2. Une information renforcée du Parlement sur la situation financière du MES qui ne doit pas masquer le fait que le traité instituant le MES accorde de fait la garantie de l'Etat en dehors des lois de finances
a) Un nouveau dispositif d'information du Parlement (article 10)

A l'initiative de son rapporteur général, l'Assemblée nationale a prévu une information du Parlement sur la situation financière du MES et sur les décisions prises par son conseil des gouverneurs :

« Le Gouvernement transmet aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances la synthèse trimestrielle de la situation financière du mécanisme européen de stabilité ainsi que le compte de profits et pertes faisant ressortir les résultats de ses opérations, prévus à l'article 27 du traité instituant le mécanisme européen de stabilité signé le 2 février 2012.

« Lorsque le conseil des gouverneurs du mécanisme européen de stabilité adopte une décision relevant des d, f, h et i du 6 de l'article 5 du traité mentionné au premier alinéa du présent article, le ministre chargé de l'économie en informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances. »

b) La LOLF prévoit que l'octroi de la garantie de l'Etat doit être autorisé par une loi de finances

D'après l'article 34 de la LOLF, « dans la seconde partie, la loi de finances de l'année (...) autorise l'octroi des garanties de l'Etat et fixe leur régime ». Par ailleurs, selon son article 61, « dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi organique, toute garantie de l'Etat qui n'a pas été expressément autorisée par une disposition de loi de finances doit faire l'objet d'une telle autorisation ».

Ainsi, l'Etat a été autorisé à accorder sa garantie au FESF par l'article 3 de la loi n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificative pour 2010.

c) Le traité relatif au MES implique l'octroi de sa garantie par la France

Le Gouvernement considère en revanche que le capital appelable du MES ne peut être assimilé à une garantie, et n'a donc pas besoin d'être autorisé en loi de finances.

Pourtant, le traité prévoit bien que la France, par sa ratification, engage de fait sa garantie . En effet :

- l'article 9 du traité sur le MES prévoit explicitement le cas où le capital serait appelé - son directeur général ayant d'ailleurs pour cela compétence liée (« le directeur général appelle », etc.) -, pour permettre au MES de faire face à ses obligations envers ses créanciers 91 ( * ) . La souscription au capital appelable du MES constitue donc de facto une garantie analogue à celle accordée au FESF (même si on peut également envisager des cas où le capital serait appelé pour d'autres raisons) ;

- de manière moins « flagrante », l'article 9 précité prévoit également que le conseil d'administration appellerait le capital non libéré pour faire face à des pertes, si le capital libéré/ratio émissions du MES passait sous le seuil de 15 % 92 ( * ) , ce qui ressemble beaucoup à une garantie des dettes des Etats aidés vis-à-vis du FESF (même si le conseil d'administration n'aurait alors pas compétence liée) ;

- considérer, de manière générale, qu'il suffirait de prévoir, plutôt qu'une garantie désignée par ce terme, un capital appelé automatiquement en cas d'empêchement d'une entité de faire face à ses obligations, viderait de son sens l'article 61 de la LOLF.

Dans le cas des augmentations récentes du capital appelable des banques de développement, le Gouvernement a fait le choix de prévoir une autorisation explicite en loi de finances (cf. l'article 103 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 93 ( * ) et l'article 84 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 94 ( * ) ), ce qui peut expliquer que le Conseil constitutionnel ne se soit semble-t-il jamais prononcé sur la question. Le précédent du FESF rend toutefois difficile de ne pas se la poser dans le cas du MES.

d) La nécessité constitutionnelle d'autoriser, dans une loi de finances, l'Etat à souscrire au capital du MES ?

Si le présent projet de loi de finances rectificative pour 2012 ne comportait pas d'article autorisant le Gouvernement à engager la garantie de la France vis-à-vis du MES, on se trouverait dans la situation paradoxale où une loi ordinaire autoriserait la ratification d'un traité comprenant des dispositions dont la LOLF prévoit explicitement qu'elles sont du domaine exclusif de la loi de finances. La conformité à la Constitution, non du traité instituant le MES, mais de la loi autorisant sa ratification, pourrait s'en trouver mise en cause.

Il faut par ailleurs être cohérent. Considérer que la loi autorisant la ratification du traité relatif au MES n'impliquerait pas préalablement l'autorisation en loi de finances d'engager la garantie de l'Etat impliquerait que les dispositions de la loi n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificative pour 2010 autorisant l'Etat à engager sa garantie dans le cas du FESF n'étaient pas constitutionnellement nécessaires. Cette interprétation viderait de sa portée l'article 61 de la LOLF, dès lors qu'il suffirait d'inscrire l'octroi d'une garantie dans un texte de droit international pour le contourner.


* 91 « Le directeur général appelle en temps utile le capital autorisé non libéré si cela est nécessaire pour éviter que le MES ne puisse honorer ses obligations de paiement, programmées ou autres, envers ses créanciers. »

* 92 « Le conseil d'administration peut décider à la majorité simple d'appeler le capital autorisé non libéré pour rétablir le niveau du capital libéré si, du fait de l'absorption de pertes, son montant est inférieur au niveau établi à l'article 8, paragraphe 2, qui peut être modifié par le conseil des gouverneurs suivant la procédure prévue à l'article 10, et fixer un délai de paiement approprié aux membres du MES ».

* 93 Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Banque africaine de développement, Banque interaméricaine de développement, Banque internationale pour la reconstruction et le développement, Banque asiatique de développement, Banque de développement des Etats de l'Afrique centrale, Banque ouest-africaine de développement.

* 94 Banque de développement du Conseil de l'Europe.

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