EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Entamée le 28 novembre 2012, la réforme des modes de scrutin pour la constitution des assemblées délibérantes des communes, intercommunalités et départements parvient à son terme parlementaire.

Après son adoption par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, le 10 avril dernier, le Sénat doit, à son tour, se prononcer, pour la troisième fois, sur le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et portant modification du calendrier électoral, après l'échec de la commission mixte paritaire, réunie le 2 avril 2013, à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion entre les deux assemblées. Parallèlement, les membres de la commission mixte se sont accordés sur le projet de loi organique.

Le Sénat -faut-il le rappeler ?- n'est pas parvenu à réunir une majorité sur le nouveau mode de scrutin binominal proposé pour les élections départementales à partir de 2015. C'est pourquoi, à deux reprises, il a rejeté le texte proposé par votre commission des lois pour l'article 2 du projet de loi. Cette opposition a même conduit la Haute assemblée à rejeter l'ensemble du projet en première lecture puis à l'adopter en deuxième lecture, amputé du dispositif réformant le scrutin cantonal.

Le Sénat est à nouveau appelé à débattre, la dernière fois peut-être. En effet, à l'issue de cette nouvelle lecture par notre Haute Assemblée, le Gouvernement pourra, s'il le souhaite, conformément au dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution, demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement. Dans ce cas, cette dernière ne pourrait adopter que le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat.

Les objectifs du présent projet de loi sont désormais bien connus.


La rénovation du régime électoral des assemblées départementales

Le premier vise à moderniser le mode de scrutin cantonal . Aujourd'hui élus au scrutin majoritaire à deux tours, les conseillers généraux, qui deviendront, à compter de mars 2015, date des prochaines élections cantonales, des conseillers départementaux ; ils seraient élus au scrutin binominal à deux tours. Ainsi, les électeurs éliraient un binôme de candidats, un homme et une femme, qui seraient solidaires pendant les opérations électorales et la phase contentieuse, puis exerceraient leur mandat, pour une durée de six ans, indépendamment de leur colistier. Ce nouveau mode de scrutin vise à assurer la parité au sein des futures assemblées départementales à l'heure où on dénombre seulement 13,5 % d'élues dans les conseils généraux.

Le canton, en tant que circonscription électorale des conseillers départementaux, serait conservé afin de préserver le lien de proximité territoriale existant entre ces élus, leurs électeurs et le territoire qu'ils représentent. Toutefois, afin de maintenir l'effectif historique des conseillers départementaux, le présent projet de loi propose de réduire de moitié le nombre de cantons actuellement existants. Ce remodelage de l'ensemble de la carte cantonale reposerait sur le respect de trois principes - continuité territoriale de chaque canton, inclusion dans un seul canton de toute commune de moins de 3 500 habitants, limitation de l'écart de la population d'un canton à plus ou moins 20 % de la population moyenne des cantons du même département - dégagés par la jurisprudence du Conseil d'État, que seules des exceptions de portée limitée et spécialement justifiées pourraient atténuer au cas par cas.

Si le nouveau mode de scrutin binominal proposé par le présent projet de loi n'est pas parvenu à convaincre une majorité de sénateurs, votre commission des lois observe toutefois que les motifs d'inquiétude qui avaient conduit le Sénat à rejeter le texte ont bénéficié d'une écoute attentive de la part du ministre de l'intérieur. En effet, à la demande du Sénat, le seuil d'accès au second tour des élections départementales , aujourd'hui fixé à 12,5 % , a été maintenu alors que le projet de loi initial proposait de l'abaisser à 10 %, qui était d'ailleurs le seuil en vigueur avant la promulgation de la loi n° 1563-2010 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

Par ailleurs, l'écart entre la population d'un canton et la population moyenne des cantons du même département, fixé à 20 % par le projet de loi dans sa rédaction initiale, a été relevé à 30 %. Cette avancée a été adoptée par l'Assemblée nationale. Toutefois, un amendement du Gouvernement, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, supprime la référence à tout écart de population pour le remplacer par un principe plus général selon lequel le territoire de chaque canton serait défini sur des bases essentiellement démographiques. Cette nouvelle rédaction permet d'écarter tout risque de censure du Conseil constitutionnel.

Enfin, le Sénat, à l'unanimité et à l'initiative de votre rapporteur, avait adopté un amendement visant à élargir les dérogations qui pourraient être apportées aux trois principes encadrant le remodelage de la carte cantonale . Cet amendement précisait que les dérogations intègreraient, outre des motifs d'intérêt général, des considérations démographiques et d'aménagement du territoire. Cet alinéa a été modifié par l'Assemblée nationale pour, d'une part, préciser que les dérogations géographiques tiendraient compte de la superficie, du relief et de l'insularité et, d'autre part, que serait pris en compte le nombre de communes afin d'éviter la constitution de cantons trop étendus. La rédaction aujourd'hui soumise à notre Haute Assemblée a été proposée par le Gouvernement et adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture et reprend, en les clarifiant, l'ensemble des ajouts adoptés par les deux assemblées. Votre commission se félicite de ces avancées qui permettent de prendre en considération les inquiétudes exprimées par de nombreux sénateurs sur la représentation des territoires faiblement peuplés.


Une plus grande diffusion de la parité dans les conseils municipaux

Le projet de loi vise à abaisser à 1 000 habitants le seuil d'application du scrutin municipal proportionnel, aujourd'hui fixé à 3 500 habitants. Plus de 6 550 communes bénéficieraient ainsi de la présence des femmes dans leur assemblée délibérante alors que la constitution d'une majorité de gestion serait facilitée par l'attribution d'une prime majoritaire.

A l'initiative de votre commission et de son rapporteur, le Sénat a retenu la limite démographique proposée en considérant qu'elle constituait un point d'équilibre entre l'objectif assigné à la représentation proportionnelle et la nécessaire prise en compte de la réalité socio-économique des plus petites communes.

Mais en première puis en deuxième lecture, l'Assemblée nationale lui a préféré le seuil de 500 habitants pour une plus grande diffusion de la parité et de la représentation des différentes sensibilités politiques. Cependant, les députés, en nouvelle lecture, ont rejoint la position du Sénat et relevé le déclenchement de la proportionnelle à 1 000 habitants.


• Une plus grande légitimité des élus communautaires

L'article 20 du projet de loi met en oeuvre, pour les communes régies par le scrutin proportionnel, le principe de l'élection au suffrage universel direct dans le cadre de l'élection municipale des membres des organes délibérants des intercommunalités adopté, en 2010, par le législateur.

Le Sénat a modifié les modalités du « fléchage » des candidats à l'intercommunalité sur deux points principaux destinés :

- à assouplir la constitution des listes par un « déstockage » encadré.

Afin de permettre une meilleure répartition des fonctions entre le conseil municipal et le conseil communautaire, les candidats communautaires pourront être désignés au-delà des premiers de la liste municipale à condition, afin de préserver la sincérité du choix des électeurs, qu'ils soient inscrits dans leur totalité dans les trois premiers cinquièmes des candidats à la commune ;

- à individualiser, sur le bulletin de vote, les candidats à l'intercommunalité afin de renforcer la lisibilité du scrutin.

En outre, le Sénat avait tenu compte de l'existence de secteurs municipaux à Lyon et Marseille ainsi que du sectionnement électoral dans les communes de moins de 30 000 habitants pour la répartition des sièges attribués à la commune au sein de l'intercommunalité et le fléchage des candidats.

Ces principes ont été retenus par l'Assemblée nationale en deuxième puis en nouvelle lecture.

Reste le règlement des vacances de siège dans les communes régies par le scrutin majoritaire, qui font l'objet d'un mécanisme différent dans chacune des deux assemblées : le Sénat, poursuivant son souci de favoriser la répartition des fonctions communale et intercommunale a retenu l'ordre du tableau de la municipalité sauf le cas de renoncement exprès au mandat intercommunal, auquel cas le conseil municipal désignerait le remplaçant. L'Assemblée nationale préfère à ce système celui du tableau dans tous les cas mais en différenciant les hypothèses (cessation du seul mandat communautaire ; cessation concomitante du mandat de maire ou d'adjoint) : l'ordre du tableau serait adapté à chacune de ces circonstances.


Des compléments substantiels adoptés par les députés

En première lecture, l'Assemblée nationale a complété le présent projet de loi par diverses mesures qui ne sont pas toutes de nature électorale. Il s'agit notamment de la modification du régime de l'écrêtement indemnitaire, initiée par le Sénat dans d'autres textes parallèlement débattus, et de la double dérogation temporaire aux critères démographiques de création d'une communauté d'agglomération.

Lors de son dernier examen, tout en s'en tenant aux principes qui l'ont guidée tout au long de la navette, votre commission des lois , sur la proposition de son rapporteur, a opéré divers ajustements au texte que lui ont transmis les députés.

Sur la question du scrutin binominal , votre commission a réaffirmé, à l'instar de ce qu'elle avait déjà indiqué en première et en deuxième lecture, que la modernisation du mode de scrutin des futurs conseillers départementaux permettrait à la fois de favoriser la parité dans les assemblées départementales et de mettre fin aux écarts démographiques que connaissent aujourd'hui la grande majorité des conseils généraux, ce qui est contraire au principe constitutionnel d'égal accès aux suffrages.

En revanche, votre commission, à l'initiative de votre rapporteur, a rétabli les dispositions qu'elle avait adoptées en seconde lecture, tendant à élargir le principe selon lequel toute commune de moins de 3 500 habitants ne peut être découpée en plusieurs cantons à toute commune dont la population serait inférieure au dixième de la population moyenne des cantons. Cette disposition permet de prendre en compte les spécificités démographiques des départements les plus peuplés.

Pour le volet communal , la commission a maintenu le régime en vigueur des sections électorales ainsi que l'effectif présent des conseils municipaux.

Puis elle a rectifié les modalités du fléchage des conseillers communautaires , appellation finalement retenue par les députés et à la détermination de laquelle auront contribué les deux assemblées au fil de la navette.

D'une part, la commission a maintenu le régime assoupli des vacances de siège dans les communes de moins de 1 000 habitants, adopté par le Sénat en deuxième lecture. D'autre part, elle a procédé à une coordination dans le collège électoral sénatorial afin de tenir compte de la transformation en communes déléguées des communes associées qui, par le jeu de la répartition des sièges au sein de l'organe délibérant de l'intercommunalité, ne se verraient attribuer aucun siège.

La commission des lois a adopté le projet de loi ainsi rédigé.

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