B. LES ENGAGEMENTS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

La Commission européenne a souhaité , six ans après la présentation du « paquet Monti-Kroes », adapter ses règles en fonction du retour d'expérience de la part des États membres, des opérateurs et des usagers. Elle affiche un objectif de clarification, de simplification et de proportionnalité du contrôle effectué sur la compatibilité des aides d'État.

Après avoir exposé le principe de la réforme dans une communication du 23 mars 2011, elle a élaboré des projets de nouveaux textes, relevant comme le « paquet Monti-Kroes » de sa propre initiative et non soumis au Parlement européen et au Conseil, en suivant plusieurs lignes directrices :

- la création d'un régime de minimis spécifique pour les aides à des entreprises chargées d'un SIEG, ainsi que les règles particulières pour les services à nature sociale, ont vocation à simplifier leur gestion pour les petites collectivités ;

- un effort de clarification et de pédagogie est mené concernant l'application de la jurisprudence Altmark ;

- la Commission introduit un objectif d'efficience, de manière à pénaliser les prestataires qui n'atteignent pas la cible fixée.

La vision de la Commission demeure placée dans le cadre de l'application des règles de concurrence, censée garantir le bon usage de l'argent public. Les critères alternatifs, notamment environnementaux ou sociaux, sont donc absents de ses propositions.

Votre rapporteure regrette fortement la logique que la Commission fait prévaloir alors même que remontaient du terrain des attentes différentes .

C. LES MODIFICATIONS INTRODUITES PAR LE « PAQUET ALMUNIA »

Le « paquet Almunia » comprend quatre textes, dont le contenu sera détaillé dans les pages qui suivent.

Les quatre textes du paquet Almunia et leur relation
avec les textes existants

Le quatrième texte du « paquet Monti-Kroes », la directive relative aux règles de comptabilité, n'est pas modifié par le « paquet Almunia ».

1. Le projet de communication relative à l'application des règles de l'UE en matière d'aides d'État aux compensations octroyées pour la prestation de SIEG

Cette communication, à caractère informatif , ne s'impose pas à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.

Elle ne modifie pas fondamentalement les indications déjà données dans le guide des SIEG présenté le 7 décembre 2010 par la Commission (voir supra , p. 9 ), mais présente de manière claire et synthétique des notions souvent éloignées de l'usage français.

2. Le nouveau règlement de minimis spécifique aux SIEG

Le projet de règlement présenté le 16 septembre dernier complète le règlement de minimis n o 1998/2006 du 15 décembre 2006 en définissant un cadre spécifique aux aides de faible montant accordées à des entreprises fournissant des SIEG .

Ce texte déclare compatibles avec le marché intérieur, au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les aides respectant les critères cumulatifs suivants :

- le bénéficiaire est une entreprise chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général ;

-le montant total de l'aide est inférieur ou égal à 150 000 euros par exercice fiscal ;

- le chiffre d'affaires annuel moyen avant impôts de cette entreprise n'a pas atteint 5 000 000 euros au cours des deux derniers exercices fiscaux ;

- l'aide est accordée par une autorité locale représentant une population de moins de 10 000 habitants .

Le texte ne s'applique pas à certains secteurs (pêche et aquaculture, secteur agro-alimentaire, secteur houiller...) ni aux aides aux entreprises en difficulté.

Ce régime de minimis spécifique aux SIEG se distingue du régime général par un plafond d'aide plus élevé (150 000 par an, contre 200 000 euros sur trois ans).

La principale limitation de ce nouveau régime est sa restriction aux autorités locales représentant une population de moins de 10 000 habitants : compte tenu de la généralisation de l'intercommunalité en France , cette limitation le rend inopérant dans la très grande majorité des territoires.

3. Le projet de décision relative à l'exemption de notification

Le projet de décision remplace la décision 2005/842/CE, qui faisait partie du « paquet Monti-Kroes ». En application de l'article 106, paragraphe 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union, il déclare certaines aides d'État compatibles avec le marché intérieur et les exempte de l'obligation de notification préalable à la Commission.

Les aides d'État concernées par l'exemption sont attribuées sous forme de compensation de service public à des entreprises pour la prestation de SIEG.

Les principales modifications, par rapport à la décision 2005/842/CE du « paquet Monti-Kroes », sont les suivantes :

- la limite générale d'exemption de notification est considérablement durcie , puisqu'elle passe de 30 millions d'euros à 15 millions d'euros ; la condition de chiffre d'affaires (l'entreprise devait avoir un chiffre d'affaires annuel moyen inférieur à 100 millions d'euros sur deux ans) est toutefois supprimée ;

- sont toutefois exemptées de notification, quel que soit le montant, les aides octroyées pour des services de besoins sociaux essentiels (soins de santé, garde d'enfants, accès au marché du travail, logement social, soins et inclusion sociale des groupes vulnérables) ; l'exemption concernait précédemment les seuls hôpitaux et entreprises de logement social ;

- la condition relative aux aéroports est également durcie , puisqu'elle s'applique désormais seulement à ceux qui comptent moins de 200 000 passagers sur deux ans, contre 1 million précédemment.

Il convient de rappeler que l'exemption de notification du régime d'aide à la Commission européenne demeure conditionnée au respect des autres règles (mandatement, calcul correct de la compensation, contrôle des surcompensations).

4. Un nouvel Encadrement applicable aux aides d'État plus restrictif

L'Encadrement communautaire des aides d'État sous forme de compensations de service public est un document de travail de la Commission européenne.

L'Encadrement s'applique aux compensations qualifiées d'aides d'État qui ne bénéficient pas de l'exemption de notification prévue par le projet de décision décrit précédemment. Il explique dans quelle mesure ces aides peuvent malgré tout être compatibles avec le marché commun. Il ne s'applique pas dans les secteurs du transport terrestre et de la radiodiffusion de service public.

L'Encadrement reprend les règles déjà énoncées par l'Encadrement de 2005, qu'il renforce sur certains points :

- il rend obligatoire une procédure de consultation publique ou son équivalent afin de déterminer la réalité du besoin à couvrir par le SIEG, alors que l'Encadrement de 2005 se contentait de suggérer une telle procédure aux États membres ;

- la durée du mandat doit être justifiée au regard de critères objectifs , tels que la nécessité d'amortir des investissements qui ne peuvent être cédés ;

- l'autorité , au moment de confier la prestation du service à l'entreprise concernée, doit s'être conformée ou s'engager à se conformer aux règles applicables en matière de marchés publics ;

- il est exigé des États qu'ils introduisent des critères d'efficience pour les prestataires de SIEG ;

- un certain nombre d' exigences supplémentaires peuvent être introduites dans des circonstances particulières : par exemple lorsque le mandat couvre plusieurs missions qui pourraient faire l'objet de mandats distincts, ou lorsque l'aide permet à l'entreprise de financer une infrastructure, empêchant d'autres opérateurs d'accéder au marché du SIEG. Cette disposition peut notamment concerner les services de réseaux locaux. La Commission pourrait demander, à titre d'exemple, une diminution de la durée des mandats, une obligation de mise en concurrence ou encore une réduction du niveau de compensation.

5. Synthèse des obligations européennes en vigueur en matière de compensation aux SIEG

Le tableau ci-dessous résume les obligations introduites par le « paquet Monti-Kroes » et le règlement de minimis, modifiés par le « paquet Almunia » tel qu'il a été présenté le 16 septembre dernier.

Catégorie de compensation de service public

Droit existant
(paquet Monti-Kroes et règlement de minimis )

Modifications proposées par le projet de paquet Almunia

Aide inférieure à 200 000 euros sur trois ans

- ou aide de moins de 100 000 euros pour le transport routier

- ou prêt de moins de 1,5 millions d'euros (750 000 pour le secteur routier)

La compensation n'est pas une aide d'État mais une aide de minimis .

? Donc, pas d'obligation de notification.

(règlement de minimis du 15 décembre 2006)

Maintien du seuil général de 200 000 euros .

Création pour les seuls SIEG d'un nouveau seuil de 150 000 euros par an (soit 450 000 euros sur trois ans), réservé aux autorités locales représentant moins de 10 000 habitants.

1) aide inférieure à 30 millions d'euros (et chiffre d'affaires inférieur à 100 millions d'euros) ;

2) aides pour les hôpitaux et le logement social , sans limite de montant ;

3) aides aux petites liaisons maritimes et aux petits ports et aéroports .

La Commission applique la jurisprudence Altmark pour savoir si la compensation est une aide d'État.

Même s'il s'agit d'une aide d'État, elle est de plein droit compatible avec le marché commun.

? Pas d'obligation de notification, à condition toutefois de respecter les règles en matière de mandatement , de compensation et de surcompensation .

(décision du 28 novembre 2005)

Le seuil de 30 millions d'euros est abaissé à 15 millions d'euros.

Les services répondant à des besoins sociaux essentiels bénéficient désormais de cette exemption de notification .

La condition pour les petits aéroports est durcie.

Autres aides, et notamment les aides supérieures à 30 millions d'euros .

La Commission applique la jurisprudence Altmark pour savoir si la compensation est une aide d'État.

? S'il s'agit d'une aide d'État, obligation de notification.

Obligation également de respecter les règles en matière de mandatement, de compensation et de surcompensation pour déclarer l'aide compatible . (encadrement du 29 novembre 2005)

De nouvelles règles sont créées :

- obligation de consultation publique ,

- respect des règles de marché public ;

- efficience de la prestation ;

- autres exigences supplémentaires éventuelles (liste non exhaustive).

Page mise à jour le

Partager cette page