2. Des conséquences non mesurées

Dans le cadre économique - particulièrement optimiste - posé à l'annexe B, les comptes du régime général restent déficitaires jusqu'au terme de la projection, en 2015, même si le déficit total se réduit, passant de 13,9 milliards en 2012 à 8,5 milliards en 2015. Pour y parvenir, un effort de maîtrise des dépenses est prévu afin de compenser la croissance tendancielle élevée des branches vieillesse et maladie. Mais cet effort ne sera à l'évidence pas suffisant au regard de l'ampleur des déficits programmés.

Bien entendu, ces projections sont très volatiles : il suffit de modifier l'une des hypothèses pour que les soldes présentés soient caducs. Par exemple, une progression de la masse salariale inférieure d'un point aux projections représente environ 2 milliards de déficits supplémentaires.

Sensibilité des résultats du régime général aux hypothèses de prévision
(valeur 2009)

(en millions d'euros)

Cnam maladie

Cnam AT-MP

Cnaf

Cnav

Régime général

Masse salariale du secteur privé : impact d'une hausse de 1 % du taux de croissance

910

100

680

300

1 990

Dépenses maladie : impact d'une hausse de 1 % dans le champ de l'Ondam

1 340

40

1 380

Inflation : impact d'une hausse de 1 % de la revalorisation des prestations retraites et famille

270

910

1 180

Source : direction de la sécurité sociale

La sincérité des prévisions est pourtant devenue une priorité. Il est donc urgent de revoir l'annexe B.

Cette nouvelle rigueur s'applique d'ailleurs dans l'élaboration de l'Ondam : pour la première fois, le comité d'alerte a rendu un avis sur sa sincérité.


Avis du Comité d'alerte n° 2011-3
sur l'élaboration de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie

La loi de financement pour 2011 a modifié les textes relatifs au comité d'alerte en prévoyant qu'il rende désormais un avis, au plus tard le 15 octobre, sur l'objectif national d'assurance maladie proposé par le gouvernement dans le projet de loi de financement pour l'année suivante.

Le PLFSS propose de fixer l'Ondam pour 2012 à 171,7 Md€ (article 48 du projet), soit une progression de 2,8 % par rapport au montant prévisionnel des dépenses pour l'année 2011. Les sous-objectifs envisagés correspondent à un taux d'augmentation de 2,7 % pour les soins de ville et les établissements de santé et de 4,2 % pour les établissements médico-sociaux.

Il est utile de rappeler que, même si l'on est souvent amené à raisonner en termes de taux d'évolution, notamment dans la construction de l'objectif, l'Ondam et ses six sous-objectifs sont votés par le Parlement en montants (en milliards d'euros). La réalisation ou non de l'objectif ne peut s'apprécier que par rapport aux montants votés. Les taux d'évolution sont quant à eux dépendants de la réalisation de l'Ondam de l'année, mais aussi des dépenses de l'année précédente, dont le montant est encore incertain au moment de la fixation de l'objectif.

Le comité a examiné les évolutions en cours et les modalités d'élaboration de l'Ondam pour 2012.

La construction de l'objectif pour l'année à venir comporte trois étapes :

- d'abord l'estimation la plus précise possible des dépenses de l'année en cours (2011 en l'occurrence) qui constituent la « base » de l'élaboration de l'objectif pour l'année à venir ;

le montant de ces dépenses est corrigé de changements de périmètre éventuels ;

- ensuite la projection « tendancielle » des dépenses pour l'année suivante (2012) c'est-à-dire l'estimation des évolutions prévisibles avant toute mesure nouvelle d'économie ; elle intègre la progression estimée des volumes, les évolutions des tarifs et les effets reports des mesures antérieures ;

- enfin la détermination et l'explicitation des économies permettant de passer de cette évolution tendancielle au taux d'évolution cible proposé par le Gouvernement, c'est-à-dire en l'occurrence une augmentation des dépenses limitée à 2,8 % en 2012.

1/ Les dépenses de 2011

La construction de l'Ondam pour 2012 repose sur la prévision d'un strict respect de l'objectif en 2011, conforme aux analyses présentées dans le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale du 22 septembre.

Le comité n'a pas noté de risque significatif de dépassement de cet objectif . L'évolution des soins de ville constatée depuis le début de l'année est en ligne avec l'objectif ; pour les établissements de santé, une activité sensiblement plus forte que prévu pourrait se traduire par un dépassement de l'ordre de 300 M€ des dépenses financées par la T2A, mais celui-ci serait compensé par les mises en réserve de dotations faites en début d'année pour un montant total de 530 M€.

Les informations désormais disponibles jusqu'à fin août pour les remboursements de la Cnam et jusqu'à fin juillet pour l'activité des hôpitaux (source Atih) ne remettent pas en cause ces prévisions.

Les dépenses prévues pour 2011 et retenues comme base pour la construction de l'Ondam 2012 sont donc strictement égales en montant à celles qui ont été fixées il y a un an pour l'objectif d'ensemble (167,1 Md€) et les sous-objectifs.

Il convient toutefois de rappeler que l'Ondam ne peut être prévu à l'euro près. Les constats des années précédentes montrent que les estimations de septembre pour l'année en cours sont susceptibles d'être révisées significativement à la hausse comme en 2006 (+ 450 M€), en 2008 (environ 200 M€) et en 2009 (+ 100 M€), ou à la baisse comme en 2010 (- 600 M€), quand sont connues les dépenses définitives. La réalisation de l'Ondam pour l'année suivante est rendue plus difficile en cas de révision à la hausse de la base, et facilitée dans le cas contraire. S'agissant de l'année 2011, la prévision d'un montant de dépenses très proche de l'objectif voté est aujourd'hui la plus vraisemblable, mais elle peut encore être mise à mal, dans un sens ou dans l'autre, par divers événements (inflexions de comportement, épidémie, ...).

2/ La projection tendancielle

En 2012, l'évolution des dépenses avant mesures nouvelles d'économies - incluant les effets report sur 2012 de mesures 2011 mais aussi une provision pour des dépenses nouvelles - est globalement estimée à 4,1 % (contre 4,4 % dans la construction de l'objectif 2011).

Pour les soins de ville , la croissance spontanée des dépenses est estimée, à partir d'une analyse économétrique, à 4,3 %. La prise en compte des effets reports de 2011, ainsi que de provisions pour revalorisation des tarifs et risques, porte à 4,9 % la progression prévisionnelle pour 2012 des dépenses de soins de ville avant économies nouvelles. Ces évolutions marquent une légère inflexion par rapport à l'an dernier : elles étaient respectivement de 4,4 et 5,1 % dans la construction de l'Ondam 2011.

Pour les établissements de santé , le taux d'évolution des dépenses « avant mesures » est estimé à 3,3 %. Cette hypothèse s'inscrit dans le prolongement de l'évolution des années précédentes.

Enfin, le taux d'augmentation serait de 4,2 % pour les dépenses médico-sociales . Cette progression est supérieure à l'évolution prévue pour 2011.

L'estimation des évolutions tendancielles, avant mesures d'économies, est une opération délicate qui comporte une marge d'incertitude non négligeable pour certains postes. Un risque serait de sous-estimer ces évolutions dans la construction de l'Ondam : le montant d'économies nécessaire pour atteindre l'objectif serait alors lui-même sous-estimé ce qui induirait des risques de dépassement. Il ne semble pas que ce soit le cas pour 2012. Les évolutions tendancielles des dernières années sont crédibilisées par la reconstitution qui en a été faite a posteriori à partir des évolutions constatées et de l'estimation des économies. Le léger ralentissement retenu pour les soins de ville semble bien correspondre à une tendance de fond, portant notamment sur les dépenses de médicaments.

3/ Les économies

Ramener la progression des dépenses de 4,1 %, considérée comme étant leur augmentation tendancielle avant économies, à 2,8 %, taux retenu comme objectif, suppose la réalisation de 2,2 Md€ d'économies.

1,7 Md€ d'économies sont envisagées sur les dépenses de soins de ville, qui limiteraient leur croissance à 2,7 % en 2012.

Ces économies porteraient pour 1 070 M€ sur les produits de santé, se répartissant entre des baisses de prix (620 M€ sur les médicaments et 50 M€ sur les dispositifs médicaux), la maîtrise médicalisée (290 M€ sur les médicaments et 10 M€ sur les dispositifs) et des mesures diverses (marges des grossistes, tarifs forfaitaires de responsabilité, déremboursement de médicaments à SMR insuffisant) pour 100 M€.

Hors produits de santé, des économies sont prévues pour un total de 640 M€ avec des baisses de tarifs des professionnels de santé (170 M€), des efforts de maîtrise médicalisée (250 M€) et l'harmonisation des règles de calcul des indemnités journalières (220 M€) Quant aux établissements de santé, la fixation de leur sous-objectif à 2,7 % suppose 450 M€ d'économies.

Parmi ces économies, les baisses de prix comme la modification des règles de calcul des IJ ont une incidence assez mécanique sur les dépenses. Leur « rendement » devrait donc être assez proche de ce qui est annoncé, à condition bien sûr qu'elles soient mises en oeuvre aux dates prévues. La marge d'incertitude est plus grande pour les mesures de maîtrise médicalisée, qui représentent environ 550 M€ soit le quart du plan d'économies envisagé pour 2012. Leur taux de réalisation a été variable selon les années, le plus souvent compris entre 60 et 80 %, avec toutefois une amélioration au cours des trois dernières années (85 % en 2010). Même si ces mesures, qui visent des changements de comportement, ont traditionnellement un rendement plus élevé dans le domaine du médicament, il est prudent de ne pas parier sur une réalisation à 100 % de ces économies.

Outre ce risque sur les soins de ville existe celui que l'activité hospitalière soit à nouveau plus forte que prévu en 2012, comme cela a été le cas chaque année depuis 2009. Son augmentation en volume (3,1 % sur les sept premiers mois de 2011) reste supérieure à l'hypothèse retenue pour la campagne tarifaire (2,4 %). Ce dépassement, s'il se poursuivait, pourrait toutefois être compensé jusqu'à un certain point par les mises en réserve de dotations qui devraient s'élever à au moins 515 M€ en 2012. Ces mises en réserve ont profondément modifié les conditions de réalisation de l'objectif et de prévision. Désormais, un dépassement de quelques centaines de millions d'euros peut être compensé par l'annulation de dotations et donc n'avoir pas d'incidence sur le dépassement de l'objectif d'ensemble. Ce pourrait être à nouveau le cas en 2012, comme les deux années précédentes, si les risques évoqués sur le taux de réalisation des économies et le volume de l'activité hospitalière se concrétisaient.

En conclusion le contrôle des éléments ayant permis l'élaboration de l'objectif national d'assurance maladie envisagé dans le PLFSS pour 2012 n'appelle pas de réserves du comité d'alerte sur la possibilité de respecter cet objectif.

Le Comité d'alerte

Jean-Philippe Cotis, Michel Didier, François Monier

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