TITRE II - DISPOSITIONS PERMANENTES

ARTICLE 16 - Évaluation préalable de certains investissements publics

Commentaire : le présent article propose d'introduire une nouvelle procédure d'évaluation et de contre-expertise de certains investissements publics.

I. LE DROIT EXISTANT

A. L'ENSEMBLE DES INVESTISSEMENTS DE L'ETAT S'ÉLÈVENT À 13,3 MILLIARDS D'EUROS EN 2012 (HORS INVESTISSEMENTS D'AVENIR)

1. Les investissements de l'Etat correspondent, au deux-tiers, à des investissements militaires

Les dépenses d'investissement sont retracées au titre 5 du budget général de l'Etat. Elles s'élevaient à 13,3 milliards d'euros en 2012, soit environ 3,5 % des dépenses de l'Etat, et se décomposaient comme suit :

- 9,4 milliards d'euros d'investissements militaires (soit 71 % de l'enveloppe globale). Il s'agit essentiellement de programmes d'armement et d'équipement militaire ;

- 3,9 milliards d'euros d'investissements civils (soit 29 % de l'enveloppe globale). Ces derniers recouvrent des dépenses immobilières (construction d'établissements pénitentiaires, casernes de gendarmerie, monuments historiques), des dépenses en infrastructures de transport et des dépenses informatiques et de télécommunication.

Les investissements civils - hors transports - sont principalement concentrés sur les missions « Justice », « Culture », « Recherche et enseignement supérieur » (au profit des universités principalement), « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Sécurité ».

Répartition des investissements de l'Etat en 2012

(en millions d'euros)

LFI 2012 - format 2013

Investissements civils

3 897

Subvention d'investissement versée à l'AFITF

1 030

Justice

480

Culture

486

Recherche et enseignement supérieur

478

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

387

Sécurité

309

Autres missions du budget général

727

Investissements militaires

9 361

Total

13 258

Source : ministère chargé du budget

Les établissements publics de l'Etat financent également des investissements à partir de leur subvention pour charge de service public (dépenses de titre 3) ou de leurs dotations en fonds propres (dépenses de titre 7). Le montant des investissements des opérateurs de l'Etat s'élevait ainsi à 7,8 milliards d'euros en 2012, dont 2,2 milliards d'euros pour l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), 977 millions d'euros pour le Centre national d'études spatiales (CNES), 484 millions d'euros pour le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et 243 millions d'euros pour Voies navigables de France (VNF).

Quant aux établissements de santé, sous l'impulsion notamment du plan « Hôpital 2007 », leur investissement annuel a doublé, passant de 3,1 milliards d'euros en 2002 à 6,4 milliards en 2010, selon le récent rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales du Sénat sur le financement des établissements de santé.

2. Les investissements de l'Etat ont été contenus depuis 2007, mais se sont accrus si l'on tient compte du Programme d'investissement d'avenir

Sur les cinq dernières années, les dépenses d'investissement de l'Etat (hors investissements d'avenir) ont été comprises entre 10 et 15 milliards d'euros par an. Après avoir connu une hausse globale jusqu'en 2009, elles ont baissé à partir de 2010 ( cf. tableau ci-après).

Il convient néanmoins de rappeler qu'une enveloppe de 35 milliards d'euros a été dédiée, selon une procédure spécifique, au programme d'investissements d'avenir (PIA), dans le cadre de la loi de finances rectificative de mars 2010.

La nature des IA est néanmoins très différente de celle des investissements de l'Etat. Ainsi aucune de ces dépenses ne relève de la catégorie des « dépenses d'investissement » (titre 5) au sens de la LOLF, qui correspond aux immobilisations corporelles et incorporelles de l'Etat. Ces dépenses sont, en effet, financées par le biais d'opérateurs : pour l'Etat, il s'agit donc principalement de dépenses d'intervention (titre 6) ou d'opérations financières (prêts ou dotations en capital), voire de dépenses de fonctionnement.

Par ailleurs, si l' « emprunt national » a accru le déficit de l'Etat au sens de la comptabilité budgétaire en 2010, il convient cependant de souligner que les 35 milliards d'euros ainsi ouverts par la LFR n'ont pas été directement injectés dans l'économie, mais ont été attribués à divers opérateurs, chargés de les reverser progressivement aux lauréats des procédures de sélection.

Enfin, il convient de relever que ces 35 milliards d'euros sont composés de 19,6 milliards d'euros de dotations consommables (subventions, avances remboursables, prêts, prise de participation et dotations en fonds de garantie) et de 15 milliards d'euros de dotations non consommables déposées sur les comptes du Trésor dont seuls les produits d'intérêt sont versés aux bénéficiaires.

Sur le détail de ce programme, votre rapporteur renvoie aux travaux de la commission des finances sur la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

Evolution des dépenses d'investissement

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

Taux de croissance annuel moyen hors IA

Investissement civil

4,6

4,0

4,4

3,7

3,2

- 8,8 %

Investissement militaire

9,1

9,8

10,8

9,2

8,3

- 2,4 %

Investissement d'avenir (IA)

-

-

-

34,6

-

-

Total y compris les IA

13

13,6

14,3

47,5

11,1

- 4,0 %

Poids dans les dépenses de l'Etat

Investissement civil

1,4 %

1,2 %

1,2 %

0,9 %

0,9 %

-

Investissement militaire

2,7 %

2,8 %

2,9 %

2,2 %

2,3 %

-

Investissement d'avenir (IA)

8,1 %

-

Total y compris les IA

3,9 %

3,9 %

3,9 %

11,2 %

3,0 %

-

Part dans le PIB

Investissement civil

0,2 %

0,2 %

0,2 %

0,2 %

0,2 %

-

Investissement militaire

0,5 %

0,5 %

0,6 %

0,5 %

0,4 %

-

Investissement d'avenir (IA)

-

-

-

1,8 %

-

-

Total y compris les IA

0,7 %

0,7%

0,8 %

2,5 %

0,6 %

-

Source : ministère chargé du budget

B. LES PROCÉDURES D'ÉVALUATION ACTUELLES

Plusieurs procédures ont récemment été mises en place pour évaluer les investissements publics, notamment afin de pallier certains dérives qui avaient pu être constatées. Ces procédures demeurent néanmoins « sectorielles ».

En matière de transports, par exemple, la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI) du 31 décembre 1982 prévoit que « les choix relatifs aux infrastructures, aux équipements et aux matériels de transport dont la réalisation repose, en totalité ou en partie, sur un financement public, sont fondés sur l'efficacité économique et sociale de l'opération ». L'instruction cadre du 25 mars 2004 précise les méthodes d'évaluation économique de ces grands projets.

Dans le domaine militaire, une démarche d'ingénierie globale des opérations d'armement été mise en place en 2010, afin de pallier les dérives de coût constatées pour certains programmes.

Le ministère de la culture et de la communication a créé, la même année, l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) et une commission interministérielle des projets immobiliers (CIPM), destinée à assurer le pilotage et le contrôle du respect des objectifs, des coûts et des délais des grands projets immobiliers du ministère.

Enfin, en matière informatique, a été mise en place une direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (DISIC) pour améliorer la prise de décision en matière d'investissements dans les systèmes d'information et de communication.

La Cour des comptes, dans son rapport de juillet 2012 sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui consacre une partie de ses travaux aux investissements publics : « les méthodes pratiquées dans ces domaines, outre qu'elles sont insuffisamment transparentes, ne guident pas toujours efficacement les décisions. Les évaluations a priori sont trop souvent réalisés par les maître d'ouvrage, sans contre expertise indépendante ». La Cour des comptes relève aussi qu' « une vigilance particulière est nécessaire sur l'effet des partenariats public privé qui reportent la charge de l'investissement sur les dépenses de fonctionnement et sur de longues durées en rigidifiant ainsi les budgets concernés sans que leur soutenabilité pour les finances publiques ait toujours été examinée sur cette période . »

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article, auquel l'Assemblée nationale a apporté quatre modifications rédactionnelles, propose la mise en place d'une nouvelle procédure transversale d'évaluation préalable et de contre-expertise de certains investissements publics.

A la différence de certaines orientations prévues par le présent projet de loi, cette disposition revêt une portée normative.

A. LES INVESTISSEMENTS EN CAUSE

Sont visés par cette nouvelle procédure tous « les projets d'investissements civils financés par l'Etat, ses établissements publics, les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire. »

La notion de projet d'investissements civils - qui ne vaut que pour les investissements de l'Etat - doit être entendue comme toutes les dépenses de titre 5 du budget général, hors mission « Défense ». Les investissements militaires, ainsi que les hôpitaux militaires financés par le service de santé des armées qui relève de la mission « Défense », sont donc exclus du champ de la mesure.

Quant aux établissements publics de santé et aux structures de coopération sanitaire visés, il s'agit respectivement des établissements mentionnés à l'article L. 6141-1 du code de la santé publique et des structures mentionnées à l'article L. 6148-1 du même code, soit notamment les groupements mentionnés à l'article L. 6133-1 du même code. A noter que ces groupements peuvent avoir le statut de personne morale de droit public ou de droit privé.

B. UNE PROCÉDURE EN DEUX TEMPS

L'évaluation de ces projets reposera sur une procédure en deux temps qui sera précisée par décret :


• Une évaluation socio-économique préalable, dans un premier temps, qui concernera tous les projets d'investissement présentés ci-dessus.

Ce type d'évaluation, qui ne fait pas l'objet d'une définition précise, renvoie à une méthode développée par les économistes destinée à mesurer l'efficacité d'un projet en déterminant sa contribution à la création de valeur pour la collectivité. Elle procède à une comparaison des bénéfices et des coûts apportés par un projet. Selon les données recueillies par votre rapporteur général, cette première évaluation sera effectuée par le maître d'ouvrage de l'investissement considéré.


• Une contre-expertise indépendante, dans un second temps, pour les seuls projets dont le montant total et la part du financement public dépassent des seuils fixés par décret.

Selon les données transmises à votre rapporteur général, ces seuils devraient être fixés à 50 millions d'euros s'agissant du montant total de l'investissement et à 20 % s'agissant du niveau de co-financement public. Ces données ne sont cependant pas définitivement arrêtées.

Cette évaluation sera assurée soit par le commissariat général à l'investissement (CGI) lui-même, soit sous sa coordination. Si le CGI est aujourd'hui chargé de l'évaluation des seuls investissements d'avenir, le décret n° 2010-80 du 22 janvier 2010 prévoit qu'il a une compétence générale s'agissant des investissements de l'Etat.


• Le présent article prévoit que les évaluations et les contre-expertises indépendantes sont transmises au Parlement.

ARTICLE 17 -Évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales

Commentaire : le présent article prévoit que chaque année, 20 % des dépenses fiscales et des niches sociales seront évaluées.

Le présent article dispose (dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale) :

« Les dépenses fiscales, d'une part, et les réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement, d'autre part, font l'objet d'une évaluation annuelle de leur efficience et de leur efficacité.

« Ces évaluations sont réalisées chaque année par cinquième des dépenses fiscales, réductions, exonérations ou abattements d'assiette et sur l'ensemble de ceux qui, aux termes du texte qui les a institués, cesseront de s'appliquer dans les douze mois.

« Ces évaluations sont transmises au Parlement. »

Contrairement aux articles du titre I du présent projet de LPFP, il a une valeur juridiquement contraignante. Sa base juridique est en effet l'article 4, précité, du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

A l'initiative de son rapporteur général, notre collègue député Christian Eckert, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements rédactionnels.

ARTICLE 18 (supprimé) - Rapport sur les comptes publics

Commentaire : le présent article prévoyait un rapport sur les comptes publics.

Le présent article était ainsi rédigé :

« Est joint au projet de loi de finances de l'année un rapport sur les comptes publics, comportant notamment les prévisions d'évolution des prélèvements obligatoires et des dépenses de l'ensemble des administrations publiques.

« Ce rapport présente les projections d'évolution des comptes des administrations publiques notamment celles ne relevant ni du champ des lois de finances ni de celui des lois de financement de la sécurité sociale. »

A l'initiative de son rapporteur général, notre collègue député Christian Eckert, la commission des finances de l'Assemblée nationale a supprimé le présent article.

En effet, ses dispositions ont été « remontées », sous une forme plus précise, dans l'article 17 B du projet de loi organique, inséré par l'Assemblée nationale.

ARTICLE 19 - Bilan de la mise en oeuvre de la future loi de programmation des finances publiques

Commentaire : le présent article prévoit un bilan de la mise en oeuvre du présent projet de LPFP.

Le présent article (dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale) est ainsi rédigé :

« Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement, après consultation du comité des finances locales et avant le débat d'orientation des finances publiques, un bilan de la mise en oeuvre de la présente loi. Ce bilan présente également une justification des éventuels écarts constatés entre les engagements pris dans le dernier programme de stabilité transmis à la Commission européenne et les prévisions de la présente loi.

« Ce bilan est rendu public et présenté dans un document unique, auquel est joint l'avis du comité des finances locales ».

A l'initiative de son rapporteur général, notre collègue député Christian Eckert, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

ARTICLE 19 bis - Information du Parlement en matière de dépense fiscale

Commentaire : le présent article prévoit diverses dispositions relatives à l'information du Parlement sur les dépenses fiscales.

A l'initiative de son rapporteur général, notre collègue député Christian Eckert, la commission des finances de l'Assemblée nationale a inséré le présent article.

Dans son I, celui-ci prévoit que le Gouvernement présente chaque année au Parlement : avant le 1 er juin, le montant de dépenses fiscales constaté pour le dernier exercice clos ; avant le premier mardi d'octobre, la prévision annuelle de coût retenue pour les dépenses fiscales de l'exercice à venir et de l'exercice en cours ; avant le 15 octobre, la prévision annuelle de coût retenue pour l'exercice à venir et l'exercice en cours des niches sociales, ainsi que le montant de leur coût constaté pour le dernier exercice clos.

Le II du présent article précise que, lorsque le Gouvernement présente ces deux dernières prévisions, il transmet au Parlement un bilan des créations, modifications et suppressions de dépenses fiscales ou de niches sociales adoptées dans les douze mois qui précèdent et prévues par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale afférents à l'année suivante.

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