II. LE DISPOSITIF DU PRÉSENT TEXTE : UN PARALLÉLISME PRESQUE PARFAIT AVEC LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 88-3 DE LA CONSTITUTION

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale répond à l'examen conjoint de quatre propositions de lois constitutionnelles déposées, entre la fin de l'année 1999 et le début de l'année 2000, par MM. Bernard Birsinger, Roger-Gérard Schwartzenberg, André Aschieri et Kofi Yamgnane 15 ( * ) et qui visaient toutes, bien qu'avec de légères variations, à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers non européens en modifiant l'article 3 de la Constitution.

Rappelons que, par-delà cet objectif commun, les propositions de loi préconisaient des solutions diverses :

- trois d'entre elles étaient limitées aux élections municipales, la quatrième visant toutes les élections locales ;

- l'un des textes imposait une durée minimale de résidence préalable de cinq ans, les autres renvoyant à un texte ultérieur ;

- deux propositions de loi excluaient que les étrangers concernés puissent exercer des fonctions exécutives au sein du conseil municipal (maire ou adjoint) et qu'ils participent à la désignation des membres du Sénat ou de leurs électeurs ;

- l'un des textes prévoyait une condition de réciprocité ;

- si les quatre propositions de loi renvoyaient à un autre texte pour fixer les conditions d'application de la loi, trois systèmes différents avaient été envisagés : une proposition prévoyait de recourir à une loi ordinaire, deux autres privilégiaient la loi organique, et la dernière prévoyait l'adoption d'une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux Assemblées.

Sur cette base, l'Assemblée nationale a souhaité adopter un dispositif qui, bien que très largement inspiré de l'article 88-3 de la Constitution relatif au droit de vote des ressortissants communautaires aux élections municipales, tenait compte de la situation spécifique des étrangers originaires d'un État non membre de l'Union européenne.

C'est ainsi que le dispositif finalement adopté par les députés à l'article 1 er du présent texte :

- modifie non pas l'article 3 de la Constitution, mais crée un nouvel article dans le titre XII , consacré aux collectivités territoriales : ce choix répond à une volonté de parallélisme avec les dispositions relatives au droit de vote et d'éligibilité des étrangers ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, dont les droits politiques figurent dans un article du titre XV. Il vise également à montrer que les droits ainsi conférés aux étrangers ne mettent pas en cause la souveraineté nationale qui découle de l'article 3 : comme le soulignait M. Bernard Roman, alors président de la commission des lois, lors de la discussion du texte en séance publique, il s'agit donc d'instituer une « citoyenneté multiple » plutôt qu'une « souveraineté multiple » 16 ( * ) ;

- ouvre le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers non européens pour les seules élections municipales ;

- interdit aux étrangers ainsi élus d'exercer des fonctions exécutives au sein du conseil municipal (maire et adjoint) ;

- prévoit que les étrangers membres d'un conseil municipal ne pourront pas prendre part aux élections sénatoriales : le texte précise ainsi que les étrangers ne pourront pas « participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs » ;

- renvoie à une loi organique la fixation des conditions d'application de ce nouveau droit.

Pour compléter ce dispositif, prévu par l'article 1 er du présent texte, un article 2 supprime le mot « seuls » des dispositions de l'article 88-3 de la Constitution, qui dispose aujourd'hui que le droit de vote et d'éligibilité peut être accordé aux « seuls citoyens de l'Union résidant en France », excluant de facto les citoyens d'un État non membre de l'Union européenne.

On notera que ce dispositif présente deux différences par rapport à l'article 88-3 de la Constitution :

- d'une part, le droit de vote et d'éligibilité des ressortissants d'un État non membre de l'Union n'est pas subordonné à une clause de réciprocité ;

- d'autre part, en l'absence de disposition contraire, la loi organique d'application de la réforme ne serait pas soumise à un « droit de veto » de la Haute Assemblée.


* 15 Il s'agit respectivement des textes n°s 1881, 2042, 2063 et 2075 (onzième législature).

* 16 Voir le compte-rendu intégral de la séance publique du 2 mai 2000.

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