan de relance et mesures de transfert et de périmètre, la hausse des recettes fiscales nettes est donc de 7 milliards d'euros , soit + 8,6 milliards d'euros liés à l'évolution spontanée (+ 4 %) et - 1,6 milliard d'euros liés aux mesures nouvelles 2010 et antérieures à 2010. L'évolution spontanée correspond à un coefficient d'élasticité des recettes au PIB de 2 , soit un niveau inférieur à la prévision (2,4 au sens du rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé au PLF pour 2010), mais supérieur aux niveaux constatés avant la crise (1,3 en 2007, 1,9 en 2006 ou 1,2 en 2005) 11 ( * ) .

L'impact des mesures nouvelles antérieures à 2010 grève les recettes de l'exercice de 1,5 milliard d'euros 12 ( * ) supplémentaires par rapport à 2009. Les principales mesures ayant eu un impact baissier en 2010 sont le taux réduit de TVA dans la restauration , avec une perte de recettes supplémentaire de 1,9 milliard d'euro (et un coût total de 3,15 milliards d'euros), ainsi que la loi TEPA (-0,6 milliard d'euros, soit 10,5 milliards d'euros de pertes de recettes 2010 contre 9,9 milliards d'euros en 2009). Le solde des mesures nouvelles 2010 est de - 0,1 milliard d'euros.

2. L'exécution est en retrait de 1,4 milliard d'euros par rapport à la prévision actualisée

Les recettes fiscales nettes étaient estimées à 252,1 milliards d'euros en LFI pour 2010. Les révisions successives opérées au gré des trois lois de finances rectificatives auront porté cette prévision à 254,98 milliards d'euros. L'exécution atteint 253,59 milliards d'euros, soit 1,53 milliard d'euros de plus que la LFI (+ 0,61 %), mais 1,39 milliard d'euros de moins que la prévision actualisée (- 0,86 %).

La révision des recettes fiscales par les lois de finances
rectificatives et le projet de loi de règlement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après le projet de loi de règlement

a) Les recettes auront été ajustées à trois reprises en lois de finances rectificatives

Quatre lois de finances rectificatives seront intervenues en 2010, dont trois auront eu un impact sur les recettes fiscales 13 ( * ) . Dans la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 (n° 2010-237), les recettes fiscales nettes ont été majorées de 2,1 milliards d'euros 14 ( * ) pour tenir compte :

1) de la censure par le Conseil constitutionnel de la contribution carbone et du régime des bénéfices non commerciaux de taxe professionnelle (- 2,2 milliards d'euros) ;

2) de rebasages en fonction des bons résultats constatés en fin d'exercice 2009 et de la révision de la prévision de croissance à 1,4 % (+ 3,6 milliards d'euros) ;

3) des recettes supplémentaires tirées de la cellule de régularisation fiscale (+ 0,7 milliard d'euros) et de l'affectation au budget général d'une part de la nouvelle taxe sur les bonus (+ 0,1 milliard d'euros).

Dans la loi de finances rectificative du 7 mai 2010 (n° 2010-463), les recettes de TVA ont été réévaluées à la hausse de 900 millions d'euros , complétant la reprise en base 15 ( * ) de l'augmentation du rendement de cet impôt constatée en 2009.

Enfin, la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010 (n° 201-1658) a revu les recettes fiscales à la baisse de 300 millions d'euros, en conséquence d'évolutions de sens contraire :

1) une baisse de rendement produit a été enregistrée au titre de l'impôt sur le revenu (- 1,1 milliard d'euros en raison d'une croissance des revenus 2009 inférieure aux prévisions), de la TVA (- 0,6 milliard d'euros au vu des recouvrements constatés) et de la TIPP (- 0,4 milliard d'euros en raison d'une diminution de la consommation et d'un transfert supplémentaire aux régions) ;

2) les impôts à assise patrimoniale témoignaient d'un relatif dynamisme (+ 0,8 milliard d'euros 16 ( * ) ) ;

3) les nouvelles impositions établies en remplacement de la taxe professionnelle devaient également procurer un rendement légèrement supérieur aux attentes (+ 0,3 milliard d'euros au titre de la CFE, + 0,2 milliard d'euros au titre de la CVAE et + 0,2 milliard d'euros au titre des IFER) ;

4) 0,9 milliard d'euros de remboursements au titre du précompte mobilier ont été reportés à 2011, dans l'attente d'un jugement de la Cour de justice de l'Union européenne.

b) Le projet de loi de règlement enregistre les effets d'un dernier acompte d'IS moins élevé que prévu

Le présent projet de loi de règlement ajuste les recettes fiscales dans des proportions significatives par rapport à la dernière loi de finances rectificative pour 2010. Les recettes fiscales nettes exécutées s'établissent ainsi en retrait de 1,4 milliard d'euros par rapport à la prévision révisée .

Ce phénomène est essentiellement imputable à des rentrées moindres au titre du dernier acompte d'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu (respectivement - 2,1 et - 0,4 milliards d'euros), non totalement compensées par les surplus constatés au titre de la TVA (+ 0,5 milliard d'euros), de la TIPP (+ 0,1 milliard d'euros) et des autres recettes fiscales (+ 0,5 milliard d'euros).

Au total, l'écart de l'exécution à la LFI s'établit donc à + 1,5 milliard d'euros principalement en raison :

1) d'une évolution spontanée des recettes moins forte que prévu (8,6 milliards d'euros au lieu de 9,8 milliards d'euros anticipés) ;

2) d'un impact des mesures nouvelles antérieures à 2010 plus fort que prévu (16 milliards d'euros au lieu de 13 milliards d'euros), notamment imputable à un contrecoup du plan de relance plus fort qu'anticipé (+ 0,2 milliard d'euros) et de l'intégration de recettes comptabilisées en fin d'année qui n'avaient pas été intégrées à la prévision (dont 0,9 milliard d'euros de recettes tirées de la cellule de régularisation fiscale) ;

3) d'un impact des mesures nouvelles prévues en LFI inférieur de 2,1 milliards d'euros à la prévision, consécutivement à la censure constitutionnelle de la taxe carbone et de certains aspects de la réforme de la TP ( cf. supra ).

Du scénario de la LFI à l'exécution

(en milliards d'euros)

Scénario de la LFI 2010

Résultat constaté

Solde Exécution -LFI

Taux de croissance du PIB en volume

A

0,75%

1,5% (prov. INSEE)

0,75%

Base Recettes fiscales 2009 brutes

B

Prévues en LFI 2010

325,9

Effectivement constatées pour 2009

325,9

0,0

Base Recettes fiscales 2009 nettes

C

Prévues en LFI 2010

212,2

Effectivement constatées pour 2009

214,3

2,0

Croissance spontanée des recettes fiscales nettes

D

9,8

8,6

-1,2

Recettes fiscales après intégration de la croissance spontanée

E = C +D

222,0

222,8

0,8

Mesures nouvelles antérieures à 2010

F

13,0

16,0

3,0

Mesures nouvelles LFI 2010 hors réforme de la taxe professionnelle

G

-1,3

-2,8

-1,5

Impact de la réforme de la taxe professionnelle

H

15,1

14,5

-0,6

Total mesures nouvelles LFI 2010

I=G+H

13,8

11,7

-2,1

Mesures nouvelles postérieures à la LFI 2010

J

0,0

-0,2

-0,2

Mesures de périmètre

K

3,2

3,3

0,1

Total mesures nouvelles et mesures de périmètre

L=F+I+J+K

30,0

30,8

0,7

Total recettes fiscales nettes 2010

M=E+L

252,1

253,6

1,5

Source : direction du budget

3. Le rendement des grands impôts d'Etat augmente

La plupart des « grands » impôts d'Etat voient leur rendement augmenter entre 2009 et 2010 , à l'exception notable de la taxe intérieure de consommations sur les produits pétroliers ( cf . tableau). Les hausses constatées sont principalement imputables au contrecoup du plan de relance . S'agissant des écarts à la prévision de LFI, le Gouvernement a eu tendance à réviser ses estimations dans un sens très favorable au gré des lois de finances rectificatives de mars et de mai 2010, avant que le collectif d'hiver 2010 ne rectifie ces estimations à la baisse, en particulier au titre de l'IR, de l'IS et de la TVA.

Evolution du produit par impôt et catégorie d'impôts

(en milliard d'euros)

Exécution 2009

Évolution spontanée

Mesures nouvelles et changements de périmètre

Exécution 2010

Milliards d'euros

%

Impôt sur le revenu net (yc CRL)

46,7

-0,4

-0,8%

1,2

47,4

Autres impôts d'Etat sur rôle

6,7

-0,7

-10,4%

1,8

7,8

Impôt brut sur les sociétés (yc CSB et CRL)

49,5

1,1

2,2%

-0,8

49,8

Impôt net sur les sociétés (yc CSB et CRL)

20,9

6,7

32,1%

5,3

32,9

Autres impôts directs et taxes assimilées

13,5

0,5

3,6%

13,1

27,1

TIPP part Etat

14,9

-0,2

-1,3%

-0,5

14,2

TVA brute

168,1

4,1

2,4%

-1,5

170,7

TVA nette

118,4

3,9

3,3%

5

127,3

Enreg, timbre, autres contributions et taxes indirectes

18,1

0,5

2,8%

0,1

18,8

Remboursements et dégrèvements (hors IR, IS et TVA)

25,0

1,7

6,7%

4,8

21,9

Total des recettes fiscales nettes

214,3

8,6

4,0%

30,8

253,6

Source : direction du budget

a) L'impôt sur le revenu affiche une croissance modérée

Le produit brut de l'impôt sur le revenu s'est élevé à 55,101 milliards d'euros en 2010 et son produit net à 47,4 milliards d'euros, contre 46,7 milliards d'euros en 2009 (+ 2 %) . Cette évolution est entièrement imputable à l'impact des mesures nouvelles et de périmètre (+ 1,2 milliard d'euros, voir tableau ci-après), l'évolution spontanée de l'IR ayant été négative (- 0,4 milliard d'euros). Deux facteurs expliquent l'évolution d'exécution à exécution :

1) la forte baisse des remboursements et dégrèvements entre 2009 et 2010 (de 8,4 milliards à 7,7 milliards d'euros), elle-même imputable au contrecoup du crédit d'impôt exceptionnel accordé aux ménages imposables à la première tranche dans le cadre des mesures de soutien au pouvoir d'achat du plan de relance ;

2) l'évolution contrastée du coût des principaux crédits d'impôt afférents à l'IR : le crédit d'impôt en faveur du développement durable et la prime pour l'emploi (PPE) voient leur coût baisser respectivement de 200 et 400 millions d'euros en 2010, alors que le crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunt se renchérit de 400 millions d'euros. La diminution des émissions de PPE est imputable à la désindexation des barèmes et des plafonds d'éligibilité au dispositif 17 ( * ) . En revanche, la baisse de la PPE devant résulter de la mise en place du RSA a été plus faible que prévu, en raison d'une montée en charge moins rapide qu'anticipé du dispositif.

L'évolution de l'IR net entre la LFI 2010 (46,6 milliards d'euros) et l'exécution 2010 (47,4 milliards d'euros) résulte, quant à elle :

1) de la révision à la hausse de 2,3 milliards d'euros en LFR 1 , en raison de la prise en compte des résultats de l'exécution 2009 (- 0,85 milliard d'euros), des nouvelles hypothèses macro-économiques (+ 0,4 milliard d'euros consécutivement à la révision à la hausse de l'hypothèse de masse salariale) et de l'impact de la censure par le Conseil constitutionnel de la contribution carbone et du crédit d'impôt dont elle était assortie (+ 2,7 milliards d'euros) ;

2) d'une révision à la baisse de 1,1 milliard d'euros en LFR 4 , expliquée principalement par une moindre croissance des revenus 2009.

L'impact des mesures nouvelles afférentes à l'IR en 2010

(en milliards d'euros)

Mesures nouvelles

Total 2010

Dont mesures antérieures à 2010

Dont mesures PLF 2010

Aménagement crédit d'impôt en faveur du développement durable

0,2

0,2

Aménagement du régime des dividendes des sociétés européennes

0,1

0,1

Amortissement Robien

0,0

0,0

Crédit d'impôt sur le revenu en faveur des intérêts d'emprunts

-0,4

-0,4

Exonération IR des heures supplémentaires, des heures complémentaires et des IHTS

-0,1

-0,1

Création d'un dispositif de prélèvement fiscal libératoire forfaitaire pour les très petites entreprises.

-0,1

-0,1

Limitation du bénéfice de la demi-part supplémentaire aux seuls contribuables vivant seuls ayant eu à charge un enfant pendant au moins 5 ans

0,2

0,2

Plafonnement des réductions d'impôt obtenues au titre des investissements réalisés outre-mer

0,2

0,2

Plan de relance : mesure allégement 2/3 IR (contrecoup 2009)

1,0

1,0

Prélèvement libératoire

-0,1

-0,1

RI Scellier

-0,1

-0,1

Recettes exceptionnelles cellule de régularisation. Impact IR

0,2

0,2

Autres

0,1

0,1

Impôt sur le revenu (TOTAL)

1,0

1,1

-0,1

Source : direction du budget

b) L'important rebond de l'impôt sur les sociétés traduit la fin du plan de relance

Les recettes nettes d'IS s'établissent à 32,9 milliards d'euros en 2010, contre 20,9 milliards d'euros en 2009 (+ 57 %) . L'amélioration des recouvrements d'IS résulte principalement du contrecoup positif des mesures du plan de relance (+ 9,9 milliards d'euros), du coût de la prorogation du remboursement anticipé du CIR (- 2,9 milliards d'euros) et des autres mesures nouvelles (- 1,7 milliard d'euros, dont 0,6 milliard d'euros au titre de la suppression de l'IFA). L'évolution spontanée de l'IS est positive : + 6,7 milliards d'euros.

L'impact des mesures nouvelles afférentes à l'IS en 2010

(en milliards d'euros)

Mesures nouvelles

Total 2010

Dont mesures antérieures à 2010

Dont mesures PLF 2010

Contribution forfait social

-0,1

-0,1

Crédit d'impôt à taux zéro

-0,2

-0,2

Crédit d'impôt intéressement

-0,1

-0,1

Renforcement du crédit d'impôt recherche

-0,3

-0,3

Déductibilité IS frais de carburants

-0,1

-0,1

Étalement de la déduction des frais d'acquisition des titres de participation

-0,1

-0,1

Plan de relance : augmentation des taux d'amortissement dégressif

-0,4

-0,4

Plan de relance : restitution anticipée des créances de report en arrière des déficits (carry back) (contrecoup 2009)

5,4

5,4

Plan de relance : restitution anticipée du crédit impôt recherche (contrecoup 2009)

4,9

4,9

Plan de relance : prorogation en 2010 de la restitution anticipée du CIR

-2,9

-2,9

Réforme de la taxe professionnelle (2006)

0,1

0,1

Régime d'intégration fiscale des réseaux mutualistes

-0,1

-0,1

Suppression progressive sur trois ans de l'Imposition Forfaitaire Annuelle (IFA)

-0,6

-0,6

Taux réduit plus value de cession d'immeubles

-0,2

-0,2

Taux réduit plus value d'apport d'immeubles

0,2

0,2

Taxe sur la téléphonie

-0,1

-0,1

Autres

-0,2

-0,2

Impôt sur les sociétés (TOTAL)

5,3

8,2

-2,9

Source : direction du budget

Comme évoqué précédemment, l'écart entre la prévision de LFI 2010 (33,0 milliards d'euros) et l'exécution 2010 (32,9 milliards d'euros) résulte de la prise en compte, en LFR 1 , des bons résultats constatés fin 2009 (+ 1,9 milliard d'euros), mais d'une moins-value de 2,1 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la LFR 4 2010 . Cet écart significatif s'explique principalement par de moindres rentrées fiscales au titre du dernier acompte , ainsi que, dans une moindre mesure, par une révision à la baisse du chiffrage des mesures du plan de relance (- 0,2 milliard d'euros) et d'une révision à la hausse du coût de la prorogation du remboursement anticipé des créances de CIR (+ 0,2 milliard d'euros).

c) Le rendement de la taxe sur la valeur ajoutée augmente de 7 %

La taxe sur la valeur ajoutée nette s'établit à 127,3 milliards d'euros contre 118,4 milliards d'euros en 2009 (+ 7 %). Cette évolution résulte :

1) de l'évolution spontanée à hauteur de 3,9 milliards d'euros , liée à l'augmentation de 2,5% de la base taxable de la TVA totale et à une élasticité de la TVA budgétaire aux emplois taxables supérieure à l'unité ;

2) des mesures nouvelles (4,7 milliards d'euros) et de périmètre (0,3 milliard d'euros) d'un montant total de 5 milliards d'euros . Une fois encore, le contrecoup du plan de relance joue un rôle majeur dans l'amélioration (+ 6,5 milliards d'euros), alors que la mesure TVA restauration dégrade les recettes de 1,9 milliard d'euros ( cf . tableau).

L'impact des mesures nouvelles afférentes à la TVA en 2010

(en milliards d'euros)

Mesures nouvelles

Total 2010

Dont mesures antérieures à 2010

Dont mesures PLF 2010

Plan de relance : remboursement mensuel de crédits de TVA (contrecoup 2009)

6,5

6,5

LODEOM

0,1

0,1

TVA restauration

-1,9

-1,9

Suppression du taux réduit TVA climatisation

0,1

0,1

Autres

-0,1

-0,1

TVA nette (TOTAL)

4,7

4,6

0,1

Source : direction du budget

L'écart entre LFI 2010 et exécution 2010 s'explique :

1) par une révision à la hausse de 1,1 milliard d'euros de la TVA nette en LFR 1 , du fait de la prise en compte des bons résultats constatés en fin d'année 2009 (+ 0,6 milliard d'euros), de la révision à la hausse des hypothèses macroéconomiques (+ 0,9 milliard d'euros) et de l'impact de la décision du Conseil constitutionnel (- 0,4 milliard d'euros en raison de l'annulation du supplément de TVA acquittée par les ménages à la suite de l'instauration de la contribution carbone) ;

2) par une nouvelle révision à la hausse de 0,9 milliard d'euros en LFR 2 , la LFR 1 n'ayant pas totalement repris en base 2010 l'amélioration de l'exécution 2009 ;

3) par la révision à la baisse de 0,6 milliard d'euros en LFR 4 , au vu des recouvrements effectifs.

d) La taxe intérieure sur les produits pétroliers est stable

La taxe intérieure sur les produits pétroliers s'élève à 14,2 milliards d'euros contre 14,9 milliards d'euros en 2009 (- 5 %). L' évolution spontanée de ce prélèvement est de - 0,2 milliard d'euros et les mesures de transferts aux collectivités territoriales affectent son rendement pour l'Etat de 0,5 milliard d'euros. Aucune mesure nouvelle n'a affecté le rendement de la TIPP en 2010.

L'écart entre LFI 2010 (14,5 milliards d'euros) et exécution 2010 (14,2 milliards d'euros) provient principalement d'une révision à la baisse en LFR 4 de 0,4 milliard d'euros, liée à la compensation de transferts de compétences (0,2 milliard d'euros) et à une modification des prévisions de consommations de carburants (0,2 milliard d'euros).

e) Les autres recettes fiscales croissent fortement sous l'effet de la réforme de la taxe professionnelle

Le montant des autres recettes fiscales nettes s'élève à 31,8 milliards d'euros contre 13,3 milliards d'euros en 2009 (+ 138 %). Cette augmentation significative est imputable :

1) à l'effet des mesures nouvelles pour 16,5 milliard d'euros, dont 14,5 milliard d'euros sont dus à la création et à l'affectation temporaire à l'Etat des nouvelles impositions remplaçant la taxe professionnelle ( cf . chiffrage détaillé supra). Hors réforme de la TP, les mesures nouvelles emportent une augmentation de 2 milliard d'euros des autres recettes fiscales ( cf . tableau ci-après) ;

2) à une évolution spontanée négative de - 1,4 milliard d'euros ;

3) à des mesures de périmètre importantes (+ 3,4 milliards d'euros, dont + 4,2 milliards d'euros au titre du transfert en recettes fiscales des frais d'assiette et de recouvrement des impositions locales et - 1,7 milliard d'euros au titre du traitement en compte de trésorerie des ressources propres traditionnelles).

Au sein des autres recettes fiscales, les impôts patrimoniaux affichent des rendements en hausse :

1) les recouvrements d'ISF s'élèvent à 4,5 milliards d'euros, soit une hausse de 0,9 milliard d'euros par rapport à l'exécution 2009 et de 1 milliard d'euros par rapport aux prévisions de la LFI 2010. Cette augmentation s'explique par de meilleurs recouvrements, une révision à la hausse de 0,15 milliard d'euros des recettes de la cellule de régularisation fiscale (0,5 milliard d'euros contre 0,35 milliard d'euros initialement prévu), ainsi qu'une réévaluation des dépôts tardifs et du contrôle fiscal hors opérations exceptionnelles ;

2) le montant recouvré de droits de donation s'élève à 0,9 milliard d'euros, en progression de 54,9 % par rapport à 2009 (0,60 milliard d'euros) et à la LFI 2010 (0,62 milliard d'euros). Le Gouvernement fait valoir que la dimension comportementale de cette recette rend sa prévision difficile ;

3) les droits de succession produisent une recette de 6,90 milliards d'euros, en hausse de 0,5 % par rapport à 2009 (6,87 milliards d'euros). La réalisation 2010 est supérieure de 0,5 milliard d'euros au montant inscrit en LFI pour 2010 (6,41 milliards d'euros). Cette plus-value résulte d'un effet base 2009 à hauteur de 0,27 milliard d'euros et des recettes exceptionnelles liées à la cellule de régularisation à hauteur de 0,2 milliard d'euros environ.

L'impact des mesures nouvelles afférentes aux autres recettes fiscales en 2010

(en milliards d'euros)

Mesures nouvelles

Total 2010

Dont mesures antérieures à 2010

Dont mesures PLF 2010

Abattement valeur locative cadastrale habitation principale

-0,1

-0,1

Abattement TFPB

0,1

0,1

Actualisation limites tranches ISF

-0,1

-0,1

Amende EDF 18 ( * )

1,2

1,2

Création d'un prélèvement spécifique de TGAP au titre des prestations de transport acquises ou réalisées pour compte propre

0,2

0,2

Dégrèvement taxe d'habitation

0,1

0,1

Taxe opérateurs communications électroniques et postes

0,1

0,1

TEPA - ISF

0,0

0,0

TGAP transports routiers supprimée

-0,2

-0,2

Limitation de l'exonération TIPP dite biocarburants

0,2

0,2

Recettes exceptionnelles Cellule de régularisation. Impact ISF

0,5

0,5

Recettes exceptionnelles Cellule de régularisation. Impact Successions

0,2

0,2

Remboursement TIPP TICGN agriculteurs

-0,2

-0,2

Incidence sur le prélèvement libératoire perçu en 2010 au titre des revenus 2009 de la prise en compte dans le bouclier des revenus distribués, notamment des dividendes, non pas pour leur « montant net catégoriel » mais pour leur montant brut

0,1

0,0

0,1

Remboursement de la taxe intérieure de consommation applicable au fioul domestique, au fioul lourd et au gaz naturel dont bénéficient les agriculteurs

0,1

0,1

Réforme taxe professionnelle 2010 19 ( * )

14,5

14,5

Autres

-0,3

-0,3

0,0

Autres recettes fiscales nettes (TOTAL)

16,5

2,0

14,5

Autres recettes fiscales nettes hors TP (TOTAL)

2,0

2,0

0,1

Source : direction du budget

f) La cellule de régularisation fiscale majore les recettes de 0,9 milliard d'euros en 2010

Au 31 décembre 2010, 3 744 dossiers avaient été traités par la cellule de régularisation et 981 dossiers étaient en cours d'instruction . Les droits et pénalités afférents à ces dossiers n'ont toutefois pas nécessairement été encaissés en totalité sur 2010, la mise en recouvrement étant effectuée au niveau des directions territoriales, après traitement du dossier par la cellule de régularisation. Les recettes encaissées à ce titre auront atteint 886 millions d'euros en 2010, soit un cumul de 1 186 millions d'euros au titre de 2010-2011 ( cf . tableau).

Recettes fiscales de la cellule de régularisation

(en millions d'euros)

Impôts au titre desquels
les régularisations sont opérées

2010

2011

(prév. PLFR)

Dont ISF

496

168

Dont Successions (1)

233

76

Dont IR

157

56

+ Pénalités (2)

70

/

TOTAL recettes fiscales

886

300

(1) Ce montant intègre également des droits de donations, mais il s'agit toutefois principalement de droits de succession. Les données disponibles ne permettent pas en effet d'effectuer la répartition entre successions et donations.

(2) Les données disponibles ne permettent pas d'effectuer une répartition des pénalités entre catégorie d'impôts.

Source : ministère chargé du budget

4. La règle de gage des niches fiscales n'est pas respectée en 2010
a) 2010 constitue la dernière année d'application de la règle

L'article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 prévoit une règle de « gage » des dépenses fiscales. Cette disposition n'est plus en vigueur à compter de 2011. Il est cependant intéressant de voir dans quelle mesure elle a été respectée en 2010. Cela permet en effet de se faire une idée des perspectives de respect d'une règle qui ne serait pas soumise au contrôle du Conseil constitutionnel.

Selon le I de l'article 11 précité, « Au titre de chaque année de la période [de programmation] , les créations ou extensions :

« 1° De dépenses fiscales ;

« 2° Ainsi que de réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, sont compensées par des suppressions ou diminutions de mesures relevant respectivement des 1° et 2°, pour un montant équivalent, selon les modalités précisées dans le rapport annexé à la présente loi . »

Comme votre rapporteur général a plusieurs fois eu l'occasion de le déplorer, le Gouvernement, confronté à la nécessité de rendre la règle conforme avec l'extension du taux réduit de TVA au secteur de la restauration, a choisi de considérer que la règle devait être respectée non année par année, mais en « fin de période », ce qui la vide de son sens.

Ainsi, lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2010 , le Gouvernement soulignait que si les mesures adoptées du projet de loi de finances pour 2009 au projet de loi de finances pour 2010 avaient pour effet d'augmenter les dépenses fiscales de 2,2 milliards d'euros en 2010, en 2013 l'augmentation des dépenses fiscales ne serait plus que de 0,2 milliard d'euros. Cela venait en particulier de l'article 92 de la loi de finances pour 2009 (« demi-part veuves ») 20 ( * ) , qui ne devait rapporter que 0,1 milliard d'euros en 2010, mais 0,9 milliard d'euros en 2013.

b) Les mesures discrétionnaires augmentent les dépenses fiscales de 1,9 milliard d'euros en 2010

Après la prise en compte des dispositions postérieures au texte initial du projet de loi de finances pour 2010, la situation s'améliore légèrement en 2010 - l'augmentation des dépenses fiscales n'étant plus que de 1,9 milliard d'euros (contre 2,2 milliards) -, et nettement les années suivantes - les dépenses fiscales étant réduites de 3,6 milliards d'euros en 2013 (et n'augmentant donc plus de 0,2 milliard).

L'amélioration constatée en 2010 et les années suivantes provient notamment, de manière paradoxale, de la censure de la taxe carbone par le Conseil constitutionnel. En effet, le régime de la taxe carbone comprenait une dépense fiscale de 0,6 milliard d'euros , correspondant au coût des niches fiscales nouvelles créées en accompagnement de la création de cette taxe, au bénéfice des ménages ou des professions agricoles notamment.

L'amélioration prévue à partir de l'année 2011 résulte quant à elle de véritables mesures de réduction des dépenses fiscales 21 ( * ) .

Au total, en 2010, les mesures discrétionnaires augmenteraient les dépenses fiscales de 1,9 milliard d'euros ; cette augmentation aurait même été de 2,5 milliards d'euros si la taxe carbone n'avait pas été censurée par le Conseil constitutionnel.

La mise en oeuvre de la règle de « gage » des dépenses fiscales

(impact sur le solde par rapport à l'absence de la mesure, en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

Mesures proposées par le Gouvernement en PLF 2009

0,6

0,8

0,8

0,8

dont mesures agrocarburants

0,6

0,8

1,1

1,1

dont autres mesures proposées en PLF 2009

0

0

-0,3

-0,3

Coût des amendements au PLF 2009

-0,3

-0,1

0,2

0,9

dont amendement mesure agricarburant

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

dont amendement demi-part supplémentaire

0,1

0,3

0,6

0,9

dont autres amendements

-0,4

-0,3

-0,2

0,1

Coût des mesures nouvelles mises en place par d'autres lois

-2,8

-2,5

-2,5

-2,4

dont loi outre-mer

-0,3

-0,3

-0,4

-0,3

dont loi pour le logement

-0,1

0

0

0,1

dont LFR 2008 et 2009

0

-0,1

-0,1

0

dont Loi de développement et de modernisation des services touristiques

-3

-3

-3

-3

dont Loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion

0,6

1

1

1

Mesures proposées par le Gouvernement en PLF 2010

0,3

0,5

0,5

0,5

dont impact de la suppression de la TP

0,8

0,8

0,8

0,8

dont impact taxe carbone

-0,6

-0,6

-0,6

-0,6

dont impact RSTA

0,1

0,1

0,1

0

dont modification des modalités de taux réduit de TVA sur travaux de rénovation

0,1

0,1

0,1

0,1

dont verdissement du CI TEPA

0

0

0,1

0,2

dont Autres variations

-0,1

0

0,1

0,1

Solde avec texte initial du PLF 2010

-2,2

-1,3

-1

-0,2

Amendements du PLF 2010

0,5

0,6

0,4

0,5

0,7

dont mesure de relance CIR 2010 et contrecoup 2011-2014

0

0

0

0

0

dont mesure relance PTZ

0

0

0

0

0

dont fiscalisation des indemnités AT/MP

0

0,2

0,2

0,2

0,2

dont mesure PPE

-0,1

-0,1

-0,1

0

0

dont impact de la suppression de la contribution carbone

0,6

0,6

0,6

0,6

0,6

dont réduction d'impôt numéraire

0

0

-0,2

-0,2

0

LFR 2009

0

0,4

0,4

0,5

0

dont réduction CIDD

0

0,5

0,5

0,5

0

Autres lois

-0,2

0

0

0

0

Dont loi de modernisation agricole

-0,2

0

0

0

0

PLF 2011

0

0,5

2,1

2,9

2,7

dont suppression du crédit d'impôt sur les dividendes distribués

0

0,6

0,6

0,6

0,6

dont rencentrage du crédit d'impôt développement durable

0

0,2

0,6

0,8

0

dont mesure transversale de réduction de dépense fiscale("rabot")

0

0

0,4

0,4

0,4

dont remboursement immédiat des créances CIR aux PME

0

-0,3

-0,3

-0,2

0

dont réforme de l'accession à la propriété

0

0

0,6

1,1

1,6

dont réforme du dispositif d'investissement dans les DOM

0

0

0,3

0,2

0,2

dont réduction d'impôt au titre des investissements dans les PME

0

0

0,1

0,1

0,1

dont réduction d'impôt au titre de la souscription de parts de FCPI et FIP

0

0

-0,2

-0,2

-0,2

Solde global*

-1,9

0,2

2

3,6

3,4

Solde global hors impact de la suppression de la contribution carbone*

-2,5

-0,4

1,4

3

2,8

Lecture : un signe négatif (respectivement positif) représente un coût (respectivement une économie) pour le budget de l'Etat.

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, sauf (*) calculs de la commission des finances

B. LES RECETTES NON FISCALES AUGMENTENT DE PRÈS DE 2 MILLIARDS D'EUROS

1. L'évolution des recettes non fiscales est marquée par d'importantes mesures de périmètre
a) L'évolution est négative à périmètre courant et positive à périmètre constant

L'amélioration des recettes du budget général est également imputable au dynamisme des recettes non fiscales, dont l'exécution atteint 18,16 milliards d'euros, soit 1,9 milliard d'euros de plus qu'en 2009 à périmètre constant (+ 11,7 %). Cette augmentation résulte principalement d'un phénomène de rattrapage des dividendes perçus de la part des sociétés à participations publiques et de la perception de recettes non récurrentes.

La comparaison des recettes non fiscales 2009 et 2010 à périmètre courant fait en revanche apparaître une baisse de 1,3 milliard d'euros (- 6,7 %).

b) L'impact du transfert en recettes fiscales des frais d'assiette et de recouvrement des impositions locales doit être neutralisé

Cette évolution implique de neutraliser plusieurs modifications de périmètre et transferts intervenus entre 2009 et 2010, concernant l'extension du champ des loyers budgétaires 22 ( * ) (+ 431 millions d'euros), la budgétisation d'un dividende versé par l'Agence française de développement (+ 220 millions d'euros) et le transfert en recettes fiscales des frais d'assiette et de recouvrement des impositions locales (- 3 849 millions d'euros, cf . tableau).

Evolution des recettes non fiscales à périmètres courant et constant

(en millions d'euros)

* Agence française de développement

** Frais d'assiette et de recouvrement des impositions locales

Source : commission des finances, d'après la Cour des comptes

2. L'augmentation des recettes non fiscales se concentre sur les dividendes et recettes assimilées

L'augmentation des recettes non fiscales à périmètre constant se concentre sur les dividendes et recettes assimilées (+ 2,4 milliards d'euros, soit + 43,1 %), alors que les remboursements et intérêts des prêts et avances chutent fortement (- 930 millions d'euros, soit - 49,3 %, cf . tableau).

Evolution des recettes non fiscales de 2009 à 2010 à périmètre 2010

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après la direction du budget et la Cour des comptes

a) Un phénomène de rattrapage est constaté sur le produit des participations de l'Etat

Le produit des dividendes et recettes assimilées s'élève à 7,9 milliards d'euros contre 5,3 milliards d'euros en 2009 (5,5 milliards d'euros à périmètre constant). Cette importante augmentation porte notamment sur les produits des participations dans les entreprises financières (3,3 milliards d'euros contre 1,9 milliard d'euros en 2009) et résulte du versement d'un dividende de la Caisse des dépôts et consignations (660 millions d'euros 23 ( * ) ), de la Société de prises de participations de l'Etat (637 millions d'euros) et de l'Agence française pour le développement (220 millions d'euros 24 ( * ) ). Le haut niveau de dividende servi par la SPPE (300 millions d'euros étaient prévus en LFI) provient des facturations d'intérêts et de dividendes prioritaires enregistrés sur l'exercice 2009, consécutivement au rachat anticipé par les banques des titres qu'elles avaient émis en 2008 et auxquels la SPPE avait souscrits.

La contribution de la CDC représentative de l'impôt sur les sociétés (CRIS) est marquée par le même phénomène de rattrapage et atteint 511 millions d'euros contre 59 millions 25 ( * ) en 2010.

Enfin, les produits des participations de l'Etat dans les entreprises non financières et les établissements publics non financiers s'établissent à 4,1 milliards d'euros (contre 3,3 milliards d'euros en 2009), sous l'effet des dividendes versés par EDF (1,8 milliard d'euros), de France Télécom (0,5 milliard d'euros) et GDF-Suez (1,2 milliard d'euros). Votre rapporteur général observe, avec la Cour des comptes, qu'en dépit de ces améliorations, les produits des participations dans les entreprises non financières ne retrouvent pas encore leur niveau d'avant la crise (5,8 milliards d'euros en 2007 et 5,6 milliards d'euros en 2008).

b) Les remboursements et intérêts de prêts et avances enregistrent 84,3 millions d'euros d'intérêts payés par la Grèce et 448 millions d'euros acquittés par les constructeurs automobiles

A contrario , les remboursements et intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières chutent fortement en 2010 : ils s'établissent à 957 millions d'euros, contre 1,9 milliard d'euros en 2009 (- 49,3 %). Ce phénomène résulte principalement de la non-reconduction, en 2010, d'une recette exceptionnelle enregistrée en 2009 et tenant à un reversement au titre des créances garanties par l'Etat relatif à la Côte d'Ivoire (1,1 milliard d'euros).

La neutralisation de ce facteur fait apparaître une progression nette de 185 millions d'euros des recettes de cette catégorie, sur laquelle s'imputent par ailleurs 84,3 millions d'euros d'intérêts payés par la Grèce dans le cadre du mécanisme intergouvernemental de prêts bilatéraux institué en mai 2010 et 448 millions d'euros d'intérêts acquittés par les constructeurs automobiles dans le cadre des prêts du plan de relance.

c) Le produit des amendes est majoré par deux sanctions prononcées par l'Autorité de la concurrence

Le produit des amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuites connaît une progression significative et s'élève à 2 milliards d'euros, après 1,8 milliard d'euros en 2009 (+ 13,7 %). Cette évolution résulte principalement du prononcé de deux sanctions par l'Autorité de la concurrence (pour un montant total de 384,9 millions d'euros) à l'encontre de neuf établissements bancaires ayant mis en place, de manière concertée entre 2002 et 2007, une commission interbancaire sur des chèques échangés en France, à l'occasion de la dématérialisation du système de compensation des chèques.

d) La rémunération des garanties de l'Etat chute en raison de l'extinction du dispositif SFEF

Les recettes diverses s'élèvent à 4,4 milliards d'euros, contre 4,3 milliards d'euros en 2009 (+ 1,5 %). Elles comprennent les reversements de la COFACE (850 millions d'euros), un prélèvement sur les fonds d'épargne gérés par la CDC non anticipé en LFI 26 ( * ) (742 millions d'euros), ainsi que la rémunération des garanties accordées par l'Etat , qui chute de 1,4 milliard d'euros en 2009 à 209 millions d'euros en 2010 en raison de l'extinction du dispositif SFEF au 31 décembre 2009 ; 182 millions d'euros sont en revanche perçus au titre de la garantie accordée à DEXIA.

La ligne des produits divers enregistre en outre une recette exceptionnelle de 1 017 millions d'euros qui correspond à la récupération d'une aide indûment versée à France Télécom, le Tribunal de première instance de l'Union européenne ayant jugé contraire à la législation communautaire l'exonération de taxe professionnelle dont cette entité à bénéficié dans les années 1990.

Les produits du domaine de l'Etat s'établissent à 1,8 milliard d'euros, soit + 81 millions d'euros par rapport à 2009 et + 4,8 % à périmètre constant. Retraités du transfert en recettes fiscales des frais d'assiette et de recouvrement des impôts et taxes établis ou perçus au profit des collectivités territoriales, les produits de la vente de biens et services progressent enfin de 6,4 % (+ 69 millions d'euros).

C. LES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES AUGMENTENT FORTEMENT SOUS L'EFFET DE LA COMPENSATION RELAIS

Les prélèvements sur recettes (PSR) étaient estimés à 104 milliards d'euros en LFI pour 2010. Ils s'établissent à 102,9 milliards d'euros en exécution . Ces montants sont très supérieurs à ceux de 2009 (76,2 milliards d'euros), en raison de l'imputation sur le PSR au profit des collectivités territoriales de la compensation relais de la réforme de la taxe professionnelle.

1. La compensation relais majore de 52 % les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales

Le PSR au profit des collectivités territoriales atteint 85,34 milliards d'euros contre 56,20 milliards d'euros en 2009, soit une augmentation de 29,14 milliards d'euros et de + 51,9 % . Il est néanmoins en retrait de 540 millions d'euros par rapport à la prévision de LFI.

En 2009, le PSR avait déjà augmenté sous l'effet de la mesure de versement anticipé du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) prise dans le cadre du plan de relance. De 51,17 milliards d'euros en 2008, il était passé à 56,20 milliards d'euros en 2009, dont + 3,85 milliards d'euros au titre de cette mesure. La mesure FCTVA ne représente plus qu'un coût de 0,14 milliard d'euros en 2010. En 2010, selon la Cour des comptes, la mesure a concerné 2 873 collectivités s'étant engagées à réaliser 1,36 milliard d'euros d'investissements. En 2009, elle avait bénéficié à 19 668 collectivités (soit 34,2 % des bénéficiaires potentiels). 92 % d'entre elles ont respecté leur engagement en réalisant 45 milliards d'euros d'investissements, soit 27,5 % de plus que le seuil de 35,3 milliards d'euros requis.

En 2010, la compensation relais majore donc le PSR de 32,43 milliards d'euros . Les autres composantes du prélèvement s'établissent à 52,77 milliards d'euros, en augmentation de 0,42 milliard d'euros par rapport à 2009 (+ 0,8 %). Au sein de cet ensemble, le FCTVA « de droit commun » s'établit à 6,02 milliards d'euros, en recul de 0,04 milliard d'euros par rapport à 2009 (- 0,7 %). La dotation globale de fonctionnement connaît une progression modérée de + 0,32 milliard d'euros, soit + 0,8 %, pour passer de 40,89 milliards d'euros en 2009 à 41,21 milliards d'euros en 2010 ( cf . tableau).

Evolution du PSR collectivités territoriales en exécution

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après la Cour des comptes

2. Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne diminue légèrement en conséquence de la nouvelle décision sur les ressources propres

Le PSR au profit de l'Union européenne atteint 17,6 milliards d'euros en 2010, contre 20 milliards d'euros en 2009 (- 1,4 milliard d'euros) et 18,2 milliards d'euros attendus en LFI (- 0,6 milliard d'euros). Ce repli est notamment dû à un effet de périmètre , les ressources propres traditionnelles étant désormais comptabilisées en compte de tiers au lieu d'être enregistrées en recettes fiscales puis imputées sur le PSR ( cf. supra ). Retraitée de cette opération, la tendance de 2009 à 2010 demeure baissière, puisque le prélèvement passe de 18,3 milliards d'euros 27 ( * ) à 17,6 milliards d'euros. Deux facteurs d'explication peuvent être avancés :

1) 2009 avait constitué la première année de mise en oeuvre de la nouvelle « Décision ressources propres » du 7 juin 2007, qui avait entraîné des ajustements rétroactifs de plus de 1 milliard d'euros à la hausse ;

2) 2010 voit une importante réduction de la participation française au financement du « chèque britannique » 28 ( * ) .

II. LES DÉPENSES DU BUDGET GENERAL AUGMENTENT DE 11 % PAR RAPPORT À 2009

Les dépenses nettes du budget général se seront élevées à 322,75 milliards d'euros en 2010, soit 34,42 milliards d'euros de plus que prévu en loi de finances initiale (+ 11,94 %) et 780 millions d'euros de plus que la prévision actualisée en collectif d'hiver 2010 (+ 0,24 %).

Par rapport à l'exécution 2009 (290,9 milliards d'euros), la progression de la dépense est de 11 % à périmètre courant. Cette augmentation est essentiellement imputable au financement des investissements d'avenir , exclus de la norme de dépense.

A. LE RESPECT DES NORMES TRANSVERSALES D'ÉVOLUTION DES DÉPENSES APPELLE UNE APPRÉCIATION NUANCÉE

Les articles 5, 6 et 7 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 édictent trois normes d'encadrement de la dépense de l'Etat applicables à l'annuité 2010 :

1) l'article 5 prévoit que la progression annuelle des dépenses de l'Etat n'excède pas, à périmètre constant et hors plan de relance, l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation. Il s'agit de la norme dite « zéro volume » ;

2) l'article 6 fixe, pour chaque mission du budget général, des plafonds de crédits en autorisations d'engagement et en crédits de paiement en distinguant les contributions au compte d'affectation spéciale des pensions. Il s'agit du budget triennal ;

3) l'article 7 dispose que l'évolution de l'ensemble constitué par les prélèvements sur recettes de l'Etat au profit des collectivités territoriales, la dotation générale de décentralisation de la formation professionnelle et les dépenses de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est égale, à périmètre constant et hors relance, à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation. Il s'agit de l'enveloppe normée.

Les développements qui suivent s'attachent à vérifier le respect de ces normes en exécution.

1. La norme « zéro volume » est respectée sous réserve d'en retrancher 70 milliards d'euros de dépenses « exceptionnelles »

Votre commission des finances promeut depuis plusieurs exercices une lecture d'exécution à exécution de la norme de dépense , instrument dont l'usage est, pour le Gouvernement, strictement limité à la budgétisation initiale 29 ( * ) .

a) Les dépenses incluses dans la norme diminuent de 0,2 % en volume

D'exécution 2009 à exécution 2010 et à champ constant, les dépenses de l'Etat au sens de la norme « zéro volume » 30 ( * ) progressent de 1,3 % en valeur et diminuent de 0,2 % en volume, compte tenu d'une inflation observée de 1,5 %. La norme est donc respectée, sous le bénéfice toutefois de plusieurs observations substantielles.

Respect du « zéro volume » en exécution

(en milliards d'euros)

Exécution

Exécution

Variation

2009

2010

Md€

Valeur

Volume

Dépenses nettes du budget général

290 925

322 753

31 828

10,9%

9,4%

Mesures de périmètre

Part équilibrée TO-DE

291

291

Autres

-965

-965

Dépenses budgétaires hors norme

Fonds de concours

3 516

3 137

-379

Plan de relance

11 822

5 023

-6 799

Investissements d'avenir

32 434

32 434

Dépenses nettes du budget général à périmètre constant et sans dépenses hors norme

275 587

280 903

5 316

1,9%

0,4%

Prélèvement sur recettes

76 200

102 938

26 738

35,1%

33,6%

PSR Union européenne

19 996

17 598

-2 398

-12,0%

-13,5%

PSR Collectivités territoriales

56 204

85 340

29 136

51,8%

50,3%

Mesures de périmètre

PSR Union européenne

1 347

1 347

PSR Collectivités territoriales

-163

-163

PSR hors norme

FCTVA relance

3 853

138

-3 715

Compensation relais

32 431

32 431

PSR à périmètre constant et sans PSR hors norme

72 347

71 553

-794

-1,1%

-2,6%

Total courant + dépenses et PSR hors norme

367 125

425 691

58 566

16,0%

14,5%

Total constant

347 934

352 456

4 522

1,3%

-0,2%

Source : commission des finances, d'après la direction du budget

b) Le respect de l'objectif implique de retrancher 70 milliards d'euros de dépenses exceptionnelles et a été atteint grâce à des débudgétisations et des économies de constatation

Le respect de la norme implique tout d'abord d'en retrancher un volume considérable de dépenses dites « exceptionnelles » , soit 5 milliards d'euros de dépenses budgétaires imputables au plan de relance, 32,4 milliards d'euros au titre des investissements d'avenir, 138 millions d'euros de prélèvements sur recettes correspondant à la mesure FCTVA du plan de relance et 32,4 milliards d'euros de compensation relais de la réforme de la taxe professionnelle. La norme est donc tenue moyennant la neutralisation de 70 milliards d'euros.

Ensuite, et ainsi que votre rapporteur général l'a déjà souligné, le respect de la norme a été facilité par des économies de constatation bienvenues au titre de la charge de la dette (- 2 milliards d'euros) et des prélèvements sur recettes (- 0,8 milliard d'euros). Sans de telles économies, le Gouvernement n'aurait pas été en mesure de tenir la norme, compte tenu des « dérapages » des dépenses de personnel ou des dépenses de guichets sociaux qui ont donné lieu à d'importantes ouvertures de crédits en décret d'avance ou en collectif d'hiver 2010 ( cf. infra).

Enfin, le respect de la norme a été permis par le financement par taxes affectées de l'apurement des dettes de l'Etat envers la sécurité sociale , ce qui a permis d'éviter une dépense budgétaire de 1,4 milliard d'euros intenable dans le cadre du « zéro volume ».

2. Treize missions dépassent en exécution les plafonds du budget triennal
a) Le dépassement total des plafonds est évalué à 0,97 milliard d'euros

Selon les données communiquées par le ministère chargé du budget, sur 31 missions concernées par le budget triennal 16 missions ont fait l'objet d'une budgétisation en LFI 2010 excédant les plafonds du budget triennal et 13 ont dépassé en exécution ces mêmes plafonds.

L'écart total fait ressortir un dépassement de 0,97 milliard d'euros en exécution ( cf . tableau page suivante). Cette comparaison exige, en 2010 comme en 2009, de procéder à des retraitements qui ne permettent pas au Parlement de procéder à une vérification rapide et aisément compréhensible du respect des plafonds assignés par mission. Cette observation vaut tant pour le projet de loi de règlement lui-même, qui ne présente pas le respect du budget triennal en exécution, que pour les rapports annuels de performances, guère plus explicites.

b) La mission « Travail et emploi » connaît le dépassement le plus important (+ 1,34 milliard d'euros)

Parmi les missions affichant des dépassements figurent, sans surprise, la mission « Travail et emploi » (+ 1,34 milliard d'euros), compte tenu du dérapage des dépenses de contrats aidés constaté en collectif d'hiver 2010, la mission « Défense » (+ 0,55 milliard d'euros), dont les dépenses de personnel ont connu une inflation significative, la mission « Enseignement scolaire » (+ 0,34 milliard d'euros), vraisemblablement impactée par le phénomène de moindres départs en retraite constaté en 2009 et 2010, ou encore les missions « Agriculture » (0,32 milliard d'euros) et « Immigration » (+ 0,11 milliard d'euros), notoirement sous-budgétisées alors qu'elles font respectivement face à des dépenses récurrentes de gestion des aléas et d'accueil des demandeurs d'asile.

La mission « Engagements financiers de l'Etat » présente en revanche une réalisation inférieure de 2 milliards d'euros au plafond, en raison d'une charge de la dette négociable sensiblement inférieure aux prévisions .

Le respect des plafonds du budget triennal en exécution 2010

(crédits de paiement en milliards d'euros)

* Le passage de la LFI à périmètre LPFP à la LFI à périmètre courant s'opère par l'addition des mouvements imputables à la mesure « Avances » du plan de relance et des mesures de périmètre et de transfert non intégrées en annuité 2010.

Source : commission des finances, d'après la direction du budget

3. L'enveloppe normée des concours aux collectivités territoriales fait apparaître un léger dépassement en valeur absolue

De 2009 à 2010, la progression des concours inclus dans l'enveloppe normée s'établit à + 1,10 %, ces concours passant de 56,56 milliards d'euros à 57,18 milliards d'euros, hors FCTVA relance. La norme de progression apparaît donc respectée , puisque l'augmentation s'établit à + 1,1 % contre une inflation réalisée de 1,5 % et une inflation prévisionnelle de 1,2 %. Cette lecture peut toutefois présenter l'inconvénient de reprendre en base les éventuels dérapages des années précédentes.

L'annexe à la loi de programmation mentionnait que « l'ensemble des concours de l'Etat, soit 55 milliards d'euros hors dégrèvements (en 2008), augmentera(it) de 1,1 milliard d'euros en 2009, puis de 1 milliard d'euros chaque année sur la période 2009-2011 » .

L'enveloppe normée devait donc être égale, en valeur absolue , à 56,10 milliards d'euros en 2009 et à 57,10 milliards d'euros en 2010. Hors plan de relance et en opérant un rebasage tenant compte du dépassement constaté en 2008 (55,22 milliards d'euros en 2008), ces plafonds devenaient 56,32 milliards d'euros en 2009 et 57 milliards d'euros en 2010. En retenant cette lecture, l'enveloppe normée est légèrement dépassée (0,18 milliard d'euros) en 2010.

Le respect de l'enveloppe normée en 2010

(en milliards d'euros)

Source : Cour des comptes

B. ANALYSE PAR TITRE

1. Les emplois diminuent...
a) 26 500 emplois ont été supprimés en 2010

Le plafond révisé des autorisations d'emplois en loi de finances initiale pour 2010 s'établissait à 2 028 724 équivalents temps plein travaillés (ETPT) 31 ( * ) . La consommation d'emplois constatée s'élève à 2 010 576 ETPT, en retrait de - 18 148 ETPT par rapport à la prévision et de - 90 598 ETPT par rapport à la consommation constatée en 2009.

La diminution des effectifs par rapport à 2009 s'explique très majoritairement par l'impact des mesures de décentralisation et de transferts d'emplois à des opérateurs, soit - 70 797 ETPT . Ces mesures concernent principalement le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, en raison du passage des universités à l'autonomie, le ministère de la santé, qui voit la création des agences régionales de santé, et le ministère de l'écologie, qui enregistre les effets de la décentralisation des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) vers les collectivités territoriales. A ces transferts s'ajoutent des corrections techniques à hauteur de + 6 726 ETPT , liées à des modifications du mode de décompte de certains emplois au ministère de l'éducation nationale et sans impact sur les effectifs réels 32 ( * ) .

Les suppressions effectives d'emplois s'établissent donc à 26 527 ETPT, soit 30 % de la diminution enregistrée entre 2009 et 2010 et une baisse inférieure de 5 403 ETPT à ce qui était prévu en LFI (- 31 930 ETPT).

Variation des emplois de 2009 à 2010 (en ETPT)

Source : projet de loi de règlement 2010

b) Le taux de non-remplacement des départs en retraite atteint 48,4 %

Le nombre de départs à la retraite a été inférieur de 3 536 ETP à la prévision (64 058 départs effectifs contre 67 594 anticipés). En 2009, cet écart avait été encore plus significatif, les départs ayant été inférieurs de 9 000 à la prévision. Selon, les réponses au questionnaire, « cette baisse pourrait être un des effets du contexte économique incertain , qui semble avoir conduit un certain nombre d'agents de l'Etat à décaler leur départ en retraite » . Avec des départs inférieurs de 2 550 ETP aux prévisions, le ministère de l'éducation nationale est le principal département ministériel concerné par la diminution du nombre de départs par rapport aux prévisions.

Les départs en retraite, de la prévision à l'exécution

(en ETP)

Source : direction du budget

Sur les 64 058 départs constatés, 31 014 non-remplacements seront intervenus, soit un ratio légèrement inférieur à la règle du « un sur deux » (48,4 %) et très variable selon les ministères. Ainsi, la plupart des départements ministériels ont procédé à des suppressions nettes d'emplois, à l'exception du ministère de l'enseignement supérieur , exonéré de suppressions, du ministère de la justice et des services du Premier ministre qui ont créé des emplois ( cf . tableau).

L'application de la règle du « un sur deux » dans les ministères

(en ETP)

Source : direction du budget

2. ... mais les dépenses de personnel augmentent
a) Une hausse des dépenses de titre 2 de 2 % à périmètre constant

Les dépenses de personnel (titre 2) diminuent de 1,2 % (- 1,4 milliard d'euros) entre 2009 et 2010 à périmètre courant . Cette diminution est essentiellement due à la réforme des universités accédant à l'autonomie, dont la masse salariale (3,6 milliards d'euros) n'est plus imputée sur le titre 2 mais sur le titre 3, comme subvention pour charges de service public. A périmètre constant, les dépenses totales de personnel progressent en revanche de 2 %, soit + 0,7 % de dépenses de masse salariale et + 5,2 % de dépenses de pensions.

117,8 milliards d'euros auront été dépensés en titre 2 en 2010 , dont 70,5 milliards d'euros en rémunérations d'activités, 11,4 milliards d'euros en cotisations et contributions sociales hors pensions, 34,8 milliards d'euros en pensions et 1 milliard d'euros en prestations sociales et allocations diverses ( cf . tableau).

Les dépenses de personnel de l'exécution à la prévision

(en milliards d'euros, périmètre courant)

Source : commission des finances, d'après la direction du budget

b) Les mesures catégorielles annulent les deux tiers des économies résultant des suppressions d'emplois

Le graphique qui suit isole les principaux facteurs d'évolution des dépenses de personnel hors pensions entre 2009 et 2010 imputées sur les missions du budget général, tels qu'ils résultent de l'agrégation des données contenus dans les rapports annuels de performances.

Les suppressions nettes d'emplois ont un impact à la baisse de 807,9 millions d'euros , que vient surcompenser l'impact haussier des mesures catégorielles 33 ( * ) (+ 544 millions d'euros, soit les deux tiers des économies suscitées par les suppressions d'emplois), de la revalorisation du point d'indice 34 ( * ) (536,6 millions d'euros dont 334,8 millions d'euros au titre de 2009 et 201,8 millions d'euros au titre de 2010), du glissement vieillesse-technicité (+ 181,2 millions d'euros, dont 1 297,6 millions d'euros de GVT positif et 1 116,5 millions d'euros de GVT négatif), ainsi que des autres mesures (+ 514 millions d'euros au titre de la garantie individuelle du pouvoir d'achat, des mesures bas salaires et des autres mesures). En conséquence de ces évolutions, les dépenses de personnel hors pensions imputées sur le budget général passent de 81,97 milliard d'euros en 2009 35 ( * ) à 82,93 milliard d'euros en 2010 (+ 0,96 milliard d'euros).

Le tableau ci-après ventile par mission les différents facteurs d'évolution qui viennent d'être présentés. Il fait notamment apparaître une croissance significative en valeur absolue des dépenses de personnel imputées sur la mission « Défense » (+ 280,42 millions d'euros, soit + 2,34 %). Lors de l'examen du second projet de décret d'avance pour 2010, votre commission des finances avait relevé l'inquiétant dérapage des dépenses de personnel de ce ministère , qui avait donné lieu à l'ouverture de 202 millions d'euros de crédits supplémentaires (hors dépenses de personnel liées aux OPEX). Ce besoin supplémentaire n'a été clairement justifié que pour la moitié de son montant par le Gouvernement , qui mettait en avant trois dispositifs d'indemnisation dont les dépenses avaient nettement augmenté en 2009 et 2010 (soit les indemnités versées dans le cadre des restructurations de la défense, les dépenses d'indemnisation chômage des personnels ayant quitté le ministère de la Défense, et l'indemnisation des victimes de l'amiante, difficile à prévoir).

Le ministère du budget n'est pas en reste, puisque 79,8 millions d'euros de mesures catégorielles supplémentaires sont enregistrées en 2010, soit 65 % des économies engendrées par les suppressions d'emplois. Un relevé de conclusions d'avril 2009, conclu entre le ministre chargé du budget et de la fonction publique et les organisations syndicales, prévoit une revalorisation de la grille indiciaire de la catégorie B. Les conditions de reclassement représentent un coût de 15 millions d'euros en 2010 (hors pensions) et de 63 millions d'euros en « rythme de croisière ».

On observe enfin que 129,6 millions d'euros de mesures catégorielles imputées sur la mission « Sécurité » font plus qu'annuler 103,7 millions d'euros d'économies liées aux suppressions d'emplois . Le Gouvernement avait indiqué, lors de l'examen du projet de décret d'avance de novembre 2010, que la mise en oeuvre de plusieurs mesures catégorielles dans le cadre de « protocoles » entraîne des dépenses supplémentaires d'environ 40 millions d'euros par an en rythme de croisière 36 ( * ) . A ces protocoles s'ajoute la revalorisation de l'indemnité de sujétion spéciale de police (ISSP), décidée fin 2008, et dont l'impact annuel s'est élevé à + 17 millions d'euros sur chacun des exercices 2009 et 2010.

L'impact de la sous-exécution des schémas d'emplois 2009 et 2010 et de la maîtrise aléatoire des dépenses de personnel transparaît également dans la comparaison des crédits prévus et exécutés en 2010, qui fait apparaître un important dépassement (+ 0,89 milliard d'euros hors CAS « Pensions »). Ce sont ainsi 760 millions d'euros de crédits supplémentaires qui auront dû être ouverts à la fin de l'exercice par décret d'avance.

Les dépenses de personnel de l'exécution à la prévision

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après la direction du budget

Ventilation par mission des dépenses de personnel hors pensions imputées sur le budget général

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après la direction du budget

3. Les dépenses hors personnel

De 2009 à 2010, les dépenses nettes du budget général (y compris fonds de concours) augmentent de 10,9 % à périmètre courant, soit + 31,8 milliard d'euros. Hors dépenses de personnel, cette progression est de 12,1 % (+ 33,2 milliards d'euros). Cette progression traduit l'impact des dépenses liées aux investissements d'avenir, particulièrement sensibles sur le titre 7.

Ventilation par titre des dépenses nettes exécutées sur le budget général

(en milliards d'euros, périmètre courant)

Source : commission des finances, d'après la direction du budget

a) Les dépenses de fonctionnement et d'intervention continuent de progresser

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) atteignent 46,2 milliards d'euros en 2010, soit 3,1 milliards d'euros de plus qu'en 2009 (+ 7,2 %) .

Les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs s'élèvent à 22,9 milliards d'euros en 2010 après 20 milliards d'euros en 2009 (+ 2,9 milliards d'euros). Cette augmentation est toutefois liée à un effet de structure . Comme évoqué plus haut, la réforme des universités a eu pour conséquence de transformer 3,6 milliards d'euros de dépenses de personnel en dépenses de fonctionnement, correspondant à la masse salariale des universités ayant accédé à l'autonomie.

Les dépenses de fonctionnement de l'Etat stricto sensu s'établissent à 23,3 milliards d'euros, après 23,1 milliards en 2009 (+ 0,2 milliard d'euros). Cette quasi stabilité résulte de l'effet combiné de la diminution des dépenses du plan de relance et de la mise en oeuvre des investissements d'avenir, qui a notamment majoré les dépenses de fonctionnement de la mission « Economie » au bénéfice du développement de l'économie numérique (+ 1,2 milliard d'euros) et de la croissance des petites et moyennes entreprises (+ 0,7 milliard d'euros), et de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » (+ 0,4 milliard d'euros).

Les dépenses d'intervention atteignent 79,3 milliards d'euros 37 ( * ) contre 74,3 milliards d'euros en 2009 (+ 5 milliards d'euros et +6,7 %). Les transferts aux autres collectivités augmentent de 6,4 milliards d'euros pour atteindre 27,5 milliards euros. Cette évolution est liée aux dépenses d'investissements d'avenir (+ 2,7 milliards d'euros), à l'augmentation des dépenses en faveur de l'emploi (+ 1,3 milliard d'euros) et à un changement d'imputation entre 2009 et 2010 des versements à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (+ 0,9 milliard d'euros). Les transferts aux ménages passent quant à eux de 29,2 milliards à 28,6 milliards d'euros, les transferts aux entreprises de 15,7 milliards à 14,5 milliards d'euros et les transferts aux collectivités territoriales de 8,1 milliards à 8 milliards d'euros. Retraitée des dépenses d'investissements d'avenir et de la mesure de périmètre relative à l'AFITF 38 ( * ) , l'évolution des dépenses d'intervention s'établit à + 1,9 %.

b) Bien qu'inférieure à la prévision, la charge de la dette augmente de 7,6 % par rapport à 2009

Les charges de la dette de l'Etat (titre 4) atteignent 40,5 milliards d'euros contre 37,6 milliards d'euros en 2009, soit une augmentation de 7,6 %. La charge nette des OAT, BTAN et BTF augmente de 2,91 milliards d'euros , pour les raisons suivantes :

1) l'augmentation de l'encours produit un effet volume positif de 1,78 milliard d'euros . Après la forte progression enregistrée en 2009 (+ 133,2 milliards d'euros), la hausse de l'encours nominal de la dette négociable a néanmoins ralenti en 2010 (+ 78,8 milliards d'euros), en phase avec l'amélioration du déficit budgétaire ( cf. infra ) ;

2) l'inflation a contribué pour 2,23 milliards d'euros à l'augmentation du service de la dette. Après une période de forte volatilité, la charge d'indexation a retrouvé en 2010 un niveau plus proche des montants antérieurs, soit 2,27 milliards d'euros. Ce niveau est sensiblement supérieur à la prévision de LFI (+ 1,65 milliard d'euros), la hausse des prix ayant été plus forte qu'anticipé ;

3) l'évolution des conditions de financement sur les marchés a été caractérisée par un effet taux négatif à hauteur de 0,67 milliard d'euros, concentré sur les BTF. Le taux des BTF a atteint, en juin, les niveaux historiquement bas de 0,20 % pour les titres à 3 mois et de 0,39 % pour les titres à 12 mois ;

4) les effets calendaires auront, quant à eux, joué négativement à hauteur de 0,43 milliard d'euros .

Par ailleurs, la charge nette de trésorerie s'établit à 269 millions d'euros en 2010, soit 65 millions d'euros de plus qu'en 2009 . Cette augmentation résulte de deux mouvements de sens contraire. 165 millions d'euros de dépenses supplémentaires résultent de la rémunération des 18,7 milliards d'euros de dotations non consommables versées aux opérateurs dans le cadre du programme d'investissements d'avenir et du Plan Campus, et qui font l'objet de dépôts rémunérés sur le compte du Trésor. Initialement attendue à 500 millions d'euros, cette dépense est très inférieure à la prévision compte tenu de la mise en place tardive des mécanismes prévus. Les autres charges de trésorerie baissent en revanche de 292 millions d'euros par rapport à 2009 et atteignent 248 millions d'euros. Ce phénomène est à mettre en relation avec un rattrapage opéré en 2009 sur les versements des rémunérations des banques centrales africaines 39 ( * ) .

c) Les dépenses d'investissement enregistrent le contrecoup du plan de relance et diminuent fortement

Les dépenses d'investissement (titre 5) diminuent fortement (- 14,9 %), passant de 15,1 à 12,9 milliards d'euros (- 2,2 milliards d'euros). Cette diminution est concentrée sur le ministère de la Défense, dont le niveau de dépense en 2009 était exceptionnellement élevé dans le cadre du plan de relance de l'économie.

d) La très forte augmentation des dépenses d'opérations financières traduit la mise en oeuvre des investissements d'avenir

Les dépenses d'opérations financières (titre 7) s'établissent à 25 milliards d'euros après 0,6 milliard d'euros en 2009. Cette progression très spectaculaire résulte de la mise en oeuvre de l'emprunt national, qui s'est traduite par la dotation en fonds propres des opérateurs chargés de financer les investissements d'avenir. Ces dotations passent ainsi de 0,4 milliard d'euros en 2009 à 21 milliards d'euros en 2010, dont 16,6 milliards dévolus à l'Agence nationale pour la recherche (ANR) et 2 milliards à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

Les dotations aux pouvoirs publics (titre 1) sont enfin quasiment stables, à 1 milliard d'euros (+ 0,1 %).

C. UN EXERCICE ENCORE MARQUÉ PAR DES DÉPENSES EXCEPTIONNELLES

Comme l'indiquent les développements qui précèdent, la lisibilité de l'évolution des dépenses par titre est brouillée par la survenue de dépenses exceptionnelles, liées à la seconde année d'application du plan de relance de l'économie et à la mise en oeuvre des investissements d'avenir .

1. 2010 : seconde année du plan de relance

Le plan de relance fait l'objet d'une présentation détaillée par notre collègue Jean Arthuis, rapporteur spécial de la mission « Plan de relance de l'économie », dans le tome 2 du présent rapport.

Dans le cas de la mission « Plan de relance de l'économie », du point de vue du solde budgétaire, il faut ne faut pas prendre en compte la consommation finale des crédits par les entités chargées de la dépenser (programmes destinataires ou opérateurs de l'Etat), mais plutôt la totalité des crédits transférés ou versés à ces entités. Ces crédits ont été en 2010 de 2,9 milliards d'euros en AE et 5 milliards d'euros en CP (contre respectivement 13 et 11,6 milliards d'euros en 2010).

La mission « Plan de relance de l'économie » : prévision et exécution

(en milliards d'euros)

2009

2010

Crédits ouverts

Crédits transférés à d'autres programmes ou versés à des opérateurs

Crédits effectivement consommés

Crédits ouverts

Crédits transférés à d'autres programmes ou versés à des opérateurs

Crédits effectivement consommés

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 315 « Programme exceptionnel d'investissement public »

4,1

3,0

4,1

2,7

3,7

2,4

1,7

1,7

0,9

Programme 316 « Soutien exceptionnel à l'activité économique et à l'emploi »

6,7

7,2

6,4

6,6

2,8

4,3

2,6

2,8

2,5

2,8

1,6

2,5

Programme 316 hors FSI

3,8

4,3

3,4

3,7

1,7

3,1

2,6

2,8

2,5

2,8

1,6

2,5

Programme 317 « Effort exceptionnel en faveur du logement et de la solidarité »

2,8

2,4

2,6

2,2

2,3

1,8

0,3

0,6

0,3

0,6

0,1

0,1

TOTAL DE LA MISSION

13,6

12,6

13,0

11,6

8,8

8,5

2,9

5,1

2,9

5,0

1,7

3,5

TOTAL DE LA MISSION HORS FSI

10,7

9,6

10,1

8,6

7,6

7,3

2,9

5,1

2,9

5,0

1,7

3,5

Source : commission des finances du Sénat, d'après la Cour des comptes (notes d'exécution budgétaire pour 2009 et 2010 de la mission « Plan de relance de l'économie »)

Du point de vue du budget de l'Etat, il faut ajouter à ces sommes l'anticipation des versements du FCTVA. Celle-ci a coûté 3,9 milliards d'euros en 2009 et 140 millions d'euros en 2010.

2. Le programme des investissements d'avenir
a) 35 milliards d'euros ouverts autour de cinq priorités

La loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 a ouvert, au titre du Programme des investissements d'avenir, 35 milliards d'euros en AE et CP au budget général de l'Etat, ventilés autour de cinq priorités :

- l'enseignement supérieur et la formation (11 milliards d'euros) ;

- la recherche (7,9 milliards d'euros) ;

- les filières industrielles et les PME (6,5 milliards d'euros) ;

- le développement durable (5,1 milliards d'euros) ;

- le numérique (4,5 milliards d'euros).

Il convient de rappeler que sur les 35 milliards d'euros, 15 milliards d'euros constituent des dotations non consomptibles et ne pourront pas être directement utilisés par les différents bénéficiaires : seuls les revenus représentatifs de la rémunération du dépôt de ces fonds au Trésor pourront être utilisés en vue de financer des projets.

Par ailleurs, ces sommes ne sont pas directement dépensées. Leur gestion a été confiée à dix opérateurs 40 ( * ) , dont 17,6 milliards d'euros à la seule Agence nationale de la recherche (ANR).

Douze programmes du budget général de l'Etat, créés pour l'occasion, retracent pour 2010 les priorités ainsi retenues dans les rapports annuels de performances des missions budgétaires concernées. La disparition de ces programmes est prévue dès 2011 puisque du point de vue du budget de l'Etat, la totalité des crédits a été décaissée en 2010 .

b) Retour sur l'année 2010

L'exercice 2010 a été marqué, s'agissant des PIA, par :

- la signature des trente-cinq conventions entre l'Etat et les opérateurs portant chacune sur les actions retenues dans le cadre de l'emprunt national ;

- le transfert de l'intégralité de l'enveloppe de 35 milliards d'euros sur les comptes ouverts au Trésor des dix opérateurs précités ;

- le lancement des premiers appels à projets .

Les taux d'exécution de 100 % des crédits relatifs au PIA que pourrait laisser entrevoir la lecture des rapports annuel de performance 2010 doivent être analysés avec prudence. En effet, ces chiffres rendent compte de l'exécution budgétaire de l'emprunt national, c'est-à-dire de la délégation d'AE et du versement de CP aux opérateurs en charge des projets, et non de la « dépense finale » correspondant à la réalisation des projets eux-mêmes.

Selon les données transmises par le Commissariat général à l'investissement, en 2010, le bilan des engagements et décaissements du PIA se décompose comme suit :

- 1,9 milliard d'euros de dotations consommables engagées ;

- 896,5 millions d'euros de dotations consommables décaissées ;

- 2,8 millions d'euros d'intérêts décaissés.

Si des sommes ont été engagées sur le périmètre de huit opérateurs (ANR, OSEO, ADEME, CDC, ANRU, CNES, CEA et ANAH), en revanche, les décaissements n'ont concerné principalement que cinq opérateurs :

- OSEO : 822 millions d'euros ont été décaissés au titre des actions « Prêts verts » et « recapitalisation et refinancement d'OSEO» ;

- le CNES : 27,5 millions d'euros ont été décaissés au titre de la recapitalisation d'Arianespace ;

- l'ANRU : 41,6 millions d'euros ont été décaissés au titre des Internats d'excellence ;

- la CDC : 5,45 millions d'euros ont été décaissés au titre de l'action « Financement social et solidaire » ;

- l'ANR : 500 millions d'euros de dotations non consommables générant des produits d'intérêts de 7,1 millions d'euros ont été engagés ; sur ces produits d'intérêts, 2,8 millions d'euros ont été décaissés en 2010 au bénéfice des trente-trois Instituts Carnot labellisés.

Le tableau ci-dessous détaille, par projet, les engagements et encaissements intervenus en 2010.

S'agissant de la nature des décaissements réalisés, ils se répartissent comme suit :

- 76 % de prêts (« prêts verts » et contrats de développement participatifs d'OSEO) ;

- 19 % de prises de participation (recapitalisation d'OSEO, recapitalisation d'Arianespace) ;

- 5 % de subventions (internats d'excellence).

Principaux engagements - décaissements par opérateur en 2010*

Opérateurs

Action

Engagements

Décaissements

ANR

Instituts Carnot

500 millions d'euros de dotation non consommables générant des produits d'intérêts de 7,1 millions d'euros

2,8 millions d'euros ( sur ces produits d'intérêts)

CDC

Financement de l'économie sociale et solidaire

5,7 millions d'euros

5,45 millions d'euros

Equipement en très haut débit

2,97 millions d'euros

-

ADEME

Démonstrateurs en énergie renouvelable

40,7 millions d'euros

-

OSEO

Recapitalisation d'OSEO

140 millions d'euros

140 millions d'euros

Refinancement d'OSEO

763 millions d'euros

681 millions d'euros

Aide à la réindustrialisation

13 millions d'euros

-

Prêts verts

4 millions d'euros

1 million d'euros

CEA

Réacteur Jules Horowitz

248,4 millions d'euros

-

Réacteur de 4e génération

651,6 millions d'euros

-

ANAH

Rénovation thermique des logements privés

0,04 million d'euros

-

ANRU

Internats d'excellence

47 millions d'euros

41,6 millions d'euros

CNES

Recapitalisation d'Arianespace

27,5 millions d'euros

27,5 millions d'euros

* Hors frais de gestion des opérateurs

Source : commission des finances d'après les données du Commissariat général à l'investissement

La montée en charge de l'emprunt national n'interviendra vraisemblablement qu'au troisième trimestre 2011, de nombreuses procédures d'appel à projet s'étant achevées fin 2010 - début 2011.

c) Un premier bilan de la mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir

Si la commission des finances a approuvé la réhabilitation de la notion d'investissement public par le biais des PIA, elle n'en a pas moins émis des réserves sur la voie choisie, à savoir la mise en place d'un financement public parallèle à celui du budget de l'Etat .

C'est pourquoi, votre commission des finances a été particulièrement vigilante, dans le cadre de l'examen des projets de convention entre l'Etat et les opérateurs, sur les modalités de sélection des projets qui seront financés. En effet, il semblait impératif d'assurer le suivi de crédits dépensés en dehors du circuit budgétaire classique , mais aussi de garantir une sélection optimale permettant de ne soutenir que les projets à plus forte valeur ajoutée.

Au vu des travaux menés par la commission, l'attention peut être appelée sur les trois principaux éléments suivants :

- la forte porosité des crédits de l'emprunt national et des crédits du budget général qui, dans le cas du programme de soutien à l'Airbus A350, a conduit à une débudgétisation totale et à des schémas de financement assez complexes 41 ( * ) . Le tableau suivant retrace, à titre d'illustration, les liens étroits entre les actions financées par le PIA et la mission budgétaire « Recherche et enseignement supérieur » ;

- l'extrême imbrication de certaines actions menées dans le cadre même de l'emprunt national qui ne rend que plus difficile le suivi de l'utilisation des crédits . L'articulation entre l'action « Initiatives d'excellence » et l'action « Laboratoires d'excellence »  en est un exemple ;

- le risque, enfin, d'un facteur supplémentaire de complexité , notamment dans le paysage français de l'enseignement supérieur et de la recherche compte tenu des nouvelles structures promues par les investissements d'avenir : équipements d'excellence, initiatives d'excellence, laboratoires d'excellence, Instituts hospitalo-universitaires...

La porosité entre les fonds de l'emprunt national et le budget général : l'exemple de la Mission « Recherche et enseignement supérieur »


Le financement par le PIA de mesures annoncées mais non encore financées :

- la poursuite des Instituts Carnot au delà de 2010 ;

- la création du fonds national de valorisation et de la structure « France Brevets ».


Le financement par le PIA de mesures déjà mises en oeuvre mais qui nécessitaient des crédits complémentaires :

- l'Opération Campus ;

- le réacteur Jules Horowitz et le réacteur de 4 e génération ASTRID ;

- la recapitalisation d'ARIANESPACE dans la perspective du lancement des études pour le programme ARIANE 6 et le développement de satellites.


Le financement par le PIA de mesures financées auparavant dans le cadre de la MIRES dont les crédits ont été diminués ou ont été annulés en gestion 2010 :

- les opérations immobilières prévues pour les écoles de la statistique (GENES) et l'Institut Telecom dont les AE ouvertes au titre de 2009 et 2010 ont été annulées pour être financées dans le cadre de l'Opération campus ;

- le plan à moyen terme du CNES pour la période 2011-2015 qui présente une diminution de 10 millions d'euros sur le programme d'études préparatoires ARIANE 6 ;

- la dotation de l'ANR qui a été réduite de 71 millions d'euros en CP en LFI pour 2011 ;

- le basculement des avances remboursables destinées au soutien au programme de l'Airbus A350 dans les investissements d'avenir.

Source : Cour des comptes, rapport sur les résultats et la gestion budgétaire (Exercice 2010) - juin 2011

De façon plus générale, votre rapporteur général insiste sur la nécessaire concentration des crédits qui doit être opérée selon une logique d'excellence et sur la base d'une procédure de sélection objective et transparente, ainsi que sur l'indispensable évaluation des projets menés .

Celle-ci est aujourd'hui prématurée, mais devra être un champ d'investigation pour les rapporteurs spéciaux concernés. L'évaluation de la rentabilité socio-économique des investissements , tout comme l'identification du retour sur investissement, constituent en particulier deux enjeux majeurs.

Un autre enjeu, mis en évidence par la Cour des comptes dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire 42 ( * ) , concerne les « opérateurs gestionnaires ». La mise en place de l'emprunt national confère, comme cela a été précisé, un rôle important à ces derniers et particulièrement à l'ANR qui reçoit la part la plus importante de fonds, soit 17,6 milliards d'euros. Elle est essentiellement chargée d'organiser les appels d'offres, de faire fonctionner les jurys internationaux, ainsi que d'assurer un suivi des financements accordés aux bénéficiaires finaux.

Si cette agence dispose d'une réelle expertise en la matière et si ses moyens ont été renforcés pour mener ces nouvelles tâches, la Cour des comptes, appelle l'attention sur deux risques potentiels : « un risque opérationnel , le suivi et l'évaluation de projets en multi partenariats [...], un risque budgétaire et financier , dès lors que la traçabilité des fonds n'est pas parfaitement assurée ».

Ces deux éléments devront faire l'objet d'une attention particulière. En effet, l'efficacité du programme des investissements d'avenir repose, pour partie, sur la capacité des « opérateurs gestionnaires », au premier rang desquels l'ANR, à mener à bien leurs missions .

III. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE SE CREUSE ET L'ENCOURS DE LA DETTE AUGMENTE

A. LES DÉTERMINANTS DE L'ÉVOLUTION DU SOLDE

1. Le déficit budgétaire est supérieur de 10,8 milliards d'euros à celui de l'exercice 2009

En 2010, le déficit budgétaire s'établit à 148,8 milliards d'euros, soit 10,8 milliards d'euros de plus qu'en 2009 et 31,4 milliards d'euros de plus qu'en loi de finances initiale. Il est supérieur de 0,3 milliard d'euros au déficit prévu en loi de finances rectificative de décembre 2010 hors consommation des reports de crédits, mais inférieur de 1 milliard d'euros si l'on intègre ces reports (1,3 milliard d'euros).

L'évolution du déficit budgétaire

(en millions d'euros)

Exécution 2009

LFI 2010

Révisions en LFR

Exécution

2009-2010

Recettes nettes

290 925

288 335

321 973

322 753

31 828

Dépenses nettes

161 019

166 186

173 877

171 949

10 930

Solde du budget général

-129 906

-122 149

-148 096

-150 804

-20 898

Solde des budgets annexes

1

1

0

0

Solde des comptes spéciaux

-8 122

4 779

-406

2 000

10 122

SOLDE GENERAL

-138 028

-117 369

-148 501

-148 804

-10 776

Source : commission des finances

a) Solde budgétaire et solde primaire atteignent un nouveau point bas historique

Alors qu'aux termes de la loi de finances initiale, l'exercice 2010 aurait dû connaître une inflexion positive après un point bas historique atteint en 2009, le déficit aura donc été pire en 2010 qu'en 2009 , sous l'effet des dépenses consenties pour le financement des investissements d'avenir ( cf . graphique).

Votre rapporteur général observe également, avec la Cour des comptes, que le solde primaire (soit hors service de la dette) continue de se dégrader, pour atteindre - 110,3 milliards d'euros contre - 92,3 milliards d'euros en 2009. Le solde primaire corrigé des investissements d'avenir, qui ne donnent pas tous lieu à des décaissements, s'établit à - 76,3 milliards d'euros. 27 % des dépenses courantes de l'Etat auront, en 2010, été financées par des ressources non permanentes.

b) La dégradation du solde du budget général est partiellement compensée par l'amélioration du solde des comptes spéciaux

La dégradation du solde budgétaire résulte de deux mouvements de sens contraire : le solde du budget général se creuse de près de 21 milliards d'euros, alors que celui des comptes spéciaux s'améliore de plus de 10 milliards d'euros.

L'évolution du déficit budgétaire

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

En exécution, le solde du budget général s'établit à - 150,8 milliards d'euros, soit la différence entre 322,75 milliards d'euros de dépenses nettes et 171,95 milliards d'euros de recettes nettes. Le seul facteur d'amélioration réside dans le rebond des recettes fiscales nettes (+ 39,3 milliards d'euros), tous les autres paramètres jouant à la baisse : les dépenses nettes sont en hausse de 31,8 milliards d'euros, sous l'effet des investissements d'avenir, les recettes non fiscales baissent de 1,3 milliards d'euros à périmètre courant et les prélèvements sur recettes sont majorés de 26,7 milliards d'euros, principalement à cause de la compensation relais. Tous ces éléments sont analysés en détails dans les développements qui précèdent.

c) Le taux de couverture des dépenses par les recettes chute à 53,3 %

Un indicateur du déséquilibre du budget général réside dans l'évolution du taux de couverture de ses dépenses par ses recettes . Alors que ce taux avoisinait 85 % jusqu'en 2007, l'année 2008 a amorcé un déclin (79,5 %) largement amplifié par la crise. Avec un taux de couverture de 53,3 % , l'année 2010 marque une nouvelle dégradation de cet indicateur et approche un peu plus d'un seuil de 50 % aux termes duquel le budget général n'aurait plus « les moyens » que de la moitié de ses dépenses...

2. Le solde des comptes spéciaux se rétablit de 10 milliards d'euros

Au contraire du budget général, les comptes spéciaux connaissent un rétablissement spectaculaire : leur solde passe de - 8,1 milliards d'euros en 2009 à + 2 milliards d'euros en 2010 (+ 10,1 milliards d'euros). Cette amélioration résulte des mêmes facteurs exceptionnels que ceux qui ont influencé les ordres de grandeurs du budget général, à savoir la fin du plan de relance, la réforme de la taxe professionnelle et la mise en oeuvre des investissements d'avenir, auxquels il convient d'ajouter l'assistance apportée à la Grèce.

Clé de passage 2009-2010 du solde des comptes spéciaux

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

a) Le solde des comptes d'affectation spéciale se dégrade de 5,4 milliards d'euros

Le solde des comptes d'affectation spéciale passe de + 1,7 milliard d'euros en 2009 à - 3,6 milliards d'euros en 2010, soit une dégradation de 5,4 milliards d'euros . Cette évolution résulte essentiellement du CAS « Participations financières de l'Etat », qui a enregistré 6,7 milliards d'euros de dépenses en 2010 (contre 1,8 milliard d'euros en 2009), comprenant notamment la dotation en capital à l'Agence nationale de la recherche (3,7 milliards d'euros) dans le cadre de la mise en place du « Plan Campus » .

b) Le solde des comptes de concours financiers s'améliore de 15,8 milliards d'euros

Le solde des comptes de concours financiers s'améliore au contraire de 15,8 milliards d'euros entre 2009 et 2010 :

1) le compte « Prêts à des États étrangers » présente un solde de - 4,2 milliards d'euros après - 1,6 milliard d'euros en 2009, du fait des prêts consentis à la Grèce (4,4 milliards d'euros) ;

2) le solde du compte « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » s'améliore de 7,5 milliards d'euros en 2010 par rapport à 2009, principalement en raison de la non-reconduction de l'opération exceptionnelle de prêts à la filière automobile (6,3 milliards d'euros) ;

3) le solde du compte d'avances aux collectivités territoriales s'établit à + 10,2 milliards d'euros, contre un déficit de 1,5 milliard d'euros en 2009. Cette amélioration s'explique par une diminution des dépenses liée à l'impact de la réforme de la taxe professionnelle ( cf. infra ).

L'exécution des comptes de concours financiers présente un écart significatif à la prévision actualisée en collectif d'hiver 2010. Alors que la dernière loi de finances rectificative pour 2010 prévoyait un solde de + 3,1 milliards d'euros, celui-ci s'établit finalement à 5,5 milliards d'euros, soit 2,4 milliards d'euros au-delà de la prévision. Cet écart s'explique par le décalage à 2011 du décaissement d'1,4 milliard d'euros de tranche de prêt supplémentaire à la Grèce 43 ( * ) , ainsi que par une exécution du compte d'avances aux collectivités territoriales supérieure de 0,6 milliard d'euros à la prévision en raison de recettes de taxe professionnelle sur exercices antérieurs plus élevées que prévu, et de remboursements plus importants qu'anticipé des prêts octroyés aux constructeurs automobiles (+0,3 milliard d'euros).

Les comptes de commerce présentent enfin un solde excédentaire de 0,1 milliard d'euros et les comptes d'opérations monétaires sont en excédent de recettes de 0,1 milliard d'euros.

c) L'information déficiente sur le compte d'avances aux collectivités territoriales ne permet pas d'évaluer avec certitude le coût de la réforme de la taxe professionnelle pour l'Etat

Le profil d'exécution du compte d'avances aux collectivités territoriales aura été particulièrement atypique en 2010, année au cours de laquelle les collectivités n'ont perçu ni la taxe professionnelle (supprimée à compter du 1 er janvier 2010), ni les nouvelles impositions créées en remplacement de celle-ci (versées à compter du 1 er janvier 2011). Durant cette année de transition, les collectivités ont perçu la compensation relais (32,4 milliards d'euros), qui a cependant pris la forme d'un prélèvement sur recettes et n'a donc pas transité par le compte d'avances. En 2010, la suppression de la taxe professionnelle a donc minoré les dépenses du compte de 30 milliards d'euros.

Dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire 2010, la Cour des comptes estime néanmoins que le coût 2010 de la réforme de la TP pour l'Etat ne peut faire l'objet d'une évaluation fiable compte tenu des incertitudes fortes qui pèsent sur les opérations enregistrées sur le compte d'avances .

Les recettes du compte d'avances se composent en effet de recettes réelles , constituées des produits des impôts directs effectivement recouvrés, et de recettes pour ordre trouvant leur contrepartie dans des dépenses pour ordre de la mission « Remboursements et dégrèvements ». Ces dépenses pour ordre correspondent à la part des dégrèvements non décaissés et aux admissions en non-valeur, dont le coût est financé par l'Etat. Elles ne donnent pas lieu à encaissements et décaissements mais simplement à des écritures comptables entre le budget général et le compte d'avances . En effet, la distinction entre opérations réelles et pour ordre dépend essentiellement de la façon dont sont réalisés les dégrèvements :

Le contribuable demande un remboursement après avoir payé la totalité de l'impôt

Le contribuable auto-impute son dégrèvement sur l'impôt dû avant paiement

Année n

Encaissement de la totalité de la recette par le compte d'avance aux collectivités territoriales

Absence de recouvrement de la fraction auto-imputée sur le compte d'avances

Enregistrement d'une dépense budgétaire sur la mission « Remboursements et dégrèvements »

Absence de dépense budgétaire sur la mission « Remboursements et dégrèvements »

Année n + 1

-

Inscription d'une recette d'ordre sur le compte d'avances

-

Inscription d'une dépense d'ordre sur la mission « Remboursements et dégrèvements »

Or la Cour des comptes constate que « l'administration n'est pas en mesure, compte tenu des insuffisances des systèmes d'information, d'opérer la distinction entre (les recettes d'ordre) et les recettes réelles. Le montant exact de taxe professionnelle effectivement recouvré au titre d'un exercice et le rattachement de ces recettes à chacun des rôles émis antérieurement ne peuvent davantage être connus. Le partage entre les dégrèvements auto-imputés par les entreprises et ceux dont elles réclament la restitution au Trésor public ne peut donc être effectué » .

Le coût de la réforme de la TP est estimé à 7,7 milliards d'euros pour l'Etat en 2010 . Il résulte de la différence entre un coût pour le budget général de 17,9 milliards d'euros (soit 14,5 milliards d'euros de recettes supplémentaires au titre des nouvelles impositions moins 32,4 milliards d'euros de compensation relais versée aux collectivités territoriales), compensé par une amélioration du solde du compte d'avances aux collectivités territoriales de 10,2 milliards d'euros (10,2-17,9 = 7,7).

Cet important excédent résulte majoritairement d'un surplus de recettes de taxe professionnelle sur exercices antérieurs par rapport à la prévision de la LFI 2010, soit 9,9 milliards d'euros contre 4,5 milliards d'euros anticipés. Cet écart de 5,4 milliards d'euros ne peut toutefois être justifié avec certitude par l'administration , compte tenu des insuffisances affectant les systèmes d'information, qui ne permettent ni de distinguer recettes réelles et recettes d'ordre, ni de connaître le montant de TP rattachable à un exercice ou à des émissions de rôles antérieures.

La Cour des comptes indique qu' « en l'absence de ces données, l'administration s'est efforcée de reconstituer ex post une explication plausible de l'écart (constaté), en mettant en avant l'hypothèse d'une erreur répétée de prévision les années antérieures, qui l'aurait conduite à sous-estimer la part du "plafonnement valeur ajoutée" donnant lieu à auto-imputation par les entreprises » . Cette explication est sujette à caution, la lecture des soldes cumulés du compte d'avances de 2006 à 2009 ne corroborant pas cette hypothèse.

Prenant acte du caractère « inauditable » du compte d'avances, la Cour des comptes conclut à une « incertitude sur la charge nette supplémentaire ayant pesé en 2010 sur le budget de l'Etat à l'occasion de la première année de mise en oeuvre de la réforme de la taxe professionnelle » .

B. L'IMPACT DU DÉFICIT BUDGÉTAIRE SUR L'ENDETTEMENT

1. Le besoin de financement de l'Etat diminue par rapport à 2009

Trois révisions du tableau de financement de l'Etat sont intervenues au cours de l'exercice 2010. Initialement estimé à 213,4 milliards d'euros, le besoin de financement de l'Etat s'établit à 236,9 milliards d'euros en exécution, soit 23,5 milliards d'euros de plus que la prévision mais 9,3 milliards d'euros de moins que l'exécution 2009 (246,2 milliards d'euros).

Ce besoin de financement a résulté des amortissements de dettes à moyen et long termes ou reprise par l'Etat (87,1 milliards d'euros, soit 37 % du total), et de la couverture du déficit (149,6 milliards d'euros, soit 63 % du total). Le montant des amortissements a été sensiblement diminué, en 2010, grâce à la politique de rachats de titres menée par l'Agence France Trésor en 2009 : les tombées de dette ont ainsi été réduites de 11 milliards d'euros au titre de l'exercice .

Evolution du tableau de financement de l'Etat

(en milliard d'euros)

2009

2010

2010

2010

2010

2010

Variation

LR

LFI

LFR (1)

LFR
(2 et 3)

LFR
(4)

PLR

PLR-LFI

2010-2009

Besoin de financement

246,2

213,4

236,1

239,1

236,8

236,9

23,5

-9,3

Amortissement de la dette
à long terme (OAT)

62,8

31,6

29,5

29,5

29,5

29,5

-2,1

-33,3

Amortissement de la dette
à moyen terme (BTAN)

47,4

60,3

53,5

53,5

53,5

53,5

-6,8

6,1

Amortissement de dettes
reprises par l'Etat

1,6

4,1

4,1

4,1

4,1

4,1

0

2,5

Variation des dépôts de garantie

-0,3

0,2

0,2

0,5

Déficit budgétaire (LFI/LFR) / Impact
en trésorerie du solde de la gestion (LR/PLR)*

134,7

117,4

149

152

149,7

149,6

32,2

14,9

Ressources de financement

246,2

213,4

236,1

239,1

236,8

236,9

23,5

-9,3

Emissions à moyen et long terme
(OAT et BTAN) nettes des rachats

164,9

175

188

188

188

187,6

12,6

22,7

Annulation de titres de l'Etat
par la Caisse de la dette publique

2,5

2,5

2,5

-2,5

0

Variation des BTF

75,8

31

1,2

1,2

-20

-27

-58

-102,8

Variation des dépôts
des correspondants

0,8

-3

27

27

40,9

43,7

46,7

42,9

Variation du compte du Trésor

-0,5

4,8

14,3

14,9

18,4

22,1

17,3

22,6

Autres ressources de trésorerie

5,3

3,1

3,1

5,5

9,5

10,6

7,5

5,3

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

a) Les investissements d'avenir ont majoré l'appel net au marché de 22 milliards d'euros

L'événement de la gestion ayant eu l'impact le plus marquant sur le besoin de financement de l'Etat a été l'ouverture, par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010, de 35 milliards d'euros de crédits dédiés au financement des investissements d'avenir . Cette opération a majoré l'appel net au marché de 22 milliards d'euros , soit la différence entre les 35 milliards d'euros de dépenses d'avenir et 13 milliards d'euros remboursés par les banques à l'issue du plan de soutien au secteur financier mis en oeuvre pour répondre à la crise.

Le plafond de variation de la dette à moyen et long termes a donc été porté à 188 milliards d'euros, soit 13 milliards d'euros de plus qu'en LFI (et non 22 milliards d'euros, car l'AFT avait procédé à 9 milliards d'euros de rachats fin 2009 permettant de limiter les amortissements). Enfin, et compte tenu de l'obligation de dépôt sur le compte du trésor des fonds dédiés aux opérateurs du grand emprunt, l'impact réel sur l'endettement aura été limité à 675 millions d'euros en 2010 , correspondant aux dépenses effectivement mises en oeuvre.

b) L'abondance des ressources de trésorerie a considérablement diminué l'encours des BTF

L'obligation de dépôt des fonds de l'emprunt national a également eu des répercussions sur les ressources de financement de l'Etat, qu'elle est venue majorer . La variation des dépôts des correspondants s'établit en exécution à + 43,7 milliards d'euros (contre -3 milliards d'euros anticipés en LFI), à raison du dépôt des fonds de l'emprunt national 44 ( * ) , mais aussi du rapatriement des fonds détenus par des entités publiques et auparavant placés sous forme d'OPCVM monétaires (4,1 milliards d'euros) et de l'augmentation des dépôts des collectivités territoriales (3,3 milliards d'euros).

La variation des ressources tirées de la réduction du solde du compte du Trésor s'est élevée à + 22,1 milliards d'euros entre fin 2009 et fin 2010. Comme indiqué précédemment, les sommes issues du rachat par les banques des titres de capital émis au profit de la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE) ont été mobilisées pour financer une partie des investissements d'avenir. De plus, la politique active de rachat de titres venant à échéance début janvier 2011 et la bonne prévisibilité des flux de fin d'année ont permis de réduire l'encaisse de précaution en fin d'exercice.

Enfin, les autres ressources de trésorerie ont connu une hausse de 5,3 milliards d'euros 45 ( * ) par rapport à 2009 grâce à l'encaissement d'importantes primes nettes à l'émission lié à la baisse des taux de marché (+ 3,9 milliards d'euros par rapport à 2009).

La mobilisation de ressources considérables de trésorerie a ainsi permis de porter la variation nette des BTF à - 27 milliards d'euros alors qu'une augmentation de 31 milliards d'euros était prévue en LFI 2010. Cette évolution spectaculaire se répercute sur la structure de la dette négociable, dont la part à court terme entame un reflux significatif.

Outre les ressources de trésorerie, le besoin de financement de l'Etat aura été couvert par 210,7 milliards d'euros d'émissions brutes à moyen et long termes . 18,2 milliards d'euros de titres de maturité 2011 et 4,5 milliards d'euros de titres de maturité 2012 ont été rachetés par anticipation, portant les émissions nettes des rachats à 188 milliards d'euros, soit le plafond de variation autorisé par le Parlement.

2. L'augmentation du stock de dette marque un léger ralentissement

Après la forte progression enregistrée en 2009 (+ 133,2 milliards d'euros), la hausse de l'encours de la dette négociable a ralenti en 2010 (+ 78,8 milliards d'euros).

Ce ralentissement s'est accompagné d'une recomposition de l'encours au profit des titres à moyen et long terme , l'encours de BTF diminuant de 27 milliards d'euros. A fin 2010, les BTF ne représentaient plus que 15,44 % de l'encours total, après avoir culminé à 18,89 % fin 2009 ( cf . tableau).

Evolution de l'encours de la dette nominale et de sa composition

(en milliards d'euros)

La dette en valeur actualisée correspond à la dette en valeur nominale pour les titres à taux fixe et à la dette nominale que multiplie le coefficient d'indexation à la date considérée pour les titres indexés.

Source : commission des finances

Le retour de l'inflation à un rythme habituel entraîne une remontée du supplément d'indexation , qui s'élève à 16,7 milliards d'euros en 2010, contre 14,5 milliards d'euros en 2009, alors que l'inflation était quasiment nulle. Augmenté du supplément d'indexation, l'encours de la dette de l'Etat atteint 1 229 milliards d'euros.

IV. LA SITUATION PATRIMONIALE DE L'ETAT SE DÉTERIORE À NOUVEAU

La plus-value essentielle de l'examen du projet de loi de règlement réside dans la présentation du compte général de l'Etat, permettant d'apprécier l'évolution de sa situation patrimoniale .

A. LES COMPTES SONT CERTIFIÉS SOUS SEPT RÉSERVES

1. La certification des comptes en 2010

Dans le cadre de la mission que lui confie l'article 58 de la LOLF, la Cour des comptes a certifié que le compte général de l'Etat de l'exercice clos le 31 décembre 2010 était régulier et sincère et donnait une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l'Etat, sous sept réserves substantielles.

a) Six réserves sont levées ou partiellement levées

En 2010, la Cour des comptes lève intégralement les réserves relatives :

1) à la comptabilisation de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) en tant qu'entité non contrôlée . Formulée depuis 2008, cette réserve tenait au maintien de la CADES en dehors du périmètre de combinaison de la sécurité sociale et du périmètre de contrôle de l'Etat. La loi organique du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale a remédié à cette situation en intégrant la caisse au périmètre des lois de financement de la sécurité sociale et en prévoyant d'annexer à ces lois un tableau de situation patrimoniale ;

2) aux autres immobilisations et stocks des ministères civils (concessions de force hydraulique, ouvrages d'art exceptionnels, concession de transport d'électricité, immobilisations du budget annexe de l'aviation civile et logiciels de l'Etat produits en interne).

Quatre levées partielles sont en outre intervenues pour les réserves concernant :

1) les modalités d'établissement de la liste des opérateurs (réserve sur le recensement et la valorisation des opérateurs) ;

2) les engagements de l'Etat vis-à-vis de Réseau Ferré de France (RFF), les engagements de l'Etat au titre de l'allocation des adultes handicapés (AAH) et des aides au logement, l'absence d'intégration du FNAL et du FNSA dans les comptes de l'Etat, les exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires et l'information financière présentée en annexe des comptes (réserve sur les charges et les passifs d'intervention) ;

3) le seuil d'immobilisation retenu par le ministère de la défense (réserve sur les actifs du ministère de la défense) ;

4) les provisions pour désamiantage (réserve sur le patrimoine immobilier de l'Etat).

b) Sept réserves sont maintenues

Sept réserves substantielles demeurent , qui peuvent être ainsi résumées :

1) les caractéristiques des systèmes d'information financière et comptable de l'Etat imposent une limitation générale dans l'étendue des vérifications au titre de l'exercice 2010 . La Cour constate l'insuffisante intégration des systèmes d'information et l'inadaptation des applications informatiques à la tenue de la comptabilité générale. Votre rapporteur général rappelle qu'à ce jour, 1,3 milliard d'euros ont été dépensés pour mettre en oeuvre le progiciel de gestion Chorus , censé regrouper dans un outil unique les fonctionnalités du plus grand nombre possible d'applications de gestion actuellement utilisées, et ce afin de garantir une meilleure intégration de l'information comptable. Alors que la bascule de la totalité de la comptabilité de l'Etat dans Chorus est prévue pour le 1 er janvier 2012, la Cour estime que les conditions dans lesquelles de nombreux programmes budgétaires ont d'ores et déjà été basculés dans l'outil et la sous-utilisation de ses fonctionnalités comptables en 2010 font peser un risque majeur sur sa capacité à tenir la comptabilité générale de l'Etat en 2012 ;

2) malgré certaines améliorations des systèmes de contrôle et d'audit interne, les ministères ne sont toujours pas en mesure de porter une appréciation suffisamment étayée sur le degré de maîtrise des risques comptables et financiers . La Cour relève notamment un degré de maturité très inégal des contrôles internes au sein des différents ministères. Interrogé sur ce point lors de son audition par votre commission des finances, Didier Migaud a suggéré que la Cour établisse un « palmarès » et que sa réserve soit « levée ministère par ministère, pour créer une émulation » ;

3) la comptabilisation des produits régaliens (271 milliards d'euros) en droits constatés n'est toujours pas possible , faute notamment de pouvoir collecter l'information nécessaire à l'évaluation des engagements de l'Etat et des redevables. Le système d'information demeure donc essentiellement fondé sur le suivi des mouvements de caisse ;

4) des incertitudes significatives affectent encore la valorisation des opérateurs de l'Etat et de certaines de ses autres immobilisations financières , ainsi que l'exhaustivité du recensement de ces dernières. S'agissant des opérateurs de l'Etat, la Cour juge que le dispositif de contrôle interne comptable mis en place par une majorité d'entre eux reste insuffisant, que leur patrimoine immobilier n'est toujours pas correctement retranscrit à l'actif de leur bilan et que des insuffisances persistent concernant les principaux postes du passif. Enfin, une majorité d'opérateurs ne respecte toujours pas les instructions comptables applicables aux actifs ;

5) la comptabilisation des actifs du ministère de la défense demeure problématique , s'agissant des stocks (la valorisation des stocks de munitions de l'armée de terre n'a pu être justifiée), du recensement des actifs et des passifs, ou encore de la valorisation des immobilisations ;

6) l'exhaustivité du recensement des charges et des passifs retranscrits par l'Etat dans ses comptes au titre de sa mission de régulateur économique et social n'est pas assurée 46 ( * ) ;

7) une forte incertitude pèse toujours sur la valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat : les données du parc immobilier qui provenaient de systèmes antérieurs hétérogènes n'ont été ni mises en cohérence, ni fiabilisées de manière satisfaisante. L'administration persiste à utiliser les applications antérieures à Chorus pour recenser et gérer le patrimoine immobilier, ce qui empêche la constitution d'une base unique de gestion immobilière de l'Etat . Par ailleurs, la valorisation du patrimoine pâtit des méthodes d'évaluation retenues par France Domaine, qui s'appuient sur des barèmes peu adaptés au patrimoine immobilier de l'Etat (absence de revalorisation des biens situés à l'étranger depuis 2006, absence d'évaluation régulière sur place des biens du parc immobilier valorisés à la valeur de marché...).

2. Certifier ou ne pas certifier ?

L'examen sur plusieurs années des réserves émises par la Cour des comptes démontre que certaines réserves substantielles sont formulées de façon persistante . L'on peut se demander si, dans de telles conditions, une absence de certification est ou non envisageable .

a) Les réserves les plus substantielles sont aussi les plus persistantes

Le tableau de la page suivante fait apparaître que, sur les sept réserves substantielles formulées par la Cour au titre de 2010, trois sont constamment formulées depuis 2006 . Il s'agit des réserves concernant la fiabilité des systèmes d'information financière et comptable, la qualité du dispositif de contrôle interne et d'audit interne des ministères, ainsi que les modalités de comptabilisation des produits régaliens.

RESERVES SUBSTANTIELLES

2006

2007

2008

2009

2010

13 réserves substantielles

9 réserves substantielles

9 réserves substantielles

8 réserves substantielles

7 réserves substantielles

1 - Les systèmes d'information financière de l'État

1 - Les systèmes d'information financière et comptable de l'Etat

1 - Les systèmes d'information financière et comptable de l'Etat

1 - Les systèmes d'information financière et comptable de l'Etat

1 - Les systèmes d'information financière et comptable de l'Etat

2 - Le dispositif de contrôle et d'audit internes

2 - Le dispositif de contrôle interne et d'audit interne

2 - Les dispositifs ministériels de contrôle interne et d'audit interne

2 - Les dispositifs ministériels de contrôle interne et d'audit interne

2 - Les dispositifs ministériels de contrôle interne et d'audit interne

3 - Les actifs du ministère de la défense

3 - Les actifs du ministère de la défense

4 - Les actifs du ministère de la défense

5 - Les actifs du ministère de la défense

5 - Les actifs du ministère de la défense

4 - Les comptes des opérateurs

4 - Les opérateurs

3 - Les opérateurs

3 - Le recensement et la valorisation des opérateurs

4 - Le recensement et la valorisation des opérateurs et d'autres immobilisations financières

5 - Les immobilisations corporelles et incorporelles spécifiques

6 - Les immobilisations spécifiques

8 - Les autres inventaires d'actifs et de passifs

8 - Les autres inventaires d'actifs et de passifs

6 - Les contrats d'échanges de taux pour la gestion de la dette

Réserve levée

7 - Le compte des opérations de la Coface effectuée avec la garantie de l'État

7 - Le compte des procédures publiques gérées par la Coface et la section des fonds d'épargne centralisés à la Caisse des dépôts et consignations

Réserve levée

8 - La section des fonds d'épargne centralisés à la Caisse des dépôts et consignations

9 - Le réseau routier

Réserve levée

10 - Le parc immobilier

9 - Le parc immobilier

7 - Le patrimoine immobilier

7 - Le patrimoine immobilier de l'Etat

7 - Le patrimoine immobilier de l'Etat

11 - Les obligations fiscales

5 - Les produits régaliens

5 - Les produits régaliens

6 - Les produits régaliens

3 - Les produits régaliens

12 - Les passifs d'intervention

8 - Les passifs d'intervention

6 - Les passifs d'intervention

4 - Les charges et les passifs d'intervention

6 - Les charges et passifs au titre de la mission de régulateur économique et social de l'Etat

13 - Les comptes des Pouvoirs publics

Réserve levée

9 - La Caisse d'amortissement de la dette sociale

8 - La Caisse d'amortissement de la dette sociale

Réserve levée

RESERVES NON SUBSTANTIELLES

2006

2007

2008

2009

2010

Aucune réserve non substantielle

3 réserves non substantielles

2 réserves non substantielles

1 réserve non substantielle

Aucune réserve non substantielle

10 - Les comptes de trésorerie

10 - Les comptes de trésorerie

Réserve levée

11 - Les provisions pour risques

Réserve levée

12 - Autres inventaires d'actifs et de passifs

11 - Les autres immobilisations financières de l'Etat

9 - Les autres immobilisations et stocks des ministères civils

Réserve levée

12 - Les concessions de service public

Réserve levée

En rouge les réserves, en orange les réserves partiellement levées.

A. b) Une absence de certification est-elle possible ?

Lors de son audition par la commission des finances le 3 juin 2009, Philippe Séguin, alors Premier président de la Cour des comptes, avait déclaré : « Au cours du prochain exercice de certification, la Cour fera preuve de compréhension à l'égard des chantiers qui ne peuvent raisonnablement aboutir à brève échéance, tels que la modernisation des systèmes d'information. Il n'en sera pas de même des domaines où les progrès sont à portée de main, à l'instar des comptes de trésorerie, des produits régaliens ou des passifs d'intervention. En la matière, la Cour devra tirer toutes les conséquences d'une éventuelle inertie, sous peine de priver la mission de certification de toute crédibilité ».

Au cours de son audition par votre commission des finances, le successeur de Philippe Séguin a été interrogé sur l'éventualité d'une absence de certification des comptes de l'Etat :

« M. Jean Arthuis , président . - Lorsque l'on possède votre immense expertise et votre profonde sagesse, peut-on envisager de ne pas certifier les comptes ?

« M. Didier Migaud . - Nous nous posons chaque année la question ! Rien n'est jamais acquis. Mais nous mesurons chaque fois les conséquences de notre position. La Cour s'est toujours inscrite dans une perspective d'accompagnement.

« M. Jean Arthuis , président . - Du temps du franc, on avait coutume de dire : "moins on en dit, mieux cela vaut"...

« M. Didier Migaud . - Ce n'est pas notre cas. Nous en disons beaucoup !

« M. Jean Arthuis , président . - On craignait que cela ne joue contre la monnaie nationale... »

En substance, le Premier président de la Cour des comptes a laissé entendre à votre commission que l'exercice de certification s'opérait dans un esprit constructif et coopératif . Il a ainsi estimé que « l'administration a(vait) pris des engagements précis. La démarche d'accompagnement dans laquelle s'est engagée la Cour pour l'aider à mettre en oeuvre la réforme comptable a porté des fruits. Depuis le premier exercice de certification, le nombre de réserves est passé de treize à sept » .

Au-delà de la nécessaire pédagogie et de l'inévitable patience dont il doit témoigner, l'on ne saurait reprocher au certificateur des comptes de mesurer scrupuleusement les conséquences potentiellement graves qu'un refus de certification aurait sur la fiabilité des comptes de l'Etat et sur la crédibilité de sa signature. En pareil cas, la France se trouverait dans la situation paradoxale où elle pâtirait s'être dotée d'instruments et de procédures lui permettant de figurer parmi les Etats ayant fait les progrès les plus substantiels en matière de transparence de leurs comptes . Rappelons en effet que notre pays est le seul Etat de la zone euro engagé dans une démarche de certification de ses comptes , au demeurant établis selon des principes reprenant les catégories du secteur privé. A ce jour, seuls sont certifiés les comptes des États-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne et de la Nouvelle-Zélande.

B. LES ENSEIGNEMENTS TIRÉS DU COMPTE GÉNÉRAL DE L'ETAT

1. Le résultat patrimonial est en baisse et la situation nette se dégrade
a) Le résultat patrimonial s'établit à - 112 milliard d'euros

Le résultat patrimonial de l'Etat s'établit à -112 milliards d'euros, en détérioration de 12,1 milliards d'euros par rapport à 2009 (- 12,1 %). Cette dégradation résulte d'une hausse des charges nettes (+ 24,7 milliards d'euros) qui équivaut presque au double de celle des produits nets (+ 12,7 milliards d'euros).

Le résultat patrimonial de l'Etat

(en milliards d'euros)

Source : compte général de l'Etat

Les charges de fonctionnement nettes augmentent de 4 milliards d'euros , principalement sous l'effet du dynamisme des subventions pour charges de service public (+ 4,2 milliards d'euros), dû à la création des agences régionales de santé (0,4 milliard d'euros) et au passage à l'autonomie des universités (3,7 milliards d'euros). Les charges de personnel diminuent légèrement (- 0,6 milliard d'euros), enregistrant le transfert des personnels aux universités autonomes et l'augmentation des pensions.

Les charges d'intervention nettes augmentent de 16 milliards d'euros (+ 10,5 %) en raison de la suppression de la taxe professionnelle et du versement transitoire d'une compensation relais . En sens inverse, le fonds de compensation de la TVA diminue en raison du contrecoup du plan de relance (6,2 milliards d'euros en 2010 contre 9,9 milliards d'euros en 2009).

Les charges financières nettes augmentent de 4,7 milliards d'euros (+ 17 %) sous l'effet du renchérissement des charges d'intérêts sur les OAT (+ 2,4 milliards d'euros), nettes des gains sur les bons à taux fixe (- 1,25 milliard d'euros) et de la non-reconduction de l'opération d'apport de titres de participation au Fonds stratégique d'investissement (7,9 milliards d'euros).

Les dotations nettes aux provisions et aux dépréciations sont en baisse de 10,9 milliards d'euros en raison de la diminution des dotations pour dépréciation des créances fiscales collectées pour le compte de tiers (- 9,8 milliards d'euros). Ce phénomène est dû à la forte diminution des créances de taxe professionnelle en raison de la suppression de cet impôt.

Les produis régaliens nets augmentent de 12,7 milliards d'euros et s'établissent à 253,9 milliards d'euros (+ 5 %). Ce rebond est essentiellement dû à l'augmentation des produits fiscaux et corrobore les données budgétaires analysées ci-avant.

Le résultat patrimonial (- 112 milliards d'euros) se distingue du solde d'exécution des lois de finances (- 148,7 milliards d'euros) en ce que le fait générateur des charges et des produits intervient en droits constatés pour le premier, alors que le second enregistre des mouvements de caisse. D'autre part, certaines opérations sans effet sur le solde budgétaire, car ne correspondant à aucun encaissement et décaissement, impactent le résultat patrimonial. Il s'agit des amortissements, des dépréciations et des provisions. Parmi les éléments expliquant la différence entre solde budgétaire et résultat patrimonial, votre rapporteur général relève :

1) le prêt à la Grèce de 4,45 milliards d'euros, qui ne constitue pas une charge au sens patrimonial mais entre à l'actif du bilan ;

2) les 33,4 milliards d'euros de décaissements en faveur des investissements d'avenir , occasionnant une inscription à l'actif de 25,6 milliards d'euros en majorant les immobilisations financières ;

3) l'encaissement budgétaire de 10,4 milliards d'euros de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui constitue en comptabilité patrimoniale une dette non financière, dans la mesure où il convient d'attendre le dépôt des déclarations pour constater le produit de cet impôt auto-liquidé. Aucun produit n'est donc constaté en 2010, ce produit ayant vocation à être enregistré en 2011.

b) La situation nette atteint - 757 milliards d'euros

L'Etat présente une situation nette négative de 756,6 milliards d'euros , soit la différence entre un actif de 891,2 milliards d'euros et un passif de 1 647,7 milliards d'euros . Cette situation nette se dégrade de 92 milliards d'euros , l'incidence du résultat de 2010 (- 112 milliards d'euros) étant atténué par l'intégration d'actifs et l'effet de certaines corrections d'erreur (+ 20 milliards d'euros).

Bilan de l'Etat

Source : compte général de l'Etat

L'actif s'apprécie de 44 milliards d'euros, du fait notamment de la première comptabilisation des concessions hydrauliques en 2010 (+ 44 milliards d'euros) et de la revalorisation de la Banque de France dans les comptes de l'Etat (+ 24 milliards d'euros). La trésorerie active diminue de 17 milliards d'euros.

Le passif augmente de 137 milliards d'euros, principalement du fait de la progression de la dette financière (+ 82 milliards d'euros) et de la trésorerie passive (+ 44 milliards d'euros). Sur 1 212 milliards d'euros de dette financière négociable, 23 % des remboursements sont exigibles à moins d'un an, 33 % le sont à une échéance comprise entre un et cinq ans, et 44 % des titres négociables ont un degré d'exigibilité supérieur à cinq ans.

2. L'information relative aux engagements hors bilan est insuffisante

L'approche patrimoniale doit enfin être complétée par l'évaluation des engagements hors bilan de l'Etat, dont le recensement apparaît plus que jamais perfectible.

a) Avec 1 200 milliards d'euros, les engagements de retraite demeurent le principal engagement hors bilan

Au titre des principaux engagements hors bilan de l'Etat, les documents d'accompagnement du compte général de l'Etat mentionnent :

1) les engagements en matière de retraite des fonctionnaires civils et militaires , évalués sur la base de la valeur actualisée des pensions qui seraient versées aux retraités et aux actifs présents à la date d'évaluation. Ces engagements se montent à 1 200 milliards d'euros fin 2010, soit 62 % du PIB et une hausse de 52 milliards d'euros par rapport à 2009, réforme des retraites prise en compte 47 ( * ) . Le besoin de financement total se répartit à raison de 68 % pour l'Etat et 32 % pour les régimes spéciaux, dont 18 % pour la SNCF ;

2) la dette garantie par l'Etat , qui concerne les engagements des sociétés, organismes bancaires, collectivités ou établissements publics pour lesquels l'Etat s'est engagé, en cas de défaillance du débiteur, à régler lui-même les intérêts et les échéances d'amortissement prévues au contrat. De 150 milliards d'euros en 2009, la dette garantie passe à 138 milliards d'euros en 2010 (-12 milliards d'euros). En 2010, cette catégorie d'engagements hors bilan enregistre les conséquences de la garantie octroyée par la France au Fonds européen de stabilité financière (FESF), qui est autorisé à contracter des emprunts sur les marchés au bénéfice des pays rencontrant des difficultés de financement. La loi de finances rectificative du 7 juin 2010 a fixé à 111 milliards d'euros la garantie maximale accordée par la France au FESF, dont la contribution correspond à une quote-part de 21,31 %. La première émission d'un montant de 5 milliards d'euros en faveur de l'Irlande a été décidée le 28 novembre 2010 et réalisée le 25 janvier 2011. A ce titre, la France est engagée à hauteur de 1,07 milliard d'euros , montant inscrit aux engagements hors bilan de l'Etat au 31 décembre 2010 48 ( * ) . Le FESF sera remplacé, à compter de juillet 2013, par le Mécanisme européen de stabilité (MES) , qui prendra la forme d'une organisation internationale instituée par traité entre les Etats membres de l'Union ;

3) les garanties de protection des épargnants intéressent l'ensemble des dépôts effectués par ces derniers sur des livrets réglementés (livret A, livret bleu, livret de développement durable, livret d'épargne populaire) et sur les créances détenues par les établissements de crédits sur le fonds d'épargne tenu par la Caisse des dépôts et consignations. Cette garantie représente un engagement hors bilan de 313,7 milliards d'euros fin 2010 contre 307 milliards d'euros fin 2009 (+ 4,7 milliards d'euros). Selon le rapport de présentation du compte général de l'Etat, « l'existence de règles prudentielles déjà suivies actuellement par le fonds d'épargne (et portant notamment sur le niveau minimal des fonds propres ou la liquidité du fonds) sécurise l'ensemble du dispositif et rend improbable la mise en jeu de la garantie de l'Etat » à ce titre ;

4) les engagements fiscaux de l'Etat , qui correspondent principalement aux déficits restant à reporter sur les exercices suivants par les contribuables à l'impôt sur les sociétés. Ces déficits reportables en avant constituent en effet une perspective éventuelle de moindres produits pour l'Etat dans l'avenir . Ces engagements représentent 315 milliards d'euros en 2010 contre 292 milliards d'euros fin 2010.

b) L'information relative aux engagements hors bilan doit être améliorée

Votre rapporteur général souhaitait, dans le cadre du présent rapport et compte tenu des garanties octroyées dans le cadre du FESF, procéder à une recension exhaustive des engagements hors bilan de l'Etat et évaluer la progression pro forma de leur masse globale au cours des dernières années. Nonobstant une lecture assidue du compte général de l'Etat et des documents de présentation qui l'accompagnent, cette analyse est, à ce stade, impossible à réaliser . En effet, si le compte général de l'Etat consacre de riches développements à la présentation des engagements hors bilan, aucune présentation exhaustive et consolidée n'en est fournie, pas plus qu'une totalisation de leurs montants . Si l'abondance de l'information donne l'apparence de la complétude, ce document ne permet pas, en réalité, de reconstituer une telle présentation, sauf à prendre le risque d'erreurs ou d'omissions, tant les conventions de présentation et de chiffrage varient d'une catégorie d'engagement à l'autre.

Le service comptable de l'Etat ne semble, au demeurant, ni en mesure, ni désireux de fournir une telle consolidation , précisément en raison de la pluralité de techniques de chiffrage retenues selon les types d'engagements. Il est parfaitement compréhensible que la technicité de la matière nécessite de manipuler la notion d'engagements hors bilan avec toutes les précisions méthodologiques requises. Il n'est en revanche pas admissible que cette complexité conduise à renoncer à un effort d'exhaustivité et de consolidation absolument indispensable à la bonne information du Parlement.

Pour ne parler que des garanties, votre rapporteur général observe, avec la Cour des comptes, qu'aucune liste complète n'est disponible dans la documentation officielle adressée au Parlement. L'Assemblée nationale et le Sénat ont ainsi été amenés à statuer, au cours de l'examen du quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2010, sur la mise en jeu d'une garantie de l'Etat couvrant une charge financière engagée par la CDC lors de la liquidation de la « Compagnie BTP »... qui n'était répertoriée nulle part . Ce défaut d'exhaustivité se double de problèmes de cohérence , certains dispositifs de garantie mentionnés dans le projet annuel de performances de la mission « Engagements financiers de l'Etat » (programme 114 « Appels en garantie de l'Etat ») ne figurant pas au compte général de l'Etat.

Dans ces conditions, votre rapporteur général recommande qu'un recensement complet et une totalisation des engagements hors bilan de l'Etat soient annexés au prochain projet de loi de règlement , assortis le cas échéant de toutes les précautions méthodologiques nécessaires à en permettre une lecture éclairée. Entendu par votre commission des finances dans le cadre de la préparation du débat d'orientation des finances publiques pour 2012, le ministre du budget s'est dit prêt à travailler à l'amélioration de la présentation des engagements hors bilan dans les mois à venir.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE PREMIER

Résultats du budget de l'année 2010

Commentaire : le présent article a pour objet d'arrêter les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 2010.

Conformément à l'article 37 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, la loi de règlement «  arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle ». Tel est l'objet du présent article.

Le I arrête le résultat budgétaire de l'Etat en 2010 à la somme de - 148 803 450 371,91 euros et le II détaille, pour 2010, le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

L'analyse détaillée du solde arrêté au présent article figure dans l'exposé général du présent rapport. L'analyse des dépenses exécutées sur les missions du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux fait l'objet du tome II du présent rapport.

Cet article a fait l'objet de deux amendements rédactionnels à l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 2

Tableau de financement de l'année 2010

Commentaire : le présent article retrace le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier en 2010

Le présent article arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier de l'année 2010. Le tableau de financement 49 ( * ) qui y figure évalue à 236,9 milliards d'euros le besoin de financement de l'Etat et les ressources mobilisées pour y répondre.

Une analyse du besoin et des ressources de financement de l'Etat en 2010 figure dans l'exposé général du présent rapport.

Cet article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3

Résultats de l'exercice 2010
Affectation au bilan et approbation du bilan et de l'annexe

Commentaire : le présent article, dans lequel figurent le compte de résultat et le bilan de l'Etat, a pour objet d'approuver le bilan après affectation du résultat comptable de l'exercice.

Conformément au III de l'article 37 de la LOLF, la loi de règlement affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice, tel qu'il procède du compte de résultat établi à partir des ressources et des charges constatées dans les conditions prévues à l'article 30 de la loi organique, et approuve le bilan après affectation ainsi que l'annexe.

Le résultat patrimonial de l'Etat en 2010 est arrêté à -111 989 888 246,17 euros , soit la différence entre 365,9 milliards d'euros de charges nettes et 253,9 milliards d'euros de produits régaliens nets. Le bilan, après affectation du résultat comptable, se compose d'un actif net de 891,2 milliards d'euros et d'un passif de 1 647,7 milliards d'euros. La situation nette s'établit à - 756,6 milliards d'euros.

Le compte de résultat et le bilan font l'objet de présentations détaillées dans le compte général de l'Etat annexé au présent projet de loi de règlement et dans le rapport de présentation qui l'accompagne. Par ailleurs, les principales évolutions du résultat patrimonial, de la situation nette et les conditions de la certification des comptes de l'Etat en 2010 sont analysées dans l'exposé général du présent rapport.

Cet article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4

Budget général - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Commentaire : le présent article a pour objet d'ajuster et d'arrêter, pour le budget général, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement engagées et des dépenses au titre de l'année 2010

Le présent article ajuste et arrête, pour le budget général, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement engagées (407,8 milliards d'euros) et des dépenses (412,6 milliards d'euros).

Les ajustements opérés sont les suivants :

1) 99,5 millions d'euros de crédits complémentaires sont ouverts en AE et en CP sur la mission « Remboursements et dégrèvements » (programme 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux ». Ils correspondent à l'ajustement des crédits évaluatifs de cette mission, opéré en application de l'article 10 50 ( * ) de la LOLF ;

2) les annulations de crédits non consommés et non reportés atteignent 5,4 milliards d'euros en AE et 1,4 milliards d'euros en CP. Pour mémoire, les reports de 2010 vers 2011 atteignent 14,9 milliards d'euros en AE (soit 11,2 milliards d'euros de moins qu'en 2009) et 6,3 milliards d'euros en CP (soit 4,7 milliards d'euros de moins qu'en 2009).

Cet article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5

Budgets annexes - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Commentaire : le présent article a pour objet d'ajuster et d'arrêter, pour les budgets annexes, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement engagées et les résultats desdits budgets au titre de l'année 2010.

Le I du présent article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement engagées, soit 2,1 milliards d'euros . 0,1 milliard d'euros d'AE non engagées et non reportées sont annulées.

Le II ajuste et arrête les recettes et les dépenses, soit 2,3 milliards d'euros . Il annule 44,9 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés et procède à l'ouverture de 204,4 millions d'euros de crédits complémentaires, soit 169,4 millions d'euros sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et 35 millions d'euros sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative ». Cette ouverture complémentaire est une opération d'ordre correspondant à l'augmentation du fonds de roulement en considération des résultats de 2010.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 6

Comptes spéciaux
Dispositions relatives aux autorisations d'engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés
Affectation des soldes

Commentaire : le présent article récapitule le montant des ouvertures complémentaires et annulations de crédits pratiquées, sur l'exercice, en ce qui concerne les comptes spéciaux. Il arrête le solde de ces derniers au 31 décembre 2010 et, sauf exceptions, le reporte à la gestion 2011.

Le I du présent article ajuste et arrête le montant des autorisations d'engagement engagées sur les comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2011 à 58,5 milliards d'euros pour les comptes d'affectation spéciale et à 145,7 milliards d'euros pour les comptes de concours financiers. 4,4 milliards d'euros d'AE non engagées et non reportées sont annulées sur les comptes d'affectation spéciale et 8,4 milliards d'euros sur les comptes de concours financiers.

Le II ajuste et arrête les recettes et les dépenses des comptes à crédit et des comptes à découvert, soit :

1) 58,7 milliards d'euros de dépenses et 55 milliards d'euros de recettes pour les comptes d'affectation spéciale (4,1 milliards d'euros de crédits non consommés et non reportés sont annulés) ;

2) 133,2 milliards d'euros de dépenses et 135,1 milliards d'euros de recettes pour les comptes de concours financiers (5,4 milliards d'euros de crédits non consommés et non reportés sont annulés) ;

3) 47,2 milliards d'euros de dépenses et 47,3 milliards d'euros de recettes pour les comptes de commerce ;

4) 1,7 milliard d'euros de dépenses et 1,8 milliard d'euros de recettes pour les comptes d'opérations monétaires. Cette ligne supporte en outre une majoration d'autorisation de découvert de 8,996 milliards d'euros correspondant à la traditionnelle dotation pour mémoire des opérations avec le Fonds monétaire international (voir encadré).

L'imputation en loi de règlement des opérations avec le FMI

Le montant inscrit au projet de loi de règlement correspond au solde débiteur repris au 1 er janvier 2010 (9,058 milliards d'euros), diminué du solde créditeur des opérations menées en 2010 (0,062 milliard d'euros) . Il est inscrit pour mémoire , dans la mesure où les opérations de prêt au FMI sont réalisées par la Banque de France , sur ses propres ressources. Cette « médiatisation » par la Banque de France des relations financières de la France avec le FMI assure la neutralité des opérations pour la trésorerie et le budget de l'Etat .

Concrètement, lorsque le FMI appelle auprès de la France sa participation à un prêt consenti dans le cadre d'accords d'emprunt, la somme requise est prélevée sur le Trésor (en dépenses du compte), mais fait l'objet d'une compensation immédiate, à due concurrence, par la Banque de France (en recettes du compte). L'Etat, pour cette opération, mobilise auprès de la Banque de France les créances qu'il acquiert sur le Fonds à l'occasion même des prêts qu'il accorde à ce dernier ; parallèlement, la disponibilité par la Banque de France des avoirs du Fonds, dont elle est le dépositaire, lui autorise l'exécution à partir d'une provision permanente. En contrepartie, les remboursements et intérêts versés par le FMI au titre du prêt sont immédiatement et intégralement reversés à la Banque de France par le Trésor .

Les opérations financières du FMI étant déterminées par ses propres besoins et ceux de ses pays membres, et s'avérant donc imprévisibles ex ante pour le Gouvernement, le compte « Opérations avec le Fonds monétaire international » ne fait apparaître aucune prévision au stade de la loi de finances initiale . De même, eu égard à la spécificité de son objet, aucun objectif de performances n'est associé à ce compte. Le résultat des opérations afférentes se trouve enregistré ex post , en loi de règlement . Le compte résulte alors de la juxtaposition de deux sections :

- d'une part, une section « Relations avec le FMI », qui retrace les flux d'opérations du Trésor avec le FMI . Cette partie du compte, dont le solde est par nature débiteur, enregistre ainsi les variations de la créance que le Trésor détient sur le Fonds ;

- d'autre part, une section « Relations avec la Banque de France », qui retrace les flux d'opérations du Trésor avec la Banque de France à raison des opérations avec le FMI. Cette partie du compte, dont le solde est par nature créditeur, enregistre ainsi les variations de la dette du Trésor envers la Banque de France née de la compensation, par cette dernière, des versements au Fonds.

Le solde consolidé de ces deux sections représente la créance de la France sur le FMI, nette de la dette du Trésor à l'égard de la Banque de France. Ce solde n'est pas pris en compte pour le calcul du solde budgétaire de l'Etat , les opérations du Trésor avec le FMI ne donnant lieu à décaissements et encaissements réels que pour la Banque de France , et n'affectant que son bilan.

Source : commission des finances

Le III du présent article arrête les soldes des comptes à crédit et des comptes à découvert. Les soldes débiteurs atteignent un total de 30,73 milliards d'euros pour les comptes à crédit et 9,04 milliards d'euros pour les comptes à découvert. Les soldes créditeurs atteignent respectivement 4,24 milliards d'euros et 5,66 milliards d'euros pour les mêmes comptes. Le IV reporte à la gestion 2010 les soldes arrêtés au III, à l'exception :

1) d'un solde débiteur global de 501,4 millions d'euros du compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers », correspondant aux montants des échéances en capital de l'année 2010 au titre des remises de dettes aux pays étrangers ;

2) d'un solde débiteur de 2,6 millions d'euros du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » au titre d'admissions en non-valeur et de remises gracieuses ;

2) d'un solde débiteur de 11,5 millions d'euros du compte de commerce « Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels d'armement complexes » correspondant à des pertes sur avances remboursables sur conditions et à des admissions en non-valeur ;

3) d'un solde débiteur de 26 millions d'euros du compte d'opérations monétaires « Pertes et bénéfices de change », qui n'est jamais repris en balance d'entrée de l'année suivante.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel à cet article.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 7
(Art. 164 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958)

Mise à jour de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958

Commentaire : le présent article actualise l'article 164 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 pour tenir compte de la substitution de la situation mensuelle de l'Etat à la situation résumée des opérations du Trésor.

Le dernier aliéna du III de l'article 164 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 dispose que « la situation résumée des opérations du Trésor et la situation mensuelle de la dette publique de l'Etat seront publiées mensuellement au Journal officiel ».

A compter de 2006, dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, cette situation résumée (SROT) été remplacée par la situation mensuelle de l'Etat (SME).

Le présent article procède donc à cette actualisation dans l'ordonnance. Il a fait l'objet d'une modification rédactionnelle à l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

Réunie le mercredi 25 mai 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur les rapports relatifs à la certification des comptes de l'Etat et à l'exécution budgétaire de 2010 .

M. Jean Arthuis , président . - Cette réunion est l'un des temps forts de notre agenda. Je salue la performance de cette certification qui intervient alors que le conseil des ministres n'a pas encore adopté le projet de loi de règlement. Mais cela ne saurait tarder...

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes . - Deux documents accompagneront le projet de loi de règlement pour 2010 : l'acte de certification des comptes de l'État de 2010 et le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État. Quant au rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, que je vous présenterai le 22 juin prochain, il prend en compte l'ensemble des administrations publiques et trace les perspectives d'évolution financière à court et moyen terme.

L'acte de certification et le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État précisent la situation des finances de l'État à fin 2010. Ces deux documents ont été élaborés par la formation interchambres que préside M. Christian Babusiaux. Le travail a été réalisé dans des délais particulièrement contraints, d'autant que si la période complémentaire a été raccourcie, l'administration, elle, ne répond pas plus rapidement ! La Cour n'a disposé de tous les rapports annuels de performances que le 26 avril dernier, du projet de loi de règlement que le 12 mai.

L'acte de certification porte uniquement sur la comptabilité générale de l'État. Son unique objet est d'attester de la régularité, de la sincérité des comptes et de l'image fidèle qu'ils donnent. Le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire est plus large, il examine la comptabilité budgétaire qui retrace les dépenses et les recettes, c'est-à-dire les opérations de caisse ; il analyse les trois résultats définis par la Lolf, soumis à l'approbation du Parlement, ainsi que les résultats de la gestion par mission et par programme.

Les deux documents contribuent à éclairer le Parlement lors du vote de la loi de règlement, dont l'adoption n'est pas une simple formalité mais constitue la clef de voûte de la fiabilité des comptes de l'État. C'est une application du principe de transparence - vis-à-vis des citoyens, des contribuables, de leurs représentants au Parlement, des investisseurs qui achètent des titres de dette et sont en droit d'attendre une information claire et fiable. La France est le seul Etat de la zone euro engagé dans une démarche de certification de ses comptes - établis qui plus est selon des principes comptables tenant compte des spécificités du secteur public mais reprenant les catégories du secteur privé. Seuls sont certifiés les comptes des États-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne et de la Nouvelle-Zélande. Nous constituons donc une exception vertueuse dans la zone euro. Dans une conjoncture de tensions financières, le fait qu'un auditeur externe, indépendant, puisse attester de la régularité, de la sincérité et de l'image fidèle des comptes de l'État constitue assurément un atout.

Pour ce qui concerne la comptabilité patrimoniale de l'État, vous aurez à examiner le compte général de l'État, arrêté par le ministre du budget le 17 mai dernier et joint au projet de loi de règlement. Le Parlement est désormais chargé d'approuver ces comptes en droits constatés. Il doit le faire en toute connaissance de cause ; à cette fin, il peut s'appuyer sur la certification délivrée par la Cour.

La forme de la loi de règlement ne tire pas encore toutes les conséquences des évolutions de la comptabilité patrimoniale. Par exemple, le bilan qui figure dans le corps même de l'avant-projet de loi de règlement est incomplet : il ne comprend pas les comptes 2008 et 2009 retraités à fins de comparaison avec 2010, autrement dit les comptes pro forma, à périmètre et méthodes équivalents. Ce n'est pas anecdotique : 2010 est la première année où l'État a établi ces comptes pro forma . La situation nette de l'État, la différence entre ses actifs et ses passifs, s'est alourdie de 200 milliards d'euros entre 2008 et 2010, malgré une augmentation de 70 milliards de son actif net immobilisé. Cette évolution tient à la hausse de la dette financière - 210 milliards d'euros - engendrée par les déficits budgétaires successifs et par le programme d'investissements d'avenir. Autre exemple, le tableau des flux de trésorerie de l'État : il n'est pas prévu explicitement par la Lolf et le Parlement ne l'approuve pas, mais il est l'un des quatre états financiers de l'État, avec le bilan, le compte de résultats et l'annexe aux comptes. Il montre qu'en 2010, le besoin de trésorerie net a été de 146 milliards, couvert non seulement par une augmentation de la dette financière au sens du traité de Maastricht, mais aussi par des moyens de trésorerie. J'attire votre attention sur les informations que le Parlement peut désormais retirer du compte général de l'État, des comptes pro forma et de l'annexe.

La Cour certifie qu'au regard des règles et principes comptables applicables, le compte général de l'État de l'exercice clos le 31 décembre 2010 et arrêté le 17 mai 2011 est régulier et sincère et donne une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l'État, sous sept réserves substantielles. Deux réserves, dont l'une était qualifiée l'an dernier de substantielle, ont été levées ; plusieurs parties de réserves l'ont été également. Nous levons la réserve substantielle relative à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), ce qui est le résultat d'un travail conjoint de la Cour, du Gouvernement et du Parlement : depuis la loi organique de 2010, la Cades est bien ancrée dans la sphère de la Sécurité sociale et - très récemment - le Gouvernement a publié les textes réglementaires qui permettront au nouveau conseil d'administration de fonctionner. Si la Cour a été le moteur de cette clarification bienvenue, le Gouvernement et le Parlement en ont été les acteurs principaux. Une des tâches des équipes de certification est, en effet, d'exploiter les travaux législatifs et de vérifier leur traduction dans les comptes.

Cela va au-delà des lois de finances. Ainsi, la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » a modifié le statut des établissements publics de santé, désormais établissements publics nationaux, mais l'administration n'en a pas encore tiré les conséquences et les établissements n'apparaissent pas encore dans les comptes de l'État comme des participations. La Cour a pris l'initiative d'examiner les conséquences qui en résultent pour les immobilisations financières de l'État. La Cour a systématiquement vérifié que les incidences du prêt à la Grèce, du fonds européen de stabilisation financière, de la réforme de la taxe professionnelle ou de la réforme des retraites avaient été correctement traduites dans les comptes.

Vous trouverez dans l'acte de certification le détail des levées de réserves totales ou partielles. Elles témoignent de progrès importants réalisés par l'administration avec l'aide de la Cour. L'attention de l'administration a parfois été absorbée par les réformes en cours, réforme de l'administration territoriale, RGPP, réforme des bases de défense et des commissariats... Mais en cinq ans, un chemin important a été parcouru, en bonne intelligence entre la Cour et l'administration. Des difficultés demeurent. Elles se concentrent désormais sur les sept réserves substantielles. La première concerne les conditions de déploiement de Chorus et les difficultés des systèmes d'information. La Cour a synthétisé ses constats dans son rapport public de février dernier. Il faut utiliser à plein toutes les capacités de ce progiciel.

En matière de contrôle et d'audit internes, objet de la réserve n° 2, les améliorations sont demeurées limitées. Une levée partielle de cette réserve pourra être envisagée pour certains ministères ou certains processus. La réserve n°3 est relative aux produits régaliens : le système d'information est essentiellement fondé sur le suivi des mouvements de caisse, alors que, seule, une véritable comptabilité patrimoniale permettrait de comptabiliser en temps réel les engagements réciproques de l'État et des redevables et l'incidence financière réelle de ceux-ci sur l'exercice. La législation fiscale devient plus complexe et changeante, mais l'État ne dispose que d'outils informatiques anciens.

La réserve n° 6 relative aux charges et passifs d'intervention provient d'abord de l'incertitude quant à l'exhaustivité du recensement des charges et des passifs, ensuite des désaccords sur le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), enfin des contrats de désendettement et de développement. L'État semble tenté de modifier la norme pour réduire le montant des passifs comptabilisés à son bilan. Cela, j'y insiste, mettrait un coup d'arrêt à la dynamique vertueuse enclenchée depuis cinq ans. Ce serait un recul incompréhensible. Une grande partie des provisions pour charges d'intervention sortiraient du bilan de l'État. La comptabilité générale instaurée par la Lolf vise au contraire à retracer, non seulement les encaissements et décaissements, mais aussi les actifs et les passifs de l'État. Les trois autres réserves substantielles formulées par la Cour concernent la fiabilité de certains postes du bilan, toujours insuffisante au terme de ce cinquième exercice.

L'administration a pris des engagements précis. La démarche d'accompagnement dans laquelle s'est engagée la Cour pour l'aider à mettre en oeuvre la réforme comptable a porté des fruits. Depuis le premier exercice de certification, le nombre de réserves est passé de treize à sept. Je vous renvoie aux états financiers pour le détail des progrès nécessaires pour progresser vers une certification sans réserve. Un enjeu majeur est aujourd'hui l'appropriation de Chorus par l'ensemble des services gestionnaires, la réussite de la bascule de la comptabilité générale dans Chorus au 1 er janvier 2012 et la fiabilisation rapide des diverses données qui s'y déversent. A défaut, Chorus ne serait qu'un avatar d' Accord et du Palier Lolf ; toutes les dispositions de la Lolf ne pourraient être appliquées. Il convient que l'administration définisse les sujets prioritaires en 2011, de manière à poursuivre la dynamique et faire des comptes de l'État un outil de sa gouvernance.

Le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire analyse le résultat budgétaire de l'exercice 2010, le résultat patrimonial, que nous certifions désormais, et le résultat de trésorerie qui montre comment l'État a couvert son besoin de financement. La Cour a également examiné l'exécution budgétaire par mission et programme. Pour l'information des citoyens nous mettrons en ligne, dès l'adoption du projet de loi de règlement par le conseil des ministres, les cinquante-deux notes d'exécution budgétaire et les dix notes consacrées à des programmes précis.

En 2010, le solde budgétaire s'est à nouveau détérioré et l'endettement de l'État s'est aggravé. L'exercice 2010 a été marqué par un nombre inhabituel de lois de finances rectificatives. La trajectoire budgétaire, initialement prévue en redressement, a été aggravée sous l'effet du programme d'investissements d'avenir, des prêts consentis à la Grèce et des ouvertures opérées par deux décrets d'avance ainsi que par la loi de finances rectificative de fin d'année. Le déficit de l'État s'est détérioré de 10,8 milliards d'euros par rapport au niveau déjà exceptionnellement élevé de 2009, pour atteindre 148,8 milliards. La dette de l'État a augmenté de 81 milliards d'euros et le programme d'émission à moyen et long terme, plus de 210 milliards, a été le plus important jamais réalisé. La réduction sensible de l'endettement à court terme - conformément à une recommandation de la Cour - a contribué à mieux cantonner le risque de taux.

La signification du solde est cependant affectée par des éléments particuliers, voire exceptionnels. Les investissements d'avenir ont dégradé de 34,6 milliards d'euros le résultat budgétaire mais n'ont donné lieu qu'à 675 millions de dépenses réelles. Les prêts à la Grèce procèdent de circonstances extérieures ; ils ont certes un impact négatif sur le solde budgétaire mais ils ne manifestent pas un manque de maîtrise. Quant au plan de relance, il a bien sûr un caractère exceptionnel. La suppression de la taxe professionnelle sur l'exercice 2010 a eu un impact de 17,9 milliards d'euros sur le budget général, réduit selon le Gouvernement par le solde positif du compte d'avances aux collectivités territoriales, 10,2 milliards, provenant d'un surplus exceptionnel de recettes de taxe professionnelle sur les exercices antérieurs, recouvrements réels ou recettes d'ordre ayant pour contrepartie des dépenses d'ordre imputées sur le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux ». Cependant, en l'état du système d'information comptable, il est impossible de déterminer la part des recettes réelles et celle des recettes d'ordre. L'administration n'a pas été en mesure de justifier la concordance entre les recettes et les dépenses d'ordre. On ne sait pas non plus déterminer à quel exercice passé se rattachent les ressources de taxe professionnelle. La charge nette ayant pesé sur le budget de l'État au titre de la première année de la réforme est en conséquence incertaine...

L'analyse du résultat patrimonial de l'État, négatif de 112 milliards d'euros, complète l'analyse du solde budgétaire. Des évènements exceptionnels tels que les investissements d'avenir ou les prêts à la Grèce n'ont pas d'impact sur le résultat comptable puisqu'ils ne constituent pas des charges mais possèdent une contrepartie à l'actif du bilan. La dégradation de 12 milliards d'euros par rapport à 2009 confirme néanmoins l'évolution négative de la situation financière de l'État. La hausse des charges nettes n'est pas compensée par une hausse des produits régaliens nets. Ce constat rejoint celui de l'exécution budgétaire.

Le rebond limité des recettes fiscales confirme la nécessité impérieuse de préserver la ressource fiscale. Les recettes fiscales nettes se sont redressées en 2010, après cinq années de baisse. Mais le rebond en sortie de crise a été modeste, la croissance spontanée des recettes limitée et réduite par les mesures nouvelles, abaissement de la TVA dans la restauration et coût de la loi TEPA. La diminution des dépenses fiscales en 2010 est due principalement à la baisse de régime du plan de relance et à la réforme de la taxe professionnelle. Sans ce double effet, on aurait connu une nouvelle augmentation, de 2,5 milliards d'euros.

Avec une hypothèse d'inflation de 1,2 %, la norme de dépenses définie par le Gouvernement correspondait en 2010 à une progression des dépenses de 4,4 milliards d'euros. La règle du « zéro volume » a été respectée... en apparence. La charge de la dette a été moindre que prévu en raison de la faiblesse des taux d'intérêt. Il en a été de même pour les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités territoriales, hors compensation relais de la réforme de la taxe professionnelle. Si bien qu'ont pu être financés sur la loi de finances rectificative de décembre 2010 les crédits nécessaires à certaines dépenses budgétaires en forte croissance. La bonne surprise sur les taux d'intérêt n'a pas été mise à profit pour réduire le déficit.

Certaines mesures ont en outre été exclues, de façon contestable, du calcul de la norme : ressources affectées pour apurer les dettes à l'égard de la sécurité sociale, recours à des comptes spéciaux pour des opérations qui auraient pu relever du budget général de l'État, non-prise en compte de l'augmentation des dépenses de RSA au motif qu'elle serait compensée par une diminution de la dépense fiscale sur la prime pour l'emploi, non prise en compte des décaissements effectifs pour les investissements d'avenir. En intégrant ces éléments, l'augmentation des dépenses serait de 2,2 % en valeur, non de 1,3 % - et de 0,7 % en volume, compte tenu d'une inflation de 1,5 %. Or, rien ne justifie un traitement dérogatoire pour les investissements. La Cour propose d'ajouter chaque année la consommation de dotations aux dépenses entrant dans le champ de la norme.

La masse salariale de l'État, hors pensions, a progressé moins que la norme : 0,7 % à périmètre constant. Des tensions importantes sont cependant apparues, liées à la surestimation initiale du nombre de départs en retraite. Cette erreur a été corrigée tardivement sous la forme contestable d'un décret d'avance en fin d'exercice. En outre, les versements du budget général au compte d'affectation spéciale « Pensions » ont augmenté de 1,8 % à périmètre courant mais de 5,2 % à périmètre constant. La règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux a été quasiment respectée. Elle a contribué à ralentir la croissance de la masse salariale. Cependant, encore faut-il que les politiques et mesures catégorielles respectent elles aussi l'objectif... Les efforts engagés récemment notamment chez les opérateurs doivent être poursuivis.

L'importance du déficit, le rebond limité des recettes, l'augmentation persistante des dépenses fiscales, le non-respect du zéro volume d'augmentation des dépenses constituent des motifs de préoccupation. Mais le rapport constate aussi les limites que présente encore le système budgétaire et comptable de l'État.

La Cour a audité la concordance des comptabilités et vérifié la fiabilité du tableau de passage du résultat budgétaire au résultat patrimonial. Elle a noté des insuffisances. Le vote des autorisations d'engagement est un acte majeur du Parlement, mais leur suivi n'est pas satisfaisant. Cinq ans après l'entrée en vigueur de la Lolf, le recensement des engagements juridiques de l'État n'est pas exhaustif et ceux-ci ne sont pas soumis dans leur intégralité au vote du Parlement. Ainsi, l'utilisation de ressources non retracées en comptabilité budgétaire pour apurer une partie de la dette à l'égard de la Sécurité sociale a évité d'ouvrir des autorisations budgétaires ; la contribution française à l'Agence spatiale européenne n'a pas fait l'objet d'une budgétisation suffisante en autorisations d'engagement et en crédits de paiement alors que la charge à payer était recensée dans la comptabilité de l'État. Globalement, les cas de ce type représentent 4,7 milliards d'euros.

Le rapport relève aussi le problème de construction du tableau de financement, les limites de la comptabilité d'analyse des coûts, ou encore l'imperfection des systèmes d'information utilisés pour produire les indicateurs de performance. L'articulation entre le pilotage budgétaire et la démarche de performance est trop rarement établie. Les rapports annuels de performance ne rendent pas toujours compte des résultats de la gestion. Les résultats concrets obtenus par les gestionnaires de programmes devraient être mentionnés dans les rapports annuels de performance. Une comptabilité analytique comme outil de pilotage et d'aide à la décision est indispensable. S'agissant des outils de performance, nous avons connu une année de stagnation malgré des progrès ponctuels.

De l'ensemble du rapport se dégage une troisième préoccupation qui concerne le respect des grands principes budgétaires. Certes, le plan de relance répondait à des circonstances exceptionnelles. Certes, les investissements d'avenir peuvent jouer un rôle utile de stimulation dans divers secteurs. Cependant, l'enchaînement des plans brouille la cohérence budgétaire. De nombreuses dépenses s'exécutent hors budget. Un système particulier de performance et de suivi par le Parlement a été mis en place pour les investissements d'avenir mais hors cadre budgétaire, ce qui risque d'affaiblir le principe d'universalité du budget. Le programme d'investissements d'avenir appelle une vigilance particulière. Les crédits ont été transférés à des organismes gestionnaires dans le cadre de conventions signées avec l'État. Leur utilisation sera progressive sur une période de dix ans. Des risques de substitution entre programmes du budget général et les investissements d'avenir ont été identifiés. En outre, les crédits ne financent pas tous de nouveaux projets ; et certains organismes gestionnaires ont été chargés de projets qui n'étaient pas totalement dans leur champ de compétence. L'Agence nationale de la recherche doit impérativement moderniser sa gestion pour être capable de porter le programme d'investissements de 18,9 milliards d'euros qui lui a été délégué. La complexité de certains montages conventionnels est susceptible d'affecter la lisibilité de certaines actions. Les objectifs de plusieurs actions se recoupent, initiatives d'excellence et laboratoires d'excellence par exemple. La cohérence de gestion devra être améliorée.

En outre, en dépit de certaines améliorations, diverses irrégularités ou anomalies ont été relevées en 2010, par exemple dans la répartition des dépenses entre budget général et comptes spéciaux, ou dans la définition de certains comptes spéciaux, non conforme à la Lolf. Ces pratiques de gestion portent atteinte aux principes d'unité et d'universalité budgétaire.

La Cour ne méconnaît pas les efforts réalisés dans la gestion budgétaire, ni les progrès accomplis dans la comptabilité générale. Quelles que soient les imperfections, la France a l'avantage de disposer d'une information riche et précise sur la situation financière de l'État. Néanmoins il faut encore renforcer les mécanismes de maîtrise de la dépense et de préservation des recettes, améliorer les différentes comptabilités de l'État, mieux articuler les dispositifs de performance et la gestion budgétaire.

Ainsi que le montrera le rapport que je vous présenterai en juin prochain, la situation financière de l'État demeure centrale dans la problématique globale de nos finances publiques.

M. Jean Arthuis , président . - On est certes passé de neuf à sept réserves cette année. Mais on atteint le noyau dur... Vous certifiez les comptes mais indiquez aussi que le système d'information n'est guère opérant. Cela nous plonge dans la perplexité. Vous estimez que les dispositifs ministériels de contrôle et d'audit ne fonctionnent pas bien.

M. Didier Migaud . - Leur fonctionnement pourrait être perfectionné.

M. Jean Arthuis , président . - Vous indiquez qu'au 31 décembre 2010, l'actif de l'État était de 891 milliards d'euros, mais vous exprimez des doutes sur l'estimation de l'actif immobilisé, à 758 milliards d'euros. Les réévaluations et intégrations améliorent la situation de 317 milliards d'euros. Cela aussi nous plonge dans la perplexité. En outre, je ne vois nulle mention des engagements hors bilan.

M. Didier Migaud . - Ils figurent dans l'annexe.

M. Jean Arthuis , président . - Il serait intéressant de les faire apparaître plus clairement : cela ne trahirait pas l'exigence de sincérité des comptes publics...

Lorsque l'on possède votre immense expertise et votre profonde sagesse, peut-on envisager de ne pas certifier les comptes ?

M. Didier Migaud . - Nous nous posons chaque année la question ! Rien n'est jamais acquis. Mais nous mesurons chaque fois les conséquences de notre position. La Cour s'est toujours inscrite dans une perspective d'accompagnement.

M. Jean Arthuis , président . - Du temps du franc, on avait coutume de dire : « moins on en dit, mieux cela vaut »...

M. Didier Migaud . - Ce n'est pas notre cas. Nous en disons beaucoup !

M. Jean Arthuis , président . - On craignait que cela ne joue contre la monnaie nationale.

Une autre interrogation me taraude : Chorus fonctionne-t-il ou non ?

M. Didier Migaud . - Nous souhaitons qu'il fonctionne beaucoup mieux et nous avons fait des recommandations à ce sujet. Le ministre a pris des engagements, qui figurent dans le dernier rapport annuel. S'il n'y avait pas d'améliorations, cependant, le risque serait réel que l'outil ne remplisse pas sa fonction.

M. Jean Arthuis , président . - Il a pourtant coûté 1,5 milliard d'euros.

Vous exprimez des réserves sur les dispositifs de contrôle et d'audit, soulignez des inerties : quels ministères répondent le mieux ? Pourriez-vous établir un classement ?

M. Didier Migaud . - Le contrôle interne a fait des progrès dans les ministères de la défense ou de l'agriculture. Mais il y a encore des marges de progression, aux finances, notamment. Nous avons maintenu une réserve substantielle.

M. Jean Arthuis , président . - Les inspecteurs qui ont vocation à effectuer le contrôle interne sont-ils rigoureux ? Quelle est la qualité du contrôle interne ?

M. Didier Migaud . - Les services d'inspection ne sont pas toujours en charge de l'audit comptable. Ils n'en ont pas le monopole. Voyez le cas de l'inspection générale des finances, qui ne procède pas à des audits internes. Notre réserve pourrait être levée ministère par ministère, pour créer une émulation. Nous pourrions établir un palmarès !

M. Jean Arthuis , président . - L'emprunt national pour les investissements d'avenir nous est apparu comme une opération de débudgétisation. La dépense budgétaire a été intégralement imputée sur 2010, mais les décaissements réels par les opérateurs seront très progressifs. Comment avez-vous pu apprécier cela ? Comment jugez-vous le fonctionnement du commissariat général ?

M. Didier Migaud . - Nous ne l'avons pas audité. Mais je partage votre préoccupation sur le financement des investissements d'avenir. Les rapports annuels de performance devraient retracer les opérations dans le budget et hors budget, afin que les parlementaires disposent d'informations précises. L'ampleur des dépenses à venir dépend du rythme d'exécution : l'effet, chaque année, pourra être compris entre 3,5 et 7 milliards d'euros. Ce n'est pas un montant négligeable, en comparaison des 4 milliards d'euros d'augmentation des dépenses comprises dans le champ de la norme. Si l'on veut respecter le zéro volume d'augmentation, il faudra prendre en considération ces dépenses d'avenir.

Nous avons également fait des observations sur les crédits versés à l'Agence nationale de la recherche. Une adaptation de cet opérateur s'impose pour garantir un suivi satisfaisant des dépenses et des engagements. Il faut une vigilance particulière sur ce point.

M. Edmond Hervé . - Le respect du champ de compétence de chaque institution serait mieux garanti si l'on reproduisait en dernière page du rapport les articles de loi qui énoncent les responsabilités de chacune. Car les interprétations de la certification sont diverses...

L'impact négatif de la réforme de la taxe professionnelle est de 17,9 milliards d'euros. Cette somme est-elle incluse dans le déficit ?

M. Didier Migaud . - Non car le coût net, comme je l'ai dit, est de 7,7 milliards. J'ai signalé nos interrogations sur les recettes rattachées aux années précédentes.

M. Jean Arthuis , président . - Le coût net tient-il compte des nouvelles impositions ?

M. Didier Migaud . - Oui.

Je veux dire à M. Hervé que les articles relatifs à la Cour sont mentionnés en première page.

M. Edmond Hervé . - Il faudrait les citer in extenso . Le Parlement a ses compétences, la Cour les siennes, nous sommes dans un régime de séparation des pouvoirs.

M. Didier Migaud . - Nous ne l'oublions pas et nous restons strictement dans notre rôle.

M. Edmond Hervé . - Le président Arthuis partage le même souci : nous souhaitons que la commission des finances exerce totalement sa compétence !

M. Jean Arthuis , président . - Nos rôles sont parfaitement définis, le 4° de l'article 58 de la Lolf est sans ambiguïté.

M. Serge Dassault . - Le passif de l'État se montait, si j'en crois le rapport, à 1 648 milliards d'euros fin 2010 ?

M. Didier Migaud . - Oui, c'est le passif accumulé.

M. Serge Dassault . - Donc ce sera pire en 2011. C'est inquiétant. Et j'ai l'impression que nous ne faisons que payer des intérêts mais ne remboursons jamais de capital. Je ne vois aucune indication dans le budget de l'État d'un remboursement de dette...

M. Jean Arthuis , président . - On rembourse en empruntant. C'est la dette perpétuelle dont M. Fourcade a parlé.

M. Serge Dassault . - On finira par atteindre 100 % du PIB.

M. Didier Migaud . - Ce n'est pas encore le cas mais la Cour insiste sur un effet de boule de neige à attendre. La situation financière de l'État se dégrade.

M. Jean Arthuis , président . - Et la canicule ne va pas régler ce problème de boule de neige. Nous y reviendrons dans notre rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui concernera l'ensemble des comptes publics.

M. Serge Dassault . - La situation s'aggrave.

M. Didier Migaud . - Indéniablement, la situation s'est aggravée pour l'État en 2010.

M. Jean Arthuis , président . - Il faudrait un jour présenter une version consolidée des comptes de l'État et de la sécurité sociale.

M. Didier Migaud . - C'est ce que nous ferons, en quelque sorte, dans le prochain rapport.

M. Serge Dassault . - Ma deuxième question est la suivante. Nous nous donnons beaucoup de peine pour examiner et voter un budget, mais le Gouvernement propose parfois des réformes qui ne sont pas financées. La réforme de la taxe professionnelle a coûté 10 milliards d'euros, voire davantage. Lorsqu'il a décidé de réduire l'ISF, le Gouvernement a voulu compenser le manque à gagner par une augmentation des droits de succession, mais il est loin de faire toujours de même. A quoi sert-il donc que nous votions le budget ?

M. Didier Migaud . - Il est vrai que de nombreuses réformes sont financées par l'emprunt, ce qui finit un jour ou l'autre par se payer.

M. Serge Dassault . - Et quand un parlementaire propose une mesure qui augmente les charges de l'État, on lui oppose l'article 40 !

M. Jean Arthuis , président . - La prochaine révision constitutionnelle instituera une irrecevabilité des mesures financières en dehors des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale. L'article 40 a entravé l'action du Parlement, mais je me souviens d'un président de la commission des finances de l'Assemblée nationale qui disait que le Gouvernement, non le Parlement, était le principal responsable de l'aggravation du déficit...

M. Didier Migaud . - Le Parlement vote...

M. Philippe Dallier . - Je voudrais revenir sur les surplus de recettes de taxe professionnelle sur exercices antérieurs. Si j'ai bien compris, l'État ne serait pas capable de dire à quelle année la recette en question doit être affectée. Mais lorsqu'une collectivité - comme la mienne cette année - reçoit un rôle complémentaire, on sait dire à quel exercice antérieur la taxe doit être affectée. Les indications fournies seraient-elles donc fantaisistes ? C'est d'autant plus inquiétant que les recettes complémentaires perçues en 2010 auront un impact sur la détermination de la cotisation à verser au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGir).

M. Didier Migaud . - Des informations existent dans les fichiers de base, mais en l'état actuel de nos systèmes d'information, il est impossible de les consolider au niveau de l'État. L'État ne saura vraisemblablement jamais combien a coûté exactement la réforme de la taxe professionnelle. Il faudrait des moyens démesurés pour retrouver l'information dans les 820 fichiers de base.

Mme Nicole Bricq . - Voilà : des moyens !

M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes . - M. Dallier évoque les émissions de rôles. Or certaines entreprises auto-imputent le plafonnement de la valeur ajoutée. La direction générale des finances publiques comptabilise les émissions de rôle, mais elle ne sait pas ce que les entreprises ont auto-imputé, ou plutôt ces données sont dispersées dans les fichiers de base. Il y a donc une incertitude sur 5,4 milliards d'euros de dépenses d'ordre et de recettes d'ordre du compte d'avances aux collectivités territoriales.

Mme Nicole Bricq . - Vous écrivez que la charge supplémentaire nette pour le budget de l'État résultant de la suppression de la taxe professionnelle reste incertaine : le chiffre de 7,7 milliards d'euros n'est qu'une estimation. Le coût de la réforme pourrait-il être encore plus élevé ? J'aurais tendance à le croire.

M. Didier Migaud . - Que le coût réel soit inférieur à 17,9 milliards, c'est certain, mais de combien ? La Cour n'est pas en mesure de le dire.

Mme Nicole Bricq . - L'administration, que nous avons auditionnée, nous a fait savoir que les chiffres transmis par les entreprises étaient très aléatoires.

Je suis rapporteure spéciale du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Or la Cour émet une réserve substantielle sur la valorisation de ce patrimoine, pour la troisième année consécutive. Elle écrit que « les applications antérieures à Chorus sont toujours utilisées pour recenser et gérer le patrimoine immobilier, ce qui empêche la réalisation d'un objectif essentiel assigné au nouveau progiciel : permettre la constitution d'une base unique de gestion immobilière de l'État ». Quelles sont ces applications ? Si vous utilisez un article défini (« les » applications de Chorus , au lieu de « des »), c'est que vous les connaissez.

Ces résultats sont-ils dus pour l'essentiel à Chorus ? L'an dernier, vous disiez que les chiffres étaient fiables à 90 %, mais que vous vouliez qu'ils le soient à 100 %. Mais on n'y parvient pas : moi-même, j'ai le plus grand mal à faire le départ entre ce qui appartient aux opérateurs ou à l'État proprement dit. Mais je ne dispose pas des moyens de la Cour.

M. Didier Migaud . - Des applications antérieures à Chorus sont toujours utilisées, malgré leurs insuffisances. Le problème tient au raccordement des systèmes d'information. Nous avons maintenu notre réserve substantielle, en raison des « incertitudes fortes qui pèsent toujours sur le recensement et la valorisation du patrimoine immobilier de l'État ». Cette réserve pourrait être levée si l'État faisait un effort, mais il fait du sur-place.

M. Patrick Lefas, conseiller-maître à la Cour des comptes . - S'agissant du patrimoine immobilier, beaucoup d'éléments de gestion sont essentiels. Or, dans les modules de Chorus , les gestionnaires ne trouvent pas les données suffisantes pour répondre à leurs besoins. Ils continuent donc à travailler avec des applications antérieures, et saisissent les informations à la fin de l'année : d'où le risque d'erreurs.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Dans l'un des documents que vous nous avez distribués, à propos du bilan de l'État au 31 décembre 2010, il est question des « autres dettes et passifs », d'un montant coquet de 283 milliards d'euros. Qu'est-ce que cela recouvre exactement ?

M. Didier Migaud . - Il s'agit des charges à payer dont vous trouverez le détail dans l'annexe de la certification des comptes, page 80 : dettes non financières hors trésorerie, provisions pour risques et charges, autres passifs, comptes de régularisation.

M. Jean Arthuis , président . - Il serait instructif de consacrer une séance, avant la suspension de nos travaux, à examiner ligne par ligne les éléments constituant le patrimoine de l'État. Vous vous demanderez notamment où sont recensés les engagements de retraite.

M. Didier Migaud . - Ils figurent dans l'annexe au compte, hors bilan. C'est une pratique internationale.

M. Christian Babusiaux . - Observez qu'ils s'élèvent à 1 200 milliards d'euros.

M. Jean Arthuis , président . - Sans doute cherche-t-on à plaire aux agences de notation, mais il serait plus satisfaisant de faire figurer ces engagements dans le passif, ou au moins au pied du tableau des passifs : on se rendrait compte alors que ces passifs excèdent un an de PIB !

M. Didier Migaud . - Les engagements hors bilan sont énumérés pages 13 et 14 de la synthèse sur la certification des comptes de l'État. Parmi les engagements de retraite, outre les retraites des fonctionnaires, il faut compter celles des fonctionnaires de la Poste et les régimes spéciaux.

M. Jean Arthuis , président . - Ces informations devraient figurer de façon synthétique au pied du bilan.

M. Jean-Jacques Jégou . - C'est lorsqu'on s'est rendu compte de l'importance des engagements hors bilan du Portugal que ce pays fut contraint d'en appeler à l'aide internationale. En France, dans le hors bilan, il faut prendre en compte les partenariats public-privé (PPP), pour des projets d'infrastructures lourdes : j'ai visité à Paris les locaux de l'Insep, dont la rénovation coûtera 30 millions d'euros par an pendant trente ans. Ces données sont-elles compilées par la Cour, et modifient-elles l'équilibre général ?

M. Didier Migaud . - Non : les PPP n'ont qu'une très faible incidence pour l'État, eu égard aux autres passifs et garanties.

Mme Nicole Bricq . - Les chiffres ne figurent pas dans la synthèse.

M. Didier Migaud . - C'est qu'ils sont très faibles.

Mme Nicole Bricq . - Qu'en est-il des concessions de service public ?

M. Christian Babusiaux . - Elles sont comptabilisées dans l'actif. L'une des innovations de l'année est d'avoir intégré les concessions de force hydraulique - c'est-à-dire les barrages - dans l'actif de l'État, pour un montant de 45 milliards d'euros.

M. Jean Arthuis , président . - Je reviens sur l'annexe hors bilan. Il est intéressant que vous prévoyiez un besoin de financement futur de 490 milliards d'euros pour les retraites des fonctionnaires de l'État et des militaires, de 110 milliards pour les fonctionnaires de la Poste, de 210 milliards pour les régimes spéciaux, de 63 milliards pour les autres pensions. Tout cela justifie que nous consacrions à nouveau un volet de la loi de règlement aux engagements hors bilan.

Le Gouvernement demande-t-il son avis à la Cour sur le programme de stabilité européen ? Le fera-t-il demain sur les lois-cadres pluriannuelles relatives aux finances publiques ?

M. Didier Migaud . - Nous exprimons indirectement notre opinion dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Le Gouvernement ne nous soumet pas le projet de programme avant de l'envoyer à Bruxelles, mais nous pouvons apporter des éclaircissements aux parlementaires dans le cadre de notre mission d'assistance au Parlement.

M. Jean Arthuis , président . - Nous vous en remercions d'avance, monsieur le Premier président !

II. AUDITIONS DES MINISTRES PRÉPARATOIRES À L'EXAMEN DU PROJET DE LOI DE RÈGLEMENT POUR L'ANNÉE 2010

AUDITION DE M. THIERRY MARIANI, SECRÉTAIRE D'ETAT CHARGÉ DES TRANSPORTS

Réunie le mardi 31 mai 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, puis de Mme Fabienne Keller, secrétaire, la commission a procédé à l'audition de M. Thierry Mariani, secrétaire d'Etat chargé des transports, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 .

M. Jean Arthuis , président . - Nous procédons aujourd'hui à la première audition d'un membre du Gouvernement en préparation de la loi de règlement pour 2010. La loi de finances initiale a parfois un aspect incantatoire, mais la loi de règlement, c'est la vérité budgétaire. Il est important que les rapporteurs spéciaux et les autres commissaires puissent interroger les ministres sur l'usage qu'ils ont fait des deniers publics. Je suggère que le ministre commence par un propos liminaire sur l'exécution de son budget, avant d'être soumis aux questions de nos collègues.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'Etat chargé des transports . - En ce qui concerne le programme 203 « Infrastructures et services de transport », l'exercice budgétaire de 2010 s'est inscrit dans le cadre de la loi de programmation du Grenelle de l'environnement, dont les objectifs étaient de favoriser le report modal vers des modes économes en CO 2 et d'intégrer aux projets la logique du développement durable. Nous avons agi dans un contexte de crise économique mondiale. Des opérations ferroviaires et routières majeures ont été lancées ou poursuivies ; le transport aérien a continué à souffrir des effets de la crise de 2009 et n'a pu se rétablir pleinement, compte tenu du contexte international et des aléas sociaux et climatiques.

Dans le domaine ferroviaire, le Gouvernement s'est engagé dans des projets structurants : les lignes Perpignan-Figueras et du Haut-Bugey ont été mises en service à la mi-décembre 2010, la deuxième phase des travaux de la ligne à grande vitesse (LGV) Est a été lancée pendant l'été, nous avons retenu le titulaire pour le contrat de concession du tronçon central Tours-Bordeaux de la LGV Sud Europe Atlantique, et les candidats pour le contrat de partenariat de la LGV Bretagne-Pays-de-la-Loire ont remis leurs offres finales.

Le réseau ferré existant a aussi bénéficié de cette dynamique. En février 2010 a été signé le premier contrat de partenariat ferroviaire pour mettre en oeuvre le programme GSM-R, réseau de télécommunication numérique dédié aux professionnels du transport ferroviaire. Conformément au contrat de performance de Réseau ferré de France (RFF), près de 1 100 kilomètres de voies ont été remises à niveau dans le cadre du plan de renouvellement du réseau ferré national. Nous n'avons pas sacrifié l'entretien des infrastructures existantes au lancement de nouveaux projets.

L'année 2010 fut la première année d'application de l'engagement national pour le fret ferroviaire. Depuis décembre 2010, il y a quatre navettes quotidiennes sur l'autoroute ferroviaire Perpignan-Luxembourg. Il reste certes beaucoup à faire.

Nous avons renforcé notre soutien aux modes de transports alternatifs à la route : la modernisation du réseau fluvial s'est poursuivie, et Voies navigables de France (VNF) a lancé cet automne les premières procédures pour un contrat de partenariat destiné au renouvellement de vingt-neuf barrages manuels des bassins de l'Aisne et de la Meuse. Des mesures concrètes ont été prises pour favoriser le report modal des services de transport de marchandises ; le programme d'aides au transport combiné s'est intensifié avec une augmentation de 50 % du montant de l'aide à la pince.

Dans les ports, nous avons poursuivi la réforme initiée par la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008. Plusieurs étapes importantes ont été franchies : le transfert des outillages a été accompli dans la plupart des ports et des négociations sont en cours sur le transfert du personnel. En outre, preuve de l'engagement de l'Etat pour améliorer la compétitivité des ports français, nous avons augmenté l'accompagnement financier pour l'entretien et le développement.

S'agissant des transports collectifs, l'Etat a tenu les engagements financiers pris en 2009 pour cinquante-deux projets de transports collectifs en site propre, dirigés par trente-huit autorités organisatrices des transports. Ces projets représentent près de 400 kilomètres de lignes nouvelles et coûtent 810 millions d'euros à l'Etat. Un nouvel appel à projets lancé en 2010 a permis en février 2011 de retenir soixante-dix-huit projets dans cinquante-quatre agglomérations, pour un montant de subventions de 590 millions d'euros.

Enfin, l'Etat et la SNCF ont signé fin 2010 une convention sur les trains d'équilibre du territoire, afin d'améliorer le service rendu à 100 000 voyageurs par jour. La contribution annuelle versée à la SNCF permettra notamment de pérenniser les liaisons ferroviaires Corail, Intercités, Téoz et Lunéa et de mener un programme de rénovation du matériel roulant de 300 millions d'euros.

J'en viens aux infrastructures routières. Les préfets de région ont fait aboutir les négociations sur les programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI), ce qui permet de préparer les conventions de financement des projets retenus. Sur le réseau non concédé, nous avons poursuivi la sécurisation des tunnels routiers d'Ile-de-France en mobilisant 316 millions d'euros de ressources nouvelles. A cela s'ajoutent une soixantaine d'opérations d'aménagement du réseau routier, sur environ 200 kilomètres au total.

Trois sections significatives du réseau concédé ont été mises en service en 2010 : l'autoroute A 88 Falaise ouest-Argentan sud, d'une longueur de 30 kilomètres environ, l'autoroute A 65 Langon-Pau sur près de 150 kilomètres et le contournement sud de Reims sur 14 kilomètres. Enfin, le 9 janvier 2011, la seconde section du « duplex » A 86 entre l'échangeur de l'A 13 et l'échangeur de Vélizy a été ouverte aux usagers.

La procédure de dévolution du contrat de partenariat relatif à l'éco-redevance poids lourds suit son cours : nous avons retenu un candidat en janvier, et le contrat devait être signé cette année. Mais le contentieux formé en février par un candidat non retenu reportera d'au moins quelques mois la conclusion de la procédure et l'entrée en vigueur de la taxe, que l'on attend toujours pour 2013.

Pour conclure sur les investissements, précisons que l'exécution du plan de relance s'est achevée fin 2010 avec un taux d'utilisation des ressources proche de 100 %, ce qui a permis d'anticiper la réalisation des projets retenus et d'apporter un soutien significatif aux entreprises du bâtiment et des travaux publics au plus fort de la crise.

La régulation et la gouvernance du secteur ont été améliorées. C'est en 2010 qu'a été créée l'Agence française pour l'information multimodale et la billettique. L'Autorité de régulation des activités ferroviaires a été installée et a rendu ses premiers avis. L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) a joué pleinement son rôle d'opérateur principal du programme en apportant en 2010 plus de 2,2 milliards d'euros de crédits d'investissements, dont près de 65 % en faveur des modes alternatifs à la route. Nous avons donc continué à mettre en oeuvre activement les contrats de projets 2007-2013 et les plans du Grenelle de l'environnement.

L'avant-projet du Schéma national d'infrastructures de transport (SNIT) a été enrichi grâce aux observations des élus, de l'autorité environnementale et des cinq collèges du Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement.

Un mot enfin sur l'aviation civile. Malgré le renforcement des mesures de gestion prises dans le cadre des grandes orientations gouvernementales pour 2011-2013, la situation financière du budget annexe a été maîtrisée mais n'a pu être améliorée : en clair, la dette a progressé en 2010. Le dialogue social a été perturbé par une contestation syndicale, portant notamment sur les enjeux européens et les évolutions en matière d'organisation du travail et de retraites.

Nous avons donc tenu nos engagements dans un contexte très difficile, et malgré les contraintes financières.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx , rapporteur spécial du programme « Infrastructures et services de transport » . - Le coût du SNIT est-il soutenable pour le budget de l'Etat ? Lors de la séance consacrée à ce schéma le 15 février dernier, j'ai souligné que ce serait un mauvais calcul économique de se concentrer exclusivement sur les lignes à grande vitesse, car plus on reporte la rénovation du réseau existant, plus elle coûtera cher. Nous n'avons sans doute plus les moyens financiers d'un projet aussi ambitieux. Notre collègue député Hervé Mariton a récemment « enfoncé le clou » : comment trouver 86 milliards d'euros en vingt-cinq ans ? Des priorités ont-elles été identifiées ?

Quelles nouvelles ressources peut-on affecter à l'AFITF, premier financeur public du réseau de chemin de fer et de la sécurisation des aménagements routiers ? Ses ressources se sont élevées en 2010 à 2,12 milliards d'euros, ses investissements à 2,16 milliards : c'est beaucoup moins que les 3,44 milliards qu'il faudrait trouver pendant vingt-cinq ans pour financer le SNIT. La taxe sur les poids lourds n'y suffira pas : elle rapportera environ 1,2 milliard d'euros par an et l'AFITF en retirera entre 750 et 800 millions.

S'agissant du programme 203 « Infrastructures et services de transport », comment justifiez-vous le niveau de consommation assez faible - 73,4 % - des autorisations d'engagement ? Quel bilan faites-vous des dépenses fiscales dépendantes de ce programme, et notamment du remboursement d'une fraction de TIPP sur le gazole pour certains véhicules routiers ?

J'en viens à la SNCF. La ponctualité des trains est très importante pour son image de marque, or elle s'est sensiblement dégradée en 2010 : 80 % pour les TGV, 90,7 % pour les Transiliens, 80,7 % pour les Corail, 82,6 % pour les TER. Certes, il y a eu des intempéries et des grèves, mais cela n'explique pas tout. Peut-on espérer un sursaut, ou cette détérioration s'explique-t-elle par des raisons structurelles - par exemple par des travaux de rénovation -, auquel cas il faudrait mieux sensibiliser les voyageurs ?

Le modèle économique de la SNCF est aujourd'hui mis à l'épreuve. Comment jugez-vous sa trajectoire commerciale et financière ? Quels sont les indicateurs de performance appelés à être rendus publics ? La modernisation des relations sociales est-elle en bonne voie ? Les conditions de travail des cheminots peuvent-elles être alignées à moyen terme sur celles qui prévalent chez les transporteurs concurrents ? Est-il possible de réduire le coût des TER, condition indispensable pour faire face à la future concurrence ?

M. Thierry Mariani . - Oui, les trains risquent d'être moins ponctuels au cours des prochaines années. J'assistais hier au comité de suivi des trains d'équilibre du territoire. Un programme ambitieux de rénovation du réseau a été lancé : à long terme, il améliorera le service rendu aux voyageurs, mais à court terme, les travaux occasionneront inévitablement des retards. Nous réfléchissons à un plan de communication à destination du public. Néanmoins, nous constatons des améliorations sur onze des douze lignes prioritaires définies en janvier : la SNCF a pris le problème à bras-le-corps.

Le programme 203 représente à lui seul la moitié des crédits de paiement consommés de la mission, hors plan de relance. Le volume des autorisations d'engagement et des crédits de paiement consommés a baissé par rapport à 2009 - respectivement de 14 % et 8,25 % -, mais cela s'explique par les dépenses exceptionnelles consenties en 2009 au titre du plan de relance. La subvention budgétaire de l'AFITF a aussi baissé de 315 millions d'euros. Enfin, le montant des crédits ouverts est fortement influencé par les reports élevés d'autorisations d'engagement affectées, mais non engagées en fin d'année. D'ailleurs, l'analyse en termes d'autorisations d'engagement est biaisée : le niveau de crédits ouverts est artificiellement gonflé par la masse des affectations non encore traduites en engagements, mais indisponibles.

Je n'ai jamais caché que tous les projets énumérés dans le SNIT ne pourraient pas être réalisés. Le Gouvernement n'a pas fixé à l'avance de priorités : tout dépendra de l'engagement des collectivités territoriales concernées. Les fédérations du bâtiment se sont émues de certaines déclarations, mais il serait déjà très honorable d'atteindre notre objectif : un taux de réalisation compris entre 70% et 80 %. Je n'ai jamais caché non plus que le SNIT, s'il devait être réalisé dans son intégralité, excède nos capacités financières actuelles.

M. Jean Arthuis , président . - Autrement dit, il n'est pas soutenable financièrement.

M. Thierry Mariani . - Si, car toutes les collectivités ne voudront ou ne pourront pas participer aux projets.

J'en viens à l'AFITF. La Cour des comptes, dans son rapport public de 2009, et certains parlementaires, au cours de l'examen de la loi de finances pour 2009, avaient mis en cause cette agence dont la moitié des ressources provient du budget de l'Etat, et qui reverse un montant équivalent à ce même budget sous forme de fonds de concours. Ils estimaient que l'Agence jouait un rôle insuffisant dans l'évaluation des projets. Une mission a tracé en 2009 des pistes d'évolution. Dominique Perben, nouveau président du conseil d'administration, a exposé devant les commissions parlementaires les grandes orientations de sa politique, destinée à donner à l'AFITF toute sa place.

Au plan budgétaire, les engagements de l'Agence sont importants. Une projection a été réalisée sur la période 2011-2014 : les engagements cumulés à la fin de 2014 devraient s'élever à 44 milliards d'euros, les dépenses cumulées à 22 milliards. L'écotaxe sur les poids lourds complètera les ressources actuelles de l'Agence, tirées des autoroutes et des amendes pour des infractions contrôlées par radar ; l'Etat verse aujourd'hui une subvention de 974 millions d'euros. Nous attendons que la justice se prononce, vers la mi-juillet, sur le recours du candidat malheureux. Le budget de 2011 est équilibré, et celui de 2012 est en préparation : il faut tenir compte du report de l'entrée en vigueur de l'écotaxe, sans remettre en cause les engagements du Grenelle.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx , rapporteur spécial . - RFF a enregistré en 2009 un bénéfice net de 304 millions d'euros, pour la première fois de son histoire, mais les résultats de 2010 sont moins bons : 197 millions. On n'est pas réellement parvenu à rendre l'entreprise rentable et les investissements ont baissé de 2,5 %. L'équation économique est-elle devenue insoluble ? Faut-il se résoudre à voir la dette s'envoler, pour assurer la nécessaire rénovation du réseau ? Quid du futur contrat de performance, l'actuel arrivant à échéance en 2012 ? Où en est la convention entre RFF et la SNCF, qui doit, selon la dernière lettre de mission adressée au président de la SNCF, privilégier la maîtrise des coûts, les gains de productivité et le retour à une situation économique saine de la branche Infrastructures ?

M. Jean Arthuis , président . - Ces questions méritent d'être posées : RFF est en quelque sorte une structure de portage de la dette...

Mme Fabienne Keller , secrétaire . - RFF investit aussi.

M. Jean Arthuis , président . - Certes, mais il est absurde que ce que la SNCF facture à RFF équivaille à ce que RFF facture à la SNCF !

M. Thierry Mariani . - Le contrat de performance pour 2008-2012 prévoit un nouveau modèle économique et le retour à l'équilibre financier grâce aux recettes tirées de l'usage du réseau et des subventions de l'Etat. Le programme de rénovation de 13 milliards d'euros sur la période 2008-2015 réduira à terme les coûts d'entretien. Reste que la dette continue d'augmenter - 30 milliards d'euros à la fin 2011, 31 milliards fin 2012, contre 28,4 milliards fin 2010 -, et avec elle la charge de la dette. C'est l'une des principales préoccupations de mon ministère.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx , rapporteur spécial . - Les ports sont des équipements structuraux pour l'économie et le développement territorial de notre pays. Le déclin des ports français est-il une fatalité ? Nos parts de marché sur les différentes façades maritimes ont continué de baisser en 2010 : 15 % en moyenne, contre 16,1 % en 2009 et au lieu des 17,1 % prévus. Où en est la réforme de la manutention, qui prévoit notamment le transfert à des entreprises privées, lesquelles bénéficient d'un régime fiscal favorable ?

M. Thierry Mariani . - La réforme des ports est presque achevée, si l'on excepte Bordeaux. L'idée était de recentrer l'action de l'Etat sur les missions d'autorité publique, de rationnaliser la manutention, de rénover la gouvernance et de coordonner les ports d'une même façade maritime.

Faut-il avoir confiance ? Je crois que oui. J'ai rencontré des investisseurs internationaux, notamment chinois, et ils attendent de voir se concrétiser les réformes. Ils sont conscients des avantages des ports français : situation géographique, desserte exceptionnelle en moyens de transports, etc. Les huit prochains mois seront cruciaux : si le climat social s'apaise, nous retrouverons une crédibilité - et cela importe plus aujourd'hui que les investissements, car de ce côté les efforts nécessaires sont consentis : 2,4 milliards entre 2009 et 2013. Les travailleurs portuaires ont compris qu'il était dans l'intérêt de tous que les choses s'apaisent.

M. Jean Arthuis , président . - C'est un appel à la responsabilité que vous lancez, afin que les ports français puissent relever le défi de la mondialisation - faute de quoi les ports belges et néerlandais deviendront les seuls d'Europe.

M. Thierry Mariani . - J'observe que la grève qui a accompagné la dernière étape de la réforme - le transfert des agents dans des sociétés de manutention - s'est conclue par un accord raisonnable.

M. François Fortassin , rapporteur spécial de la mission « Contrôle et exploitation aériens » . - En 2010, le déficit du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » s'est révélé bien plus élevé que prévu, ce qui s'explique en particulier par la hausse des dépenses de fonctionnement hors personnel, sans hausse de recettes équivalente. Ce budget est dès lors entré dans une spirale de l'endettement. Le ministère incite-t-il la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) à maîtriser ses dépenses de fonctionnement ? Le programme triennal 2011-2013, qui table sur une augmentation des recettes de 13 % en 2011, n'est-il pas trop optimiste ?

M. Thierry Mariani . - Vous avez raison de souligner que la dette de l'aviation civile a beaucoup augmenté à la suite de la crise : elle a atteint 1,148 milliard d'euros fin 2010, soit une hausse de 9 %, après 20 % en 2009. Le Gouvernement a limité la hausse des redevances pour ne pas accabler le secteur. Mais les compagnies saluent les efforts de la DGAC, qui a réduit de 10 % ses dépenses de fonctionnement et supprimé 900 emplois. La priorité est au désendettement, et l'encours d'emprunt n'augmentera que de 1 % en 2011. Mais cette hausse, même limitée, alourdira encore la charge de la dette. Entre 2010 et 2013, la dette n'augmentera que de 94 millions d'euros, et elle devrait diminuer au cours de la prochaine période triennale : car, sauf circonstances exceptionnelles, l'activité devrait reprendre et les recettes s'accroître.

M. François Fortassin , rapporteur spécial . - Certaines catégories de personnel, et notamment les contrôleurs aériens, jouissent d'avantages statutaires sur lesquelles la Cour des comptes a fait des remarques très critiques. Malgré quelques progrès en 2010, la situation reste insatisfaisante, et les contrôleurs que j'ai rencontrés sont loin de m'avoir convaincu. « Nous exerçons des responsabilités aussi importantes que les pilotes », disent-ils. Mais il est rare qu'un contrôleur meure parce qu'un avion s'est écrasé sur la tour de contrôle ! Le système de « clairance » - de l'anglais clearance - est-il maîtrisé ? Je connais mal la langue de Shakespeare, mais ce dont je suis sûr, c'est que la clearance n'est pas la clarté ! Des économies sont encore possibles. Peut-être les contrôleurs feront-ils encore quelques grèves perlées... Comment mettre fin à cette gabegie ?

M. Jean Arthuis , président . - Juste procès d'un corporatisme blâmable !

M. Thierry Mariani . - Il a été mis fin à la pratique dite des clearances . Un contrôle de présence, grâce aux données des badges d'accès, permet à présent de vérifier a posteriori la présence des contrôleurs sur leur lieu de travail. Je connais bien le sujet, car j'ai publié lorsque j'étais député un rapport sur le ciel unique.

S'agissant de l'organisation du travail, les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) doivent effectuer 155 vacations par an. Ce régime découle des sujétions particulières du métier, comme le travail de nuit, et il est semblable à celui qui prévaut au centre Eurocontrol de Maastricht et dans les autres pays du bloc d'espace aérien fonctionnel d'Europe Centrale (Fabec). Ces vacations sont réparties tout au long de l'année, ce qui conduit - une fois les congés pris en compte - à une moyenne d'un jour sur deux. Toutefois, pour faire face aux pics du trafic, des vacations supplémentaires sont possibles depuis quelques années. La durée moyenne masque des disparités entre les vacations de jour et de nuit : celles de jour durent neuf heures ou moins, à peu près comme à Eurocontrol. Des efforts sont donc faits pour rapprocher le statut des contrôleurs aériens français de la moyenne européenne. Un gel des salaires a été imposé. Je me dois d'ailleurs de dire que les contrôleurs français sont nettement moins bien payés que leurs collègues allemands ou néerlandais.

M. Jean Arthuis , président . - Quel est l'écart de rémunération ?

M. Thierry Mariani . - Le salaire des contrôleurs allemands ou néerlandais est supérieur de 80 % à celui des français ; celui des contrôleurs espagnols était jusque récemment supérieur de 300 %, et il l'est encore de 200 %. Les contrôleurs français sont les moins bien payés d'Europe de l'Ouest.

Mme Fabienne Keller , secrétaire . - A conditions de travail égales ?

M. François Fortassin , rapporteur spécial . - Les contrôleurs français ne travaillent pas beaucoup : ils sont nombreux à avoir une double activité...

M. Thierry Mariani . - Je vous livre ces chiffres : des comparaisons internationales peuvent nous éclairer.

M. Jean Arthuis , président . - Il serait bon que la DGAC nous fasse parvenir des données précises sur les rémunérations, le nombre de vacations, le temps de travail, les effectifs, le régime de retraite des contrôleurs aériens dans les différents pays européens.

M. Thierry Mariani . - Elle le fera bien volontiers.

M. Jean Arthuis , président . - Si Bertrand Auban , rapporteur spécial du programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », avait pu assister à cette réunion, il vous aurait demandé par quel heureux hasard les dépenses de pensions de retraites de la SNCF et de la RATP ont été moindres en 2010 qu'il n'était prévu en loi de finances initiale : 3 milliards d'euros au lieu de 3,1 milliards pour la SNCF, 505 millions au lieu de 526 millions pour la RATP. Votre ministère a-t-il la haute main sur ces régimes ? Sinon, pourquoi ne pas confier au ministère du budget le pilotage de ce programme, comme ce fut fait naguère pour les régimes des mines et de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (Seita) ?

M. Thierry Mariani . - C'est en fait le ministère des affaires sociales qui contrôle ces régimes de retraite.

M. Jean Arthuis , président . - Mais la logique de la Lolf veut que les ministres aient la réelle maîtrise des programmes dont ils sont responsables.

M. Thierry Mariani . - Le ministère des transports est juridiquement responsable de ce programme, mais il est vrai que ses marges de manoeuvre sont faibles depuis la réforme de 2008.

M. Jean Arthuis , président . - Comment donc expliquez-vous les bonnes performances de ces régimes de retraite ? J'ai conscience du paradoxe qu'il y a à vous interroger sur un programme dont vous avouez n'avoir pas l'entière maîtrise...

M. Thierry Mariani . - Ces performances sont liées à la réforme de 2008. Garante de la bonne utilisation des deniers publics, l'administration veille à ce que ces régimes soient bien gérés par les caisses de retraite et les organismes concernés, et conclut avec les premières des conventions d'objectifs et de gestion. Des indicateurs de performance existent : nombre d'embauches de conducteurs en contrepartie des départs en congé de fin d'activité, dépenses de gestion pour un euro de prestations, coût unitaire d'une primo-liquidation de pension, taux de récupération des indus. La situation économique et la réforme de 2008 ont évidemment une incidence sur ces indicateurs.

M. Jean Arthuis , président . - Je vais devoir m'absenter pour assister à une réunion de la commission des lois, qui examine le projet de loi constitutionnelle dont je suis rapporteur pour avis. Je vous prie de m'en excuser, et demande à Fabienne Keller de bien vouloir me suppléer.

M. Francis Grignon , rapporteur pour avis de la commission de l'économie . - La commission de l'économie est très attachée à l'existence de l'AFITF : elle a constaté par le passé les problèmes posés par le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN) ou d'autres fonds amalgamés au budget. Nous espérons que la taxe sur les poids lourds entrera bientôt en vigueur.

Un décret sur les gares est en préparation, suite à la création de « Gares et connexions » et à l'excellent rapport de Mme Keller. Je siège au conseil d'administration de la SNCF en tant que représentant des collectivités territoriales. Le décret aura-t-il une incidence pour les régions ? Je pense notamment aux péages supplémentaires sur les quais.

On parle beaucoup de productivité : ce n'est pas un gros mot ! Or les travaux ferroviaires sont mieux organisés dans d'autres pays. Plutôt que de travailler sur les lignes deux heures par jour pendant de longs mois, ne vaudrait-il pas mieux les couper pendant quinze jours ? Les régions peuvent-elles l'admettre ?

Mme Fabienne Keller , secrétaire . - Je rappelle que M. Grignon est l'auteur d'un brillant rapport sur l'introduction de la concurrence pour les trains régionaux.

M. Thierry Mariani . - Le Gouvernement est lui aussi très attaché à la pérennité des recettes de l'AFITF, et attend pour le mois de juillet la décision de la justice.

Quant au décret sur les gares, il vient de faire l'objet d'un avis favorable de la part de la commission d'évaluation des gares, et n'occasionnera aucun surcoût pour les régions.

La question de la productivité a été abordée hier lors d'une table ronde que Mme Kosciusko-Morizet et moi-même animions. Jacques Gounon, président d'Eurotunnel, a regretté que certains opérateurs publics travaillent plus lentement que les entreprises privées. J'ai demandé à la SNCF de veiller à ce que les travaux de rénovation du réseau - qui vont se multiplier - se fassent rapidement, afin de réduire les nuisances pour les usagers.

Mme Michèle André . - Je me fais ici la porte-parole des élus auvergnats de tous bords. L'Auvergne est une tache blanche sur la carte des lignes à grande vitesse. Or il a été décidé que le train de Clermont-Ferrand, qui dessert le sud du Massif central, aurait pour gare d'arrivée la gare de Bercy. Nous avons été choqués par l'absence de concertation et par la marginalisation de notre région. Les Auvergnats sont déjà contraints de voyager dans des wagons extrêmement inconfortables, et subissent régulièrement des retards. Le seul motif que nous ayons de nous réjouir, c'est que nos trains sont un peu moins en retard que les TGV en cas d'importantes chutes de neige, comme l'hiver dernier... La SNCF et RFF se renvoient la balle. A cela s'ajoutent les difficultés de l'aéroport : les Auvergnats n'auront bientôt plus le choix que de prendre l'autoroute ! Un journal local témoignait ce matin de l'unanimité des élus de gauche et de droite.

M. Thierry Mariani . - J'ai reçu il y a dix jours le président de la région Auvergne, qui a exprimé la même indignation. Il est vrai que la SNCF n'a mené aucune concertation. J'ai demandé à la direction de reconsidérer son choix, mais je ne peux vous donner aucune garantie, car la gare de Lyon est saturée - c'est là qu'aboutira la nouvelle ligne de TGV Rhin-Rhône. J'ai aussi parlé avec le président de région de la vétusté des trains, et nous avons convenu hier lors de la table ronde qu'ils seraient prioritaires dans le cadre du programme de rénovation des wagons : si je ne m'abuse, ces wagons ont entre 35 et 40 ans.

Mme Michèle André . - Les Auvergnats appellent ces trains les « TGV du pauvre » : il nous reste l'humour... Ce sont des trains Corail réhabillés.

M. Thierry Mariani . - A long terme, puisque la gare de Lyon est près d'être saturée, il faudra rendre la gare de Bercy plus attractive.

Mme Michèle André . - Il y a beaucoup à faire ! A-t-on songé à faire arriver le train de Clermont à la gare d'Austerlitz ?

M. Thierry Mariani . - Ce ne sont pas les mêmes faisceaux qu'à Bercy.

Quant à l'aéroport de Clermont, ce fut une plateforme de Regional Airlines , mais les lignes ont fermé peu à peu et l'aéroport peine à retrouver un équilibre économique.

M. François Trucy . - Quel sera le tracé de la ligne à grande vitesse reliant Paris à Nice ? Les polémiques locales font rage.

M. Thierry Mariani . - Dans une autre vie, j'ai été candidat aux élections régionales...

Cette liaison empruntera le trajet déjà fixé, reliant Marseille à Nice via Toulon.

D'autre part, j'ai bon espoir d'obtenir un financement communautaire, car j'espère ériger la ligne Barcelone-Gênes en route prioritaire de transport européen.

M. François Trucy . - Bien joué !

M. François Fortassin . - Vous avez tendance à faire les poches des collectivités territoriales qui souhaitent bénéficier d'une ligne à grande vitesse. Les avantages sont certes incontestables pour les Toulousains et les Bordelais, mais les Parisiens en bénéficient également ! Pourquoi ne solliciter ni l'Île-de-France, ni la Ville de Paris ?

J'en viens au triangle Pau-Lourdes-Tarbes. Il me semblerait judicieux de créer une gare de TGV unique située à moins de 20 kilomètres des trois centres-villes. Les villes de Dax et Tarbes sont distantes de 145 kilomètres. Si l'on crée une gare sur le plateau de Ger, à l'instar de ce qui a été réalisé près de Valence-sur-Rhône, il faudrait parcourir non plus 145 kilomètres, mais 80. En outre, le train éviterait ainsi les zones urbanisées, où sa vitesse est bridée à 220 kilomètres par heure. Les élus locaux veulent presque tous une gare dans leur ville. L'Etat pourrait les mettre d'accord... Faisons pour la gare ce que nos prédécesseurs n'ont pas été capables de faire il y a 35 ans pour l'aéroport !

M. Thierry Mariani . - N'étant pas une Micheline, le TGV ne peut s'arrêter partout. L'étude lancée sur la gare doit aboutir dans les deux ans à venir.

Pour ce qui est du financement, je transmettrai votre suggestion à M. Huchon, mais je ne suis pas certain de recevoir le meilleur accueil... Plus sérieusement, l'Île-de-France assume déjà d'importantes charges au titre des transports en commun, empruntés aussi par des provinciaux. Elle ne peut de surcroît financer le TGV à Tarbes.

Mme Marie-France Beaufils . - Pourquoi recourir au partenariat public-privé (PPP) pour les nouvelles lignes à grande vitesse ? Au lieu de rémunérer Vinci pour la liaison Sud-Europe Atlantique, n'aurait-on pu autoriser RFF à emprunter ? L'objection se fonde sur le coût de la dette, mais l'Europe ne pourrait-elle prêter à 1 % pour ce genre de grands projets, comme elle l'a fait récemment à d'autres fins ?

J'en viens au report modal. J'ignore ce que vous avez constaté, mais sur le terrain, le fret ferroviaire a abandonné les wagons isolés, ce qui augmente la circulation sur les routes.

Enfin, allez-vous généraliser le versement transport au profit des départements et des régions ?

M. Thierry Mariani . - Le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) est saisi du versement transport. Sa réflexion devrait aboutir pour la fin de l'année.

Sans PPP, il serait impossible de lancer à la fois les quatre projets Bretagne, Sud Europe Atlantique, Alsace et Rhin-Rhône. Sans ce choix délicat, il faudrait, comme autrefois, achever un chantier avant de lancer le suivant. Les régions qui se sentent déjà délaissées devraient attendre quinze ans de plus.

Mme Michèle André . -  C'est notre cas !

Mme Marie-France Beaufils . - Avec de lourdes conséquences pour le prix des billets.

M. Thierry Mariani . - Non. Avec RFF, le concessionnaire prend à sa charge plus de 50 % de l'investissement nécessaire à la liaison Tours-Bordeaux. Ce chantier coûtera 7,8 milliards d'euros. Vous dénoncez régulièrement, d'ailleurs à juste titre, l'endettement excessif de RFF. Or, les quatre projets coûteront 17 à 18 milliards d'euros.

M. Pierre Bernard-Reymond . - Passant dans le train deux nuits par semaine depuis que j'ai été élu député à l'âge de vingt-sept ans, je totalise quelque 3 000 nuitées aujourd'hui comme utilisateur régulier de la SNCF.

La culture de cette grande entreprise consiste encore à traiter les passagers comme des administrés, non comme des clients. Ainsi, nous avons appris le 12 décembre que le train mettrait une heure de plus pour relier Briançon à Paris la nuit, car la rame s'arrêterait en gare de Valence pour y fusionner avec celles provenant de Nice. Il s'agit sans doute de réaliser des économies, mais l'information n'a pas été délivrée spontanément. La semaine dernière, une heure supplémentaire est encore venue s'ajouter au trajet, en raison de travaux nocturnes effectués sur la voie. Je ne conteste pas leur utilité, mais nous avons été une fois de plus mis devant le fait accompli. Au total, 8 heures 45 minutes suffisaient en 2010 pour effectuer ce trajet de nuit ; il en faut onze aujourd'hui ! Je ne demande pas d'information individuelle, même au profit des clients réguliers, fussent-ils parlementaires, mais la presse locale existe !

La situation n'est pas meilleure sur le front des réservations : l'incertitude existe parfois presque jusqu'au dernier moment pour savoir si la liaison en principe quotidienne sera effectivement assurée. Imaginez les conséquences pour un département dont l'économie dépend à 80 % du tourisme ! Tous les opérateurs touristiques des Hautes-Alpes sont furieux, bien que 94 % des clients arrivent par la route. Nous somment las du jeu de mistigri auquel se livrent la SNCF, RFF et les entreprises privées qui interviennent sur les voies. J'ai appris hier que, sur dix voyages, huit étaient certains. Pour les deux autres, l'information sera diffusée sur les téléphones portables !

Si l'on voulait tuer cette ligne, on ne s'y prendrait pas autrement. J'imagine déjà la SNCF nous expliquant bientôt que le faible taux de fréquentation ne peut justifier la desserte.

Il y a quelques années, dix-sept trains supplémentaires étaient ajoutés en février ; aujourd'hui, il n'y en a qu'un. Et les couchettes ne sont pas toujours assurées la nuit, alors qu'il n'y a plus de wagons-lits. Sans autoroutes et avec des trains en-dessous de tout, nous sommes au XIX e siècle ! Partant de Paris, il faut 2 heures et 13 minutes pour parcourir 660 kilomètres et rallier Valence, mais pour parcourir les 160 kilomètres permettant d'atteindre Gap, il faut encore 2 heures 30 de trajet. Il est vrai que l'Auvergne n'est guère mieux lotie...

Vous avez évoqué les trains d'aménagement du territoire ; c'est plutôt du déménagement du territoire, même en investissant 200 millions d'euros !

Le PDG de la Poste invite régulièrement des parlementaires pour expliquer sa politique, mais SNCF ne fait aucune communication. Malgré les assurances reçues, je constate une détérioration.

M. Thierry Mariani . - Je vous propose d'organiser en juin une rencontre au ministère avec M. Pépy, pour ne plus entendre parler de la ligne Paris-Briançon !

Mme Fabienne Keller , secrétaire . - Quid du Strasbourg-Port-Bou ?

M. Thierry Mariani . - C'est un autre problème.

Monsieur Bernard-Reymond , je suis déjà intervenu en décembre pour l'heure supplémentaire. J'apprends qu'il en faut encore une de plus. Cela fait beaucoup !

M. Pierre Bernard-Reymond . - Celle-ci est sans doute temporaire, puisqu'elle s'explique par des travaux, mais il a fallu chercher l'information.

Mme Fabienne Keller , secrétaire . - Défendrez-vous la liaison Strasbourg-Bruxelles, qui devra relier les deux capitales européennes ?

Je suis également frappée par le fractionnement du système ferroviaire entre lignes d'aménagement du territoire, TER et TGV : nous disposons de plusieurs réseaux, sans intelligence globale. Ainsi, la LGV Sud Europe Atlantique réalisée en PPP fera gagner une heure sur la liaison Paris-Bordeaux, mais le coût accru des sillons empêchera d'accroître le nombre de passagers. Pourtant, on investit l'argent public par milliards précisément pour qu'il y ait plus de voyageurs.

Le temps est venu de réintégrer l'intelligence collective dans le système.

M. Thierry Mariani . - La liaison Strasbourg-Bruxelles passe largement par la Belgique. J'y suis très attaché ; mon homologue belge ne l'est peut-être pas tout à fait autant.

Quant à l'intelligence collective, je me pose la même question que vous. Avec Mme Kosciusko-Morizet, nous lançons les assises du ferroviaire justement pour donner plus de liant à l'ensemble. La séparation stricte qui devra s'imposer à RFF et à la SNCF n'interdit pas leur coopération. J'ai mis le holà au jeu de renvoi de responsabilités entre les deux opérateurs, mais j'observe que celui qui est le mieux traité par la presse n'a pas nécessairement le moins de torts.

Le rapport Grignon sur le TER suggère de bonnes pistes.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Je m'interroge sur la séparation entre RFF et SNCF. Quelle est votre position ?

M. Thierry Mariani . - Les directives européennes sont explicites.

À terme, qui peut imaginer un monopole éternel ? La séparation est une condition sine qua non de l'ouverture à la concurrence.

Mme Marie-France Beaufils . - En Allemagne, la séparation n'est pas caractérisée.

M. Thierry Mariani . - En effet. C'est d'ailleurs un sujet récurrent lors des rencontres entre mon homologue allemand, Peter Ramsauer, et les autres ministres européens des transports. Lorsque je l'ai rencontré mardi à Leipzig, il m'a dit qu'une entreprise française avait été retenue pour assurer la liaison entre Salzbourg et Munich, puis il m'a demandé quand la concurrence serait effective en France. Quand je fais aimablement observer avec diplomatie que la séparation en Allemagne n'est peut-être pas totalement conforme aux directives, M. Ramsauer se demande si la concurrence en France ne laisse pas à désirer.

Veolia est un opérateur de transport ferroviaire collectif en Allemagne. Toutes les entreprises, y compris Deutsche Bahn , sont gagnantes.

Mme Fabienne Keller , secrétaire . - Il nous reste à remercier M. le ministre pour ces réponses compactes et précises.

AUDITION DE M. CLAUDE GUÉANT, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR,
DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
ET DE L'IMMIGRATION

Réunie le mercredi 1 er juin 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'audition de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration (missions « Administration générale et territoriale de l'Etat », « Immigration, asile et intégration » et « Sécurité ») dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 .

M. Jean Arthuis , président . - Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation, à la veille de l'examen du projet de loi de règlement, qui revêt pour nous une importance particulière puisqu'il constitue le moment de vérité budgétaire. Pour préparer ce moment, nos rapporteurs spéciaux, qui ont travaillé tout au long de l'année, y compris sur pièces et sur place, pour évaluer les politiques publiques, entreprennent d'interroger les ministres. Je ne doute pas que vous vous livrerez au jeu de leurs questions, dès après votre exposé liminaire.

M. Claude Guéant , ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration . - C'est avec plaisir que je retrouve bon nombre de personnalités avec lesquelles j'ai eu l'honneur de travailler ces récentes années. Je souhaiterais, tout d'abord, dresser le bilan des réformes conduites par ce ministère au long de l'année 2010, sous la houlette de M. Hortefeux, avant d'évoquer, sans préjuger de l'examen du texte financier à venir devant vous, deux réformes en cours pour l'année 2011, celle de la garde à vue, d'une part, et le projet de création d'un conseil national des activités privées de sécurité, d'autre part.

Parler de réformes, c'est avant tout parler de la révision générale des politiques publiques (RGPP). La charge de la dette représente chaque année 45 milliards d'euros soit deux fois le budget du ministère de l'intérieur, rémunérations comprises. Le financement de la dette, c'est un milliard d'euros à émettre chaque jour sur les marchés financiers.

Je salue la manière dont les agents de l'Etat s'investissent dans la RGPP. C'est grâce à eux que les changements sont acceptés. La RGPP exige une implication forte et des changements d'attitude radicaux : elle demande des efforts et pourtant, cela marche.

Cet ambitieux mouvement de modernisation, le ministère de l'intérieur en prend pleinement sa part. Avec soixante-sept réformes, il est, au sein du Gouvernement, le premier contributeur à la RGPP.

Notre premier objectif va à renforcer les capacités opérationnelles et la présence sur le terrain des forces de sécurité en les recentrant sur leur coeur de métier. Pour 2010, je pense plus particulièrement aux discussions fructueuses engagées avec le ministère de la justice : la sécurité du ministère de la justice, la protection des magistrats et la gestion des scellés sont désormais pris en charge par la chancellerie. Je pense également au transfert de la gestion des centres de rétention administrative à la police aux frontières, qui a permis d'économiser l'équivalent de huit escadrons de gendarmerie mobile. Lorsque l'on sait que pour une tâche donnée, là où il faut un fonctionnaire de police, c'est 1,7 CRS ou gendarme mobile qui doit être mobilisé, on mesure l'économie réalisée. Citons encore la fermeture de quelques écoles de police pour tenir compte des évolutions démographique du corps.

Deuxième objectif : nous modernisons et améliorons le service rendu aux usagers. La modernisation des titres, tout d'abord, vise à rendre leur délivrance plus sûre et plus efficace. Lancé en 2009, ce chantier a trouvé, en 2010, son régime de croisière et vu venir les résultats en termes de qualité et de délais. Le passeport biométrique, ensuite, dont plus de 5 millions ont été délivrés depuis l'entrée en vigueur du dispositif, en juin 2009, tandis que 2 075 communes étaient équipées de stations d'enregistrement et le délai moyen de délivrance ramené à sept jours. Le nouveau système d'immatriculation à vie des véhicules (SIV), ensuite, progressivement entré en service en 2009, a donné lieu à l'immatriculation de près de 20 millions de véhicules : plus d'une carte grise sur deux est désormais délivrée sans déplacement en préfecture, le délai d'envoi à domicile étant réduit à trois jours. Preuve que l'on peut conjuguer amélioration du service public et recherche d'économie.

Dans le même souci d'efficacité, le déploiement de l'application ACTES dans l'ensemble des préfectures a permis de tester l'envoi de courrier sous forme dématérialisée. Les résultats obtenus ont largement dépassé les objectifs initialement assignés : fin 2010, 15 % des actes étaient télétransmis, et 19 % des collectivités territoriales étaient raccordées à l'application, qui, en même temps qu'elle leur permet de gagner du temps, facilite la transmission des actes engageant un contrôle de légalité.

De même, le déploiement du dispositif PARAFES, favorisant le passage rapide des contrôles transfrontières, contribue à la qualité de l'accueil dans les aéroports français. En 2010, 19 sas ont été installés à Roissy et Orly, permettant à plus de 80 % des voyageurs préparés de passer les contrôles aux frontières en moins de quinze minutes.

Notre troisième objectif va à rationaliser notre organisation. Celle des services de sécurité, tout d'abord. Premier exemple, l'adaptation des zones de compétence territoriale de la police et de la gendarmerie aux réalités du terrain et le déploiement de polices d'agglomération - celle de l'agglomération parisienne, entrée en fonctionnement fin 2009, produit ses premiers effets opérationnels en 2010, année qui a également vu s'engager la concertation avec les élus des agglomérations de Lille, Lyon et Marseille afin d'étendre ce dispositif. Autre exemple, la recherche de complémentarités opérationnelles et logistiques entre la police et la gendarmerie nationales. Citons la création, en juin 2010, de l'unité de coordination de la sécurité routière, de l'unité de coordination de la sécurité dans les transports en commun et de l'unité de coordination des forces d'intervention, Raid et GIGN, notamment via le rapprochement des réseaux de soutien automobile qui servent les deux directions.

J'en viens, pour répondre aux préoccupations qui sont les vôtres, aux données financières. Le ministère de l'intérieur a exécuté le budget 2010 à hauteur de 24 milliards d'euros, en augmentation de 2 % par rapport à 2009, principalement sous l'effet, comme cela est le cas dans l'ensemble de la fonction publique, du dynamisme de la masse salariale, dont le taux de consommation des crédits a atteint 99,79 %, tandis que celui des crédits de fonctionnement et d'investissement, passait à 96,48 %.

Globalement, l'écart de consommation entre les crédits ouverts et les dépenses réelles, de 370 millions en 2009, s'est réduit à 330 millions en 2010, ce qui traduit une meilleure budgétisation initiale et un meilleur pilotage de l'exécution budgétaire en cours d'année.

Le ministère de l'intérieur a contribué à la réduction de l'emploi public, avec 2 410 suppressions d'emplois en 2010, tout en maintenant un bon niveau de performance opérationnelle dans la lutte contre la délinquance et les délais de délivrance des titres.

Ce rapide panorama révèle bien les deux éléments stratégiques de ce budget triennal 2009-2011 : retour à l'équilibre des finances publiques et efficacité de l'action de l'Etat.

J'en viens aux deux dossiers qui seront bientôt soumis à votre examen. La réforme de la garde à vue, tout d'abord, qui entrant pleinement en vigueur aujourd'hui même, doit modifier la façon de travailler des policiers et des gendarmes.

L'assistance de l'avocat avait été anticipée dès le 15 avril. Les craintes initiales ont été surmontées, même s'il conviendra de rester attentif, afin que la garde à vue participe bien à la manifestation de la vérité. S'il convenait de prendre acte des décisions de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel, et des dispositions de la loi renforçant les droits des victimes, il ne faut pas non plus oublier que la garde à vue constitue un moment de l'enquête judiciaire, dont l'objet est de rechercher le coupable, donc de protéger la victime : tel est l'équilibre auquel il nous reviendra de veiller.

La proportion de personnes gardées à vue qui sollicitent l'assistance d'un avocat est d'une sur trois environ, en légère progression depuis le 15 avril, étant entendu que c'est pour les affaires les plus graves, traitées par les services spécialisées de police judiciaire, qu'il est le plus élevé. Les avocats restent en moyenne entre deux et quatre heures dans les locaux d'enquête.

Pour faciliter les entretiens, nous avons réalisé les travaux les plus urgents dès la mi-avril, pour une dépense de 1,9 million d'euros mais il est clair qu'il faudra encore améliorer les 3 000 lieux de garde à vue.

J'ai signé ce matin même l'arrêté concernant la restriction de la pratique des fouilles à corps. Afin de maintenir un bon niveau de sécurité, j'ai demandé que des détecteurs de métaux soient installés chaque fois que nécessaire, ce qui évitera des fouilles.

Etant entendu qu'elle fait désormais une règle de la présentation de la personne gardée à vue au magistrat avant toute décision de prolongation, la loi autorise, pour faciliter cette procédure, l'usage de la visioconférence. J'ai donc demandé l'équipement de nouveaux sites, notamment les plus éloignés des palais de justice, ce qui présentera de surcroît l'avantage d'éviter des déplacements onéreux. J'ai également demandé aux services de police et de gendarmerie de prévoir la distribution de kits d'hygiène à chacun des gardés à vue.

La mise en oeuvre matérielle de ces trois évolutions fait l'objet d'une demande d'ouverture de crédits de 15 millions d'euros dans le projet de loi de finances rectificative.

Le Sénat aura aussi à se pencher bientôt sur la mise en oeuvre financière de la création du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Le Gouvernement souhaite mieux encadrer le secteur de la sécurité privée et aider à sa professionnalisation, en créant ce Conseil, chargé de trois missions principales : une mission de police administrative en vertu de laquelle il délivrera, suspendra et retirera les titres, agréments, autorisations et cartes professionnelles ; une mission disciplinaire, qui lui donnera faculté de prononcer des sanctions en cas de manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles ; une mission de conseil et d'assistance à la profession, enfin. Cette création a été inscrite dans la LOPPSI 2 du 14 mars 2011. Administré par un collège, le Conseil emploiera 200 agents et disposera d'un budget de 16,8 millions d'euros. A cet effet, le projet de loi de finances rectificative prévoit la création d'un mécanisme fiscal en deux volets : une taxe sur les entreprises de sécurité, à laquelle seraient assujetties les personnes physiques et morales exerçant une activité privée de sécurité, fixée à 0,5 % de leur chiffre d'affaires, et obéissant au même mode de fonctionnement que la TVA ; une taxe sur la masse salariale des services internes de sécurité, dont s'acquitteraient les entreprises disposant d'un service interne de sécurité, égale à 0,7% de la masse salariale des personnels du service. La différence de taux est calculée pour rester neutre sur les choix d'organisation. Cette taxe, recouvrée par les services fiscaux, figurera sur la facture de l'entreprise de sécurité, ce qui lui permet de faire supporter cette charge par son client, sur le modèle de la TVA.

Les organisations professionnelles de la sécurité privée se sont montrées favorables à ce dispositif fiscal.

M. Jean Arthuis , président . - Je vous remercie d'avoir souligné la volonté de réforme de votre ministère, pour une meilleure performance publique à moindre coût. Nous ferons un effort de bienveillance en faveur de cette nouvelle taxe affectée, étant entendu que sa création n'est guère conforme à l'esprit de la Lolf...

Mme Michèle André , rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » . - J'ai trois questions à vous poser. La première porte sur la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui a conduit, dans la loi de finances pour 2010, à prévoir une réduction des effectifs de la mission dont j'ai, comme rapporteure spéciale, la charge, de 736 équivalents temps pleins travaillés - 73 pour les missions relatives aux titres d'identité, 140 pour le SIV, 156 pour le contrôle de légalité et 367 pour les fonctions support. Cet objectif a-t-il été atteint ? Les préfectures, m'ont dit nombre de mes interlocuteurs à tous les niveaux de la hiérarchie préfectorale, considèrent ne plus disposer d'aucune marge de manoeuvre pour assurer le service public : elles sont réduites « à l'os » !

M. Claude Guéant . - Oui, l'objectif a été atteint. Cela représente, pour les préfectures, un important effort, car la diminution des moyens s'accompagne d'une profonde réorganisation, la réduction du nombre de directions départementales exigeant une redistribution des tâches qui a un impact sur la vie professionnelle de chacun. Je salue l'engagement des personnels pour y parvenir. Je ne dirai pas cependant que les préfectures en sont « à l'os », car des marges de manoeuvre sont à attendre. Le déploiement en cours de certaines applications destinées à la distribution des titres marquera notamment une nouvelle étape dans l'automatisation des tâches en même temps qu'il améliorera la qualité du service rendu. Il y a donc bien de nouvelles perspectives de progrès.

Mme Michèle André , rapporteure spéciale . - Les suppressions de poste anticipaient sur l'automatisation, je doute qu'il faille en attendre beaucoup de marge, ainsi que le concluait la mission de contrôle que j'ai conduite l'an passé...

Ma deuxième question concerne la difficile entrée en vigueur du SIV. Pouvez-vous nous donner une idée de la répartition entre délivrance par les garages et par les préfectures ? Quelles sont, enfin, les évolutions dans la façon de travailler des garages ?

M. Claude Guéant . - Cette réforme conjugue économie de moyens pour l'État et amélioration du service rendu, puisque c'est le professionnel, vendeur du véhicule, qui fait le nécessaire pour la carte grise. Je confirme qu'elle concerne une carte grise sur deux, soit 20 millions de véhicules sur un parc de 40 millions à immatriculer ; les 29 000 professionnels inscrits comme partenaires habilités réalisent 92% des immatriculations de véhicules neufs. Il est vrai que le taux est plus faible pour les véhicules d'occasion (33,5 %), vendus par d'autres catégories de professionnels ou directement par les particuliers. Les difficultés rencontrées, pour les véhicules d'occasion notamment, tiennent au fait que les textes disposent que le propriétaire est responsable des infractions constatées, si bien que certains vendeurs se sont trouvés poursuivis pour des infractions commises par le nouveau propriétaire. Le système informatique a été corrigé en conséquence et un texte en cours d'examen vise à transférer la responsabilité sur l'utilisateur.

Mme Michèle André , rapporteure spéciale . - Un mot sur la délivrance des titres : confirmez-vous la date d'entrée en vigueur du décret disposant que seuls les photographes professionnels sont habilités à prendre des photos d'identité ?

Dernière question, enfin, sur la dotation pour frais de contentieux et de réparation civile, sous-évaluée, à 80,2 millions d'euros. Entendez-vous la ramener à niveau ?

M. Claude Guéant . - Je vous confirme que le décret auquel vous faites référence sera examiné dans les prochains jours par le Conseil d'État et sera publié au début de l'été.

En ce qui concerne les frais de contentieux et de réparation, la situation, structurelle, est ancienne. Ces dépenses sont difficiles à évaluer précisément. Le contentieux le plus lourd est celui qui concerne le refus du concours de la force publique pour les expulsions locatives. Relever les crédits n'encouragerait pas à leur gestion rigoureuse, l'effet n'en serait guère vertueux.

M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur spécial de la mission « Sécurité » . - Beaucoup des réponses que j'attendais m'ayant été données, je m'exercerai à l'art d'accommoder les restes... Je souhaiterais tout d'abord lever un doute sémantique. Police de proximité, puis unités territoriales de quartier, puis compagnies de sécurisation, puis, enfin, patrouilleurs : pouvez-vous nous éclairer, afin de nous permettre de savoir en toute connaissance de cause à quoi vont les crédits que nous sommes appelés à voter ?

M. Claude Guéant . - La politique qui est à l'origine de la police de proximité, et qui date d'avant 2002, reposait sur une intuition qui mérite considération : rapprocher la police des usagers. Mais elle s'est développée sans embrasser la totalité des missions de la police : prévention, dissuasion, répression. Ce dernier volet, qui vise la recherche des contrevenants et leur présentation à la justice, a été négligé. Les rapports alors commandés par le ministre en charge ont souligné cette difficulté, relevant que la méthode retenue n'aurait de chances de succès qu'avec un personnel en nombre considérablement renforcé.

Ce que j'entends développer avec les patrouilles, c'est une police de présence embrassant la totalité des fonctions de la police, y compris la répression, clairement assumée. Pourquoi ? Parce que la sécurité passe d'abord, selon moi, par la lutte contre la délinquance et la criminalité, dont le volume doit continuer de diminuer - je rappelle que le reflux a été de 17 % depuis 2002, ce qui représente, pour être plus parlant, 500 000 victimes de moins en 2010 qu'en 2002. Les résultats sont là. Nous sommes, en 2010, à un niveau inférieur à celui de 1997, alors même que la population s'est accrue de six à sept millions d'habitants.

La sécurité passe aussi par le volet prévention, pour traiter les comportements délictueux ou incivils, qui, pouvant marquer une entrée dans le cycle de la délinquance, appellent une réponse rapide. C'est cette réponse qu'a entendu apporter la loi de mars 2007, qui créait le conseil des droits et devoirs des familles et donnait aux maires une responsabilité élargie : elle mériterait d'être mieux mise en oeuvre.

La sécurité, enfin, passe par la présence visible des policiers ou des gendarmes, qui tranquillise les citoyens. D'où la création des patrouilleurs, en cours d'expérimentation dans cinq ou six circonscriptions. Des binômes, voire des trinômes, au lieu de rester dans leurs locaux, patrouillent ainsi dans les quartiers à des heures où le public s'y rassemble. Cette présence, ainsi mécaniquement renforcée de 25 %, montre aux citoyens que nous sommes sensibles aux préoccupations qui sont les leurs. A Mantes-la-Jolie, où je me suis rendu après le début de l'expérimentation, j'ai pu constater combien les usagers et les commerçants étaient satisfaits de voir ces patrouilles dans leur rue, en particulier à l'heure où les commerçants font leur caisse et se rendent à leur banque.

Quant aux unités territoriales de quartier, elles sont complémentaires, destinées aux zones plus difficiles, où des équipes de deux ou trois ne suffisent pas : elles doivent être plus nombreuses, et mieux formées.

M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur spécial . - Je me félicite de constater que les recommandations de la commission des finances sont ponctuellement mises en oeuvre par les ministres de l'intérieur successifs. En particulier celles qui visent à une meilleure coordination des policiers et des gendarmes - je relève que celle-ci s'est traduite dans les esprits des intéressés, puisque les uns ne disent plus « ils » en parlant des autres, mais bien, désormais, « nous ».

La dégradation de la sécurité exigeait une mise à niveau des effectifs, qui a permis une utile réorganisation administrative. Je m'interroge, cependant, sur le recrutement de 4 000 adjoints de sécurité : n'y a-t-il pas là un détournement de la RGPP ? Je comprends que les citoyens souhaitent une présence toujours renforcée des forces de sécurité, mais la comparaison avec nos voisins européens m'interpelle : nous sommes le pays où leur densité est la plus forte.

M. Roland du Luart . - Cela tient aussi au temps de travail des policiers.

M. Claude Guéant . - J'ai constaté avec grand bonheur, en retrouvant le ministère de l'intérieur, qu'une collaboration spontanée entre gendarmes et policiers s'était tout naturellement nouée, qui a des effets pratiques sur la qualité des prestations de sécurité. J'ai pu en constater, il y a quelques jours, en Eure-et-Loir, les bénéfices en matière de lutte contre les cambriolages, perpétrés par des bandes venues de la région parisienne et qui frappent tant les milieux urbains que ruraux. En l'absence de coopération, la lutte était vouée à l'échec. Autre coopération d'intérêt, la mise à disposition de la police, qui n'en possède pas, des hélicoptères de la gendarmerie, très utiles dans les opérations de surveillance délicates, y compris nocturnes, et qui permettent jusqu'à l'organisation de poursuites ou des interventions sur les toits.

En ce qui concerne les effectifs, il est vrai qu'après une augmentation importante jusqu'en 2007, le nombre d'emplois a été réduit de 3 700 dans la police, et de 4 800 dans la gendarmerie, dans le cadre d'une meilleure maîtrise des finances publiques. La délinquance n'en continue pas moins de baisser, de 2,5 % l'an passé, grâce à un certain nombre de réformes structurantes. C'est ainsi que les effectifs des forces mobiles sont en diminution, quinze escadrons de gendarmes ayant été supprimés et un nombre équivalent en effectifs pour les CRS, soit 1 300 à 1 400 emplois. Nous avions un dispositif aussi étoffé qu'après-guerre alors que la France est sortie depuis longtemps des grèves insurrectionnelles qui ont marqué cette période : les rapports sociaux se sont apaisés. Or, les forces mobiles coûtent cher. Nous prenons donc le parti d'en reverser le maximum dans les forces destinées à assurer la sécurité quotidienne. C'est ainsi que les effectifs des gendarmeries départementales n'ont guère été affectées par la RGPP, puisqu'elles se sont vu reverser les escadrons de gendarmes mobiles supprimés.

Les 4 000 équivalents temps plein (ETP) déployés dans la police et la gendarmerie ne représentent que 1 000 créations d'adjoints de sécurité ou gendarmes volontaires, en contrats à durée déterminée de trois à cinq ans, immédiatement opérationnels grâce à une rapide formation, tandis que les 3 000 emplois restants ne sont pas des créations, mais résultent du recours aux heures supplémentaires ou aux réserves de la police et de la gendarmerie, faites de jeunes retraités compétents et encore équipés, dont beaucoup se sont portés volontaires.

M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur spécial . - Le président Arthuis a souligné que la taxe sur les sociétés de surveillance privée n'était guère dans la logique de la Lolf. Vous nous avez dit que ces sociétés sont favorables à cette taxe, je ne suppose pas, cependant, que cette faveur aille jusqu'à l'enthousiasme.

M. Claude Guéant . - J'ai rencontré, dans mes fonctions antérieures, les fédérations professionnelles, qui m'ont confirmé leur accord.

M. Jean Arthuis , président . - D'autant que ces taxes sont déductibles de leur revenu imposable...

M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur spécial . - Un mot sur la garde à vue. Le montant des crédits engagés pour aménager les commissariats me semble bien faible au regard des besoins.

M. Claude Guéant . - Je ne dispose pas, aujourd'hui, d'une évaluation complète. Il est certain qu'il faudra encore consentir des efforts.

M. Jean Arthuis , président . - Le coût sera encore supérieur pour le ministère de la justice.

M. Pierre Bernard-Reymond , rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile, intégration » . - En 2010, les crédits du programme « immigration et asile » ont progressé de 117 millions d'euros en cours de gestion - 60 millions en décret d'avance et 57 millions en loi de finances rectificative - ce qui représente un tiers des crédits ouverts en loi de finances initiale. Chaque année, je mets l'accent sur la sous-évaluation des crédits de ce programme, qui se reproduit en 2011, puisque le projet de loi de finances rectificative propose encore d'ouvrir 50 millions supplémentaires, conformément aux prédictions de mon dernier rapport. Au point que l'on ne peut attribuer cela au hasard, à l'incertitude ou à l'erreur. J'y vois bien plutôt le fruit d'une volonté délibérée, peu conforme à l'exigence de sincérité et de transparence budgétaire. Entendez-vous, à l'avenir, mettre les crédits initialement programmés mieux en phase avec la réalité ?

M. Claude Guéant . - Il est difficile d'établir des prévisions précises en matière de demande d'asile. Cette situation est aussi le résultat du mauvais fonctionnement du système de l'asile, dont la dépense s'élève à quelque 500 millions.

Les procédures sont trop longues, l'Ofpra est embouteillé, et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) plus encore : les délais globaux sont de l'ordre de deux ans - même si l'on dit dix-neuf mois. C'est pourquoi le Premier ministre a décidé d'un renforcement sensible de leurs moyens, et que quarante agents supplémentaires ont été affectés à l'Ofpra et cinquante à la Cour nationale, afin de limiter à neuf mois le délai de traitement des 50 000 demandes d'asile annuelles, encore en augmentation cette année. Notre pays est certes attractif pour son respect des libertés publiques, mais aussi parce que l'on sait que la procédure y est longue et qu'après deux ans de séjour, il devient difficile de renvoyer un demandeur.

Il importe donc de travailler à réduire les délais, en particulier par un traitement rapide des demandes infondées et abusives, constat partagé par nos partenaires européens, au point que la Commission a émis des propositions destinées à ouvrir des possibilités de traitement en urgence. J'ajoute que l'encombrement des instances de décision a cette conséquence fâcheuse, ainsi que me le rappelait le haut commissaire aux réfugié des Nations unies, qu'il retarde le traitement des demandes les mieux fondées. Enfin, la réduction des délais sera source d'importantes économies de frais d'hébergement.

M. Jean Arthuis , président . - Quels correctifs envisagez-vous pour remédier aux difficultés que posent de tels dépassements de crédit au regard de la loi de programmation pluriannuelle ?

M. Claude Guéant . - Il me semble réaliste d'essayer d'obtenir une certaine augmentation de crédits dans la prochaine loi de finances initiale. Je dois rencontrer, ce soir même, le ministre du budget.

M. Jean Arthuis , président . - Sera-t-on au dessus des 678 millions de 2010 ?

M. Claude Guéant . - Je ne saurais vous répondre dès à présent mais je vous ferai parvenir une note.

M. Pierre Bernard-Reymond , rapporteur spécial . - Il est vrai que la réduction des délais, sur laquelle je m'apprêtais à vous interroger, est incontournable. La situation ne cesse de se dégrader à l'Ofpra : 118 jours en 2009 ; 145 en 2010. Même chose à la CNDA. Les moyens supplémentaires dégagés commencent-ils à porter leurs fruits ?

Il est clair qu'il est plus difficile de renvoyer un débouté qui se trouve en France depuis deux ans - et certaines procédures ont même duré jusqu'à sept ans.

M. Claude Guéant . - L'aspect humain et l'aspect financier sont, en effet, liés. Nous constatons, année après année, l'insuffisance des crédits. Le renforcement des moyens produit déjà ses effets : la moyenne générale de traitement des dossiers s'est réduite d'un mois depuis le début de l'année. Si nous parvenions à une réduction de dix mois, nous gagnerions autant en frais d'hébergement

M. Pierre Bernard-Reymond , rapporteur spécial . - Certains pays étrangers arrivent à quatre-vingt-dix jours.

M. Claude Guéant . - C'est le cas de certains pays européens, comme l'Autriche. Un mois de gagné, ce sont dix millions d'économies sur l'hébergement.

M. Pierre Bernard-Reymond , rapporteur spécial . - En matière de lutte contre l'immigration illégale, on constate une importante sous-consommation des crédits d'investissements, de 16 % en autorisations d'engagement et 3 % en crédits de paiement, liée essentiellement au report de la construction d'un nouveau centre de rétention administrative à Mayotte, pourtant demandé depuis longtemps étant donné l'état lamentable de l'existant. Peut-on espérer un démarrage rapide des travaux ?

M. Claude Guéant . - Après le lancement de l'appel d'offre ce mois-ci, la mise en service est prévue pour 2014, pour un coût de 25 millions d'euros.

M. Pierre Bernard-Reymond , rapporteur spécial . - L'objectif fixé en loi de finances, en matière d'immigration économique, était une part de 37 % de l'immigration durable. Or, le taux de réalisation n'est que de 18 %. Sans doute la crise a-t-elle eu un impact, mais ne serait-il pas bon de mettre en place un indicateur fiable quant aux résultats de cette politique ?

M. Claude Guéant . - Les chiffres que vous citez sont la conséquence d'une politique privilégiant l'immigration à caractère économique plutôt que familial. Les résultats sont allés dans le sens annoncé. Nous avons noué, en la matière, un certain nombre d'accords, dont celui passé avec la Tunisie, inégalement mis en oeuvre, s'est trouvé placé sous les feux de l'actualité. Aux termes de cet accord, le gouvernement tunisien mènera une action résolue pour faciliter le retour des immigrants illégaux - il faut savoir que la Tunisie est le pays qui délivre le moins d'autorisations consulaires - en même temps que nous sommes convenus d'organiser une immigration coordonnée pour faciliter la formation professionnelle des jeunes Tunisiens.

La France n'est pas un pays fermé. Elle n'est pas hostile à une immigration de travail. L'an passé, 200 000 personnes ont été admises au séjour. Mon souci est cependant de maintenir l'unité sociale du pays. J'entends donc diminuer un peu ce nombre, car il faut du temps et des moyens pour intégrer les nouveaux arrivants, pour une immigration réussie.

L'immigration de travail portait l'an passé sur 25 000 personnes. Ce chiffre ne correspond pas à nos besoins. Ce que j'ai dit sur le bâtiment a sans doute suscité des commentaires déplaisants, ainsi que l'ire du Medef, mais j'ai pu constater, dans l'édition récente d'un journal du matin, que la Fédération du bâtiment s'était ralliée à mes vues... L'an dernier, la venue de 730 maçons étrangers a été autorisée, alors qu'une offre pour dix emplois, en ce domaine, suscite 100 candidatures. La même observation vaut pour d'autres métiers, comme celui d'analyste en informatique, réputé bien à tort en tension puisque le taux de chômage y est dix fois supérieur à la moyenne des cadres.

Il faut bien reconnaître que globalement, l'immigration de travail n'est pas un succès : 24 % des étrangers hors Union européenne présents sur le territoire français sont demandeurs d'emplois. A quoi bon faire venir chez nous de futurs chômeurs ?

M. Jean Arthuis , président . - Le ministre de l'intérieur est aussi ministre des cultes. Or, on sait que l'Eglise fait aujourd'hui appel à des prêtres venus de l'Afrique francophone. Considérez-vous qu'il s'agit là d'une immigration professionnelle, et est-elle nombreuse ?

M. Claude Guéant . - Je fais usage de mon joker... Les effectifs ne doivent pas être bien importants. Je ne manquerai pas de vous faire parvenir un courrier.

M. Pierre Bernard-Reymond , rapporteur spécial. - Une mission de contrôle menée avec Philippe Dallier, rapporteur spécial pour les crédits de la ville et du logement, a fait apparaître qu'alors que les places en centre d'hébergement des demandeurs d'asile manquent, d'autres solutions d'hébergement d'urgence doivent être recherchées. Elles le sont sans règles claires. Ne serait-il pas plus pertinent de réunir au sein d'une même mission l'ensemble des crédits consacrés à l'hébergement d'urgence ?

M. Claude Guéant . - L'hébergement d'urgence est à ce point sollicité en raison de l'embouteillage du système de demande d'asile. Les conséquences en sont fâcheuses. L'accueil en urgence s'en trouve saturé, à l'approche de l'hiver, au point que les centres d'hébergement d'urgence ne peuvent plus satisfaire les besoins pour lesquels ils ont été créés. Comment les désengorger ? Pour ce qui est de l'articulation budgétaire, gardons-nous de tomber d'une incohérence à l'autre. A une fusion des crédits, je préfèrerais un système de facturation interne, qui présente l'avantage de faire clairement apparaître la réalité des coûts.

M. Pierre Bernard-Reymond , rapporteur spécial . - L'objectif premier du programme « Intégration et accès à la nationalité » est d'améliorer les conditions d'accueil et d'intégration, notamment via l'apprentissage du français. Or, les contrats d'accueil et d'intégration enregistrent un taux de réussite de 60 %, quand l'objectif était de 67 %. C'est encore insuffisant. Comment surmonter la difficulté ?

Question subsidiaire, enfin : le projet de création d'un nouvel hôtel de police à Gap est-il définitivement enterré ?

M. Claude Guéant . - Du temps que j'étais préfet des Hautes-Alpes, on recherchait un terrain. Cela remonte à quelques années...

M. Pierre Bernard-Reymond , rapporteur spécial . - Depuis, l'État en a choisi un, qui a été mis à sa disposition. Mme Alliot-Marie m'avait indiqué, en son temps, que des crédits seraient dégagés pour une étude architecturale. Il y a de cela deux ou trois ans. Je n'ai plus eu de nouvelles depuis.

M. Claude Guéant . - Vous m'incitez à reprendre positivement ce dossier, cas particulier qui illustre les problèmes structurels qui pèsent sur le ministère de l'intérieur : son budget, dans lequel les rémunérations comptent pour la plus grosse part, est soumis à la norme générale, d'où bien des difficultés en matière de fonctionnement et d'investissement.

En ce qui concerne la formation en langue française, il est vrai qu'un résultat inférieur de dix points à l'objectif n'est pas satisfaisant. Cela renforce ma détermination de faire plus. La maîtrise de la langue française constitue un moyen incontournable d'intégration. C'est pourquoi la loi sur laquelle le Conseil constitutionnel se prononcera prochainement prévoit un dispositif destiné à s'assurer d'une connaissance minimale par le conjoint de la personne naturalisée. Mme André sait comme moi que les femmes, surtout lorsqu'elles viennent d'une culture qui les cantonne au foyer, si elles ne maîtrisent pas un tant soit peu notre langue, ne peuvent pas suivre l'éducation de leurs enfants, ni travailler, et se trouvent totalement isolées en cas de problème familial. Il faut leur faciliter l'apprentissage.

M. Jean Arthuis , président . - Certaines jeunes femmes immigrées gardent des enfants. Or l'accueil des enfants, ce sont les crèches, qui coûtent horriblement cher aux municipalités. Au reste, l'essentiel de la garde d'enfants est assuré par les assistantes maternelles, qui accueillent les enfants à leur domicile. Précisément, quelques unes, en Mayenne, sont venues proposer au président du conseil général de se regrouper pour accueillir les enfants. Les services de la PMI ayant fait observer qu'une telle organisation était illégale, on a fait usage du droit à l'expérimentation. Quand la ministre en charge de ce secteur a dit tout le bien qu'elle en pensait, il s'est agi de légaliser. Cela s'est fait à l'occasion de la loi de financement de la sécurité sociale, laquelle a prévu une convention. La CNAM a établi un document de onze pages et sept annexes... Tout ce qu'il fallait pour tuer l'opération. Une proposition de loi a donc été votée - immense soulagement ! Las, la sous-commission ERP de la commission centrale de sécurité de la direction de la sécurité civile du ministère de l'intérieur a, le 2 décembre 2010, classé ces maisons en établissements accueillant du public de quatrième catégorie, ce qui obligerait 95 % d'entre elles à mettre la clé sous la porte.

N'y a-t-il pas là de cette folie règlementaire dont le président de la République a déclaré le 10 février dernier qu'il fallait y mettre un terme ? Faut-il qu'un colonel des sapeurs-pompiers au cabinet du ministre vienne exiger « ceinture et bretelles » des présidents de conseils généraux ? Il est bon de travailler à maîtriser la dépense publique, mais quand laissera-ton enfin les élus prendre part à l'innovation administrative pour assurer un service public dans des conditions financièrement soutenables ?

M. Claude Guéant . - Je vous rejoins entièrement. Cette formule est extrêmement intéressante. Nous devons avoir des règles raisonnables. Je vais me ré-emparer de ce dossier et y apporter une réponse favorable. Il faut être raisonnable !

M. Philippe Dallier . - Une question, monsieur le ministre, sur la mise en place des procès-verbaux électroniques. Les collectivités locales étant incitées à se doter de boîtiers, j'ai demandé à rencontrer la société Atos, qui a développé le logiciel. Quand nous avons parlé coûts, j'ai eu l'impression qu'elle prenait les collectivités locales pour des « vaches à lait » : au-delà de cinq ans, le coût de maintenance dépasse le coût d'acquisition !

M. Jean Arthuis , président . - Comme pour le rasoir...

M. Philippe Dallier . - L'on voit bien le gisement d'économies pour l'Etat, mais à l'autre bout de la chaîne ? Si l'Etat est propriétaire du contenu, mais que le service associé est supérieur au coût d'acquisition, on n'y arrive plus. Qu'avez-vous négocié pour les collectivités locales ?

Nous avons des stations pour les passeports électroniques. Pourront-elles traiter également les nouvelles cartes d'identité ? J'espère que la réponse est positive car les stations demandent de l'espace et elles ont un coût.

M. Claude Guéant . - Les stations seront les mêmes. Il en faudra toutefois 300 de plus, que nous installerons.

Quant aux PV électroniques, six millions d'euros sont prévus pour aider les collectivités à acheter ces lecteurs. Nous allons y regarder de près et vous faire profiter de nos préférences d'achat.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Dans la ville de 20 000 habitants dont je suis maire, nous avons bénéficié d'un diagnostic gratuit par la gendarmerie sur la vidéoprotection. Très bien faite, cette étude a mis en évidence les points clefs à surveiller dans la ville, qui se trouvent recouper les flux stratégiques auxquels les gendarmes doivent être attentifs. Ma question porte sur l'accompagnement financier, qui mérite d'être durable. Or, on est déjà passé de 80 % à 50%.

M. Claude Guéant . - Les subventions couvrent aujourd'hui de 30 % à 50% des coûts.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - J'attire votre attention sur la réelle coopération entre la gendarmerie et la police municipale qui en découlera.

M. Claude Guéant . - Je vous remercie de soutenir ma conviction et ma politique. Très utile en milieu urbain dense, la vidéosurveillance est en effet déterminante dans les enquêtes judiciaires. Lorsqu'il y a peu, un jeune a été roué de coups dans les transports en commun, en Seine-Saint-Denis, nous avons ainsi pu déférer tous les responsables à la justice dans les 48 heures. La vidéosurveillance a également une fonction de prévention. Un financement de 30 % à 50 % est possible par le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui est peut-être sous-doté.

M. Philippe Dallier . - On prend sur le produit des amendes !

Mme Michèle André . - A l'approche de l'été et de ses festivals, les organisateurs nous demandent de les aider à obtenir des visas pour les troupes venues de pays étrangers. Dans le Puy-de-Dôme, des festivals de folklore rencontrent des difficultés, et celui de Gerzat risque de connaître un échec parce qu'une chorale de République démocratique du Congo ne peut obtenir ses visas. Je ne dois pas être la seule à solliciter le ministère. On m'a dit qu'on avait même demandé un test de grossesse aux jeunes femmes membres de la troupe ! Je n'ose le croire. Cette politique est très difficile à admettre. La peur, qui isole, serait-elle plus forte que la culture, qui est ouverture et rayonnement ?

Un mot enfin sur la maîtrise du français : je sais que les mères apprennent souvent notre langue quand leurs enfants sont scolarisés. Il faut faire confiance à l'immersion.

M. Claude Guéant . - La scolarisation des enfants offre en effet aux mamans un bons accès à notre langue. La semaine prochaine, je visiterai avec Luc Chatel une école des parents.

Quant aux visas, la direction de l'immigration a adressé le 16 mai des instructions aux préfets pour qu'ils apportent quelques assouplissements. Il faut toutefois savoir raison garder. On a beaucoup glosé sur les deux artistes marocaines invitées au festival de Cannes : si elles n'ont pas été admises, c'est parce qu'elles n'avaient pas d'hébergement, pas un centime en poche, et pas de billet de retour.

M. Albéric de Montgolfier . - Pouvez-vous nos parler des contrôles numériques aux frontières et de PARAFES ? Les crédits sont sous-consommés, la généralisation reste-t-elle l'objectif ?

M. Claude Guéant . - PARAFES se développe le plus possible. Il apporte une assurance de sortie aux personnes qui ont rempli les conditions et offre une garantie technique presque totale. Cependant, nous devons nous reposer sur les aéroports pour le financement. Fin juin, nous aurons cent cinquante stations pour la lecture des visas biométriques sur le territoire, et pas seulement aux frontières. Les contrôles à l'intérieur du territoire sont essentiels : ils apportent la seule preuve scientifique de nationalité.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Il a été question du commissariat de police de Gap, mais voilà dix à quinze ans que l'affaire de celui de Boulogne a commencé.

M. Claude Guéant . - J'en prends bonne note.

M. Jean Arthuis , président . - Sa durée et le nombre de questions disent tout l'intérêt de cette audition, dont je vous remercie, monsieur le ministre.

AUDITION DE M. XAVIER BERTRAND, MINISTRE DU TRAVAIL,
DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ

Réunie le mercredi 8 juin 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procèdé à l'audition de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010.

M. Jean Arthuis , président . - Nous accueillons monsieur Xavier Bertrand, en sa qualité de ministre du travail, de l'emploi et de la santé, dans le cadre du cycle d'auditions organisé par la commission des finances sur le projet de loi de règlement des comptes de l'année 2010. C'est au titre des deux missions, « Travail et emploi » et « Santé », placées sous votre responsabilité que les rapporteurs spéciaux, puis les membres de la commission qui le souhaitent, vous interrogeront sur l'utilisation des crédits de ces missions pendant l'année qui vient de s'achever.

M. Serge Dassault , rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » . - A titre liminaire, je souhaite poser une question d'ordre général, que j'ai déjà évoquée avec le Premier ministre, sur la concertation qu'il serait souhaitable d'instaurer entre les ministres et les rapporteurs spéciaux. Il est en effet regrettable de constater, années après années, que les budgets sont très substantiellement augmentés en cours d'exécution, modifiant ainsi le vote intervenu en loi de finances initiale. S'agissant des crédits de la mission « Travail et emploi », je constate que les crédits consommés se sont élevés à 14,7 milliards d'euros, soit un dépassement de crédits de plus de 3,2 milliards d'euros par rapport à la dotation initiale de 11,47 milliards d'euros. Si mon avis avait été sollicité, j'aurai suggéré d'abonder d'autres dispositifs que celui des contrats aidés dont l'efficacité en matière de retour à l'emploi n'est pas satisfaisante. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, j'avais notamment proposé de renforcer plusieurs mesures en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes, telles que les missions locales, les écoles de la deuxième chance et les aides pour la formation au permis de conduire.

Au passage, on aurait pu soutenir que ces quelque trois milliards d'euros auraient pu contribuer à compenser la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Enfin pour revenir aux contrats aidés, leur durée pouvant atteindre deux ans, je signale que l'augmentation massive de leur nombre en 2010 risque également d'entraîner à la hausse les crédits votés pour 2011.

M. Jean Arthuis , président . - En d'autres termes, la surconsommation de crédits constatée en 2010 entraînera-t-elle durablement le budget du travail et de l'emploi hors de la trajectoire de la norme de dépense et de la programmation pluriannuelle des finances publiques ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé . - Le problème est simple, l'année 2010 a été difficile sur le front de l'emploi. Le Gouvernement a donc été amené à procéder à des reports massifs de crédits. La mission « Travail et emploi » a en effet enregistré 2,8 milliards d'euros de dépassement de crédits du fait des transferts issus de la mission « Plan de relance de l'économie » et de la loi de finances rectificative. Voici des chiffres concernant ces crédits supplémentaires :

- un report de crédits non consommés de 2009 pour un montant de 200 millions d'euros ;

- 1,2 milliard d'euros au titre du plan de relance ;

- 1,4 milliard d'euros en loi de finances rectificative.

Dans ce total, 1,8 milliard d'euros concernent les contrats aidés, ce que j'assume totalement même si nous sommes en désaccord sur ce point. Il y a ensuite les dispositifs de reclassement (400 millions d'euros) et la compensation des exonérations de charges sociales.

En outre, le président de la République a annoncé un abondement de 500 millions d'euros votés dans le cadre de la loi de finances rectificative relative aux investissements d'avenir pour soutenir l'apprentissage.

Mais la vraie question n'est pas de savoir s'il y a des dépassements de crédits, mais plutôt si leur affectation est justifiée. Or, en cette période de sortie de crise, j'assume les divergences et je revendique la nécessité de recourir aux contrats aidés, qu'ils soient conclus dans le secteur marchand ou non marchand. Cet outil est important et indispensable lorsqu'il faut lutter contre le chômage de masse. Il faut rappeler que ce dispositif s'adresse aux personnes qui sont les plus éloignées de l'emploi. On ne retrouve pas facilement un emploi quand on est au chômage depuis trois ans. La lutte contre le chômage de longue durée est ma priorité : 350 millions d'euros y sont consacrés en 2011 et 150 millions le seront en 2012 pour l'emploi des jeunes et l'apprentissage. Une proposition de loi de Gérard Cherpion pour le développement de l'alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée est également en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Le dispositif de cofinancement Etat-département des contrats aidés, auquel je crois « dur comme fer » a dépassé l'objectif fixé à 60 000 contrats pour atteindre le niveau de 90 000. Par rapport au revenu de solidarité active (RSA) dont le coût unitaire pour le département est de 467 euros pour une personne seule, ce cofinancement d'un montant de 411 euros représentera donc à la fois une économie pour les conseils généraux et un meilleur taux de retour à l'emploi.

S'agissant du souhait exprimé par M. Dassault d'être associé aux décisions, ou tout du moins d'être consulté, je précise que si le choix de renforcer les contrats aidés n'est pas forcément le vôtre, même si vous vous situez dans la majorité présidentielle, c'est que ce choix relève de l'exécutif. Ensuite, l'objet des lois de finances rectificatives est précisément de soumettre au Parlement les modifications intervenues en cour d'année. Chacun est donc dans son rôle.

M. Jean Arthuis , président . - Vous avez fait référence au RSA et vous savez que près d'un milliard d'euros relevant du fonds national des solidarités actives serait inutilisé. Il pourrait permettre de compenser les dépenses des départements au titre du RSA. Cette question ne devrait-elle pas relever du périmètre de votre ministère ?

M. Xavier Bertrand . - Le retour du travail et de l'emploi au sein d'un ministère unique représente déjà un défi, auquel s'ajoute la santé ! Je ne voudrais pas empiéter sur les compétences de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale en abordant la question du RSA.

M. Claude Belot . - Si l'emploi en entreprise doit être privilégié, il est indéniable que le recours aux contrats aidés permet de surmonter les épisodes de montée du chômage. Or, j'observe que la collaboration entre Pôle emploi et les départements est perfectible en matière d'insertion. Ainsi, dans mon département de la Charente-Maritime, près de 300 personnes sont suivies par les services du conseil général mais nous ne voyons pas, sur le terrain, les crédits budgétaires de l'Etat. L'ancien commissaire aux solidarités a mis en lumière les 997 millions d'euros qui dorment dans les caisses. Je souhaiterais que vous puissiez approfondir cette question.

M. Xavier Bertrand . - Non seulement nous allons approfondir ce point, mais nous allons changer le système. Jusqu'à présent, nous avons trop centralisé. Il faut décentraliser la prise de décision. Je citerai en exemple le cas des emplois dans la logistique. Pour conduire un « Fenwick », il faut obtenir le certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (CACES). Or, comme les lots de formation à cette qualification sont ventilés au niveau national, un demandeur d'emploi qui dispose pourtant d'une promesse d'embauche peut attendre plusieurs mois le droit de suivre cette formation. Il ne s'agit donc pas seulement d'une question de budget mais d'accès à la formation. Même lorsque les crédits existent, il faut plus de six mois pour obtenir une date de passage du permis de conduire !

Dans le même esprit, la nouvelle feuille de route que nous allons donner à Pôle emploi s'appuiera sur une plus grande décentralisation de la structure, au niveau des agences locales, afin de gagner en réactivité et en efficacité ! L'accès à la formation permet de mettre plus vite en relation les demandeurs d'emploi avec les entreprises. Si on ne fait rien, 36,7 % des offres d'emploi mettront du temps à être pourvues. Ainsi, il fallait en moyenne 32 jours pour qu'une offre d'emploi soit satisfaite. La réduction d'une seule journée du résultat de cet indicateur de Pôle emploi correspond à 10 000 chômeurs de moins, c'est-à-dire exactement de la baisse du nombre de demandeurs d'emploi en avril dernier.

Comme modèle de décentralisation, je vais m'appuyer sur les services publics de l'emploi locaux (SPEL). Il s'agit pour l'instant d'une structure institutionnelle qui doit devenir opérationnelle sous l'impulsion des sous-préfets, à l'image d'un ministre du travail local. Ils ont une légitimité et un vrai rôle. Le sur-mesure doit se faire sur le terrain, bassin d'emplois par bassin d'emplois.

Enfin, je vous annonce que la politique de « stop and go » vécue en 2010 pour les contrats aidés ne se reproduira pas. Elle est détestable tant pour les collectivités locales que pour les titulaires de ces contrats, notamment lorsqu'au milieu de l'année 2010, une commune ne savait pas dans quelle mesure elle pouvait renouveler ou non ses contrats d'insertion. Par exemple, dans l'Aisne, 5 950 contrats aidés étaient consommés au mois d'octobre pour une enveloppe de 6 000 contrats. Il faut mieux planifier pour éviter toute perte de droit.

M. Jean Arthuis , président . - S'il faut constater l'effort d'analyse des résultats des indicateurs de performances du rapport annuel de performances de la mission « Travail et emploi », il n'y a toujours aucune évaluation de l'efficacité de la prime pour l'emploi dont le coût actualisé pour 2010 a dépassé la prévision (3,56 milliards d'euros au lieu de 3,2 milliards). On ne connaît toujours pas la part des bénéficiaires de la prime pour l'emploi précédemment au chômage ou inactifs. Cette dépense fiscale, dont l'effet sur le retour à l'emploi n'est semble-t-il pas mesurable, a-t-elle encore vocation à perdurer ? La prime pour l'emploi ne doit-elle pas être supprimée au profit du revenu de solidarité active (RSA) ?

M. Xavier Bertrand . - Sur l'évaluation de la dépense fiscale en tant que telle, cette question relève de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur le fond, le débat a déjà eu lieu lors du vote de la loi instituant le RSA. La prime pour l'emploi a été maintenue car il ne faut pas oublier que cette mesure a un effet important sur le pouvoir d'achat et ne se limite donc pas à la politique de l'emploi.

M. Jean Arthuis , président . - Cette dépense fiscale est pourtant rattachée à la mission « Travail et emploi » qui relève de votre compétence.

M. Xavier Bertrand . - Certes, mais la politique fiscale ne relève pas de mon ministère. S'il s'agissait d'attribuer au ministère du travail des crédits supplémentaires, je saurais où les affecter utilement.

M. Jean Arthuis , président . - De manière plus appropriée que pour la prime pour l'emploi ?

M. Xavier Bertrand . - Ce n'était pas le sens de ma réponse.

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Je rappelle que ce ne sont pas les contrats aidés du secteur non marchand dans les associations et les communes qui permettent d'orienter les jeunes vers l'emploi durable.

Ensuite, je considère que l'indemnisation du chômage relève davantage de la solidarité que de la politique de l'emploi car ce n'est pas une aide financière qui encourage au retour à l'emploi.

Enfin, je souhaiterais que le modèle des missions locales soit plus largement répandu et notamment que Pôle emploi prenne davantage en charge l'insertion professionnelle des jeunes. Mais, le problème est encore plus vaste puisque le problème du chômage des jeunes résulte aussi de l'échec de l'Education nationale et de l'inadaptation des collèges pour orienter tous les élèves, au moins vers une qualification professionnelle.

M. Xavier Bertrand . - Si vous voulez parler de l'apprentissage, il existera un terrain d'entente entre vos propositions et les mesures que le Gouvernement propose dans le collectif budgétaire que vous allez examiner très prochainement.

S'agissant de votre volonté de rapprocher les acteurs de l'emploi des jeunes, je souscris à la nécessité de revoir l'organisation des missions locales, des maisons de l'emploi et de Pôle emploi. Il y a peut être des doublons à examiner et ce sera la tâche des SPEL.

Quant à elles, les missions locales ont contribué à la régression du chômage des jeunes mais les taux d'insertion dans l'emploi varient encore fortement : entre 18 % et 62 % selon qu'il s'agit d'une zone urbaine sensible ou pas. Sans remettre en cause le fort investissement des missions locales, il faut maintenant introduire une logique d'amélioration des résultats là où les marges de progression existent.

M. Philippe Adnot . - Le « RSA chapeau » intègre-t-il la PPE ?

M. Xavier Bertrand . - Oui, si le total des sommes versées au titre du « RSA chapeau » est supérieur à la PPE, le ménage est gagnant. Si, au contraire, le « RSA chapeau » est inférieur à la PPE, le ménage percevra un complément de PPE pour combler la différence.

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Pouvez-vous préciser les raisons du dépassement de 3,2 milliards d'euros des crédits de la mission « Travail et emploi » en 2010 ?

M. Xavier Bertrand . - Il s'agissait de ma première réponse. Pour ma part, je retiens le chiffre de 2,8 milliards d'euros supplémentaires, destinés aux programmes 102 et 103, car vous devez intégrer dans votre calcul les 500 millions d'euros ouverts en faveur de l'apprentissage au titre des investissements d'avenir.

M. Jean Arthuis , président . - La parole est maintenant au rapporteur spécial des crédits de la mission « Santé ».

M. Jean-Jacques Jégou , rapporteur spécial de la mission « santé » . - Dans la note d'exécution budgétaire relative à la mission « Santé », la Cour des comptes propose d'assurer, à l'avenir, une meilleure traçabilité des crédits délégués aux agences régionales de santé (ARS) en rattachant ceux-ci à des politiques de santé publique ou des plans de santé publique précis. De même, la Cour propose que soit élaboré un indicateur permettant de mesurer la performance des agences.

Quelles suites entendez-vous donner à ces deux recommandations de la Cour qui rejoignent les observations que j'avais également formulées en ma qualité de rapporteur spécial lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2010 et 2011 ?

M. Xavier Bertrand . - La suite la plus immédiate possible. La déclinaison régionale de ce que l'on met en place m'intéresse au plus haut point. Avec Roselyne Bachelot-Narquin, nous avons, dans le cadre du pilotage des ARS, retenu douze indicateurs : l'amélioration du dépistage du cancer, la réduction des écarts d'équipement en établissements d'accueil pour personnes âgées ou handicapées, la diminution des établissements de santé certifiés avec réserves, etc...

Il faut également une vraie traçabilité des crédits s'agissant des dépenses de personnel et de fonctionnement, mais aussi des dépenses d'intervention, afin de pouvoir rendre compte de ce qui est effectivement mis en place. C'est par ce biais notamment que l'on pourra démontrer, contrairement à l'opinion couramment admise, que les crédits en faveur du secteur de la santé sont en augmentation. Je souhaiterais même pouvoir disposer de tableaux de bord infra-annuels. C'est difficile et long à mettre en place compte tenu de la création récente des ARS. Mais je suis très allant sur cette question. Mon souhait est, par ailleurs, d'intégrer dans ces dispositifs d'évaluation et de suivi les programmes régionaux de santé.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Je souhaite soulever une première difficulté s'agissant des ARS. La communication entre certaines agences et la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) est parfois difficile. En particulier, rien ne peut être fait dans une ARS tant que la « lettre- réseau » n'est pas signée par le directeur général de l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand . - C'est en train de changer. Je me suis entretenu de ces problèmes avec Frédéric Van Roekeghem. Faites-vous référence à un exemple très récent ?

M. Jean-Pierre Fourcade . - Il s'agit de l'ARS de Franche-Comté.

M. Xavier Bertrand . - Cette difficulté de communication entre les ARS et l'assurance maladie constitue une perte de temps phénoménale.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Ma deuxième question porte sur les Unions régionales des professionnels de santé (URPS). La création de ces structures constitue une avancée : elles permettent enfin aux différentes professions médicales et paramédicales de se rencontrer. Malheureusement, toutes ne sont pas encore complètes et aucun financement ne leur a été accordé. La CNAM refuse de leur verser des crédits tant que le décret sur les modalités d'organisation et de financement de ces structures n'est pas sorti.

M. Xavier Bertrand . - Ce problème est en voie de règlement. Ce n'est qu'une question de délais entre la signature du décret et le versement des sommes. Ce n'est pas une question de crédits insuffisants, ces crédits sont prévus.

M. Jean-Jacques Jégou , rapporteur spécial . - Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 prévoit la mise en place d'un dispositif spécifique d'indemnisation des victimes du benfluorex. Il prévoit en outre l'ouverture de crédits supplémentaires sur la mission « Santé » à hauteur de 5 millions d'euros afin de couvrir les frais d'expertise des premiers dossiers qui seront examinés par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). Quel est le coût prévisionnel total de ce dispositif d'indemnisation ?

M. Xavier Bertrand . - Je ne suis pas en mesure de vous répondre car je ne connais pas le nombre de victimes, ni le préjudice subi par chacune d'entre elles. Nous en saurons peut-être davantage, cet été, quand sera mis en place le dispositif que nous proposons dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

Il était de ma responsabilité de proposer au Parlement la définition d'un régime spécifique d'indemnisation car le dispositif proposé par les Laboratoires Servier n'était pas satisfaisant : non seulement il ne prévoyait pas de réparation intégrale du préjudice subi, mais en outre il empêchait les victimes de faire valoir leurs droits devant une juridiction civile.

M. Jean-Jacques Jégou , rapporteur spécial . - En 2005, j'avais souligné, lors d'une mission de contrôle, les faiblesses des systèmes d'information du secteur de la santé. Quel est l'état d'avancement du dossier médical personnel (DMP) dont le Gouvernement avait annoncé la relance au printemps 2009 ?

M. Xavier Bertrand . - Nous sommes toujours en phase d'amorçage. Selon les chiffres dont je dispose, 10 000 DMP ont été ouverts. Je regrette qu'à l'époque, nous n'ayons pas opté pour un support mobile - une clé USB cryptée - qui aurait permis de démarrer plus vite. En revanche, nous avons été au rendez-vous s'agissant du dossier pharmaceutique.

M. Jean-Jacques Jégou , rapporteur spécial . - Avez-vous progressé dans vos réflexions sur la délicate question de la gestion de la péremption des produits stockés par l'Etablissement de préparation et de réponses aux urgences sanitaires (EPRUS) ? Lors de ma mission de contrôle sur l'EPRUS, vos services évoquaient la mise en place d'un statut particulier pour ce type de produits ne mentionnant pas de date de validité mais uniquement une date de fabrication en contrepartie d'études de stabilité régulières.

M. Xavier Bertrand . - L'idée de créer l'EPRUS m'est venue en me rendant aux Etats-Unis pour visiter leur centre de gestion de crise. C'était après que j'ai eu à gérer l'épidémie du chikungunya et à élaborer le plan de préparation à une pandémie grippale de type H5N1.

Nous avions indiqué à l'époque qu'à compter de 2011, il conviendrait de mettre en place une planification des renouvellements des stocks sur la base du principe que vous venez d'énoncer. Je vous transmettrai le bilan de ces travaux d'évaluation.

M. Jean Arthuis , président . - Depuis 2008, des efforts ont été menés pour éviter des sous-budgétisations manifestes des dépenses relatives à l'aide médicale de l'Etat (AME). Néanmoins, 98 millions d'euros ont dû être ouverts par la loi de finances rectificative pour 2010, soit près d'un cinquième de la dotation initialement prévue en loi de finances.

La hausse exceptionnelle des dépenses de 2009 qui a eu un effet de base important en 2010 ne pouvait-elle pas être mieux prise en compte lors de l'élaboration du PLF pour 2010 ? Quelle est la tendance de ces dépenses en 2011 ? Quel est l'impact des mesures prises en projet de loi de finances pour 2011 destinées à encadrer le dispositif de l'AME ?

M. Xavier Bertrand . - Au premier trimestre 2011, on constate un taux d'évolution de ce poste de dépenses de 1,1 % en glissement annuel. Nous sommes très loin des taux d'évolution de 13 % observés en 2009 et 2010.

La forte croissance des dépenses d'AME ces deux dernières années tient à trois éléments : une augmentation des tarifs journaliers des prestations des établissements de santé, une amélioration des contrôles effectués par les hôpitaux et un transfert de charges du dispositif « Etranger malade » vers l'AME.

Sur le deuxième point - l'amélioration des contrôles -, je souhaite revenir sur la confusion souvent faite entre, d'une part, la révélation des abus et, d'autre part, leur progression. Il n'y a pas plus de fraude, simplement on en découvre plus. Devant la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale, j'ai indiqué qu'en matière sociale, le montant des fraudes détectées s'est élevé en 2010 à 458 millions d'euros. Le montant réel des abus est sans doute beaucoup plus élevé.

J'ajoute enfin que les différentes mesures adoptées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 - mise en place d'un droit de timbre de 30 euros à compter du 1 er mars 2011, délimitation du panier de soins, contrôle préalable pour certains actes - permettra d'éviter les dérives budgétaires des années précédentes.

M. François Trucy . - La loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation des jeux d'argent et de hasard en ligne a créé de nouveaux prélèvements sociaux sur les jeux. Une partie du produit de ces prélèvements a été affecté à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) au titre de la prévention. Le produit restant est versé à la Caisse nationale d'assurance maladie. A défaut de pouvoir flécher ces recettes sur la prise en charge des joueurs pathologiques, nous avions insisté lors des débats parlementaires pour qu'un effort supplémentaire soit réalisé en faveur de la lutte contre l'addiction. Aujourd'hui, aucun crédit supplémentaire n'a été versé aux centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie. Cette situation n'est pas acceptable. J'ai besoin de réponses rapides sur ce sujet.

M. Xavier Bertrand . - Je vous transmets les coordonnées de mon collaborateur qui suit ces sujets.

Les engagements pris au moment de l'examen de ce projet de loi étaient sans doute sincères, mais il faut ensuite suivre les choses jusqu'au bout. Je suis convaincu qu'un ministre, lorsqu'il prend des décisions, doit veiller à ce qu'elles soient effectivement appliquées. Nous avons encore des progrès à faire en termes de gouvernance.

M. Jean Arthuis , président . - L'article 90 du projet de loi de finances pour 2011 - devenu l'article 200 de la loi de finances - a supprimé, à compter du 1 er janvier 2011, deux exonérations spécifiques de cotisations sociales à la charge de l'employeur, dans le domaine des services à la personne :

- d'une part, l'abattement forfaitaire de quinze points sur les cotisations sociales dues par les particuliers employeurs cotisant sur l'assiette réelle ;

- d'autre part, la franchise de cotisations patronales dont bénéficient les prestataires agréés ou déclarés intervenant auprès de publics dits « non fragiles ».

A l'appui de cet article, sur lequel je vous rappelle que les débats ont été très vifs à l'Assemblée nationale comme au Sénat au sein même de la majorité, le Gouvernement avait annoncé des économies sur le budget de l'Etat de l'ordre de 460 millions d'euros en 2011 et environ 700 millions d'euros les années suivantes. Quant aux dispositifs fiscaux dérogatoires (réduction et crédit d'impôt pour l'emploi des salariés à domicile), ceux-ci n'ont pas été modifiés en loi de finances initiale pour 2011, bien que, à titre personnel, j'avais proposé de les intégrer dans le rabot de 10 % des niches fiscales afin de maintenir autour de dix points l'abattement forfaitaire de cotisations sociales.

Le soutien parlementaire apporté à cette réforme était conditionné par l'absence d'impact de la mesure sur les publics fragiles. Sur ce point, la commission des finances avait obtenu, au cours des débats, une note adressée par les services du Premier ministre précisant la portée dudit article 90 indiquant explicitement que : « Les publics fragiles ne sont pas concernés par l'article 90 ».

Si la commission des finances a soutenu le Gouvernement dans sa démarche générale de réduction des niches sociales, elle a expressément souhaité que soit rapidement évalué l'impact de cette mesure sur le secteur de l'aide à domicile. A l'époque, plusieurs de nos collègues avaient indiqué que les économies escomptées seraient plus faibles que prévues : en effet, les particuliers paieront davantage de charges sociales en 2011 mais obtiendront davantage de réduction d'impôt l'année suivante.

Qu'en est-il ? Quelle est votre évaluation de l'application de ce dispositif sur le volet de l'emploi et celui des économies réalisées ?

M. Xavier Bertrand . - En tant que parlementaire, je me suis posé beaucoup de questions sur ce dispositif. J'ai été convaincu par l'argumentaire du Gouvernement. Nous attendons le rapport d'évaluation de l'Agence central des organismes de sécurité sociale (ACOSS) à la fin du mois de juin.

AUDITION DE M. FRÉDÉRIC MITTERRAND,
MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

Réunie le jeudi 9 juin 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'audition de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010.

M. Jean Arthuis , président . - Monsieur le ministre, merci de venir nous éclairer sur l'usage fait des crédits mis à votre disposition pour l'année 2010. Je salue la présence de M. Lagauche et de Mme Morin-Desailly, rapporteurs pour avis de la commission de la culture.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication . - Je suis très content de me livrer à cet exercice. Le ministère de la culture et de la communication a bénéficié d'un budget en légère augmentation cette année, ce qui lui a permis de faire face à ses nombreuses missions. Je m'appuie sur un cabinet solide et une administration compétente : les choses sont bien tenues.

Toutefois, le monde de la culture ne se quantifie pas exactement, comme des mondes plus rationnels. La demande de pratique culturelle, d'accès à la culture, de création, est extrêmement forte, chargée de symboles et très évolutive, la culture étant d'autant plus nécessaire quand la société traverse une période de crise et d'anxiété.

M. Jean Arthuis , président . - Nous sommes conscients de cette spécificité. Les considérations comptables paraissent en effet incongrues quand il s'agit de permettre toutes les transgressions qu'autorise la culture, et qui nous rassemblent !

M. Frédéric Mitterrand . - Je suis néanmoins conscient de la nécessité de protéger les deniers publics, ne serait-ce que pour permettre au ministère de tenir ses engagements !

M. Yann Gaillard , rapporteur spécial de la mission « Culture » . - Permettez-moi d'abord, en tant que sénateur de l'Aube, de vous remercier, monsieur le ministre, de la journée extraordinaire que vous avez passée dans mon département, à Nogent, Troyes et Essoyes, qui nous a remplis de fierté.

M. Frédéric Mitterrand . - Et moi, d'enchantement.

M. Yann Gaillard , rapporteur spécial . - Ma première question porte sur le financement de la Philharmonie de Paris. Ce grand investissement était-il nécessaire, compte tenu des salles dont nous disposons déjà ? Comment expliquer les retards accumulés par le chantier, qui occasionnent des reports massifs et répétés de crédits depuis trois ans ? Que penser du fait que les travaux aient commencé, alors même que les modalités de financement de la part de l'État n'étaient pas définitivement arrêtées ? Comment expliquer que l'estimation du coût total du projet soit passée de 203 millions d'euros fin 2007 à 336,6 millions aujourd'hui ?

Par ailleurs, le ministère n'a pas attendu le vote du collectif budgétaire pour engager 145 millions d'euros. Pourquoi ces redéploiements hâtifs, qui s'apparentent à une anticipation de l'autorisation parlementaire ?

M. Frédéric Mitterrand . - J'ai toujours été un ardent défenseur du projet de Philharmonie, qui répond à une vraie nécessité. La France est le seul pays d'Europe à ne pas bénéficier d'un équipement de premier plan pour accueillir les orchestres symphoniques étrangers et mettre en valeur ses propres orchestres. La salle Pleyel ne permet pas les répétitions : l'orchestre n'a que deux heures avant le début du concert ! C'est une situation invraisemblable : nous sommes bien loin de Berlin, de Londres ou de Rome, qui s'est dotée de la Philharmonie de Renzo Piano. Il nous faut d'ailleurs une salle à l'acoustique adaptée aux exigences des enregistrements.

Notre politique de la musique repose sur une pyramide de conservatoires, d'écoles, sur une vraie capacité musicale : il manque un lieu de rassemblement pour les présentations importantes, les répétitions, les ateliers. J'étais hier à l'IRCAM, où j'ai été frappé par la qualité de la gestion et des installations. Grâce à cette institution, nous sommes les premiers en Europe pour les musiques acoustiques nouvelles et le travail sur le son. Il nous fallait une offre de cette valeur pour la musique symphonique.

La Philharmonie sera dotée d'une salle de 2 300 places, aux normes les plus exigeantes, mais sera aussi la clé de voûte de toute la politique musicale en France. Nous avons l'un des meilleurs agents culturels en la personne de Laurent Bayle, fin connaisseur de la musique contemporaine, qui dirige déjà la salle Pleyel et la Cité de la Musique de manière remarquable. L'implantation de la Philharmonie dans le parc de la Villette contribuera au désenclavement d'une partie de Paris, sera une ouverture sur la banlieue Nord et s'inscrira dans le projet du Grand Paris.

L'auditorium que construit actuellement la Maison de la Radio servira pour sa part à ses deux orchestres. La salle Pleyel ne devra pas faire concurrence à la Philharmonie et au Théâtre des Champs-Élysées, qui occupe, remarquablement, un créneau particulier. La demande de musique actuelle, de variétés de qualité, de musiques du monde est telle que la rentabilité de la salle Pleyel est assurée : elle a ainsi récemment accueilli la grande chanteuse libanaise Fairouz.

Le projet de Philharmonie a été lancé en 2003-2004, autour d'une opération à trois : État, Ville de Paris et, dans une moindre mesure, région Île-de-France. Vu l'importance du besoin de financement, il y a eu des hésitations, des résistances, des à-coups, et un arrêt il y a deux ans. Cela fut d'autant plus désolant que les travaux de terrassement avaient commencé. Le monde musical, partisan de la création de la Philharmonie, en a été déstabilisé. Nous avons enfin pu obtenir les arbitrages nécessaires et le chantier a repris. En huit ans, l'estimation de coût a été affinée...

M. Jean Arthuis , président . - Plutôt alourdie !

M. Frédéric Mitterrand . - Disons que les coûts ont été calculés au plus précis, sans quoi nous n'aurions pas obtenu les arbitrages...

La méthode de financement a varié, le partenariat public-privé, initialement envisagé, ayant été repoussé par la Ville de Paris. Des crédits ont été mobilisés par le ministère de la culture pour financer la première partie des travaux. Nous demandons au budget de l'État le financement de l'opération, selon le souhait du Président de la République.

M. Jean Arthuis , président . - Avant d'engager des crédits en anticipant l'autorisation parlementaire, il eût été souhaitable de mieux nous informer.

M. Frédéric Mitterrand . - Les autorisations d'engagement ont été votées en 2009 : la loi de finances prévoyait 140 millions.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Cette affaire de Philharmonie ne va-t-elle pas être en concurrence avec la salle Pleyel, la maison de la Radio, qui refait sa grande salle, et le projet de M. Devedjian pour l'île Seguin ?

M. Frédéric Mitterrand . - Je me sens totalement comptable des deniers publics, et n'engagerai pas notre politique culturelle sur la pente de dépenses incontrôlées ! Nous avons besoin d'une Philharmonie pour nous placer au niveau des autres pays européens. La demande de musique est telle que chaque salle pourra fonctionner de façon satisfaisante : la salle Pleyel accueillera ainsi la musique du monde et la variété de qualité, sans empiéter sur le domaine du Théâtre des Champs-Élysées. L'auditorium de la Maison de la Radio est destiné aux deux orchestres maison, dont les concerts ont vocation à être diffusés ou rediffusés. Quant au projet de l'île Seguin, ses contours artistiques ne sont pas encore définis. M. Devedjian a beaucoup fait pour la culture dans son périmètre géographique, par exemple avec les jardins Albert Kahn. Mais les Hauts-de-Seine sont un monde en soi ! La demande y est forte : je ne vois pas en quoi ce projet gênerait la Philharmonie. Celle-ci a vocation d'une part à accueillir les grands orchestres internationaux, d'autre part à être la clé de voute de la politique musicale de notre pays, et, car il ne s'agit pas d'une nouvelle opération centralisée mais d'une occasion d'irradier, à accueillir à Paris nos orchestres régionaux.

M. Jean Arthuis , président . - Notre message est qu'il doit être possible de mieux informer le Parlement : le collectif prévoit un supplément de crédits qui ont déjà été engagés !

M. Frédéric Mitterrand . - Les malentendus, les incompréhensions s'expliquent en partie parce que l'affaire traîne depuis des années. Voyant une fenêtre de tir, j'ai eu tendance à « foncer » !

Le chantier est tenu. Le retard, dû aux intempéries des deux derniers hivers, n'est que de quelques semaines. Le chantier sera terminé, comme prévu, début 2014.

M. Yann Gaillard , rapporteur spécial . - J'en viens à la question récurrente de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), dont je suis un défenseur depuis des années, mais qui est fort mal vu des collectivités locales. L'INRAP traverse depuis des années d'importantes difficultés financières. Après un nouveau secours budgétaire de 8 millions d'euros en 2010, 12 millions ont été redéployés et reportés à son bénéfice en 2011, et le collectif prévoit une nouvelle ouverture de 8 millions d'euros. Bref, il faut réformer la redevance d'archéologie préventive (RAP) mais comment ? Faut-il élargir l'assiette, abaisser le seuil, augmenter le taux ? Faut-il l'adosser à quelque chose de plus solide, comme la nouvelle taxe d'aménagement ? On ne s'en sortira pas tant qu'on n'aura pas solidifié le système.

M. Jean Arthuis , président . - Quand la RAP touche des contribuables modestes, la main qui tient la sébile devient hésitante...

M. Frédéric Mitterrand . - Comme vous tous, je suis un farouche défenseur de l'idée de l'INRAP. L'opinion est sensible à l'importance de sa mission et à la qualité de son travail. Qui croyait que l'on ferait de telles découvertes à Pontchartrain, par exemple ? C'est grâce à l'INRAP que nous avons trouvé ce merveilleux buste de Jules César, ou la statue d'Aphrodite dans le Rhône, que j'ai fait acheter par des mécènes privés ; ses découvertes enrichissent considérablement les collections nationales. Des entreprises privées se sont développées, souvent animées par des anciens de l'INRAP, et parfois plus performantes en matière de délais.

Des fouilles ne sont effectivement prescrites par l'INRAP que dans 8 % des cas, mais elles représentent indéniablement une contrainte pour les collectivités et les aménageurs. Retards, coûts, chantiers laissés en l'état : mon parapheur contient chaque jour trois ou quatre réponses à des plaintes. Sous-capitalisé, l'INRAP manque cruellement d'argent : sa trésorerie est faible, son fonds de roulement nul, voire négatif. Étant donné l'importance de ses missions, l'INRAP vit à la petite semaine. J'ai reçu son président, M. Jacob, et son directeur, M. Roffignon, qui se disent confiants dans l'avenir, vu l'importance des découvertes archéologiques, et attristés par les retards dus aux délais d'expertise ou de règlement des fournisseurs.

Le ministère arrive encore à combler les trous, à payer les salaires, mais ce n'est pas satisfaisant : il faut en effet régler le problème une fois pour toutes. Une solution serait de revoir la taxe sur laquelle est adossée la redevance. Mais la décision ne dépend pas que de mon ministère...

M. Jean Arthuis , président . - Nous avons voté dans la loi de finances pour 2011 un dispositif qui simplifie les redevances d'aménagement. Pourquoi ne pas y inclure la RAP ? Si nous déposions un tel amendement dans le collectif, le Gouvernement y serait-il favorable ?

M. Frédéric Mitterrand . - En ce qui me concerne, oui. Un rapport de l'Inspection des finances préconise d'ailleurs cette solution, qui devrait convenir aux collectivités locales.

M. Claude Belot , rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industrie culturelle » . - Président du conseil général de la Charente-Maritime, j'avais créé un service d'archéologie préventive, avec un système de comptabilité analytique pour en connaître le coût exact : il apparaissait que le prix de revient des fouilles était moins important que celui payé par les communes bénéficiaires... Cela me semblait anormal et j'avais attiré là-dessus l'attention de l'un de vos prédécesseurs. Quel est le prix de revient réel du service rendu par l'INRAP ?

M. Frédéric Mitterrand . - Vous avez de la chance... Je connais Jonzac et nous savons les beautés des Charentes, leur patrimoine, visible et invisible, exceptionnel. Je salue le fait qu'un élu de votre importance ait pris en compte cette donnée essentielle, avec un souci légitime de bonne gestion. Nous ne sortirons pas l'INRAP de ses difficultés sans demander de fortes contreparties en matière de gestion. J'ai indiqué à ses dirigeants que nous allions revoir en profondeur le fonctionnement de l'Institut et ses critères d'évaluation. Autant je souhaite sécuriser le fonctionnement de l'INRAP, autant ses méthodes doivent être clarifiées. Soyez assurés que nous y travaillons. Cependant, l'INRAP étant fortement syndicalisé, il faut sur-expliquer chaque mouvement pour le faire accepter par toute l'institution...

M. Jean Arthuis , président . - Il y a sûrement de bonnes pratiques à développer. L'archéologie préventive peut facilement devenir très populaire. Mais les DRAC tendent à systématiser les fouilles, et les pelleteuses ont vite fait de transformer un terrain en véritable Verdun... Cela donne une très mauvaise image de l'archéologie préventive, et engendre des coûts inutiles. Il faudrait être plus sélectif dans le choix des fouilles.

M. Frédéric Mitterrand . - Ainsi du château de Blérancourt, institution franco-américaine à une vingtaine de kilomètres de Compiègne. Ce site superbe bénéficie d'un important mécénat américain ; lorsque de sa rénovation, il y a quelques années, l'INRAP a entamé des fouilles qui ont mis au jour des soubassements mérovingiens. Mais il a laissé derrière lui un véritable Verdun, au désespoir des mécènes américains... Dès mon arrivée, j'ai porté le fer contre ces pratiques que je réprouve. Elles ne se reproduiront plus.

M. Yann Gaillard , rapporteur spécial . - Ce n'est pas l'INRAP qui a trouvé le buste de César, mais le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm). J'ai d'ailleurs signé un rapport sur archéologie subaquatique et sous-marine, qui s'interroge notamment sur la méthode de financement de l' André-Malraux ...

M. Frédéric Mitterrand . - Le précédent bateau du Drassm était obsolète. Les coûts de fonctionnement de l' André-Malraux seront moindres ; il sera affecté deux cents jours par an à la recherche, et cent jours à des entreprises privées (elles ont déjà présenté leurs demandes). Il n'y aura pas de surprises.

M. Jean Arthuis , président . - Pour encourager le téléchargement légal, le ministère de la culture a lancé en 2010 la Carte musique, qui consiste à subventionner le téléchargement de musique par les jeunes de 12 à 25 ans, dans la limite d'un plafond de 50 euros par personne et par an. Cela est fort sympathique. 18 millions d'euros d'autorisations d'engagement ont été engagées en 2010 et les paiements doivent intervenir en 2011. Pourquoi ces crédits n'ont-ils pas été inscrits en loi de finances initiale ? Comment contrôler effectivement l'âge des bénéficiaires, et n'y a-t-il pas des risques de dérapage ?

La musique, c'est le Luxembourg ! Non seulement la TVA y est de 15 %, mais le Luxembourg bénéficie d'une dérogation lui permettant de la conserver jusqu'en 2015. Tous les opérateurs de musique se sont donc installés au Luxembourg. Cette Carte musique, c'est un cadeau pour le Grand Duché !

M. Frédéric Mitterrand . - Les grands duchés sont propices à la musique, on le sait bien depuis la Grande duchesse de Gerolstein. Je me bats à Bruxelles pour l'harmonisation de la fiscalité sur l'offre musicale. Et je ne parle pas de Google, installé en Irlande...

M. Jean Arthuis , président . - Et surtout aux Bermudes ! Google est un chef d'oeuvre d'optimisation fiscale !

M. Frédéric Mitterrand . - La Carte musique s'appuie sur l'offre musicale de plateformes françaises comme la Fnac, Orange ou Deezer.

La Carte musique a pâti de son ergonomie trop complexe. Nous avons trouvé le moyen de la simplifier, tout en évitant les fraudes à l'âge. La carte sera également attribuée sous forme physique. Cela va-t-il marcher ? Je l'espère. Faciliter l'accès des jeunes à l'offre légale est une très belle idée. Nous avons le soutien de l'industrie : la plupart des plateformes ont modulé leur offre.

Le financement de la Carte, qui dépend du programme « Création », relèvera désormais de l'action « Industries culturelles », ce qui sera plus clair pour vous.

M. Jean Arthuis , président . - Les 18,87 millions devant être réglés en 2011 ont été pris en charge par redéploiement - nous avons parlé tout à l'heure de la dotation de la Philharmonie... Voilà une démarche perfectible.

M. Frédéric Mitterrand . - C'est pourquoi, désormais, c'est la direction des industries culturelles qui s'en occupera. Je m'y engage.

M. Jean Arthuis , président . - Nous en prenons acte.

Vous verrez que, pour le livre numérique, tout se fera au Luxembourg.

M. Yann Gaillard , rapporteur spécial . - La Commission européenne estime qu'il s'agit d'un service...

M. Jean Arthuis , président . - ... mais c'est aussi, accessoirement, un bien culturel.

M. Claude Belot , rapporteur spécial . - Dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat au titre de l'exercice 2010, la Cour des Comptes souligne le risque d'insoutenabilité des dépenses auquel sont exposés les programmes « presse » et « action audiovisuelle extérieure » de la mission « Médias ». Cette crainte vous paraît-elle fondée ?

M. Frédéric Mitterrand . - A priori , toutes les observations de la Cour des comptes sont dignes de considération. Il faut bien comprendre que la presse et l'audiovisuel extérieur sont tous deux en pleine révolution.

La réforme de l'audiovisuel extérieur de la France a permis de rassembler Radio France Internationale (RFI), France 24 et TV5 Monde, même si celle-ci est plus difficile à contrôler puisque l'Etat n'en est pas actionnaire majoritaire et qu'il faut donc tenir compte des partenaires francophones. Dans l'ensemble, cette réforme fonctionne. Malgré les contraintes géographiques et la nécessité de gérer un climat social complexe, les réussites sont évidentes. Parmi ces succès, on peut citer la façon dont France 24 a réussi à s'installer et à accompagner les révolutions arabes, au point de se hisser au niveau d'Al-Jazira, la CNN arabe qui dispose depuis dix ans d'une légitimité incontestable - même si elle peut être suspectée sur certains points.... Qui aurait dit cela il y a trois ans ? Avec ses éditions en français, en arabe et en anglais, cette chaîne a fait la preuve de sa capacité de travail.

De même RFI, laissée en déshérence depuis de longues années, n'était plus adaptée à ses missions, notamment à sa diffusion préférentielle vers l'Afrique. Songez qu'il n'y avait pas d'émissions en swahili alors qu'il y en avait en polonais, pour un nombre très faible d'auditeurs dans ce pays. La réforme a donc considérablement amélioré le périmètre et les fonctions de RFI, provoquant un premier plan social, puis un second qui est encore en cours, ce qui a alourdi le climat social. Toutefois, la mutualisation nécessaire des moyens est acceptée par les deux rédactions de RFI et de France 24 sur le plan des principes, et se traduira par le déménagement de RFI dans les locaux de France 24. Cette montée en puissance - je fais ici abstraction des conflits de personnes à la direction de France 24 et des difficultés sociales à RFI - s'est traduite par une demande de financement plus important. Nous serrons les cordons de la bourse autant que possible, et j'ai demandé à l'Inspection générale des finances d'établir un vrai tableau des besoins de France 24 et de notre audiovisuel extérieur en général. En effet, nous n'avons pas encore, pour France 24, de plan stratégique parce que le contrat d'objectifs et de moyens (COM) est encore en cours d'élaboration, faute d'éléments d'information suffisants. Les inquiétudes de la Cour des comptes sont donc légitimes, et mes réponses à vos questions ne peuvent être qu'encore partielles. Il me faudra, pour être complet, disposer des conclusions de l'Inspection générale des finances, que l'on devrait me remettre à la fin du mois.

M. Claude Belot , rapporteur spécial . - France 24 a réalisé l'interview d'une soi-disante ambassadrice démissionnaire...

M. Frédéric Mitterrand . - Sans me faire plus malin que je ne suis, il suffisait pourtant d'entendre l'interview de la fausse ambassadrice de Syrie en France : la véritable ambassadrice, que je connais, parle sans accent et ne roule pas les « r ». Se faire piéger est anormal et prouve qu'il y a encore du travail à faire.

M. Claude Belot , rapporteur spécial . - Mais où en est-on avec la direction de France 24 ?

M. Jean Arthuis , président . - L'actionnaire devrait prendre ses responsabilités !

M. Frédéric Mitterrand . - L'actionnaire prendra ses responsabilités, lorsque je disposerai du rapport de l'Inspection générale des finances. Je ne souhaite pas ici m'enferrer dans des conflits de personnes qui ont déjà fait tant de mal à cette chaîne. Nous ne pourrons prendre de décisions crédibles que lorsque nous connaîtrons le véritable état de France 24, c'est-à-dire d'ici une quinzaine de jours.

M. Jean Arthuis , président . - Le spectacle actuel est désolant !

M. Frédéric Mitterrand . - Ce n'est pourtant pas faute d'avoir tenté, pendant des mois, de remettre tout le monde sur les rails. Mais on se serait cru dans une série américaine sur les couples en difficulté. Et cela se passait dans le bureau ministériel ! J'en étais surpris (c'est mon côté romanesque) et désolé (c'est mon côté contribuable), et davantage encore en tant que ministre. Mais tout cela va être réglé !

M. Claude Belot , rapporteur spécial . - Lors de la discussion budgétaire, en décembre dernier en séance publique, je vous avais demandé d'y mettre de l'ordre le plus vite possible. Je constate que cette décision tarde à venir...

M. Frédéric Mitterrand . - On va trancher très vite ! Mais je veux traiter cela comme un problème de gouvernance, et non comme un conflit de personnes.

M. Claude Belot , rapporteur spécial . - La presse écrite est plus tranquille ...

M. Jean Arthuis, président . - Qu'en est-il de la réforme de l'Agence France Presse (AFP) ?

M. Frédéric Mitterrand . - Celle-ci comprend deux axes : la révision de la composition du conseil d'administration ; la possibilité d'avoir accès aux informations de l'Agence sans passer par un grand organisme d'information. Sur ces deux points, il y a une forte résistance de la presse. Emmanuel Hoog a donc décidé de proposer une réforme moins ambitieuse qui permettra tout de même de progresser. Le texte de loi vous sera présenté dans quelques jours par votre commission de la culture.

M. Jean Arthuis , président . - Il n'est pas encore inscrit à l'ordre du jour !

M. Frédéric Mitterrand . - Le président Legendre a réfléchi au sujet ; lors de notre dernier entretien, nous avons plutôt parlé des manuscrits de Robespierre - j'aimerais que le Sénat fasse un effort... En tout cas, la réforme de l'AFP est, comme on dit familièrement, dans les tuyaux. Personnellement, je souhaitais que le texte soit inscrit à l'ordre du jour avant la fin de cette session. Ce sera donc pour l'automne.

M. Jean Arthuis , président . - Il semble que, sur la gouvernance, la concertation interne n'ait pas été menée au meilleur niveau....

M. Frédéric Mitterrand . - L'AFP est une maison où déménager un ordinateur, même portable, du deuxième au quatrième étage est plus compliqué encore que de refermer le chantier du château de Blérancourt. Emmanuel Hoog est un homme de grand courage...

M. Claude Belot , rapporteur spécial . - Il y a quelques années j'avais effectué sur l'AFP un contrôle sur pièces et sur place dans des pays lointains. L'efficacité des équipes que j'y avais rencontrées contrastait totalement avec la pétaudière qui régnait alors au siège. J'avais compris que c'était une superbe entreprise dès lors que ses membres n'étaient plus dans le marigot du siège. Est-ce toujours la réalité ? En matière de comptes, les centres de profit se situaient à l'extérieur, en Asie ou dans le Pacifique par exemple, alors qu'à Paris, on constatait de nombreuses difficultés.

M. Frédéric Mitterrand . - Je ne voudrais pas m'engager sur ce terrain là, car je ne souhaite pas porter de jugement en tant que ministre. Il est certain que la gouvernance de l'AFP n'est pas chose facile. Il m'est arrivé d'être à Mayotte et d'y avoir donné réponse à un problème particulier. Une heure après, cette réponse, transmise par le correspondant local de l'Agence, était dans tous les médias - son bureau n'est pourtant pas le New-York Herald Tribune ! Quelle perspicacité et quelle formidable efficacité chez les correspondants locaux ! Je ne nourris aucun doute sur la pertinence du travail de l'AFP. Il se pose un problème de gouvernance qu'Emmanuel Hoog est la personne la mieux à même de résoudre. Il mène ce grand combat. Cela dit, si le président Legendre préfère en discuter à l'automne, c'est sans doute à cause des réticences de certains patrons de presse.

M. Claude Belot , rapporteur spécial . - Courage !

M. Frédéric Mitterrand . - Cela va aller.

M. Claude Belot , rapporteur spécial . - Et la presse écrite ?

M. Frédéric Mitterrand . - Elle connaît une gigantesque révolution avec le numérique, mais aussi une concurrence accrue avec internet et une profonde modification de ses mécanismes de composition. En même temps, je suis certain que le plan de soutien à la presse papier conserve toute sa pertinence. L'apport, génial, d'internet, ne supprimera jamais totalement le besoin de médiation auquel la presse écrite répond physiquement avec le journal et par sa formule même. La presse régionale fournit des informations sans équivalent et indispensables au lien social. La presse papier, facteur d'éducation républicaine et de vie en communauté, est appelée à subsister et même à progresser.

Le plan de soutien est donc tout à fait justifié. Il est quantitativement important et, lorsque je signe les lettres autorisant les soutiens apportés, il arrive que mon stylo tremble - notamment quand il s'agit de l'installation de la presse en ligne - et alors je me surprends à penser : si nous faisons un tel effort, ils doivent vraiment se réformer, il faut que nous en touchions les fruits.

L'aide au portage, qui a augmenté de 4 % cette année, a donné de très bons résultats. De même, l'opération « Mon journal offert » a remporté un incroyable succès : tous les quotas ont été remplis en une semaine et 20 % à 30 % des jeunes, ce qui est énorme, deviennent des lecteurs réguliers.

Nous menons également une réflexion sur le kiosque numérique et sur la manière de rétribuer la presse lorsqu'elle est sur internet. Tout cela, vous le voyez, va dans le bon sens.

Il faut constater que la presse se réforme, y compris avec les inévitables plans sociaux. Personnellement, j'ai beaucoup de respect pour le personnel des messageries de la presse dont le travail est très pénible. En dépit de leur mauvaise réputation, ils travaillent de nuit, sept jours sur sept, et portent de lourds paquets. En même temps, le coût de l'ajustement des effectifs travaillant sur les nouvelles techniques est important... La presse doit continuer à remplir sa mission républicaine et à répondre aux impératifs de qualité et aux prescriptions fondatrices de la loi Bichet. Tout cela nécessite une surveillance accrue des dépenses affectées à la presse. Le rapport Cardoso, véritable charte de bon comportement, nous fournit les bases d'une telle vérification, car il établit un mécanisme de contrôle de l'affection des sommes allouées. J'en avais présenté les conclusions aux responsables des grands journaux dans une atmosphère qui n'était pas particulièrement chaleureuse. « Aidez-nous », nous dit-on, « mais ne contrôlez pas trop »...

M. Jean Arthuis , président . - Les relations financières entre l'État et l'AFP ne suscitent-elles pas des questions à l'Agence, et les abonnements de l'État ne constituent-ils pas une aide à la presse ?

M. Frédéric Mitterrand . - L'État concourt à hauteur de 40 % au financement de l'AFP, à travers ses abonnements.

M. Jean Arthuis , président . - Cela représente de l'ordre de 113 millions d'euros. Quel est le statut juridique de L'AFP ? Fonctionne-t-elle comme une coopérative ?

M. Frédéric Mitterrand . - C'est une construction sui generis très complexe, qui avait suscité l'interrogation de Bill Gates lors de sa visite en France. En effet, elle n'a pas de fondement juridique et il est très difficile de s'y attaquer. Je risquerai une comparaison avec la Villa Médicis, dont un architecte me disait qu'elle ne tenait « que par la force de l'habitude », lorsque j'y avais pris mes fonctions. Il faut donc revoir toute la structure juridique de l'AFP, mais on ne peut le faire que pas à pas. Toutes les précédentes tentatives de réforme ont échoué. Je fais confiance à Emmanuel Hoog pour réussir. Les abonnements de l'État à l'AFP représentent la contrepartie du service rendu par celle-ci. J'avoue avoir du mal à répondre à la question de savoir s'il s'agit d'une aide directe à la presse.

Mme Catherine Morin-Desailly , rapporteur pour avis de la mission « Médias, livre et industries culturelles » au nom de la commission de la Culture . - Où en est le contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions ? Un dépôt tardif nous priverait de notre mission de contrôle, car nous n'aurions pas le temps de l'examiner avant la fin de la session parlementaire.

M. Frédéric Mitterrand . - Nous devrions en disposer dans les prochains jours, ainsi que celui d'Arte. Lorsque Rémy Pflimlin a pris la présidence de France Télévisions, il s'est trouvé confronté aux difficultés du groupe et à la nécessité de renforcer l'identité de chaque chaîne et d'enrayer la chute d'audience, notamment celle de France 3, due à la concurrence de l'offre des chaînes de la Télévision Numérique Terrestre (TNT). Il fallait mener une réflexion sur la diversité, l'accès à la musique, les programmes culturels. Tout cela a pris du temps, ce qui explique pourquoi l'élaboration du nouveau COM a pris du retard. Il en va de même pour Arte, qui a également changé de présidence.

M. Jean Arthuis , président . - Merci beaucoup, monsieur le ministre, de nous avoir consacré du temps et d'avoir répondu à nos questions.

M. Frédéric Mitterrand . - Je vous remercie également : cet exercice m'est très utile ; il m'aide à réfléchir à ma mission.

AUDITION DE M. FRANÇOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET,
DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE
ET DE LA RÉFORME DE L'ETAT

Réunie le jeudi 23 juin 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'audition de M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010, et sur le rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques (DOFP).

M. Jean Arthuis , président . - En raison du programme serré de notre commission, cette audition de M. Baroin a lieu en même temps que la lecture des conclusions de la CMP sur le projet de loi relatif à la bioéthique.

Monsieur le ministre, merci de nous rejoindre. Quelle est votre appréciation sur le projet de loi de règlement et, en conséquence, comment imaginez-vous le débat d'orientation des finances publiques pour 2012 ?

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement . - Notre débat d'orientation des finances publiques va marquer une étape importante. Il est l'occasion, d'une part, de détailler notre stratégie pour les trois années à venir et, d'autre part, de confirmer la politique volontariste de maîtrise des finances publiques engagée, en particulier depuis 2011. Si les résultats sont meilleurs que prévu en 2010, les cicatrices de la crise sont profondes et durables. Le budget est exigeant et il n'est pas question de s'éloigner de notre trajectoire car il est primordial de tenir l'engagement intangible d'un déficit public de 2 % en 2014.

Pour commencer, un élément positif : le déficit public pour 2010 est estimé à 7,1 % du PIB en fin d'année, contre des prévisions respectives de 8,5 % et de 7,7 % dans les lois de finances initiales pour 2010 et 2011. Ces améliorations successives s'expliquent par une reprise plus dynamique, le moindre coût de la réforme de la taxe professionnelle et, surtout, l'effort remarquable consenti par les acteurs de la dépense publique. En effet, celle-ci n'a augmenté que de 0,6 % cette année contre une moyenne de 2,3 % entre 2002 et 2008. Un taux historique qui, compte tenu des masses en jeu, se traduit en des milliards d'économies.

L'État a respecté strictement le plafond autorisé et la norme de dépense en 2010, bien que l'inflation ait atteint 1,5 %, contre une prévision de 1,2 %. Cela représente une moindre dépense de 1 milliard environ. Pour la première fois depuis 1997, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), fixé à 3 %, a été tenu. Il est de 2,9 % en 2011 et de 2,8 % les deux années suivantes.

Les collectivités locales ont également participé à cet effort en modérant leurs investissements.

Les recettes budgétaires, quant à elles, ont progressé de plus de 16 % par rapport à 2009. Hors programme d'investissements d'avenir et plan de relance, la dépense s'établit à 352,5 milliards pour un plafond fixé à 352,6 milliards.

Pour 2010, la Cour des comptes a certifié les comptes de l'État avec sept réserves, contre neuf l'année précédente : nous progressons en matière de transparence et de qualité des comptes publics.

J'en viens à notre stratégie pour la période 2011-2014 : maîtrise durable de la dépense publique et réformes porteuses de croissance. Le Gouvernement sera au rendez-vous des engagements pris : ramener le déficit public au seuil de 3 % en 2013. Pour y parvenir, nous avions fixé un calendrier clair à l'automne dernier : 6 % du PIB en 2011 et 4,6 % en 2012. La conjoncture étant plus favorable, nous tablons désormais sur un déficit de 5,7 % fin 2011 - le Premier président de la Cour des comptes évoquait 5,9 % à la fin du premier semestre. En revanche, nous maintenons la prévision de 4,6 % pour l'année suivante en raison de la légère baisse de l'hypothèse de croissance pour 2012 : fixée à 2,5 % dans la loi de programmation, elle passe à 2,25 % dans le programme de stabilité soumis à la Commission européenne. Nous y croyons puissamment.

J'ai confiance en notre hypothèse d'une croissance de 2 % cette année. Fin août, à la demande du Président de la République, nous avions révisé le taux initial de 2,5 % ; des conjoncturistes évoquaient un taux de 1,6 %, mais aujourd'hui, le FMI et l'OCDE tablent respectivement sur 2,1 % et 2,2 %. Notre principal souci est de ne pas casser une croissance encore convalescente car, en définitive, la reprise de l'activité est la meilleure réponse à apporter aux populations les plus fragiles et les plus exposées à la crise. Au total, nous demeurons en ligne avec la loi de programmation.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2012 respectera strictement le budget triennal, preuve que ce dernier n'est pas cosmétique, pas plus que la norme « zéro valeur » hors dette et pensions - soit une stabilisation en euros courants des crédits et des prélèvements sur recettes qui sont fixés, en conséquence, à 275,6 milliards pour 2012 -, et la norme « zéro volume » - soit une augmentation annuelle au plus égale à l'inflation sur le périmètre de la norme élargie, ce qui correspond à 363,3 milliards. C'est d'ailleurs la plus contraignante des deux règles qui nous sert de référence. En outre, le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux se traduira par 30 400 suppressions de postes en 2012, un effort comparable aux années précédentes. Pour la première fois, les dépenses de personnel de l'État baisseront en valeur de près de 250 millions. Un tournant historique ! L'objectif triennal de réduction des dépenses de fonctionnement et d'intervention de 10 % se concrétisera par un effort global de 2,5 % en 2012, après 5 % en 2011. Enfin, comme l'an passé, les concours de l'État aux collectivités locales, à l'exception du Fonds de compensation de la TVA, seront stabilisés en valeur.

Grâce à la réforme des retraites, les dépenses des autres administrations de sécurité sociale seront également contenues. La dynamique des prestations vieillesse devrait significativement ralentir au cours des prochaines années : 1,8 % en moyenne annuelle entre 2012 et 2014, contre 2,8 % en 2010 et 2011.

Sur les recettes, le Gouvernement s'est engagé à ne pas procéder à une augmentation généralisée des impôts, à réformer la fiscalité du patrimoine sans que cela affecte les recettes de l'État, et à poursuivre la suppression des niches fiscales qui ne se justifient plus ou peu. Enfin, l'évolution des recettes reflétera la reprise de l'activité.

M. Jean Arthuis , président . - Merci de ces propos éclairants et encourageants, de cette vision confiante et optimiste des perspectives budgétaires en réponse aux observations alarmistes du Premier président de la Cour des comptes. Hier matin, en présentant le rapport de la Cour, celui-ci soulignait la montée en puissance d'une dette qui pourrait vite devenir une dette perpétuelle. Or le surendettement d'un Etat, ce dont la Grèce porte témoignage, peut aliéner lourdement son indépendance nationale. A cet égard, la France a pris des engagements. Et nous sommes nombreux, au sein de la commission des finances, à souhaiter un accord à Bruxelles pour sauver ce pays. A défaut, nous nous trouverions rapidement dans une situation périlleuse. Le laxisme a prévalu jusqu'alors, ce dont nous sommes responsables collectivement. Chacun savait que les Grecs trichaient... À ce propos, comment comptez-vous améliorer l'information du Parlement sur les engagements hors bilan ? Nous devons avoir une vision claire de cette partie intégrante des comptes publics pour mesurer les risques encourus en cas de sinistre et de défaut de paiement.

Je m'en tiendrai à quelques questions en commençant par la maîtrise des dépenses de fonctionnement et d'intervention. À la suite des conférences sur le déficit public au printemps 2010, le président de la République avait fixé l'objectif d'un abattement de 10 % en trois ans, soit 110 milliards. Un exercice dont nous avons mesuré toute la difficulté dès la loi de finances initiale pour 2011 : nous sommes plutôt à 0,5 % et, dans le meilleur des cas, à 1 %. Comment comptez-vous y arriver ? Quels guichets ciblez-vous ? L'aide personnalisée au logement et l'allocation aux adultes handicapés sont extrêmement sensibles...

En 2010, nous avons observé un rebond significatif des recettes fiscales : 39,3 milliards. Pour autant, seuls 8,6 milliards sont imputables à la croissance spontanée. En outre, les mesures nouvelles continuent de grever les recettes de 1,6 milliard. Avez-vous prévu des dispositions pour reconstituer la substance fiscale de l'Etat dans la loi de finances initiale pour 2012 ?

Pas moins de 11 missions sur 29 enregistreront des crédits supérieurs aux plafonds du budget triennal en 2012. Ces dépassements représentent 1,2 milliard, dont 400 millions sont imputables à des dépenses de guichet, l'hébergement des demandeurs d'asile par exemple. Réformerez-vous certains de ces guichets dans la loi de finances pour 2012 ? Si oui, lesquels ? Quelles économies escomptez-vous en tirer ?

De 1978 à 2009, la dépense publique a augmenté de 12 points du PIB, dont 7 sont imputables aux prestations sociales et 1,1 point seulement aux dépenses de fonctionnement des administrations publiques, rémunérations comprises. Dans ces conditions, tout ajustement d'ampleur de la dépense ne passe-t-il pas par la baisse des prestations sociales ?

Enfin, les économies liées au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ont donné lieu à quelques déconvenues. Nous avons encore en mémoire le décret d'avance de la fin 2010... En 2010, ces économies, soit 808 millions d'euros, ont été absorbées presque aux deux tiers par des mesures catégorielles. Et du côté de l'Education nationale, des corrections « techniques » ont conduit à majorer de 20 000 emplois le plafond ministériel en projet de loi de finances pour 2011. Le même phénomène se reproduira-t-il en 2012 ? Quel est votre sentiment sur la difficulté à avoir une image précise des effectifs de la fonction publique ?

M. François Baroin . - Les engagements hors bilan recouvrent notamment l'aide à la Grèce. Je suis entièrement disposé, sous une forme qu'il vous revient de définir, à vous communiquer en temps réel les chiffres précis, des prêts à la Grèce, qui n'entrent pas dans le solde maastrichtien.

M. Jean Arthuis , président . - Les engagements de retraite font également partie du hors bilan...

M. François Baroin . - Je suis très attaché à la transparence ; le Gouvernement est à la disposition du Parlement, selon des modalités que votre commission des finances déterminera.

Le Premier ministre, dans ses lettres-plafonds, a rappelé les objectifs du triennal pour la maîtrise des dépenses de fonctionnement et d'intervention : une réduction de 5 % en 2011, puis de 2,5 % les deux années suivantes. Nous respectons les plafonds fixés en prenant les mesures qui s'imposent, notamment en gelant les crédits. Dès le premier semestre, nous avons réalisé de nombreuses économies qui iront augmentant. Je pense à la suppression des niches sur les particuliers employeurs, les « 15 points », qui ont fait l'objet d'un débat tonique et à propos desquels j'ai reçu un volumineux courrier. Nous avons assumé cette mesure.

M. Jean Arthuis , président . - Sauf erreur de notre part, sur le fonctionnement, la baisse a été plutôt de 0,5 % en 2011, et non de 5 % dans la loi de finances initiale pour 2011...

M. François Baroin . - L'objectif d'une baisse de 10 % est triennal. Pour avoir occupé ces fonctions ministérielles, vous savez combien les arbitrages sont difficiles et les discussions de Bercy denses avec les autres ministères. Car nous tapons dans le dur ! Mais nous n'avons pas d'autre choix.

Vous m'interrogez sur les mesures les plus douloureuses et les plus difficiles : l'aide personnalisée au logement et l'AAH. J'avais fait des propositions au Sénat en ce sens l'été dernier. Depuis, le Président de la République a tranché : nous devons tenir nos engagements envers ces publics que la crise a fragilisés. D'où la modification dans la construction du budget triennal. Sincèrement, je doute que nous nous réengagions sur ce terrain en fin de législature. En revanche, nous supprimerons 3 milliards de niches fiscales - du jamais vu ! -, en sus des 11 milliards. Avec un déficit ramené à 5,7 %, il n'est pas nécessaire d'accélérer le mouvement. Nous verrons si vous souhaitez faire plus dans les débats. Dans tous les cas, ce ne sera pas simple : j'ai encore en mémoire la seconde délibération à l'Assemblée nationale...

M. Jean Arthuis , président . - Les niches à effet budgétaire immédiat sont peu nombreuses : la TVA et le crédit d'impôt recherche. Celles portant sur l'impôt sur le revenu se font sentir l'année suivante...

M. François Baroin . - Exact ! Raison pour laquelle nous avons tapé fort l'an dernier. Le bénéfice de la suppression des 15 points d'exonération de cotisations sociales pour les aides à domicile représente non seulement, si ma mémoire est bonne, 500 millions cette année, mais aussi chacune des années suivantes...

M. Philippe Marini , rapporteur général . - C'est curieux : depuis cette décision, le monde ne s'est pas écroulé !

M. François Baroin . - Certes ! Mais j'ai eu droit au goudron et aux plumes ! J'ai reçu, monsieur le rapporteur général, tous les courriers qui vous étaient adressés...

S'agissant des dépassements observés sur 11 missions, la loi de finances initiale pour 2012 s'inscrira pleinement dans le budget triennal sans proposer de mesures supplémentaires puisque, je n'y reviens pas, le déficit est déjà de 5,7 %. Nous prendrons les mesures nécessaires dans le collectif pour financer les dépenses imprévues - je pense à l'affaire des frégates - en redéployant les moyens à l'intérieur des plafonds fixés. J'en prends l'engagement devant vous.

Une action sur le périmètre social ? Nous faisons peser l'essentiel de l'effort sur les dépenses d'assurance maladie. Limiter l'ONDAM à 3 % en 2010 était, nous disait-on, impossible. Pourtant, nous y sommes parvenus. Je suis donc confiant sur sa réduction à 2,9 % en 2012 et à 2,8 % en 2013. La tâche sera rude, mais nous n'avons pas d'alternative. Au reste, je m'étonne de ce discours schizophrène, que ne tient évidemment pas votre commission, et qui consiste à soutenir la politique de maîtrise de la dépense tout en souhaitant l'alignement des crédits sur ceux du passé.

Enfin, le principe du « un sur deux ». La crise, additionnée au débat sur les retraites, a probablement poussé des agents à différer leur départ. En revanche, la montée en puissance de la réforme des retraites - nous le constatons dès à présent - incite les fonctionnaires à partir. Nous appliquerons le principe du « un sur deux » en nous fondant sur les départs effectifs. Les économies attendues sont de 7 milliards d'économies entre 2007 et 2012, en tout 15 milliards dès la deuxième vague de la RGPP en 2014. Cette politique s'est accompagnée d'un retour indiciaire plus ou moins élevé selon les départements ministériels, mais de 50 % en moyenne. En tout état de cause, grâce aux mesures individuelles, et malgré le gel du point d'indice, le pouvoir d'achat des fonctionnaires a progressé de 2,9 % à 3,5 %. Le « un sur deux » n'est pas négociable ; nous tiendrons bon.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Très bien !

Tout d'abord, une observation sur le cadrage budgétaire. Les hypothèques non financées pèsent déjà lourdement sur l'exécution du budget pour 2011 : 460 millions pour la garantie donnée à Thales, des mesures agricoles sans doute voisines du milliard et des dépenses supplémentaires pour les opérations extérieures. Car plus de troupes signifie mécaniquement plus de dépenses... En outre, de l'invention ingénieuse de la prime sur la valeur ajoutée résultera une perte de recettes pour 2012. La liste n'est pas exhaustive... Vous connaissez enfin notre prudence sur la prévision de croissance. Puisse la préparation de l'année budgétaire 2012 se bâtir dans le respect de l'esprit communautaire, comme nous l'a rappelé la Commission par une recommandation de recommandation. Bref, la préparation des documents budgétaires pour l'année prochaine et de la loi de finances rectificative en fin d'année ne sera pas de tout repos. Nous serons évidemment à vos côtés, mais pouvez-vous nous dire quelles sont les pistes que vous privilégiez pour quitter l'état actuel d'apesanteur dans lequel nous baignons pour retomber sur nos pieds ?

Quid du besoin de financement des primes d'épargne logement, au sein de la mission « Engagements financiers de l'Etat » ? Ce besoin serait fortement revu à la baisse. M. Fourcade s'en étonne : d'après ses travaux de contrôle en 2010, des générations de plan d'épargne logement arriveront à échéance en 2011 et en 2012, ce qui entraînera d'importantes dépenses budgétaires. Le Gouvernement ne serait-il pas tenté de reconstituer sa dette à l'égard du Crédit foncier de France aussitôt après l'avoir résorbée ? Cette question est significative car c'est grâce à cette économie - à mes yeux, encore virtuelle - qu'est respectée la règle du zéro valeur.

M. François Baroin . - Des mesures en cours d'exercice ? Il y en a toujours eu. Cette année, l'épilogue regrettable de l'affaire des frégates coûtera 460 millions à l'Etat. La nouvelle étant intervenue la veille de l'examen du collectif budgétaire à l'Assemblée nationale, nous avons dû, par un effet d'optique, porter cette somme en aggravation du déficit. Nous verrons comment, dans le projet de loi de finances rectificative, trouver les économies nécessaires pour ne pas impacter le déficit.

Chiffrer les mesures agricoles paraît prématuré. Nous serons très probablement en deçà du milliard. Nous en saurons davantage après la moisson des céréales et des oléoprotéagineux. En moyenne, les chiffres sont de 30 à 40 quintaux par hectare en moins ; dans ma région, ils sont plutôt de l'ordre de 60 à 65 quintaux.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Bref, une baisse de 15 % à 20 % des rendements !

M. François Baroin . - Cela étant, la montée en épi a été plus précoce... La sécheresse a également affecté l'élevage en avril et mai. Nous avons prévu 300 millions d'exonérations de taxes foncières ainsi qu'un dispositif de prêts-relais et d'accompagnement, au niveau européen, du non-versement de paiements obligatoires, soit un montant plutôt compris entre 650 et 700 millions.

Enfin, s'agissant des opérations extérieures, les besoins supplémentaires seront financés par redéploiement. Le président de la République a annoncé la réduction de la voilure de l'opération Licorne en Côte d'Ivoire, ce qui représente une source d'économie importante. Là encore, nous respecterons la norme « zéro valeur », ce qui est l'essentiel.

La prime envisagée vise effectivement à mieux répartir la valeur ajoutée avec les salariés. Nous souhaitons rester strictement dans le périmètre des dividendes. Or ceux-ci représentent ce qui reste quand tout a été payé. La décharge de cette prime à concurrence de 1 200 euros, a priori , ne coûte pas d'argent à l'Etat, non plus qu'à la sécurité sociale. Nous faisons le pari vertueux d'une augmentation de la valeur, que nous retrouverons dans la consommation.

Quant au taux de croissance, le passé récent plaide pour le Gouvernement : nous avons révisé le taux à 2 % en août par souci de sincérité budgétaire quand tous les conjoncturistes prédisaient un taux de 1,6 %. Le FMI et l'OCDE prédisent respectivement 2,1 % et 2,2 %. Toutes les recettes supplémentaires seront affectées au désendettement, je m'y engage.

Enfin, j'ai répondu au président Arthuis sur les engagements financiers de l'Etat...

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Tel un saint Thomas budgétaire, nous voulons voir pour croire : la baisse du financement des primes d'épargne logement ne risque-t-elle pas de se transformer en hypothèque ?

M. François Baroin . - La baisse est de 300 millions en 2011 ; 350 millions en 2012. C'est une estimation technique qui tient compte des effets de la réforme du plan d'épargne-logement, encore difficile à cerner. De toute façon, nous ne reconstituerons pas de dette auprès du Crédit foncier de France.

M. Roland du Luart . - Le Parlement doit effectivement être tenu informé du coût de la solidarité vis-à-vis de la Grèce, je me réjouis de votre déclaration en ce sens. Pour 2012, quelle hypothèse retenez-vous pour les taux d'intérêt ? Si les taux remontent, l'équilibre budgétaire sera menacé...

M. Philippe Adnot . - Oui à la politique de maîtrise de la dépense publique. Mais attention à la cohérence du discours... Le 4 juillet prochain, nous examinerons un texte sur les sapeurs-pompiers. Au détour d'une transposition d'un texte européen, on crée soudainement une charge supplémentaire à la charge des collectivités. En plus, les sapeurs-pompiers volontaires, à qui cette mesure est destinée, n'ont rien demandé. Il faut absolument arrêter la machine infernale ! Je pourrai vous citer d'autres exemples... Nous voulons installer une nouvelle passe à poisson de la centrale hydroélectrique de Barberey. L'agence de l'eau nous explique que mieux vaut tout démonter pour obtenir 100 % de subventions !

M. Jean Arthuis , président . - Dans le même ordre d'idées, je suis surpris du niveau des rémunérations des directeurs généraux des bailleurs sociaux. Qui contrôle ces conventions ? Dans le domaine social, il faudra, un jour, revoir les conventions collectives de l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). Pour redresser les finances publiques, nous aurons besoin de tous les groupes parlementaires.

Mme Nicole Bricq . - Chacun son chemin, chacun son rythme !

M. Jean Arthuis , président . - En tous les cas, je salue la concision du ministre.

M. François Baroin . - Nous savons pouvoir compter sur le président et le rapporteur général pour éclairer votre assemblée...

Les taux d'intérêt à court terme sont fixés à 0,8 % en 2010, 1,1 % en 2011 et 1,4 % en 2012 ; à long terme, le taux est de 3,64 % actuellement, contre 3,1 % pour 2010 et 3,6 % en 2012. Ils sont stables ces derniers mois ; nous sommes donc confiants.

Monsieur Adnot, vous avez dit juste. Le Président de la République, lors de la conférence des finances publiques, a annoncé un moratoire sur les normes supplémentaires. S'il n'est pas respecté, il faut le signaler au secrétariat général du Gouvernement.

M. Yann Gaillard . - Ne peut-on faire quelque chose pour échapper à la tyrannie des agences de notation ? Toute cette affaire repose sur le AAA, qui n'existait pas auparavant.

M. François Baroin . - En effet, il y a 25 ans, les Etats empruntaient à près de 80 %-85 % auprès des banques centrales. Le modèle a changé : désormais, ils se financent sur le marché, qui demande crédibilité et solidité. La France, parce qu'elle a la meilleure note, attire les investisseurs et profite de taux très avantageux. Il n'y a donc pas de temps à perdre. Voyons dans l'attitude exigeante de ces agences le contrecoup des reproches qui leur ont été faits de ne pas avoir su anticiper la crise : elles préfèrent ouvrir le parapluie, voire le parasol, plutôt que d'être mises au ban...

M. Jean Arthuis , président . - Soit, mais les investisseurs ont-ils absolument besoin des agences de notation ? Ils pourraient être capables d'analyser eux-mêmes la qualité de leur champ d'investissement. Enfin, pour éviter d'être à la merci de ces créanciers, la meilleure solution est de ne pas s'endetter !

M. François Baroin . - C'est la même chose avec les collectivités locales.

M. Jean Arthuis , président . - Et quand les prêteurs commenceront à se méfier, il faudra inventer des juridictions de redressement judiciaire pour des personnes de droit public...

M. Philippe Adnot . - D'autant que les collectivités ont perdu l'autonomie fiscale... Auparavant, le prêteur pouvait compter sur la levée de l'impôt ; ce n'est plus le cas. Il faut en tenir compte : dans mon territoire, j'ai baissé la garantie d'emprunt sur les HLM à 20 %.

M. Jean Arthuis , président . - Standard & Poor's a publié il y a un an une note très éclairante sur le sujet. C'est le début de la sagesse : certaines des dépenses engagées par les départements devront être revues. Il faut sortir de l'addiction à la dépense publique.

M. François Baroin . - Dur combat !

M. Jean Arthuis , président . - Le taux de cotisation au CNFPT a été ramené à 0,9 %. C'est déjà une bonne nouvelle. Et il est question que le Centre vende son immeuble parisien pour s'installer à Saint-Pierre-des-Corps...

Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette intéressante audition.

III. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mardi 28 juin 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 672 (2010-2011) de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 .

M. Jean Arthuis , président . - Cette séance est consacrée à l'examen du rapport sur le projet de loi de règlement pour 2010. Elle a été précédée par l'audition du ministre du budget, jeudi dernier.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Un rapport par semaine, je crains de vous lasser...

M. Jean Arthuis , président . - Bien au contraire, le risque est plutôt celui de l'addiction !

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Une fois n'est pas coutume, la croissance constatée en 2010 fut le double de celle prévue en loi de finances initiale : 1,5 %, contre 0,75 %. Preuve, s'il en est, que nous nous portons toujours mieux lorsque les prévisions sont modestes. Néanmoins, en raison de la crise et de ses effets structurels, notre PIB reste inférieur à celui de 2007...

M. Aymeri de Montesquiou . - ...et, surtout, à celui de 2000, année où le maximum fut atteint !

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Je commencerai par un point de méthode. L'exercice du projet de loi de règlement, pour intéressant qu'il soit, porte sur le seul budget de l'État. Nous continuons donc à vivre sous un régime assez archaïque, antérieur à l'expansion budgétaire de la sécurité sociale, quand il faudrait examiner le programme de stabilité 2010-2013 pour parvenir à une vision globale de nos finances publiques, incluant l'ensemble des administrations publiques.

De ce point de vue, il existe deux manières d'envisager une même réalité économique. Les optimistes souligneront que le déficit est de 7,1 %, contre une prévision de 8,2 %. Les réalistes, que certains qualifieront de pessimistes, rappelleront le « score » remporté par la France : fin 2010, nous enregistrions le cinquième plus fort déficit de la zone euro, après la Grèce, l'Irlande, l'Espagne et le Portugal... Quant à la dette publique, elle s'est envolée à des niveaux jamais atteints en 2010, essentiellement en raison du Grand emprunt. Toutefois, l'embellie du solde public est une réalité : on note une amélioration de 0,5 point du déficit des administrations publiques qui résulte, de surcroît, d'éléments structurels, et non conjoncturels. Si l'on se borne à regarder l'agrégat des dépenses publiques, on se prête même à rêver : la dépense publique a crû de 0,6 % en volume, contre 2,3 % en moyenne ces dix dernières années. Est-ce à dire que nous atteindrions le stade de la vertu ? Cela n'est pas certain... L'analyse détaillée de l'évolution des dépenses publiques montre que ce résultat flatteur est totalement lié à des facteurs exceptionnels. De fait, si l'on neutralise l'arrêt du plan de relance et la stabilité des dépenses locales, la croissance des dépenses publiques est légèrement inférieure à 2 %, soit un chiffre proche du trend historique. Pour tenir compte des livraisons exceptionnelles de matériels militaires en 2000 -une situation qui n'est pas propre à cet exercice-, il faut toutefois corriger ce chiffre pour le ramener à 1,5 % en volume.

Revenons-en au programme de stabilité : peut-on comparer précisément la prévision et son exécution pour l'année 2010 ? L'exercice est pour le moins délicat : le Gouvernement et son administration, culturellement, ne sont pas très enthousiastes à faire toute la transparence en la matière. En outre, les prévisions de croissance des dépenses de chaque catégorie d'administrations publiques sont indiquées à périmètre constant et hors transferts entre administrations publiques, contrairement aux données en exécution, publiées par l'Insee. D'où l'article 15 que notre commission avait introduit dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, prévoyant un rapport annuel du Gouvernement sur l'application des programmes de stabilité. Hélas, le Gouvernement ne consacre pas tous ses efforts à l'élaboration de ce bilan. Cette année, moins de deux pages lui sont réservées dans le rapport qui nous a été transmis à l'occasion du débat d'orientation sur les finances publiques. Ce qui nous laisse sur notre faim... Enfin, un problème spécifique à l'année 2010 : le changement de base de l'Insee. Différences notables entre la « base 2000 » et la « base 2005 », le PIB est légèrement minoré -d'où un déficit à 7,1 % en 2010, et non à 7 % comme l'avait indiqué le Gouvernement en avril dernier- ; la CADES et le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) appartiennent désormais à la catégorie des administrations de sécurité sociale, et non à celle des organismes divers d'administration centrale. En résumé, des progrès restent à faire pour que le Parlement soit véritablement informé de l'exécution du programme de stabilité. Si celui-ci devient le cadre, ne pas suivre rigoureusement son exécution serait une lacune très lourde.

Venons-en aux chiffres. Côté recettes, les recettes fiscales connaissent une progression faciale d'un peu plus de 39 milliards. Pour autant, ce rebond s'explique surtout par des éléments circonstanciels. En raison de la réforme de la taxe professionnelle, l'État a recouvré la contribution foncière des entreprises, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux pour 14,5 milliards. L'arrêt du plan de relance, soit la cessation des mesures de soutien à la trésorerie des entreprises, se solde également par 14,5 milliards de recettes supplémentaires. Au total, seuls 8,6 milliards sont imputables à l'évolution spontanée des recettes, soit un cinquième de la hausse. Enfin, les mesures nouvelles en 2010 ont entraîné une moins-value de 1,6 milliard. Si le rythme de création de niches fiscales a été moins élevé que par le passé, la règle de gage n'a toujours pas été observée.

Côté dépenses, la norme « zéro volume » a été respectée en 2010 à condition d'une présentation flatteuse... De fait, pas moins de 70 milliards de dépenses liées à la réforme de la taxe professionnelle, au Grand emprunt et au plan de relance ont été retranchées de la norme. Notons, aussi, que le budget général a bénéficié des économies constatées sur la charge de la dette -2 milliards- et le prélèvement européen -0,8 milliard. Enfin, le remboursement des dettes de l'État envers la sécurité sociale a été débudgétisé -1,4 milliard- pour éviter d'affecter la norme. En outre, treize missions dépassent en exécution les plafonds fixés dans le budget triennal, sans compter que l'enveloppe normée des concours aux collectivités territoriales fait l'objet d'un léger dépassement. Faut-il en conclure que les règles sont faites pour être contournées ou que l'adoption d'une règle enfin contraignante s'impose ? Puissent nos débats sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques avoir une vertu pédagogique pour l'avenir !

S'agissant de la masse salariale, les suppressions d'emplois ont été moins nombreuses que prévu : 26 527 ETPT, contre 31 930. Est-ce à dire que le Gouvernement ne s'est pas tenu à sa ligne politique ? Non, ce phénomène s'explique, en grande partie, par le nombre inférieur de départs à la retraite effectifs par rapport aux prévisions : 64 058 départs, contre 67 594 estimés. Malgré l'application de la règle du « un sur deux » avec un taux de non-remplacement de 48 %, la masse salariale, à périmètre constant, a crû de 2 % : une augmentation de 0,7 % pour les dépenses de masse salariale et de 5,2 % pour les dépenses de pension. Les 807,9 millions d'économies réalisées grâce aux suppressions d'emploi ont été absorbées par les mesures catégorielles -544 millions d'euros-, la revalorisation du point d'indice -536,6 millions-, le glissement vieillesse-technicité -181,2 millions- ainsi que d'autres mesures -514 millions au titre de la garantie individuelle du pouvoir d'achat, des mesures envers les bas salaires et de mesures diverses. Les pessimistes en concluront que la politique du « un sur deux » est insuffisante ; les autres s'en réjouiront, notant qu'elle a permis de financer des mesures de revalorisation et de reclassement pour la fonction publique.

Hors masse salariale, la dynamique de dépense est partout. Les dépenses de fonctionnement augmentent de 7,2 % par rapport à 2009, essentiellement en raison de la transformation des 3,6 milliards de dépenses de personnel des universités ayant accédé à l'autonomie en dépenses de fonctionnement. La réforme des universités est une bien belle chose, mais peut conduire à des appréciations inexactes du budget... Les dépenses d'intervention, quant à elles, enregistrent une hausse de 6,7 %, en raison des 2,7 milliards de dépenses d'investissements d'avenir et de l'augmentation de 1,3 milliard des dépenses en faveur de l'emploi. Les charges de la dette de l'État ont progressé de 7,6 %, dont 1,8 milliard liés à l'effet volume et 2,2 milliards liés à l'inflation. En revanche, les dépenses d'investissement diminuent de près de 15 %, l'effort étant concentré sur la Défense, après une année 2009 exceptionnelle, du fait du plan de relance. Enfin, la progression spectaculaire des dépenses d'opérations financières, qui passent de 0,6 milliard en 2009 à 25 milliards en 2010, résulte de la dotation en fonds propres des opérateurs chargés de financer les investissements d'avenir au titre de l'emprunt national.

Plongeons maintenant dans les abîmes du déficit budgétaire : en 2010, 11 milliards de plus qu'en 2009 ! Le solde primaire, soit hors service de la dette, continue de se dégrader, pour atteindre moins 110,3 milliards contre moins 92,3 milliards en 2009. Corrigé des investissements d'avenir, qui ne donnent pas tous lieu à des décaissements, il s'établit à moins 76,3 milliards. En bref, 27 % des dépenses de l'État ont été financées par des ressources non permanentes en 2010 ; le taux de couverture des dépenses du budget général par ses recettes était de 53,3 %, contre 55,3 % en 2009. Autrement dit, l'État a vécu à crédit dès le mois de juillet.

La hausse de l'encours de la dette négociable, après la forte progression de 133,2 milliards en 2009, a ralenti en 2010 : plus 78,8 milliards pour un encours de 1 212 milliards fin 2010, soit une augmentation de 40 % depuis 2005. Ce mouvement s'est accompagné d'une recomposition de l'encours au profit des titres à moyen et long termes. Fin 2010, les bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF) ne représentaient plus que 15,44 % de l'encours total, contre 19 % un an avant.

Pour achever ce bilan, un aperçu de la situation patrimoniale de l'État. Le résultat patrimonial se dégrade de 12,1 milliards par rapport à 2009. Cette détérioration s'explique par l'augmentation des charges nettes qui équivaut presque au double de celle des produits nets. L'État présente une situation nette négative de 756,6 milliards, soit moins 92 milliards par rapport à 2009. L'actif s'apprécie de 44 milliards, du fait de la première comptabilisation des concessions hydrauliques en 2010 et de la revalorisation de la Banque de France dans les comptes de l'Etat. Le passif, quant à lui, augmente de 137 milliards, principalement du fait de la progression de la dette financière et de la trésorerie passive.

Après le bilan, le hors bilan sur lequel les informations manquent : ils ne sont pas recensés de manière exhaustive, sans compter que les données ne sont pas comparables d'une année à l'autre. Le ministre, lors de son audition du 23 juin dernier, l'a reconnu et s'est engagé à faire son possible pour permettre une meilleure utilisation de ces données et leur indispensable comparaison année après année.

L'année 2010 est maintenant derrière nous, mais ses chiffres soulignaient le handicap structurel dont souffrent nos finances publiques.

M. Jean Arthuis , président . - Merci de cet exposé dont la clarté contribuera à notre lucidité sur la situation préoccupante de nos finances publiques. A vous entendre, je songeais qu'il était regrettable de se limiter effectivement à l'examen du seul budget de l'État via la loi de règlement. Mieux vaudrait une vision consolidée incluant la sécurité sociale.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - La commission des affaires sociales l'accepterait-elle ?

M. Jean Arthuis , président . - Nous pourrions imaginer la création d'une commission spéciale...

Mme Nicole Bricq . - Tout d'abord, un constat : le niveau historique de notre déficit est dû à la dégradation de notre déficit primaire. L'année, le rapporteur général l'a rappelé, est exceptionnelle en raison de la réforme de la taxe professionnelle, du plan de relance et du Grand emprunt. Au fait, comment le Parlement va-t-il surveiller l'affaire du Grand emprunt et des investissements d'avenir ? Nous avions déploré cette débudgétisation qui pèsera, de toute façon, sur les dépenses tout en donnant des fruits, s'il y en a, dans quelques années.

Les recettes pérennes sont faibles. Ainsi l'impôt sur les sociétés, durant ces trois dernières années, a-t-il souffert le plus : moins 2,3 milliards en 2008, moins 1,9 milliard en 2009, moins 1,8 milliard en 2010. La question de l'impôt sur les sociétés, que nous posions avec la proposition de loi de MM. Marc et Rebsamen, est donc relancée.

Un dernier sujet : les recettes non fiscales dont vous avez peu parlé malgré leur importance dans l'exécution budgétaire. Or les fortes recettes de la Banque de France et de la Caisse des dépôts et consignations ne se reproduiront pas tous les ans !

Je réserve mes autres commentaires pour la séance publique.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Merci de cette présentation très claire. Ne faudrait-il pas prévoir un système consistant à réduire automatiquement le programme d'emprunt sur le marché international lorsque la charge de la dette diminue ? En 2010, le montant du programme s'établissait à 188 milliards. Or la charge de la dette a diminué de 2 milliards, il aurait été logique d'emprunter seulement 186 milliards. Idem pour cette année.

Ensuite, d'après le rapport annuel de performances sur les participations financières de l'Etat, nous avons accumulé, avec les participations diverses du Trésor au financement du plan Campus ou d'autres programmes d'investissement, des risques pour les années suivantes et le compte spécial « Participations financières de l'Etat » n'a pas pu, de ce fait, dégager 5 milliards d'excédents pour nous désendetter comme cela était prévu. La commission, me semble-t-il, devrait y insister ; en 2010, l'APE n'a vraiment pas fait son travail : sur 5 milliards de ressources prévues, nous avons seulement collecté 2,9 milliards d'euros et aucune de ces recettes n'a été affectée au désendettement. Outre les difficultés avec la Sovafim, nous courons des risques sur l'Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR) ; bref, toute une série de désagréments qui nous seront préjudiciables lors de l'exercice 2012 et, surtout, celui de 2013. Il faut remettre de l'ordre dans cette affaire qui menace de déraper. Par exemple, en matière de gestion de trésorerie, nous avions prévu, en 2010, de donner un peu d'argent à l'Agence nationale de la recherche et aux universités dans le cadre des dotations non consomptibles du grand emprunt. 500 millions d'euros devaient être versés, or nous constatons que seulement 100 millions l'ont été effectivement. Par conséquent, cela signifie qu'en 2011 et 2012, nous devrons accélérer les versements, c'est-à-dire dégager des intérêts plus élevés sur ces dotations déposées au Trésor. Tant sur les engagements financiers que sur les participations financières, il me paraît important de souligner les risques que nous encourrons.

M. François Marc . - L'écart entre la France et l'Allemagne s'est singulièrement creusé : à situation comparable en 2005, nous affichons aujourd'hui un déficit de 7,1 %, contre 3,3 % outre-Rhin. J'y vois le signe d'un manque de maîtrise de nos finances publiques. D'autant qu'en 2010, si nous respectons la norme de dépense, c'est simplement en raison d'économies conjoncturelles, notamment sur la charge de la dette...

Ensuite, une question : monsieur le rapporteur général, ne pensez-vous pas que la commission devrait insister sur la « défaillance du système d'information de l'Etat » pointé par la Cour des comptes ? D'après cette dernière, cette faillite rendrait impossible le chiffrage de la réforme de la taxe professionnelle. Sommes-nous en mesure d'avoir une vision objective des comptes de l'Etat ? Cette observation rejoint notre préoccupation quant à la difficulté d'obtenir des simulations fiables sur tous les sujets touchant à la fiscalité.

M. Jean Arthuis , président . - Quant à moi, je souhaiterais un éclairage sur le passage de la progression de la dette de 79 milliards au déficit, qui est de 149 milliards. Le mécanisme des investissements d'avenir -en somme, l'inscription d'une dépense que l'on ne dépense pas- justifie 35 milliards, moins les sommes effectivement dépensées...

M. Philippe Marini , rapporteur général . - ... qui sont de 165 millions en 2010 au titre des intérêts des dépôts sur le compte du Trésor.

M. Jean Arthuis , président . - Quid du reste ? Quant à ces 35 milliards d'investissements d'avenir, qui correspondront comme par magie à de l'endettement les années suivantes sans qu'il y ait dépense budgétaire stricto sensu , ne devraient-ils pas figurer dans les engagements hors bilan ?

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Sans doute...

M. Jean-Pierre Fourcade . - Certes ! Mais il faudrait également déduire de ces engagements les remboursements, notamment ceux des deux constructeurs automobiles pour un montant de 6 milliards. Il y aura du plus et du moins ! Et je crains que nous ne les distribuions deux fois.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Madame Bricq, les recettes non fiscales augmentent de 1,9 milliard en 2010.

Mme Nicole Bricq . - Cela, je le sais !

M. Philippe Marini , rapporteur général . - S'agissant de la Caisse des dépôts, le cru de 2011 sera moins bon qu'en 2010.

Mme Nicole Bricq . - Voici où je voulais en venir : en loi de finances initiale, la Caisse des dépôts, par une technique budgétaire bien connue, était inscrite pour 900 millions. Or le chiffre réel est le double.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Madame, il faut prendre en considération les dividendes de toutes les filiales de l'Etat. On observe un rattrapage des politiques de dividende, qui vous seront certainement plus sympathiques que celle des entreprises privées...

M. Jean Arthuis , président . - Est-ce à dire que l'Etat actionnaire est facilement glouton ?

Mme Nicole Bricq . - Il est prédateur !

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Je dirais, par doctrine, qu'il est le plus mauvais actionnaire de la terre. C'est dans sa nature : paperassier, bureaucratique, il prélève à contre-cycle car il vit dans le temps politique qui n'est pas le temps économique !

Madame Bricq, vous portez un jugement quelque peu pessimiste sur l'impôt sur les sociétés : son produit a progressé de 57 % entre 2009 et 2010. Réjouissez-vous !

Mme Nicole Bricq . - Nous aurions pu faire mieux !

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Le produit de l'impôt sur les sociétés s'explique par un surcroît de recettes de 10 milliards dû au contrecoup du plan de relance, une moindre recette de 2,9 milliards en raison de la prorogation du remboursement anticipé des créances de crédit d'impôt recherche et 1,7 milliard également en moins à cause de mesures nouvelles ; reste une évolution spontanée des recettes de 6,7 milliards. La réalité est donc moins préoccupante que vous ne le dites, mais reste à surveiller avec attention.

Monsieur Fourcade, vous avez infiniment raison de souligner les difficultés de l'APE et les questions de gouvernance qui s'y posent. Si l'on compare le produit des participations de l'Etat aux prévisions de cessions et de valorisation en loi de finances, les données ne sont pas significatives. De fait, la coutume est d'inscrire ces montants pour ordre afin de ne pas influencer le marché.

J'en reviens à une question de Mme Bricq sur le Grand emprunt. La loi de finances rectificative de mars 2010 prévoit des modalités précises de reporting trimestriel via le commissariat général à l'investissement transmises, après analyse de l'information, au Parlement. Nous veillerons à la bonne mise en oeuvre de ce dispositif que nous avions d'ailleurs amendé.

Pour répondre au président, la variation de l'encours n'est pas égale à la variation du déficit. De fait, il convient de prendre en compte les amortissements et les rachats. La variation de la dette totale correspond au solde des émissions nouvelles et des amortissements intervenus dans l'année. Pour éclairer ce point, peut-être faut-il un tableau de passage dans le rapport écrit. En réalité, la réponse figure dans le tableau de financement de l'Etat à l'article 2 du projet de loi de règlement...

M. Jean Arthuis , président . - Sauf erreur de ma part, les amortissements sont couverts par l'émission de nouveaux emprunts. Partant, ils ne réduisent pas la dette. Quand il y a 149 milliards de déficit, il y a automatiquement presque 149 milliards de dettes. De fait, on couvre les emprunts antérieurs avec l'émission de nouvelles dettes, l'Etat n'ayant pas les moyens...

M. Jean-Pierre Fourcade . - C'est la dette perpétuelle !

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Nous veillerons à présenter cette question de manière pédagogique dans le rapport.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Tout ce qui relève du court terme n'entre pas dans le calcul du déficit...

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Effectivement, les opérations infra-annuelles sont au-dessous de la ligne...

M. Jean Arthuis , président . - Soit, mais il faut bien en assurer le financement !

M. Philippe Marini , rapporteur général . - D'autant qu'à se renouveler sans cesse, elles forment une dette consolidée.

M. Jean Arthuis , président . - À Berlin, ils parlent d'aggravation de la dette plutôt que de déficit... C'est bien plus pédagogique !

M. Philippe Marini , rapporteur général . - M. Marc a mis l'accent sur la défaillance de Chorus et du système d'information. À ce sujet, la Cour des comptes a émis une réserve significative qui relativise la certification des comptes de l'Etat. Au reste, on utilise cette terminologie issue de la comptabilité générale essentiellement pour rassurer l'environnement international et les marchés.

M. Jean Arthuis , président . - Nous marchons sur la tête ! Dans le même ordre d'idées, il ne faut pas dire que la Grèce est en défaut... Comment pouvons-nous nous accommoder de ces artifices juridiques ? Nous nous racontons des salades !

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Dans la sainte LOLF, nous avons bien inventé des contributions volontaires obligatoires...

M. Jean Arthuis , président . - ... et des impôts remboursables.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Les investissements d'avenir, en dynamique, relèvent effectivement des engagements hors bilan : nous serons obligés de financer par l'emprunt. Budgétairement, tout est dépensé puisque les opérateurs sont crédités, ce qui alimente une vraie fausse trésorerie déposée au Trésor. Par réalisme économique, je dirai que ce montage juridique, qui relève d'une opération de convenance au sein de l'Etat, est de la trésorerie en attente d'usage.

M. Jean Arthuis , président . - Soit, mais la dette augmentera du montant du déficit en sus des dépenses du Grand emprunt. C'est donc du hors bilan.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Ce point mérite une expertise complémentaire.

M. Jean Arthuis , président . - Je proposerai un amendement. Le sujet est un peu académique, mais important pour la sincérité des comptes publics.

Mme Nicole Bricq . - Il l'est ! Pour passer sous les fourches caudines de Bruxelles, la France a ôté au Parlement les moyens de suivre les investissements d'avenir.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Des comptes rendus sont prévus par la loi de mars 2010 ! Mieux vaut une étude complémentaire avant d'envisager un amendement...

M. Jean Arthuis , président . - C'est de la débudgétisation caractérisée. Nous le disons depuis le début. Rien de nouveau sous le firmament budgétaire !

M. Jean-Claude Frécon . - Monsieur le rapporteur, combien de temps prendra l'expertise supplémentaire que vous demandez ?

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Un délai raisonnable en rapport avec le délai qui nous sépare de l'examen du texte... Si vous le souhaitez, monsieur Frécon, je vous adresserai la note à ce sujet.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification du projet de loi n° 672 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010.

TABLEAU COMPARATIF


* 1 Ce phénomène serait encore plus marqué si l'on prenait pour référence le PIB tel qu'il serait si la croissance de 2008 et de 2009 avait été « normale ».

* 2 La base est un ensemble fixé de concepts, nomenclatures, et méthodes. L'année utilisée pour désigner la base est non celle du changement de base, mais celle de l'année de référence des séries à prix constants. La comptabilité nationale a ainsi connu des bases 1956, 1959, 1962, 1971, 1980, 1995 et 2000.

* 3 Si le solde public exprimé en milliards d'euros (et selon la base 2005) est demeuré inchangé entre le 31 mars 2011 et le 13 mai 2011, le PIB n'est disponible en base 2005 que depuis le 13 mai 2011.

* 4 Ce paradoxe vient du fait que le résultat de 2009 a été meilleur que prévu, et que le solde public, au lieu de se dégrader en 2010, s'est en fait légèrement amélioré :

- alors que le programme de stabilité 2010-2013 prévoyait pour 2009 un déficit de 7,9 points de PIB, celui-ci n'a été « que » de 7,6 points de PIB ;

- alors que le programme de stabilité 2010-2013 prévoyait une détérioration du solde de 0,3 point de PIB en 2010, celui-ci s'est, on l'a vu, amélioré de 0,5 point.

* 5 En comptabilité nationale, les dépenses militaires sont comptabilisées à la livraison des matériels. Il en découle des fluctuations importantes d'une année sur l'autre, alors même que les dépenses évoluent peu du point de vue de la comptabilité budgétaire.

* 6 Ces deux derniers chiffres sont ceux figurant dans le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2011. Dans le cas de la TVA restauration, le coût est de 3,2 milliards d'euros en année pleine, mais comme on raisonne ici en « mesures nouvelles » il faut soustraire la perte de recettes correspondant à l'impact de la mesure (instaurée mi-2009) sur la seconde moitié de l'année 2009.

* 7 Et en contrepartie desquelles était versée aux collectivités territoriales une compensation relais imputée en prélèvement sur recettes.

* 8 Cotisation nationale de péréquation de TP et cotisation minimale de TP.

* 9 Dans sa décision sur la loi de règlement pour 2008 (n° 2009-585 DC du 6 août 2009), le Conseil constitutionnel a rappelé que « les frais d'assiette et de recouvrement des impôts locaux, prélevés par l'État en vertu de l'article 1641 du code général des impôts, présentent le caractère d'une "imposition de toutes natures" perçue au profit de l'Etat », ainsi qu'il l'avait déjà jugé dans sa décision du 25 juillet 1990.

* 10 TIPP des collectivités territoriales, mesure de périmètre relative au RSA, compensation des dégrèvements de TP et de taxes foncières outre-mer, transfert de la taxe sur les conventions d'assurance et ajustements des droits de consommation sur les tabacs.

* 11 A l'exception de 2009 où le coefficient avait été de 4,5.

* 12 Résultat net des mesures nouvelles augmentant les recettes.

* 13 La loi de finances rectificative pour 2010 n° 2010-606 du 7 juin 2010 avait pour objet d'autoriser l'octroi de la garantie de l'Etat dans le cadre du Fonds européen de stabilisation financière et de relever le plafond de prêts de la France au Fonds monétaire international (FMI). Elle n'a eu aucune incidence sur l'équilibre budgétaire.

* 14 Et 2,4 milliards d'euros si l'on tient compte d'une mesure de périmètre consistant à réaffecter au budget général 0,3 milliard d'euros de droits sur les tabacs dans le cadre de la mise en oeuvre de l'exonération ciblée en faveur des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TO-DE) du secteur agricole.

* 15 Cette reprise en base n'avait été que de 0,6 milliard d'euros dans le premier collectif, sur les 1,5 milliard d'euros de surplus de recettes constatés en 2009.

* 16 + 0,3 milliard d'euros sur l'ISF, + 0,2 milliard d'euros sur les droits de mutation à titre onéreux, + 0,13 milliard d'euros les droits de donation, + 0,05 milliard d'euros sur les droits de succession et + 0,1 milliard d'euros pour la taxe sur la publicité foncière.

* 17 A seuil constant, l'accroissement des revenus réduit d'une part le nombre de bénéficiaires et entraîne d'autre part une baisse des montants de PPE versés, le barème étant dégressif.

* 18 On considère ainsi qu'il s'agissait, en 2009, d'une modification du régime fiscal d'EDF. Si on ne comptait pas cette amende en mesure nouvelle, le montant de -1,2 / +1,2 milliard d'euro serait interprété comme de l'évolution spontanée sur 2009 et 2010.

* 19 Détail fourni supra .

* 20 Cette disposition, insérée à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez et Charles de Courson, a recentré la majoration de quotient familial sur les contribuables qui ont supporté, à titre exclusif ou principal, la charge d'un enfant pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls.

* 21 Correspondant essentiellement :

- à partir de 2011, à la réduction du crédit d'impôt développement durable par la loi de finances rectificative de décembre 2009 et la suppression, par la loi de finances initiale pour 2011, du crédit d'impôt sur les dividendes distribués ;

- à partir de 2012, au recentrage du crédit d'impôt développement durable, au « rabot » et à la réforme de l'accession à la propriété, résultant de la loi de finances initiale pour 2011.

* 22 Dans des rapports sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat de 2009 et 2010, la Cour des comptes a contesté l'imputation en recettes non fiscales du mécanisme des loyers budgétaires. Ces loyers, qui représentaient 1,1 milliard d'euros en LFI 2010, matérialisent le coût pour les diverses administrations de l'Etat de l'occupation de leurs locaux. Ils ne donnent toutefois lieu qu'à des mouvements internes au budget de l'Etat : les montants inscrits sur les missions pour acquitter les loyers correspondent à des dépenses fictives ne donnant lieu à aucun décaissement réel et ont pour contrepartie des recettes d'ordre.

* 23 Soit 33 % du résultat net, conformément à la règle en vigueur jusqu'en 2010. A compter de 2011, le dividende à l'Etat sera de 50 % du résultat net, plafonné à 75 % du résultat social pour ne pas dégrader les fonds propres de la CDC.

* 24 Traités en mesure de périmètre car leur répond l'inscription d'une dépense budgétaire équivalente.

* 25 Correspondant au solde 2008, aucune CRIS n'ayant été versée au titre de 2009.

* 26 Ce prélèvement a résulté de la révision à la hausse du résultat net 2009 des fonds d'épargne (2,14 milliards d'euros), elle-même imputable à la reprise des provisions passées en début de crise afin de couvrir des risques sur des produits de taux. 1,7 milliard d'euros de résultat ont été affectés à la reconstitution des fonds propres et l'excédent (selon les normes de Bâle II) a été intégralement prélevé par l'Etat.

* 27 PSR 2009 à périmètre 2010.

* 28 Les modalités de calcul de la compensation britannique ont été révisées afin de prendre en compte la nécessité pour le Royaume-Uni d'apporter sa juste part au financement de l'élargissement dont il est l'un des plus fervents promoteurs. Le principe a été posé d'une exclusion de l'assiette de calcul du rabais britannique des dépenses d'élargissement, à l'exception de la politique agricole commune de marché et du développement rural. Ainsi, dans le calcul de la correction britannique, le montant total des dépenses réparties sur le sol de l'UE est réduit des dépenses réparties dans les États membres ayant adhéré à l'UE après le 30 avril 2004, à l'exception des paiements agricoles directs, des dépenses de marché et de la part du développement rural correspondant de facto au second pilier. La France finance 27 % de la correction britannique.

* 29 Elle se félicite, à cet égard, que la Cour des comptes formule cette recommandation dans le rapport sur la gestion et les résultats budgétaires de l'Etat en 2010.

* 30 Soit les dépenses nettes du budget général et les prélèvements sur recettes.

* 31 Le plafond des autorisations d'emplois en loi de finances initiale pour 2010 s'établissait à 2 019 798 ETPT, y compris les budgets annexes. La loi de finances rectificative du 29 décembre 2010 a porté ce plafond à 2 028 724 ETPT à la suite d'une modification du plafond d'emplois du ministère de l'éducation nationale, du fait d'une correction liée à la prise en compte des surnombres dans l'enseignement public du premier degré pour 4 200 ETPT et d'une correction liée à la fiabilisation du décompte des emplois des enseignants du privé pour 4 726 ETPT.

* 32 Fiabilisation du décompte des agents de l'enseignement privé et modification des modes de règlement de la paye.

* 33 Au niveau agrégé, le « retour catégoriel » au sens strict, correspondant au retour aux agents des économies induites par le non remplacement des départs en retraite est estimé à 380 millions d'euros en exécution pour l'année 2010. Votre rapporteur général n'est pas en mesure de justifier précisément ce chiffrage

* 34 Le point fonction publique a été revalorisé de 0,5 % au 1 er juillet 2010. Il ne sera en revanche pas revalorisé en 2011 et en 2012, conformément aux annonces faites (pour 2011) au printemps 2010 et (pour 2012) à l'occasion du rendez-vous salarial du mardi 19 avril 2011.

* 35 Socle exécution 2009 retraitée.

* 36 Ces protocoles ont été conclus respectivement en décembre 2007 pour le corps de commandement (soit +8 millions d'euros par an en rythme de croisière jusqu'en 2012), en octobre 2008 pour le corps d'encadrement et d'application (+30 millions d'euros par an en rythme de croisière jusqu'en 2012) et en avril 2009 pour le corps de conception et de direction (+ 2 millions d'euros par an jusqu'en 2012).

* 37 Nettes des remboursements et dégrèvements.

* 38 Il est possible que d'autres retraitements soient nécessaires pour procéder à une comparaison à périmètre constant. Votre commission des finances ne dispose toutefois pas des éléments permettant de les opérer.

* 39 Ce rattrapage avait conduit, en 2009, à comptabiliser 5 trimestres d'intérêts au lieu des 4 habituels.

* 40 Agence nationale de l'habitat (ANAH), Agence nationale de la recherche (ANR), Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), Caisse des dépôts et consignations (CDC), OSEO, Commissariat à l'énergie atomique (CEA), Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), Agence nationale pour les déchets radioactifs (ANDRA), Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), Centre national d'études spatiales (CNES).

* 41 Cf . Communication de Philippe Marini, rapporteur général, du 13 avril 2010, sur le suivi de la mise en oeuvre du programme des investissements d'avenir.

* 42 Cour des comptes, rapport sur les résultats et la gestion budgétaire (exercice 2010) - juin 2011.

* 43 Ce décaissement porte donc sur l'exercice 2011. Il est pris en compte par le collectif budgétaire déposé le 11 mai 2011 par le Gouvernement.

* 44 Incluant les fonds du Plan Campus, soit 5 milliards d'euros.

* 45 Soit 8,2 milliards d'euros de primes et décotes à l'émission, moins 2,3 milliards d'euros de neutralisation de la charge d'indexation et -0,6 milliard d'euros de solde des profits et pertes sur rachats.

* 46 Ces charges et passifs représentent respectivement 211 milliards d'euros et 75 milliards d'euros fin 2010. Les charges comprennent notamment les transferts aux ménages pour 35 milliards d'euros (aides au logement, aux adultes handicapés), aux entreprises pour 13 milliards d'euros (exonérations de cotisations, aides à l'emploi), aux collectivités territoriales pour 110 milliards d'euros (dotation globale de fonctionnement, compensation suite à la réforme de la taxe professionnelle, etc.) et aux autres collectivités pour 25 milliards d'euros, ainsi que les provisions pour charges de transfert (engagements) pour 28 milliards d'euros.

* 47 Cette réforme a pour conséquence de faire passer le taux d'actualisation de 1,63 % en 2009 à 1,53 % en 2010.

* 48 L'engagement correspond à la garantie effectivement donnée, et non à son plafond.

* 49 Le tableau de financement retrace les flux de trésorerie ayant concouru à l'équilibre financier de l'Etat et non son équilibre comptable tel qu'il ressort de la comptabilité générale et budgétaire.

* 50 Les dépassements de crédits évaluatifs font l'objet de propositions d'ouverture de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée.

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