B. L'ACCÉLÉRATION ET LE DÉCLENCHEMENT DE LA CRISE DURANT L'ÉTÉ 2011

1. Une crise de la liquidité
a) Des signes précurseurs dès le printemps 2011

Les incertitudes sur la viabilité à moyen et long termes du modèle économique de Dexia ont commencé à s'amplifier durant le printemps 2011 , se fondant sur un faisceau d'indices tels que la dépendance aux financements de marché à court terme, l'exposition à la dette souveraine grecque et aux municipalités américaines, le poids du portefeuille non stratégique dit « legacy » - en dépit de la relativement bonne qualité de ses actifs -, ou le niveau fortement négatif 18 ( * ) des actifs financiers disponibles à la vente. La banque a dès lors annoncé, fin mai, son intention d'accélérer les cessions d'actifs risqués ou illiquides 19 ( * ) .

Le 8 juillet 2011, l'agence de notation Moody's, jugeant que Dexia était confrontée à une « combinaison de pressions défavorables », a abaissé la note de long terme du groupe, de A3 à A1, et les coûts de refinancement à court terme ont augmenté 20 ( * ) . Le CDS (« credit default swap ») à 5 ans 21 ( * ) de Dexia est ainsi passé de 270 à 330 points de base au cours du mois de juin, soit un niveau élevé pour une banque sous contrôle public. Parallèlement, la banque a amorcé une réflexion avec les régulateurs bancaires sur un plan de résolution ordonnée 22 ( * ) , susceptible d'être mis en oeuvre en cas de brutale aggravation de la situation, et notamment d'abaissement de la notation.

b) Une accélération fatale en septembre

La situation de financement du groupe est devenue de plus en plus périlleuse au mois de septembre et a abouti à une véritable crise de liquidité : les prêteurs se sont raréfiés, sur des échéances de plus en plus courtes et à des taux croissants. Les CDS à 5 ans sur les différentes émissions ont culminé fin septembre , y compris sur la dette garantie par les Etats : 836 points de base 23 ( * ) sur une émission de DCL à échéance de juillet 2014 au taux de 5,375 %, 478 points de base sur une émission garantie de DCL à échéance de janvier 2014 au taux de 2,625 %.

Le 3 octobre 2011, Moody's a annoncé qu'elle plaçait sous surveillance négative la note à court terme des principales entités du groupe : DCL, DBB et BIL, justifiant sa décision par « une dégradation continue de positions de liquidités du fait de la détérioration des conditions de financement sur les marché s ».

Cette annonce a en quelque sorte donné « le coup de grâce », entraînant l'arrêt de tout accès aux refinancements et un début de retrait des dépôts dans les filiales de banque de détail en Belgique et au Luxembourg. Dans les jours suivants, le cours de l'action Dexia a franchi à la baisse le seuil symbolique d'un euro. Les négociations se sont donc accélérées et ont conduit à l'adoption, par le conseil d'administration du groupe, d'un plan de restructuration le 9 octobre 2011.


* 18 A hauteur de - 8,5 milliards d'euros au 31 mars 2011. Certains analystes ( cf . infra ) estimaient donc que Dexia n'était pas en mesure de se conformer dès 2011 aux futures normes de Bâle III et d'atteindre un ratio Core Tier One de 7 %.

* 19 La banque avait alors déjà cédé pour 64 milliards d'euros d'actifs depuis octobre 2008.

* 20 En revanche, Dexia avait réalisé, dès le 29 juillet, la totalité de son programme prévisionnel d'émissions à long terme pour 2011, soit 17,7 milliards d'euros, en recourant majoritairement aux obligations sécurisées (« covered bonds ») et aux placements privés ( ie . destinés à un nombre restreint d'investisseurs identifiés) plutôt qu'à des émissions publiques non sécurisées.

* 21 Un CDS est un contrat d'échange permettant de s'assurer contre un événement de crédit (tel qu'un défaut de paiement) affectant un émetteur public ou privé de dette. La prime, exprimée en points de base, reflète donc le coût de l'assurance. Le CDS à 5 ans est un instrument certes imparfait (compte tenu de la taille souvent réduite du marché) mais auquel il est fréquemment fait référence pour évaluer le niveau de confiance des investisseurs.

* 22 Toutefois, ainsi que l'a précisé Pierre Mariani lors de son audition par votre commission le 12 octobre 2011, « les réflexions avec les régulateurs portaient sur les mesures à prendre dans cette hypothèse et non sur des discussions éventuelles avec la Caisse des dépôts et consignations ».

* 23 Soit le prix le plus élevé pour une banque européenne, derrière Caixa, hors établissements des trois pays bénéficiant d'un programme d'aide européen.

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