Rapport n° 466 (2012-2013) de M. Jacques BERTHOU , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 2 avril 2013

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N° 466

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 avril 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l' approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l' Inde relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l' énergie nucléaire ,

Par M. Jacques BERTHOU,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner , vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger, André Trillard , secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Luc Carvounas, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini, Paul Vergès .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

4021 , 4191 et T.A. 852

Sénat :

354 (2011-2012) et 467 (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 354 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire.

Cet accord a été conclu en application d'un accord cadre plus général de coopération nucléaire, signé en 2008 avec l'Inde. Il doit permettre d'encadrer (en apportant des garde-fous mais sans préjuger des négociations futures entre les acteurs du nucléaire civil) la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les futurs accords spécifiques relatifs aux résultats de la recherche dans le nucléaire civil, protocoles d'accords ou contrats, et, dans la mesure du possible, de régler les défis posés par la loi indienne en matière de propriété intellectuelle.

En effet, la loi indienne interdit la délivrance en Inde de brevets portant sur l'énergie nucléaire. En outre, l'obtention préalable du gouvernement fédéral est requise pour pouvoir déposer à l'étranger les résultats issus de recherches effectuées en Inde en matière nucléaire. Ces dispositions de la loi indienne résultent de modifications apportées en 2005 pour répondre au refus de levée d'embargo sur certaines matières. À ce stade, l'Inde refuse de modifier les dispositions de la loi sur la propriété intellectuelle tant que l'embargo n'est pas levé.

Dans ce contexte, il fallait distinguer entre l'objectif idéal qui consistait à obtenir une modification ou dérogation de la loi indienne pour pouvoir déposer un brevet sur le nucléaire en Inde (très improbable de pouvoir obtenir cette modification via un traité) et l'objectif intermédiaire, acceptable pour les acteurs français du nucléaire civil, qui visait à obtenir l'engagement a priori du gouvernement indien qu'il ne s'opposera pas à la protection à l'étranger des résultats de recherche issus d'une coopération franco-indienne . C'est l'objet de l'accord qui nous est soumis, dont l'article 2 stipule : « (...) À cet effet, les Parties s'engagent à ne pas s'opposer à la recherche, par les Participants, d'une protection des Résultats dans les États autorisant une telle protection . »

Le présent accord vise donc à faciliter la négociation par les acteurs français du nucléaire civil d'accords spécifiques, protocoles d'accords ou contrats dans les meilleures conditions de protection de leur propriété intellectuelle. Votre commission vous propose d'adopter cet accord et propose sa discussion sous forme simplifiée en séance publique.

I. L'INDE, DES BESOINS ÉNERGÉTIQUES IMMENSES

A. L'ÉMERGENCE DE L'ÉCONOMIE INDIENNE

1. Une croissance qui a longtemps frôlé les deux chiffres et qui n'est qu'en partie ralentie par la crise

Portée par la vigueur de sa démographie, l'Inde sera le pays le plus peuplé du monde en 2021. Elle devrait gagner 160 millions d'habitants dans la décennie actuelle et 140 millions dans la suivante. L'économie est tirée par l'existence d'une classe très active d'entrepreneurs privés et par un très bon niveau de formation, même si seulement 6 % d'une classe d'âge a aujourd'hui accès à l'enseignement supérieur. Les défis à relever sont certes nombreux : pénurie d'infrastructures (transport, électricité, communication...) et de système social (50 % de la population n'a pas accès aux soins de base), question de la sécurité alimentaire à moyen terme.

Alors que le PIB indien progressait au rythme moyen de 8,5 % par an au cours de la décennie passée, la croissance a progressivement ralenti depuis 2010 pour atteindre probablement 5,4 % au cours de l'année budgétaire 2012/13, soit son plus bas niveau depuis dix ans.

La crise financière internationale, et ses conséquences, ont tout d'abord contribué à cette détérioration globale de l'économie indienne. Plus particulièrement, le ralentissement mondial de l'activité économique a fortement affecté la progression des exportations indiennes (croissance de 7 % actuellement contre 16 % il y a un an). Par ailleurs, dans ce contexte de crise, la préférence des investisseurs institutionnels pour des placements jugés moins risqués s'est traduite par de fortes sorties de capitaux court terme, qui ont entraîné une dépréciation de la roupie par rapport au dollar (- 15 % en 2011). Cette dépréciation s'est depuis lors accrue : 44 INR pour 1 USD fin juillet 2011 contre 55, début 2013. Or, dans un environnement où l'Inde importe 80 % de ses besoins en pétrole, les répercussions sur la balance commerciale indienne sont lourdes de conséquences ; l'Inde enregistrera en 2012/2013 un déficit commercial historique (200 Mds USD soit plus de 10 % du PIB).

Le nouveau ministre des finances a annoncé un train de réformes sans précédent depuis 2009. Celles-ci ont un triple objectif : réduire le déficit public, stimuler l'investissement et réduire la vulnérabilité de l'Inde aux chocs extérieurs. Un guichet interministériel destiné à accélérer les autorisations pour les gros projets d'investissement a été mis en place pour faciliter l'ouverture aux investisseurs étrangers du secteur de la grande distribution, du capital des compagnies aériennes privées et des compagnies d'assurances.

Partant de cette évolution, le FMI anticipe désormais une reprise de la croissance à 6,0 % en 2013/14 qui progresserait pour atteindre 8,0 % à moyen terme.

2. Des relations économiques franco-indiennes à densifier
a) Vers un accord de libre-échange avec l'Union européenne ?

S'agissant des relations économiques bilatérales entre la France et l'Inde, elles reposent sur le partenariat stratégique décidé en janvier 1998 par le Président de la République et le Premier ministre indien. Ce partenariat fixe des priorités qui s'articulent autour de l'énergie et des équipements de défense . Dans le même temps, la dérégulation du transport aérien en Inde (2005) a permis aux constructeurs aéronautiques d'accumuler des commandes auprès des nouvelles compagnies privées indiennes. Par ailleurs, en prenant appui sur ce partenariat, le Président français et le Premier ministre indien se sont fixé en 2008 comme objectif de « porter les échanges commerciaux bilatéraux à 12 Mds€ en 2012 ». Un décalage s'est néanmoins progressivement instauré par rapport à cet objectif politique. Le montant des échanges s'est en effet élevé à 7,5 Mds€ en 2011; il devrait être inférieur en 2012, avec un déficit commercial au détriment de la France qui se réduit néanmoins (1,3 Md€ sur les onze premiers mois de l'année 2012, au lieu de 2,0 Md€ en 2011).

Le débat se concentre aujourd'hui sur le projet d'accord de libre échange entre l'Inde et l'UE , qui constitue une priorité pour les deux parties. Les négociations sont néanmoins très lentes et l'Inde reste très défensive en particulier sur les secteurs automobiles, vins et alcools.

Dans cet environnement, les priorités économiques françaises actuelles reposent sur les orientations arrêtées dans le cadre ou à la faveur du partenariat stratégique (équipements de défense, énergie, aéronautique). Toutefois, pour tenir compte des évolutions en cours, le développement urbain constitue, désormais, un axe majeur de l'action des sociétés françaises. Les besoins d'investissements en infrastructures urbaines en Inde, pour les 20 prochaines années, se chiffreraient entre 900 et 1 200 Mds $, et 450 Mds $ seraient nécessaires pour le fonctionnement des services. L'eau, les déchets, les transports urbains, l'éclairage public, le mobilier urbain concentrent ainsi aujourd'hui une partie des succès commerciaux français en Inde grâce à des entreprises, leader mondiaux dans leur domaine.

Un partenariat économique de long terme se développe par ailleurs, fondé sur une forte expansion de nos implantations , liée notamment à des droits de douane très élevés qui forcent ce mouvement. Les entreprises françaises disposeraient 1 ( * ) , réparti sur le territoire indien, d'un stock d'investissement de l'ordre de 17 Mds$ ; elles réaliseraient un chiffre d'affaires de 18,5Mds$ en Inde et emploieraient plus de 240 000 salariés. Le mouvement, engagé il y a trente ou quarante ans par quelques entreprises, a pris de l'ampleur depuis 5 à 6 ans et place désormais l'Inde parmi les 10 premiers partenaires de la France. La réalité du partenariat économique bilatéral s'exprime désormais davantage à travers les investissements directs étrangers (IDE) français en Inde, qu'à partir des échanges commerciaux. Les IDE indiens en France restent par contre encore modestes (une centaine de sociétés pour un stock de 230 M€) mais ils sont en pleine évolution.

Plus globalement, la France et l'Inde affichent une relative convergence de vues sur les grands défis économiques. Sur les thèmes à l'agenda du G20, les différences entre l'Inde et la France sont ténues ; quand ces différences existent néanmoins, les positions dans ces domaines sont loin d'être irréconciliables. En revanche, il existe un certain blocage sur les questions liées à l'OMC. Ainsi, s'agissant des priorités du G20, les deux pays militent-ils pour une mondialisation plus juste et profitable aux peuples. La régulation du secteur financier, la surveillance des juridictions non coopératives, la lutte contre la corruption sont des priorités communément partagées. Sur les autres sujets qui la préoccupent plus encore, l'Inde est reconnaissante à la France d'avoir étendu les travaux sur la volatilité des matières premières aux produits agricoles et d'avoir placé le thème du développement au centre des débats. Concernant le changement climatique, la demande indienne de la reconnaissance des principes d'équité et de responsabilités communes mais différenciées est acceptée par l'Union Européenne et la France

b) Des échanges commerciaux déséquilibrés au détriment de la France, derrière l'Allemagne et même l'Italie

Depuis 2000, le solde commercial de la France vis-à-vis de l'Inde a presque toujours été négatif , sauf en 2006 et en 2007 du fait d'importantes exportations aéronautiques. Au cours de l'année 2011, les échanges bilatéraux ont atteint 7,5 Mds€, soit une performance inférieure à la cible de 12 Mds€ retenue par nos deux pays depuis 2008 (mais ce chiffre n'intègre pas les exportations d'équipement de défense). En 2011, les exportations se sont établies à 2,8 Mds€ et les importations à 4,7 Mds€. Avec 1,9 Mds€, le déficit bilatéral a ainsi atteint un plus haut historique.

Deux facteurs expliquent cette dynamique défavorable : nos importations de produits pétroliers raffinés (1 Md USD en 2011 soit 21 % du total importé) ont progressé de manière significative après la mise en fonctionnement de la plus grande raffinerie du monde en Inde (RIL) en 2009 ; le report des livraisons aéronautiques a par ailleurs grevé nos exportations (de 45 % au cours des trois années précédentes, la part « matériel de transport » dans les exportations totales est tombée à moins de 14 % en 2011) ; les exportations françaises ont malgré tout été soutenues par les équipements mécaniques, électriques et informatiques (41 % du total), les produits chimiques, parfums et cosmétiques (12 %) et les produits métalliques (12 % également).

Les premières données disponibles concernant l'année 2012 laissent entrevoir un arrêt de l'aggravation du déficit bilatéral. Cela ne doit cependant pas occulter nos faiblesses notamment par rapport à l'Allemagne ou l'Italie . Les performances allemandes sont supérieures dans la quasi-totalité des secteurs hors aéronautique ; quant à l'Italie, elle obtient de meilleurs résultats dans les secteurs des machines-outils, de la métallurgie, de l'habillement, de la maroquinerie et de la bijouterie/orfèvrerie. Selon les statistiques indiennes, sur l'année 2010/11 (avril 2010 à mars 2011), la part de marché française (1,0 %), traditionnellement plus faible que celle de l'Allemagne (3,2 %), est même passée en dessous de celle de l'Italie (1,2 %). La Chine détient la plus grosse part de marché en Inde (11,8 %), suivie, si on exclut les pays mono-exportateurs (pétrole, or, pierres précieuses etc.), des Etats-Unis (5,4 %).

B. LE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE DOIT PERMETTRE DE COMBLER DES BESOINS IMMENSES EN ÉNERGIE

1. Des besoins en énergie considérables

L'Inde est aujourd'hui le 7 e producteur d'énergie (2,5 % de l'énergie mondiale) et le 3 e consommateur (5,5 % de l'énergie mondiale). La demande énergétique primaire actuelle est estimée à près de 700 millions de tonnes équivalent pétrole (tep), et devrait doubler à l'horizon 2035 . Sur la période 2009-2035, le taux d'accroissement annuel de la demande serait de 3,1 %, selon les estimations du FMI, soit plus du double du taux moyen mondial estimé à 1,3 %. Néanmoins, la consommation par habitant reste faible (580 kg ep/habitant/an), 3 fois inférieure à la moyenne mondiale, 15 fois moins que celle des États-Unis.

Or le mix énergétique continuera de reposer principalement sur les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), posant deux problèmes majeurs : la hausse des émissions de CO2, et l'augmentation de la facture énergétique du pays.

Face à l'accroissement continu de la demande, le contexte électrique est très tendu en Inde . Le pays a connu une coupure d'électricité géante à l'été 2012, affectant durant trois jours la moitié nord du pays, avec en outre des compagnies de distribution d'électricité en faillite virtuelle et pour lesquelles le gouvernement vient de décider d'un plan de sauvetage.

Face à une demande énergétique qui croît de 8 % par an , l'Inde risque de devoir recourir davantage au charbon présent en grande quantité dans son sous-sol, ou d'accroître ses importations d'hydrocarbures, ce qui augmenterait sa dépendance énergétique.

2. Un secteur énergétique qui pèse lourdement sur la balance commerciale du pays

Les besoins en énergie sont tels que le secteur de la production d'électricité (38 %) est désormais le plus consommateur des sources d'énergie, devant le bâtiment (29 %, principalement pour les besoins de cuisine et de chauffe des ménages), l'industrie (22 %) et les transports (8 %). Si ces chiffres révèlent une évolution des consommations (recul de la consommation d'énergie d'origine biomasse -le bâtiment représentait 42 % de la demande en 1990), 2/3 de la population indienne a toujours recours aux matériaux traditionnels pour cuisiner et se chauffer .

L'Inde dispose d'une réserve de 775 millions de tonnes de pétrole brut mais seulement 26 % de la demande actuelle en pétrole est assurée par la production nationale (19,5 % à l'horizon 2016-2017). Les volumes importés (164 millions de tonnes de pétrole brut en 2010-2011, principalement du golfe persique) ont été multipliés par 5 en 20 ans .

Un programme important de création-extension des raffineries du pays est par ailleurs en cours, dont les capacités atteignent désormais 240 millions de tonnes/an. La raffinerie dirigée par RIL (Reliance Industries Limited) à Jamnagar, Gujarat, d'une capacité de 62 millions de tonnes/an est le plus grand complexe mondial de raffinage.

L'Inde dispose parallèlement de 1000 milliards de m 3 de réserves de gaz naturel (0,6 % des réserves mondiales). Aujourd'hui la demande intérieure (166 millions m 3 /j) est couverte à 80 % par la production nationale. Toutefois, pour répondre à la demande croissante (+ 33 % d'ici à 2017), il est prévu de doubler les importations (de 11 millions de tonnes équivalent pétrole/an en 2010/2011 à 24,8 millions de tep en 2016-2017) et d'augmenter la production nationale de 23 % (découvertes récentes de gaz dans le bassin de Krishna Godavari en 2006 et dans le bassin de Cambay en 2009). Le gouvernement envisage également de développer l'exploration de gaz de schiste .

Pour faire face à la demande, le pays a besoin d'un nouveau « mix énergétique ». Le Gouvernement privilégie les orientations suivantes : moderniser les centrales thermiques existantes, développer la production d'énergie solaire et éolienne (avec un potentiel de 50 GW pour chacune de ces sources), construire des barrages hydroélectriques, notamment sur le fleuve Narmada, et relever à 20 % la part du nucléaire dans la production énergétique à l'horizon 2050.

La stratégie indienne de développement du nucléaire civi l

L'intérêt de l'Inde pour le nucléaire remonte aux années 1960. Le pays a d'abord acheté à la société américaine General Electric deux réacteurs à eau bouillante (Tarapur 1 et 2) avant de choisir d'engager avec le Canada une coopération sur la filière des réacteurs à eau lourde.

La première phase du développement du programme nucléaire indien a ainsi reposé sur des réacteurs à eau lourde pressurisée utilisant l'uranium naturel : elle est aujourd'hui arrivée à maturité avec la construction en série de réacteurs de petite à moyenne puissance.

La seconde phase vise à doter le pays d'un parc de réacteurs surgénérateurs. Un réacteur prototype de 500 MWe (1) est en cours de construction à Kalpakkam, près de Chennai. Son démarrage est prévu au plus tard en 2014. Il sera suivi de quatre autres unités de même puissance, d'ici 2020.

La troisième phase repose sur le cycle du thorium, dont le sous-sol indien, pauvre en uranium, abonde. Les ingénieurs indiens ont achevé la conception d'un réacteur avancé à eau lourde de 300 MWe, l'AHWR (Advanced Heavy Water Reactor).

Actuellement, vingt réacteurs nucléaires sont exploités dans le pays, pour une puissance installée de 4,78 GWe. Ils sont quasiment tous issus du modèle canadien CANDU. Les autorités indiennes voudraient que la capacité nucléaire installée atteigne au moins 20 GWe en 2020 et 63 GWe en 2032, soit l'équivalent du parc français, ce qui fait du programme nucléaire national le plus ambitieux au monde après celui de la Chine .

Alors que la construction de réacteurs de technologie indienne se poursuit, l'acquisition de réacteurs importés prend du retard. Aucun contrat n'a été à ce jour signé avec un fournisseur étranger. Plus de la moitié de la capacité visée en 2020 pourrait être fournie par des réacteurs à eau légère de technologie étrangère, en particulier russe, américaine ou française. La Corée du Sud et le Japon ambitionnent également de se placer sur le marché indien.

En ce qui concerne les importations, les autorités indiennes souhaitent diversifier leurs approvisionnements en pétrole et gaz et développent à cet effet leurs échanges diplomatiques et économiques avec les pays africains (1/5 e du pétrole brut importé provient des pays suivants : Nigeria, Angola, Algérie, Égypte, Cameroun, Guinée Équatoriale et Soudan).

3. Une présence significative des groupes français dans le secteur énergétique indien

Dans le secteur pétrolier, Technip dispose de trois filiales qui emploient un effectif d'ingénierie d'environ 1 500 personnes. IFP Energies nouvelles est présente dans le secteur du raffinage et de l'exploration avec notamment sa filiale Axens (licences pour système de catalyse vendues à une centaine d'unités de raffinage locales). CGG Véritas réalise des campagnes sismiques pour l'exploration pétrolière.

Dans le secteur gazier, Total détient depuis avril 2005 une participation de 26 % dans le terminal d'importation de gaz naturel liquéfié (GNL) d'Hazira, initialement développé par Shell (74 %). Total est également associé à 50 % au plus grand terminal d'importation et de stockage de GPL.

GDF Suez participe à hauteur de 10 % dans le consortium Petronet, qui exploite le terminal de regazéification de GNL de Dahej (capacité de 12 Mt/an) et construit un nouveau terminal à Kochi (5Mt/an). L'entreprise réalise actuellement des études de faisabilité pour un projet de terminal méthanier flottant, sur la côte est de l'Inde (3,5 Mt/an), en partenariat avec Andhra Pradesh Gas Distribution Corporation. Enfin, Tractebel Engineering est active dans les domaines de l'ingénierie de la transmission et de la distribution de gaz (gazoducs, gaz urbain, stations de gaz naturel comprimé, terminaux de GNL) et de l'énergie thermique.

4. Une prédominance des énergies fossiles dans le mix énergétique
a) Le charbon domine malgré un développement inégal des énergies renouvelables

Actuellement, la production électrique indienne provient de centrales thermiques à hauteur de 65 % ( 52 % charbon , 10 % gaz, et 0,8 % diesel), de centrales hydrauliques pour 22 %, d'énergies renouvelables pour un peu moins de 10 % et d'énergie nucléaire à hauteur d'environ 3 %.

Les énergies renouvelables ont connu une croissance rapide depuis le début des années 2000, la capacité installée ayant été multipliée par 5 depuis 2002, pour atteindre 25,4 GW aujourd'hui (+ 17 GW au cours du XI e plan quinquennal, 2007-2012). Le secteur renouvelable représente 12 % de la capacité électrique installée, voire 34 % si l'on y ajoute la grande hydroélectricité, qui n'est pas considérée comme énergie renouvelable par la législation indienne.

Les secteurs de l'éolien, de la biomasse et la petite hydroélectricité ont bénéficié d'une attention politique plus ancienne. L'éolien a d'abord attiré les investisseurs à la recherche d'exemptions fiscales, au détriment de la production (technologies à faibles rendements), puis la filière a évolué grâce à l'introduction de subventions proportionnelles à l'électricité produite (Generation Based Incentives) et l'incorporation de technologies récentes étrangères. Elle représente désormais la principale source d'énergie renouvelable (17 GW, soit environ 70 %, ce qui place l'Inde au 5 e rang mondial en terme de capacité installée). La petite hydroélectricité (installations inférieures à 25 MW) représente 3,4 GW (soit 14 % de la capacité installée d'origine renouvelable) et la biomasse 3,3 GW (13 %). Ce développement s'est accompagné d'une baisse progressive des coûts de production, désormais inférieurs à 5 INR/KWh (les coûts de l'énergie thermique à base de charbon sont de l'ordre de 3,1 INR/kWh).

Le solaire est encore peu développé (1 GW, soit 4 %), principalement à cause de son coût, mais la progression est rapide. Cette technologie bénéficie en effet d'un soutien public significatif à travers la Mission Solaire nationale (Jawaharlal Nehru National Solar Mission) qui vise l'installation de 20 GW d'origine solaire d'ici 2022 et attribue, par enchères inversées, des concessions de rachat à prix fixe sur 20 ans. De plus, la chute du prix des cellules photovoltaïques (baisse du coût du silicium et surcapacités de production à l'échelle mondiale), constatée depuis 2011, rend la filière photovoltaïque particulièrement attractive.

b) Une question environnementale aiguë malgré la priorité donnée au développement

Les enjeux environnementaux sont aigus en Inde et difficiles à gérer ; le poids démographique, l'industrialisation et le développement des infrastructures indispensables au rattrapage économique, la nécessité d'assurer la sécurité alimentaire pèsent sur les ressources du pays et rendent complexes les opérations de reconquête de la qualité de l'air, des eaux et des sols.

Les autorités indiennes ont conscience des enjeux du changement climatique, mais accordent la priorité à celui, plus immédiat, de la pénurie d'énergie. Ce pays fait des efforts pour réduire ses émissions au niveau national mais n'entend pas prendre d'engagement contraignant qu'elle ne pourrait tenir.

L'Inde est l'un des États les plus vulnérables au changement climatique au monde. Cette vulnérabilité vient en premier lieu de la dépendance de l'économie indienne vis-à-vis des moussons (2 emplois sur 3 en Inde sont liés directement ou indirectement à la situation du secteur agricole). Ensuite, ce pays-continent a les côtes les plus longues au monde (entre 250 millions et 300 millions de personnes y vivent). Par ailleurs, la fonte des glaciers de l'Himalaya aura un impact direct sur les ressources en eaux de centaines de millions de personnes vivant dans la plaine du Gange, avec également des conséquences pour la sécurité alimentaire du pays. Enfin, l'économie indienne est très dépendante de l'extraction de ressources naturelles de son sol. Les principales zones minières se situant dans des zones de forêts denses, cela pose un problème en matière de développement des émissions de gaz à effet de serre mais aussi de préservation de la biodiversité.

Les autorités indiennes et l'opinion publique ont conscience des dangers liés au changement climatique pour ce pays. Selon une étude de la Yale Foundation intitulée "le changement climatique et l'état d'esprit indien" (nov-déc 2011), 72 % des Indiens estiment que le changement climatique est réel, 61 % qu'ils sont personnellement affectés et 38 % que l'Inde devrait réduire ses émissions indépendamment des engagements des autres pays.

Compte tenu de sa croissance élevée depuis 10 ans, l'Inde est devenue le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre en volume , derrière les Etats-Unis et la Chine, devant la Russie. Toutefois, une fois les émissions rapportées à son immense population, elle se trouve au niveau d'un pays africain.

Malgré tout, l'Inde fait des efforts de réduction des gaz à effet de serre au plan national. L'Inde s'est engagée en 2008 à réduire ses émissions par unité de PIB de 25 % par rapport à 2005. Le pays a également fait la promesse de ne pas dépasser la moyenne des taux d'émission par habitant des pays développés. L'Inde a lancé différentes initiatives pour promouvoir les énergies non carbonées (plan solaire, plan nucléaire) et l'efficacité énergétique. Ces objectifs sont toutefois lents à se développer, en tout cas leur rythme ne suit pas celui de la croissance indienne, même ralentie actuellement.

L'Inde estime que c'est en priorité aux pays développés de faire des efforts de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, compte tenu de leur "responsabilité historique" par rapport au changement climatique. L'Inde est donc satisfaite que le protocole de Kyoto ait pu être prolongé pour une seconde période d'engagement à la Conférence des Parties de Doha en décembre.

La pénurie d'énergie est en effet un enjeu plus immédiat et plus important politiquement. Le développement économique est la priorité du gouvernement (800 millions de personnes sur 1,2 milliard gagnent moins de 2$ par jour). Le manque d'énergie est un problème pour la sécurité alimentaire (60 % des exploitations indiennes sont irriguées grâce au pompage des eaux souterraines; 30 % des récoltes perdues faute de capacité de stockage et de chaîne du froid) et pour la santé humaine (électricité dans les hôpitaux, chaîne du froid pour les vaccins). Les ruptures d'approvisionnement en électricité sont un goulot d'étranglement majeur pour l'économie indienne.

II. UN ACCORD SUR LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DANS LE NUCLÉAIRE CIVIL QUI S'INSCRIT DANS LE CADRE DU PARTENARIAT STRATÉGIQUE FRANCO-INDIEN

A. UN PARTENARIAT STRATÉGIQUE FRANCO-INDIEN RENFORCÉ PAR LA RÉCENTE VISITE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Dès les années 1980, la France a souhaité donner une nouvelle envergure à ses relations avec l'Inde. Ce rapprochement a été concrétisé par le lancement d'un dialogue stratégique en 1998, rehaussé ultérieurement au niveau de partenariat stratégique.

Ce partenariat repose sur des rencontres annuelles de haut niveau et des consultations menées à un rythme semestriel par le Conseiller diplomatique du Président de la République avec le Conseiller à la Sécurité Nationale indien. Il se nourrit de coopérations dans des secteurs structurants pour la relation bilatérale.

Ce partenariat stratégique se déploie selon les axes suivants :

- Coopération nucléaire civile : l'accord bilatéral de coopération pour le développement des usages pacifiques de l'énergie nucléaire, entré en vigueur le 14 janvier 2010, a défini le cadre de notre collaboration dans ce domaine. Deux accords signés le 6 décembre 2010 complètent ses aspects juridiques. Plusieurs projets de coopération en matière de recherche, de sûreté et de formation nucléaires sont en cours de finalisation.

- Coopération de défense : notre coopération dans ce domaine est structurée par un accord de défense signé le 20 février 2006 et un accord de sécurité signé le 25 janvier 2008. Elle repose sur une coopération en matière d'armement (sous-marins Scorpène, avions de combat Mirage 2000 et à l'avenir : Rafale, hélicoptères, missiles, armement terrestre) et sur une coopération militaire consistant notamment en des exercices conjoints.

- Coopération en matière de contre-terrorisme : depuis les attentats de Bombay en 2008, la France et l'Inde ont renforcé leur coopération dans ce domaine. Le contre-terrorisme est désormais un axe essentiel du partenariat stratégique franco-indien, dont il constitue l'un des piliers. Sur le plan politique, le groupe de travail bilatéral conjoint sur le terrorisme a été relancé en 2010 et s'est réuni depuis à deux reprises (à Paris en 2011 et à New Delhi en 2012). Notre coopération, tant sur le plan opérationnel que technique, donne lieu à des échanges dont l'intérêt va croissant. Cette dynamique se poursuit et est rappelée à chaque rencontre entre les autorités des deux pays. La coopération va être étendue à la cyber sécurité et à la lutte contre les trafics de stupéfiants.

- Coopération spatiale : l'accord sur l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques, signé le 30 septembre 2008, a élargi et précisé les domaines de coopération, en mettant notamment l'accent sur l'étude du changement climatique à l'aide de moyens spatiaux d'observation de la Terre, ou le développement de satellites de télécommunications à des fins commerciales. Cet accord a permis la mise au point conjointe des satellites franco-indiens Megha-Tropiques et Saral, mis en orbite respectivement, le 12 octobre 2011 et le 25 février 2013. Le Centre national d'études spatiales et l'Indian Space Research Organisation ont signé une lettre d'intention prévoyant la poursuite de cette coopération fructueuse lors de la visite d'État du Président de la République en Inde les 14 et 15 février 2013.

B. LE NUCLÉAIRE CIVIL, UN PILIER DE LA RELATION FRANCO-INDIENNE

1. Un domaine de coopération un temps entravé à la suite des essais nucléaires indiens de 1974 et 1998

Les essais nucléaires indiens (premier essai nucléaire en 1974, suivi d'autres en 1998) ont entraîné l' interruption de la coopération nucléaire civile avec l'Inde . Ces essais (ainsi que ceux du Pakistan) ont par ailleurs conduit à l'adoption de résolution 1172 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui engage les États membres à s'abstenir de tout transfert susceptible de contribuer aux programmes d'armes de destruction massive de l'Inde ou du Pakistan.

L'Inde perçoit le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) comme étant un instrument discriminant, celle-ci ne pouvant prétendre au statut d'« Etat doté d'armes nucléaires » (défini par ce traité comme les Etats qui ont fait exploser une arme nucléaire avant le 1 er janvier 1967).

Bien que le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) trouve son origine dans une proposition faite en 1965 par l'Inde, ce pays s'est ensuite opposé, en 1996, à la conclusion des négociations au sein de la Conférence du désarmement (CD). L'adoption du TICE n'a ensuite été rendue possible que par le dépôt par l'Australie d'une résolution à l'Assemblée générale des Nations unies (qui prend ses décisions à la majorité, et non pas au consensus comme à la CD), en vue de contourner ce veto.

L'Inde avec le Pakistan et la Corée du Nord sont les trois seuls États de l'annexe 2 dont la ratification est nécessaire pour l'entrée en vigueur du traité à ne pas l'avoir signé. Pour mémoire, 5 autres États de l'annexe 2 dont les États-Unis l'ont signé mais pas encore ratifié.

Enfin, bien qu'elle se soit toujours refusée à signer le TICE, l'Inde a déclaré, à l'issue de la campagne de 1998, un moratoire unilatéral sur les essais nucléaires qu'elle a respecté jusqu'à ce jour.

Le groupe des fournisseurs nucléaires a finalement autorisé les transferts à l'Inde à compter de 2008.

Le 6 septembre 2008, le Groupe des Fournisseurs Nucléaires (NSG) a décidé d'exempter l'Inde de l'une des conditions (avoir conclu un accord dit de garanties généralisées avec l'AIEA, en vertu duquel toutes les matières dans toutes les installations du pays doivent être soumises au contrôle de l'Agence) posées par ses règles pour pouvoir bénéficier de transferts de biens nucléaires.

Cette décision a rendu possible le développement de la coopération nucléaire civile avec l'Inde.

Pour bénéficier d'une telle exemption, l'Inde a dû prendre des engagements en matière de non-prolifération, notamment :

- la séparation de ses cycles civil et militaire, dans le cadre d'un plan présenté à l'AIEA ;

- la conclusion d'un nouvel accord de garanties avec l'Agence qui conduira à mettre sous garanties un nombre croissant d'installations ;

- l'engagement de conclure un protocole additionnel ;

- l'engagement de s'abstenir de tout transfert des technologies les plus sensibles du cycle (enrichissement et retraitement) vers des pays qui ne les détiennent pas ou sont susceptibles de contribuer à la prolifération ;

- le renforcement de son régime national de contrôle des exportations de matières et équipements nucléaires, en harmonisant ses listes avec celles du NSG ;

- l'engagement de maintenir son moratoire unilatéral sur les essais.

Conformément aux dispositions de son plan de séparation , l'Inde a désigné effectivement des installations exclusivement civiles pour l'application des garanties par l'Agence . Elle devrait en désigner d'autres.

Le protocole additionnel conclu par l'Inde n'est pas encore entré en vigueur mais sa ratification est imminente.

Ces engagements contribuent à rapprocher l'Inde du régime actuel de non-prolifération, sans pour autant contraindre ce pays à rejoindre le TNP, ce qui nécessiterait l'abandon de tout programme nucléaire militaire.

Depuis l'adoption de l'exemption indienne, outre la France, plusieurs États ont conclu des accords de coopération nucléaire avec l'Inde : tel est notamment le cas des États-Unis, en octobre 2008, du Royaume-Uni, en janvier 2010, de la Russie, en mars 2010, et du Canada, en juin 2010.

2. Un axe désormais fort de la relation franco-indienne

Le 30 septembre 2008, la France a signé avec l'Inde un Accord-cadre de coopération pour le développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire 2 ( * ) .

Entré en vigueur le 14 janvier 2010, cet accord stipule que les parties coopèrent dans le domaine de l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques et non explosives et que la coopération :

- peut prendre notamment les formes suivantes (article I er ): transfert de technologies à l'échelle industrielle ou commerciale, échange et formation de personnel scientifique et technique, échange d'informations scientifiques et techniques, participation de personnel scientifique et technique de l'une des Parties à des activités de recherche et de développement menées par l'autre partie, conduite en commun d'activités de recherche et ingénierie, etc.

- est mise en oeuvre soit par des accords spécifiques pour préciser les programmes scientifiques et techniques et les modalités des échanges scientifiques et techniques, soit par des protocoles d'accords ou contrats pour les réalisations industrielles, la fourniture de matières, matières nucléaires, services, équipements, la mise en place d'installations et les questions de localisation et de transferts de technologies .

Rappelons que les coopérations nucléaires qu'entretient la France avec l'Inde sont limitées au seul domaine civil.

3. Les entreprises et organismes français concernées par l'accord sur le nucléaire civil

ORGANISMES ET ENTREPRISES FRANÇAIS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE CONCERNÉS PAR L'APPLICATION DU PRÉSENT ACCORD :

Organismes :

Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

GANIL (GIE laboratoire commun CEA/CNRS)

Autorité de sûreté nucléaire française (ASN)

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Agence française nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA)

Entreprises :

AREVA

Alstom

EDF

ONET Technologies

Ainsi que leurs sous-traitants (plus d'une centaine d'entreprises).

AREVA et Alstom sont en discussion avec l'électricien nucléaire indien NPCIL pour la fourniture, sur le site de Jaitapur, de 2 (puis éventuellement 4 autres) réacteurs EPR et du combustible associé (projet Jaitapur). Les négociations commerciales pour la construction de deux réacteurs EPR se poursuivent, elles portent principalement sur le coût du projet et sur son financement.

La visite en Inde en février 2013 du Président de la République a permis d'une part, de réaffirmer la volonté des deux pays de mener à son terme le projet Jaitapur , et d'autre part, de convenir dans cet objectif d'une feuille de route pour la conclusion des négociations entre AREVA et NPCIL.

Par ailleurs, le CEA et le Département à l'Energie atomique (DAE - département ministériel indien, directement placé sous l'autorité du Premier ministre) ont signé le 25 janvier 2008, durant la visite d'Etat en Inde du précédent Président de la République, un accord sur la participation de l'Inde au projet de réacteur de recherche Jules Horowitz , en construction à Cadarache. Le Bhabha Atomic Research Centre (BARC) et le Tata Institute for Fundamental Research (TIFR) ont signé le même jour avec le GIE GANIL (laboratoire commun CEA/CNRS) un accord de participation au projet SPIRAL2 , à Caen (accélérateur d'ions lourds).

Les différents accords en matière de nucléaire civil

Outre les deux accords intergouvernementaux sur la protection de la propriété intellectuelle et sur la protection du caractère confidentiel des données techniques et informations relatives à la coopération nucléaire civile, les accords suivants ont été signés durant la visite de travail en Inde du précédent Président de la République, du 4 au 7 décembre 2010 :

- Accord commercial entre AREVA et NPCIL « EPR Jaitapur - General Framework Agreement » pour la fourniture de 2 EPR et de combustible sur le site de Jaitapur au Sud de Bombay.

- Accord commercial entre AREVA et NPCIL « EPR Jaitapur - Early Works Agreement » pour les travaux préparatoires à la construction des réacteurs EPR sur le site de Jaitapur.

- Accord de coopération entre le CEA et le DAE qui couvre l'ensemble des coopérations de recherche et développement dans le domaine nucléaire.

- Lettre d'intention entre le CEA et le DAE sur le projet de « Centre Global de Partenariat en matière d'Energie Nucléaire » (Programme de coopération multilatérale en matière de sécurité nucléaire).

- Arrangement entre l'ASN et l'Atomic Energy Regulatory Board (AERB) portant sur les échanges d'informations techniques et la coopération en matière de réglementation liée à la sûreté nucléaire et à la radioprotection.

- Accord de coopération entre l'IRSN et l'Atomic Energy Regulatory Board (AERB) en matière de sûreté des réacteurs nucléaires (aspects techniques par opposition aux aspects règlementaires couverts par l'accord ci-dessus entre l'ASN et l'AERB).

- Accord d'application entre le CEA et le Homi Bhabha National Institute du DAE, sur les thèses en cotutelle (organisation d'échanges croisés d'étudiants doctorants).

- Protocole d'accord entre l'ANDRA et le Baba Atomic Research Center (BARC) en matière de gestion des déchets radioactifs (échange de retours d'expériences).

Par ailleurs, le groupe Alstom a conclu en mars 2011 avec l'équipementier indien Bharat Heavy Electricals Limited - BHEL - et l'électricien nucléaire Nuclear Power Corporation India Limited - NPCIL , un contrat officialisant la création d'une entreprise commune (Joint Venture) en vue de la fourniture de turbines pour deux réacteurs nucléaires de 700 MWe de type PHWR. Enfin, une joint venture a été créée en avril 2011 entre le groupe français ONET Technologies et le groupe indien PCI Ltd, en vue de la fourniture, à l'industrie indienne, de services dans le domaine nucléaire.

AREVA a par ailleurs signé avec la société Reliance un contrat pour la construction d'une centrale énergie solaire à concentration (CSP /125 MW). Cette centrale est en cours de construction dans le Rajasthan.

Ne disposant d'aucune expérience dans la construction de réacteur à eau légère, les Indiens ont souhaité bénéficier de l'expérience de l'électricien français EDF sur l'EPR. Des discussions techniques ont été engagées.

En matière de sûreté nucléaire , les liens entre les deux autorités de sûreté nucléaire et leurs appuis techniques respectifs ont connu nouvel essor après l'accident de Fukushima. Les échanges sont nombreux entre le BARC indien et l'ANDRA.

III. DES DISPOSITIONS ATTENDUES MAIS QUI NE RÈGLERONT PAS L'ENSEMBLE DES QUESTIONS EN SUSPENS

A. UN ACCORD RENDU NÉCESSAIRE PAR LA CONCEPTION INDIENNE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE EN MATIÈRE NUCLÉAIRE

La nécessité d'un accord spécifique sur les aspects de propriété intellectuelle s'explique par la conception particulière de la protection de la propriété intellectuelle par l'Inde.

En effet, la législation indienne interdit la délivrance, en Inde, de brevets portant sur l'énergie nucléaire et requiert l'obtention de l'accord du gouvernement fédéral pour pouvoir déposer à l'étranger les résultats issus de recherches effectuées en Inde en matière de nucléaire.

L'approche indienne en matière de propriété intellectuelle

L'Inde est partie aux accords multilatéraux relatifs à la protection de la propriété intellectuelle, conclus dans le cadre de l'OMPI et de l'OMC (accord sur les ADPIC). Elle n'a toutefois pas la même interprétation des règles internationales en excluant les inventions du nucléaire civil du champ de la brevetabilité.

Un des sujets les plus débattus par les négociateurs de l'Accord sur les ADPIC a été l'étendue des exceptions à la règle selon laquelle les inventions répondant aux conditions prévues à l'article 27-1 doivent être brevetables. L'Accord admet trois exceptions explicites aux règles de base de la brevetabilité : 1) inventions contraires à l'ordre public ou la moralité (y compris atteinte à la santé et à l'environnement) ;
2) méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales pour le traitement des hommes et des animaux ; 3) végétaux et animaux autres que les micro-organismes.

Toutefois, certaines exceptions n'ont pas été mentionnées expressément car elles résultaient d'autres dispositions de l'Accord. Tel est le cas de l'exclusion des « théories scientifiques, méthodes mathématiques, découvertes et matières [existant déjà] trouvées sous la même forme dans la nature », dont il était jugé qu'elle résultait déjà des critères fondamentaux régissant la brevetabilité prévus à l'article 27-1 (OMC, WT/CTE/W/8 du 8 juin 1995, § 93).

L'Inde considère qu'il en est de même de l'exclusion des inventions touchant les matières nucléaires ou fissibles, dont il était admis qu'elle était déjà couverte par les dispositions de l'article 73 relatives aux « exceptions concernant la sécurité » (WT/CTE/W/8, préc., § 93).

L'Inde utilise ainsi ces exceptions relatives à la sécurité pour justifier l'interdiction de délivrance de brevets sur l'énergie nucléaire, position qu'elle a soutenue par exemple dans le cadre de l'OMPI.

Ainsi, la loi indienne, au regard de la combinaison de la section 20 de l'Atomic Energy Act de 1962 et du Chapitre II section IV de l'Indian Patent Act de 1970, interdit la délivrance en Inde de brevets portant sur l'énergie nucléaire.

En effet, l'Atomic Energy Act énumère dans la section 20.1 les sujets qui sont exclus de la brevetabilité du fait de leur relation avec l'énergie nucléaire. Quant au Chapitre II.IV de l'Indian Patent Act, il dispose qu'aucun brevet ne peut être délivré pour une invention traitant d'énergie nucléaire et tombant dans la section 20.1 de l'Indian Atomic Energy Act.

En outre, l'obtention préalable du gouvernement fédéral est requise pour pouvoir déposer à l'étranger les résultats issus de recherches effectuées en Inde en matière nucléaire, obligation précisée section 20.5 de l'Indian Atomic Energy Act.

Ces dispositions de la loi indienne résultent de modifications apportées en 2005 pour répondre au refus de levée d'embargo sur certaines matières. A ce stade, l'Inde refuse de modifier les dispositions de la loi sur la propriété intellectuelle tant que l'embargo n'est pas levé.

Dans ce contexte, le Gouvernement fait valoir qu'il fallait distinguer entre l'objectif idéal qui consistait à obtenir une modification ou dérogation de la loi indienne pour pouvoir déposer un brevet sur le nucléaire en Inde (l'obtention d'une telle modification via un traité étant très improbable) et l'objectif intermédiaire, acceptable pour les acteurs français du nucléaire civil, qui visait à obtenir l'engagement a priori du gouvernement indien qu'il ne s'opposera pas à la protection à l'étranger des résultats de recherche issus d'une coopération franco-indienne .

Cette seconde option est l'objet de l'accord soumis à votre commission.

Ainsi, après la signature de l'Accord cadre le 30 septembre 2008, des négociations ont été engagées avec le Gouvernement de la République de l'Inde en septembre 2009. Le texte soumis aux autorités indiennes avait été préparé en concertation avec les ministères concernés et les acteurs français du nucléaire civil, qui ont été consultés tout au long de la négociation.

Suite à la proposition de la France envoyée à la partie indienne en septembre 2009, le texte a été finalisé et été présenté à la signature le 6 décembre 2010 à New Delhi.

Cet accord permet notamment d'obtenir l'engagement a priori du gouvernement indien qu'il ne s'opposera pas à la protection à l'étranger des résultats de recherches issus d'une coopération franco-indienne. Tel était l'un des principaux objectifs recherchés par les acteurs français du nucléaire civil (CEA, industriels), étroitement associés à cette négociation.

B. UN ACCORD QUI VISE À MIEUX PROTÉGER LES DROITS DES ENTREPRISES FRANÇAISES

a) Des intérêts mieux protégés grâce à cet accord

Si la ratification du présent accord n'est pas un préalable à la conclusion des négociations commerciales, elle constituera néanmoins un signal fort envoyé à la partie indienne de la volonté de la France d'approfondir sa coopération nucléaire civile avec l'Inde et de dépasser les difficultés techniques du moment.

Bien qu'il soit difficile de prévoir aujourd'hui les répercussions de cet accord sur les accords spécifiques, protocoles d'accords ou contrats qui seront négociés par les acteurs français du nucléaire civil, celui-ci doit contribuer à une meilleure valorisation de la propriété intellectuelle préexistante (Connaissances Propres dans l'accord) et la propriété intellectuelle qui résultera de la coopération avec la partie indienne (Résultats Communs).

Dans la mesure où les acteurs français du nucléaire civil disposent de droits préexistants, ils doivent pouvoir négocier leur utilisation dans le cadre de la coopération, voire la monnayer le cas échéant.

Ils doivent également pouvoir obtenir tout ou partie des droits attachés aux Résultats Communs, à mesure de leur contribution à la coopération. La rédaction de l'article 2 doit en effet permettre que le gouvernement indien ne s'oppose pas à la protection à l'étranger des résultats de recherche issus d'une coopération franco-indienne.

b) Les dispositions de l'accord

L'accord définit à l' article 1 er les principales notions, termes de l'art, utilisées dans le reste de l'accord : propriété intellectuelle, accord d'application, participant, résultats communs, connaissances propres, exploitation.

Il rappelle, en son article 2 , l'importance de principe d'assurer une protection adéquate de la propriété intellectuelle et pose l'engagement, a priori, du gouvernement indien de ne pas s'opposer à la protection des Résultats Communs dans les pays autorisant la protection.

Il prévoit les modalités d'utilisation des informations propriétaires antérieures à la coopération, dont chaque participant reste propriétaire et dont il peut en conférer l'utilisation à l'autre dans le cadre de la coopération ( article 3 ). L'importance de prévoir une protection des données confidentielles est rappelée ( article 4 ) en échos au 2 e considérant faisant lui-même référence à l'accord signé le même jour sur la protection des données confidentielles.

Il encadre l'utilisation publique des informations propriétaires préexistantes ou résultant de la coopération ( article 5 ) : elle doit faire l'objet d'un accord préalable entre les parties et tenir compte des contraintes liées à l'obtention de la protection par brevet (la divulgation au public ne doit pas intervenir avant qu'une demande de brevet soit déposée, au risque que l'invention ne soit plus considéré comme nouvelle). Enfin, il fixe les grandes lignes de la protection, de la répartition et de l'utilisation des fruits de la coopération, dits Résultats Communs ( articles 6 et 7 ).

C. LA QUESTION DE LA RESPONSABILITÉ DES FOURNISSEURS EST CEPENDANT TOUJOURS PENDANTE

Le Parlement indien a voté en 2010 une loi (dite loi RCN) sur la responsabilité civile nucléaire , que les autorités indiennes estiment conforme aux règles internationales et en particulier à la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires, mais qui n'est pas sans soulever des inquiétudes de la part des acteurs français et internationaux, qui considèrent qu'elle diverge des principes établis par les conventions internationales en particulier en ne prévoyant pas de canalisation de la responsabilité sur l'exploitant. Elle fait en conséquence peser sur les fournisseurs des risques élevés de voir leur responsabilité engagée.

L'Inde n'est actuellement partie à aucun instrument international en matière de responsabilité civile nucléaire. Elle a, certes, signé la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires (CRC), mais cette dernière n'est actuellement pas en vigueur et l'Inde ne l'a, en tout état de cause, pas encore ratifiée. Alors qu'aucun régime spécifique ne gouvernait la réparation des dommages en cas d'accident nucléaire, le 11 novembre 2011 est entrée en vigueur la loi en matière de responsabilité civile nucléaire, adoptée par le Parlement indien en août 2010 (« Civil Liability for Nuclear Damage Act, 2010 »). Un décret d'application 3 ( * ) de cette loi (« Civil Liability for Nuclear Damage Rules », 2011) a été approuvé par la première Chambre indienne fin décembre 2012, après la fin de la procédure de silence.

Cette législation s'explique par l'émoi légitime soulevé en Inde par la catastrophe de Bhopal.

La catastrophe de Bhopal

Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, une fuite toxique de l'usine de pesticides "Union Carbide India Limited" (filiale d'un groupe chimique américain) à Bhopal a provoqué la mort de 4 000 personnes dans l'immédiat, 10 000 dans les 72 heures qui suivent et 25 000 par la suite.

Si certaines mesures d'urgence ont été prises dans les heures qui ont suivi l'accident aucune entreprise de dépollution n'a vraiment eu lieu et, 25 ans plus tard, les déchets toxiques continuent d'affecter la population.

A l'issue d'un procès de 23 ans, la Cour de Bhopal a jugé coupables de "négligence ayant entrainé la mort" et condamné à des peines de prison allant jusqu'à 2 ans fermes, 8 anciens responsables d'UCIL.

La légèreté de ce verdict et l'absence du PDG de la maison mère, l'américain Warren Anderson, déclaré en fuite, ont indigné la presse et la société civile.

Les critiques sont dirigées vers les autorités jugées complices et accusées d'être incapables de défendre les intérêts de sa population.

Le verdict de Bhopal est intervenu juste avant le débat au parlement sur le projet de loi relatif à la responsabilité civile nucléaire.

En l'état actuel, même si le dispositif indien s'inspire largement des conventions internationales en vigueur dans ce domaine, il s'en écarte de façon notable sur certains points. En particulier, il déroge au principe de canalisation exclusive de la responsabilité sur l'exploitant, et de limitation du droit de recours contre le fournisseur. Il crée ainsi un risque élevé d'engagement de la responsabilité des fournisseurs et dans des conditions difficilement maîtrisables.

En effet, à sa section 17 , la loi RCN institue un droit de recours de l'exploitant en cas d'accident nucléaire d'une part si le contrat prévoit expressément ce recours, d'autre part en cas de faute intentionnelle, contre la personne physique auteur de cette faute, conformément à ce qui est prévu par les conventions internationales en vigueur. Mais elle ajoute une hypothèse supplémentaire aux conditions de recours, dans les cas où un accident résulte des conséquences d'un acte d'un fournisseur ou de ses employés, incluant la fourniture d'équipements ou de matériel présentant des défauts manifestes ou cachés, ou de services de qualité inférieure aux normes requises. Or, cette nouvelle hypothèse contredit le principe de canalisation de la responsabilité sur l'exploitant puisqu'elle permet à celui-ci d'engager la responsabilité du fournisseur, indépendamment de l'existence ou non d'un accord contractuel entre les deux parties ou d'une faute intentionnelle de ce dernier.

Le décret d'application entré en vigueur en décembre 2012 ne donne pas d'explications qui permettraient d'encadrer de façon plus précise ce droit de recours, notamment afin de déterminer s`il est possible d'y déroger par contrat ou d'en limiter l'application en montant et dans le temps.

Par ailleurs, la section 46 de la loi RCN, en prévoyant que celle-ci s'ajoute aux autres législations nationales sans y déroger, semble permettre à toute victime d'exercer un recours sur le fondement de toute autre législation indienne en vigueur. Ainsi, on peut supposer que le régime de droit commun de la responsabilité civile (ou de la responsabilité environnementale) pourrait concurremment être invoqué par les victimes, soit directement à l'encontre d'un fournisseur, soit à l'encontre de l'exploitant sans exclure que celui-ci puisse se retourner contre le fournisseur.

Enfin, les différentes analyses conduisent à considérer que les solutions qui pourraient in fine être retenues par un juge indien n'apparaissent pas clairement aujourd'hui, celui-ci pouvant écarter certaines interprétations des textes ou même certaines dispositions, notamment contractuelles, au motif de la préservation de l'ordre public. Il en serait de même s'agissant de l'application de la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires si l'Inde, qui l'a signée, venait à la ratifier comme elle l'a annoncé.

Dans ce contexte, des discussions sont menées avec les autorités indiennes, en vue d'identifier les moyens susceptibles d'assurer une sécurité juridique maximum de nos coopérations scientifiques et industrielles à venir, dans le cadre du respect de la loi indienne.

Interrogé sur ce point par votre commission, le Gouvernement a répondu que des discussions étaient actuellement menées avec les autorités indiennes, « en vue de parvenir à une compréhension partagée de la loi indienne sur la responsabilité civile nucléaire », et d'identifier dans le cadre de cette loi « les options envisageables » permettant de garantir une sécurité juridique appropriée pour les coopérations scientifiques et industrielles à venir. Le Gouvernement précise que : « si cela est jugé in fine nécessaire, un accord spécifique pourrait être négocié au titre de l'article VIII de l'accord- cadre. ».

CONCLUSION

Le présent accord vient donc compléter très utilement l'accord-cadre de septembre 2008. Il garantit aux participants français à des programmes de recherches menés en coopération avec l'Inde la possibilité d'obtenir la protection, hors d'Inde, des résultats obtenus, et fixe les principes de partage des connaissances propres et d'utilisation des résultats communs, dans le respect des principes du droit français et du droit international. Les accords d'application qui régiront les différentes collaborations franco-indiennes devront être conformes à ce cadre.

L'entrée en vigueur de cet accord permettra donc aux organismes des deux pays d'approfondir leurs travaux communs. Jusqu'ici, les coopérations étaient limitées à des thèmes qui n'étaient pas susceptibles de créer de la propriété intellectuelle, faute de garanties sur sa protection. Cette hypothèque désormais levée, l'accord-cadre conclu entre le CEA et le DAE pourra entrer en vigueur, et de nouveaux accords d'application pourront être signés.

L'entrée en vigueur de l'accord n'étant pas conditionnée à l'achèvement d'une procédure parlementaire côté indien, elle dépend uniquement de l'approbation du gouvernement français.

Votre commission est favorable à ce que le Sénat autorise celle-ci en adoptant le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 2 avril 2013 sous la présidence de M. Jean-Louis Carrère, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du présent projet de loi.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (abstentions de Mme Leïla Aichi et de Mme Kalliopi Ango Ela) et proposé son examen sous forme simplifiée en séance publique.


* 1 Selon l'enquête réalisée par le SER en 2011

* 2 Le Gouvernement a été autorisé à le ratifier par la loi n° 2009-1492 du 4 décembre 2009.

* 3 Les procédures parlementaires soumettent les décrets à un processus d'approbation par les deux Chambres. Ce processus, d'une durée de 30 jours, peut aboutir au maintien en l'état des décrets ou à leur amendement.

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